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23/10/2012 | FRANCE | N°11-13792

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 octobre 2012, 11-13792


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 décembre 2010), que la société Alstom Power Boilers devenue la société Alstom Power Systems a cédé, le 15 mars 2001, un établissement à la Société industrielle énergie (SIE), laquelle a repris les contrats de travail des salariés ; que la SIE a été mise en liquidation judiciaire, le 14 avril 2003, M. X... étant désigné en qualité de mandataire liquidateur ; que l'ensemble des salariés a été licencié par le mandataire liquidateur ; que les syndicats CGT St

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 décembre 2010), que la société Alstom Power Boilers devenue la société Alstom Power Systems a cédé, le 15 mars 2001, un établissement à la Société industrielle énergie (SIE), laquelle a repris les contrats de travail des salariés ; que la SIE a été mise en liquidation judiciaire, le 14 avril 2003, M. X... étant désigné en qualité de mandataire liquidateur ; que l'ensemble des salariés a été licencié par le mandataire liquidateur ; que les syndicats CGT Stein industrie et Métallurgie CFDT de Roubaix-Tourcoing et environs, ainsi que cent cinquante quatre salariés ont saisi le tribunal de grande instance d'une demande dirigée contre M. X..., ès qualités, et contre la société Alstom Power Systems tendant à les voir condamner sous astreinte à remettre à chacun des salariés l'attestation d'exposition à l'amiante prévue par le décret n° 96-98 du 7 février 1996 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le liquidateur judiciaire fait grief à l'arrêt de déclarer les syndicats et salariés (Z... et autres) recevables à agir et de le condamner à remettre sous astreinte à chacun des cent cinquante quatre salariés dont l'action a été déclarée recevable à son encontre une attestation d'exposition à l'amiante conforme à l'article 16 du décret du 7 février 1996, pour la période du 7 février 1996 au jour du licenciement alors, selon le moyen, qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'ajout de l'établissement dans lequel les salariés attachés au fonds de commerce transmis par la société Alstom à la société SI énergie avaient travaillé, à la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, par arrêté ministériel du 1er août 2001, dispensait le liquidateur judiciaire de la société SIE d'établir des documents attestant d'une exposition à l'amiante dont la réalité résultait suffisamment de cet ajout, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et 16 du décret n° 96-98 du 7 février 1996 ;
Mais attendu que l'inscription d'un établissement sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante prévue par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ne dispense pas l'employeur de son obligation, dont l'objet et la finalité ne sont pas les mêmes, qui lui est faite par l'article 16 du décret du 7 février 1996 de remettre au salarié une attestation d'exposition à l'amiante à son départ de l'établissement ; que la cour d'appel, qui a constaté que le liquidateur judiciaire n'avait pas satisfait à cette dernière obligation, a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que le liquidateur judiciaire fait encore grief à l'arrêt de fixer la créance sur la SIE de chacun des salariés déclarés recevables à agir contre elle à une somme de 4 000 euros chacun, soit au total 616 000 euros alors, selon le moyen, que la défense à une action en justice ne peut, sauf circonstances fautives particulières qu'il appartient au juge de spécifier, dégénérer en abus ; qu'en se bornant à relever que l'état du site était connu depuis plus de dix années et que le refus de M X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SI énergie, de remettre des attestations d'exposition aux salariés était « injustifiable », la cour d'appel a statué par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser une faute commise par M. X..., ès qualités, faisant dégénérer en abus son droit de se défendre en justice pour contester l'existence d'une obligation à sa charge de remise aux salariés d'attestations d'exposition à l'amiante ; qu'elle a ainsi violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que, contrairement aux énonciations du moyen, la cour d'appel n'a pas retenu que le liquidateur judiciaire avait abusé de son droit de défendre en justice mais a retenu que son refus de délivrer l'attestation prévue par les dispositions réglementaires était injustifiable et ainsi caractérisé la faute commise ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X..., ès qualités, à payer au syndicat CGT Stein industrie, au syndicat Métallurgie CFDT de Roubaix-Tourcoing et