LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 464 et 562 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société coopérative de Banque populaire (la banque) qui avait fait inscrire des hypothèques sur un bien appartenant à Mme X..., veuve Y..., Mme Amélia Y... et MM. David, Alain et Daniel Y... (les consorts Y...) a engagé une procédure de saisie-immobilière ; qu'un tribunal de grande instance ayant ordonné la mainlevée de la saisie, les consorts Y... ont fait assigner la banque en réclamant que soit ordonnée la mainlevée des inscriptions et en sollicitant qu'il soit sursis à statuer, jusqu'à l'issue d'un procès en cours devant une juridiction monégasque, sur la demande qu'ils formaient également en condamnation de la banque au paiement de la somme de 1 500 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du maintien des inscriptions ; que, par jugement du 16 mai 2008, le tribunal de grande instance de Nice a ordonné la mainlevée des inscriptions avec exécution provisoire et a sursis à statuer sur le surplus des demandes jusqu'à l'issue définitive du procès devant la juridiction monégasque ; que, la banque ayant interjeté appel, un arrêt du 25 octobre 2010 a infirmé le jugement et a débouté les consorts Y... de toutes leurs demandes ; que, soutenant que la cour d'appel n'avait pas été appelée à se prononcer sur la demande en paiement de dommages-intérêts sur laquelle le tribunal avait sursis à statuer, les consorts Y... l'ont saisie d'une requête en retranchement ;
Attendu que, pour rejeter la requête en retranchement, l'arrêt énonce que la demande de réparation du préjudice subi du fait du maintien des inscriptions d'hypothèques était devenue sans objet dès lors qu'il avait été jugé que le maintien de ces inscriptions était fondé, et que, la banque ayant réclamé l'infirmation totale du jugement et le débouté de toutes les demandes formées par les consorts Y..., la cour d'appel n'avait pas jugé au-delà de sa saisine ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle n'avait été saisie, par l'effet dévolutif de l'appel du jugement du 16 mai 2008, que des points tranchés par le tribunal, et qu'elle n'avait pu, dans son arrêt du 25 octobre 2010, évoquer les points non jugés, l'appel n'ayant pas été autorisé de ce chef par le premier président, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Banque populaire de la Côte d'Azur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour MM. Alain et Daniel Y... et Mme Y... épouse Z....
Il est reproché à l'arrêt attaqué statuant sur le fondement des dispositions de l'article 464 du Code de procédure civile d'avoir rejeté une requête en retranchement ;
AUX MOTIFS QUE le Tribunal de grande instance de Nice a été saisi d'une part d'une demande de mainlevée des hypothèques prises au bénéfice de la BPCA en vertu de l'acte reçu par Maître A... les 4 et 9 août 1993 et d'autre part d'une demande de condamnation de la BPCA à payer la somme de 1. 500. 000 € en réparation du préjudice subi par les consorts Y... du fait du maintien par la BPCA de ces inscriptions malgré demandes de mainlevée qui lui avaient été faites ; que dans son jugement du 16 mai 2008, le Tribunal de grande instance de Nice a sur le premier point ordonné la mainlevée des inscriptions et sur le second point ordonné un sursis à statuer ; que l'appel interjeté par la BPCA n'était pas limité ; que dans ses dernières conclusions du 11 août 2010, visées par l'arrêt du 25 octobre 2010, la BPCA demandait à la Cour à la fois un sursis à statuer sur l'ensemble du litige soumis à la Cour et l'infirmation du jugement et le débouté de toutes les demandes des consorts Y... ; que la demande de réparation du préjudice subi du fait du maintien des inscriptions d'hypothèques par la BPCA n'a de sens que si le maintien de ces hypothèques est jugé abusif ; que la Cour dans l'arrêt du 25 octobre 2010 a jugé que le maintien de ces inscriptions était fondé et dès lors la question relative à l'indemnisation d'un préjudice né du maintien de ces inscriptions est devenue sans objet ; que la BPCA ayant demandé l'infirmation totale du jugement et le débouté de toutes les demandes formées par les consorts Y..., la Cour n'a pas jugé au-delà de sa saisine et il n'y a pas lieu de faire à la requête ;
ALORS QUE D'UNE PART la Cour d'appel nonobstant un appel général n'est saisie par l'appelant que des chefs du jugement qu'il critique effectivement dans ses conclusions d'appel et notamment ses dernières conclusions ; qu'il ressort des dernières écritures dites récapitulatives de la Banque signifiées et déposées le 11 août 2010 que celle-ci sollicitait un sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt à rendre par la Cour d'appel de MONACO dans le litige opposant la Banque Populaire Côté d'Azur à la société ARTS ET COULEURS et après avoir visé les articles 2433 et 2488 du Code civil, la Banque demandait à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné « la mainlevée des inscriptions d'hypothèques prises au bénéfice de la Banque Populaire de la Côte d'Azur en vertu d'un accord reçu par Maître A..., notaire, les 4 et 9 août 1993 et s'appliquant à une propriété sise à NICE, ..., cadastrée section L 5 n° 189 pour une contenance de 8a et 62 ca » étant observé qu'il était demandé à la Cour de débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions, en ce sens qu'il était demandé à la Cour de rejeter les demandes des intimés tendant d'une part à voir condamner la BPCA à leur payer la somme de 30. 000 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et une somme de 10. 000 € au titre des frais irrépétibles ; qu'en se contentant de dire nonobstant ces données processuelles incontournables que l'appel était général pour rejeter la demande en ultra petita, la Cour viole les articles 562 et 464 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE D'AUTRE PART et en toute hypothèse en affirmant de son propre mouvement que la réparation du préjudice subi du fait du maintien des inscriptions d'hypothèques par la BPCA n'aurait de sens que si le maintien de ces hypothèques avait été jugé abusif et à partir du moment où la Cour dans son arrêt du 25 octobre 2010 a décidé que ledit maintien était fondé, de sorte que la question relative à l'indemnisation d'un préjudice né du maintien de cette inscription est devenue sans objet, sans avoir sur cette situation ni invoquée par l'appelant, ni a fortiori discuté par les intimés, provoqué un débat contradictoire pour que les parties puissent s'en expliquer, car il y avait une divisibilité entre les demandes ainsi que cela a été clairement mis en relief par les conclusions en réponse des demandeurs à la demande en retranchement, ensemble une absence de dépendance nécessaire, la Cour méconnait les exigences de la défense et partant viole les articles 16 du Code de procédure civile et 6 – 1 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ET ALORS ENFIN QUE seules les parties ont la maitrise de leur demande ; qu'à aucun moment devant la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE lorsqu'elle s'est prononcée au fond le 25 octobre 2010, la Banque Populaire appelante qui dans ses dernières écritures nonobstant un appel général ne sollicitait que l'infirmation du jugement en ce qu'il avait ordonné la mainlevée de l'hypothèque judiciaire et demandait le rejet de la demande indemnitaire pour appel abusif et au titre des frais irrépétibles engagés devant la Cour, n'a fait valoir qu'il importait de dire sans objet la demande indemnitaire à hauteur de 1. 500. 000 € au motif que cette demande serait indivisible ou encore dans la dépendance nécessaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait pour rejeter la demande de retranchement, la Cour viole l'article 464 du Code de procédure civile.