LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article L. 2324-2 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que si le nombre de représentants syndicaux au comité d'entreprise tel qu'il est fixé par la loi peut être augmenté par accord collectif, ni un usage de l'entreprise ni un engagement unilatéral de l'employeur ne peuvent modifier les dispositions légales correspondantes ; qu'il s'ensuit que l'employeur qui décide unilatéralement d'une telle augmentation peut unilatéralement décider de revenir à l'application des textes légaux qui n'ont pas cessé d'être applicables, sous réserve de ne pas méconnaître le principe d'égalité entre tous les syndicats concernés et, pour répondre à l'exigence de loyauté qui s'impose en la matière, de les en informer préalablement ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que le syndicat départemental CFDT de la protection sociale des Alpes-Maritimes a désigné au sein du comité d'entreprise de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes deux représentants syndicaux ; que le syndicat Employés FO de la CPAM des Alpes-Maritimes et le syndicat Cadres FO de la CPAM des Alpes-Maritimes ont désigné chacun un représentant syndical au comité d'entreprise ; que la caisse a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de la désignation du second représentant syndical au comité d'entreprise effectuée par le syndicat CFDT ;
Attendu que, pour accueillir cette demande, le jugement retient que la CFDT n'a pas obtenu d'élus lors des élections au comité d'entreprise dans le collège cadres et ne pouvait donc désigner un représentant syndical cadre au sein du comité d'entreprise contrairement à FO qui avait obtenu des élus dans le collège cadres ; qu'il y a donc pas rupture du principe d'égalité dans la mesure où les deux situations ne sont pas identiques au regard des élections au comité d'entreprise ; que l'employeur a en effet créé une tolérance puisque un seul représentant syndical peut être désigné au comité d'entreprise par les centrales syndicales et les organisations syndicales qui lui sont affiliées ; que si l'on s'en tient à la lettre des textes, FO n'était donc susceptible de désigner qu'un seul représentant syndical ; que toutefois, cette tolérance de l'employeur de nature à créer un usage d'entreprise s'applique aux organisations syndicales qui sont dans la même situation ce qui n'était pas le cas en ce qui concerne FO et la CFDT ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si l'usage antérieur subordonnait la possibilité de désigner un représentant syndical supplémentaire au comité d'entreprise à l'obtention d'élus dans chacun des deux collèges lors des élections au comité d'entreprise et si, dans la négative, l'employeur avait informé préalablement les organisations syndicales de sa décision de remettre en cause cet usage, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 juin 2011, entre les parties, par le tribunal d'instance de Nice ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Grasse ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes à payer au syndicat départemental CFDT de la protection sociale des Alpes-Maritimes la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour le syndicat départemental CFDT de la protection sociale des Alpes-Maritimes
Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR annulé la désignation de Madame Nadia X... par le syndicat départemental CFDT de la protection sociale des Alpes-Maritimes en qualité de représentante syndicale au comité d'entreprise et condamné ce syndicat à verser à la CPAM des Alpes Maritimes la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
AUX MOTIFS QUE l'article L 2324-2 du Code du Travail prévoit que sous réserve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de 300 salariés prévues à l'article L 2143-22, chaque organisation syndicale ayant des élus au comité d'entreprise peut y nommer un représentant ; les élections au Comité d'entreprise de la CPAM des Alpes-Maritimes ont eu lieu le 18 novembre 2010 ; le Syndicat FO a obtenu des élus dans le collège cadres et dans le collège employés ; le syndicat CFDT a obtenu des élus dans le collège employés ainsi que le syndicat CGT ; suite à ces élections, chacun des syndicats a désigné un représentant syndical au sein du comité d'entreprise de l'établissement et en a informé le directeur ; en ce qui concerne FO, le syndicat des cadres a désigné un représentant syndical au Comité entreprise et le Syndicat des employés a désigné également un représentant syndical au Comité d'entreprise ; par courrier du 1er février 2011, le syndicat CFDT a informé le directeur de la CPAM de la désignation de Nadia X... en tant que représentante syndicale cadre de leur organisation syndicale au comité d'entreprise ; la CPAM a déposé une requête en annulation de cette désignation en invoquant les