environs et aux cent cinquante quatre salariés la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour M. X..., ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir déclaré les syndicats CGT Stein Industrie et CFDT Métallurgie de Roubaix Tourcoing et 154 salariés (Z... et autres) recevables à agir contre maître X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SI Énergie et d'avoir condamné ce dernier à remettre à chacun des 154 salariés dont l'action a été déclarée recevable à son encontre une attestation d'exposition à l'amiante conforme à l'article 16 du décret du 7 février 1996, pour la période du 7 février 1996 au jour du licenciement, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'action intentée à l'encontre de maître X... soulève un manquement aux obligations du mandataire dans le cadre du licenciement prononcé par lui ; qu'elle repose sur le fait qu'il aurait eu l ‘ obligation, à cette occasion, de délivrer les attestations réclamées par les salariés ; que dans la mesure où la responsabilité de procéder au licenciement lui incombait, celle de délivrer les documents exigibles dans ces circonstances lui incombaient également ; que de même s'il existe un manquement se trouvant à la source d'un préjudice, sa responsabilité peut être recherchée ; que la contamination du site de Lys-lez-Lannoy par l'amiante est attestée par un rapport d'expertise d'avril 2002 qui évoque une situation catastrophique relativement à cette contamination ; que le 14 février 2002, le président directeur général de la société SI Énergie avait été avisé par le directeur de la CRAM de la nécessité d'envisager une décontamination ; que le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Nord a, le 20 février 2002, signifié une mise en demeure de mettre en place, dans un délai de 8 jours, un plan de décontamination du site et des mesures de prévention autorisant la continuation de l'exploitation dans le respect des prescriptions réglementaires ; que les travaux de désamiantage ont été stoppés du fait d'une dissension entre les sociétés Alstom et SI Énergie sur leur financement ; que la liquidation judiciaire de la société SI Énergie est survenue en raison notamment de la cessation d'activité liée à cette contamination ; que le site était contaminé par l'amiante dès avant la reprise de l'entreprise et qu'il est resté contaminé après celle-ci jusqu'à la liquidation judiciaire puisque les travaux de désamiantage n'ont pas été réalisés ; que le rapport d'expertise souligne que les matériaux amiantifères se sont disséminés partout, dans l'atelier, les bureaux, les laboratoires, des poussières s'étant déposées dans tous ces lieux, depuis pratiquement un siècle ; que le fait que l'exploitation des lieux par la société SI Énergie n'ait duré que quelques mois est sans effet au regard des dispositions de l'article 16 du décret du 7 février 1996 qui impose la remise de l'attestation d'exposition au jour où le salarié quitte l'entreprise, faisant ainsi reposer cette obligation sur l'employeur au jour de la rupture de la relation de travail ; que maître X... ne peut s'abriter derrière une impossibilité matérielle ; qu'il lui appartient de recueillir tous les éléments qu'il trouvera dans les archives de la société qu'il représente ou qu'il obtiendra du cédant, de nature à lui permettre de rédiger ces attestations dont l'obligation lui incombe depuis le licenciement, étant observé qu'il s'agit bien de l'attestation de l'exposition de l'article 16 du décret et non de la fiche d'exposition de l'article 31 ; qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré 154 salariés recevables à agir contre maître X..., ès qualités, et en ce qu'il a condamné ce dernier à leur remettre une attestation d'exposition à l'amiante ; qu'en revanche, il y a lieu de le réformer en ce qu'il limite cette attestation à la période du 15 mars 2001 au jour de leur licenciement dans la mesure où l'article 16 du décret du 7 février 1996 impose qu'une telle attestation soit délivrée pour toute la période d'exposition, par l'employeur au moment de la rupture de la relation de travail, même s'il n'a pas été l'employeur durant la totalité de cette période ;
ET AUX MOTIFS PARTIELLEMENT ADOPTES QUE si maître X... a été mis hors de cause dans le cadre de certaines instances devant le tribunal de la sécurité sociale, il apparaît que c'est à raison de la nonreprise par la société SI Énergie du contrat de travail des salariés concernés ; que seul monsieur Y... a été débouté de ses demandes de mise en cause de maître X... dès lors qu'il ne prouvait pas l'exposition à l'amiante pour la période postérieure à mars 2001 ; qu'il n'en reste pas moins qu'en février 202, l'inspection du travail constatant la persistance des situations à risque encourues par les salariés mentionnés dans une précédente mise en demeure d'avril 2001, mettait à nouveau en demeure la société SI Énergie de programmer le plan de décontamination du site ; que dans ces conditions maître X... ne démontre pas que les activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante avaient cessé en mars 2001 ; qu'à cette époque, les travaux de désamiantage avaient commencé mais avaient été suspendus, faute d'accord entre Alstom et société SI Énergie pour la prise en charge de leur coût ; que l'activité liée à l'amiante a persisté jusqu'en début 2003, date du placement en liquidation judiciaire de la société ; qu'il est établi qu'en 2003, maître X... a été mis en demeure de délivrer les attestations d'exposition ; qu'il ne peut se retrancher derrière la carence de la société Alstom pour s'exonérer de cette charge et ce alors qu'ayant procédé aux licenciements, il en avait bien la charge et qu'ayant délivré les certificats de travail, il disposait des éléments nécessaire pour les réaliser ; qu'il convient en conséquence de condamner Alstom à délivrer ces attestations aux salariés concernés pour la période allant du 7 février 1996 au 15 mars 2001 et maître X... de les délivrer pour la période allant du 15 mars 2001 au 31 décembre 2004, date des derniers licenciements des salariés concernés ;
ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 16 in fine et p. 17 in limine), si l'ajout de l'établissement dans lequel les salariés attachés au fonds de commerce transmis par la société Alstom à la société SI Énergie avaient travaillé, à la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, par arrêté ministériel du 1er août 2001, dispensait le liquidateur judiciaire de la société SI Énergie d'établir des documents attestant d'une exposition à l'amiante dont la réalité résultait suffisamment de cet ajout, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et 16 du décret n° 96-98 du 7 février 1996
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la créance sur la société SI Énergie, des 154 salariés déclarés recevables à agir contre elle à une somme de 4. 000 € chacun à titre de dommages et intérêts, soit au total 616. 000 € ;
AUX MOTIFS QUE la résistance, tant de la société Alstom que de maître X..., chacun pour ce qui les concerne, apparaît à l'évidence abusive ; que l'état catastrophique du site est connu depuis près de dix ans et le refus de délivrer l'attestation prévue par les dispositions réglementaires applicables est injustifiable ; qu'il cause aux intéressés un préjudice tant matériel que moral qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 4. 000 € chacun ;
ALORS QUE la défense à une action en justice ne peut, sauf circonstances fautives particulières qu'il appartient au juge de spécifier, dégénérer en abus ; qu'en se bornant à relever que l'état du site était connu depuis plus de dix années et que le refus de maître X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SI Énergie, de remettre des attestations d'exposition aux salariés était « injustifiable », la cour d'appel a statué par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser une faute commise par maître X..., ès qualités, faisant dégénérer en abus son droit de se défendre en justice pour contester l'existence d'une obligation à sa charge de remise aux salariés d'attestations d'exposition à l'amiante ; qu'elle a ainsi violé l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-13792
Date de la décision : 23/10/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de résultat - Applications diverses - Protection des salariés contre les risques liés à l'inhalation de poussière d'amiante - Attestation d'exposition à l'amiante - Remise au salarié - Obligation de l'employeur - Etendue - Détermination - Portée

L'inscription d'un établissement sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante prévue par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ne dispense pas l'employeur de son obligation, dont l'objet et la finalité ne sont pas les mêmes, qui lui est faite par l'article 16 du décret n° 96-98 du 7 février 1996 de remettre au salarié une attestation d'exposition à l'amiante à son départ de l'établissement


Références :

article 16 du décret n° 96-98 du 7 février 1996 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 17 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 oct. 2012, pourvoi n°11-13792, Bull. civ. 2012, V, n° 273
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, V, n° 273

Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Legoux
Rapporteur ?: M. Frouin
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Bénabent, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.13792
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