dispositions précitées du Code du travail dans la mesure où le syndicat CFDT avait déjà un représentant syndical au sein du Comité d'entreprise ; la CFDT et les défenderesses en appellent au principe d'égalité des organisations syndicales et se plaignent du caractère discriminatoire de tels procédés ; l'employeur aurait admis la possibilité pour FO de désigner plus d'un représentant au sein du comité d'entreprise et, ce faisant, il a ainsi créé un usage qu'il ne peut dénoncer sans en avoir averti au préalable toutes les organisations syndicales ; les dispositions de l'article L. 2324 - 2 du Code du travail conditionnent la nomination d'un représentant par chaque organisation syndicale au Comité d'Entreprise à l'obtention d'élus au comité d'entreprise ; en ce qui concerne la CFDT, elle n'a pas obtenu d'élus lors des élections au comité d'entreprise dans le collège cadres et ne pouvait donc désigner un représentant syndical cadre au sein du comité d'entreprise contrairement à FO qui avait obtenu des élus dans le collège cadres ; il y a donc pas rupture du principe d'égalité dans la mesure où les deux situations ne sont pas identiques au regard des élections au comité d'entreprise ; l'employeur a en effet créé une tolérance puisque un seul représentant syndical peut être désigné au comité d'entreprise par les centrales syndicales et les organisations syndicales qui lui sont affiliées ; si l'on s'en tient à la lettre des textes, FO n'était donc susceptible de désigner qu'un seul représentant syndical ; toutefois, cette tolérance de l'employeur de nature à créer un usage d'entreprise s'applique aux organisations syndicales qui sont dans la même situation ce qui n'était pas le cas en ce qui concerne FO et la CFDT ; cette dernière en avait d'ailleurs conscience puisqu'elle a procédé en même temps que les autres syndicats le 29 novembre 2010 à la désignation de Dominique Y... en tant que représentant au comité d'entreprise et que ce n'est que le 3 février 2011 qu'elle a désigné Nadia X... ; dans ces conditions, il y a lieu d'annuler la désignation de cette dernière au comité d'entreprise contraire aux dispositions de l'article L 2324-2 du Code du Travail ; la somme de 800 euros sera allouée sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
ALORS d'une part QUE les dispositions de l'article L. 2324 - 2 du Code du travail, qui conditionnent la nomination d'un représentant par chaque organisation syndicale au Comité d'Entreprise à l'obtention d'élus au comité d'entreprise, ne fait pas de distinction entre les collèges ; que le Tribunal a affirmé que la CFDT, qui n'a pas obtenu d'élus lors des élections au comité d'entreprise dans le collège cadres ne pouvait désigner un représentant syndical cadre au sein du comité d'entreprise ; qu'en statuant comme il l'a fait, le Tribunal a violé l'article L. 2324 -2 du Code du travail ;
ALORS d'autre part QUE la CPAM des Alpes Maritimes n'a pas soutenu qu'elle avait accepté ou toléré une dérogation aux dispositions légales pour les centrales syndicales et les organisations syndicales qui lui sont affiliées en leur permettant de désigner un délégué cadre si elles avaient un élu cadre, mais avait uniquement revendiqué l'application des dispositions légales ; que le Tribunal a affirmé que l'employeur avait créé une tolérance puisqu'un seul représentant syndical peut être désigné au comité d'entreprise par les centrales syndicales et les organisations syndicales qui lui sont affiliées ; qu'en statuant comme il l'a fait quand l'employeur ne faisait état d'aucune tolérance pour les centrales syndicales et les organisations syndicales qui lui sont affiliées, le Tribunal a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de Procédure Civile ;
ALORS en tout cas QU'une tolérance ne peut créer une discrimination entre organisations syndicales ; que ne constitue pas une différence de situation permettant de déroger à ce principe l'existence d'élus dans un des collèges ; qu''en autorisant une seule centrale syndicale à désigner plusieurs délégués, au seul motif inopérant de l'existence d'élus cadres, le tribunal a violé le principe d'égalité
ALORS en outre QUE le Tribunal a affirmé que la CFDT avait conscience qu'elle ne pouvait bénéficier de la même tolérance que le syndicat FO« puisqu'elle a procédé en même temps que les autres syndicats le 29 novembre 2010 à la désignation de Dominique Y... en tant que représentant au comité d'entreprise et que ce n'est que le 3 février 2011 qu'elle a désigné Nadia X... » ; qu'en statuant par des motifs inopérants, le Tribunal a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile ;
ALORS surtout QUE les exposants avaient soutenu que l'employeur avait admis pendant plusieurs années la possibilité pour chaque organisation syndicale de désigner deux représentants syndicaux au comité d'entreprise, un pour les cadres et un pour les employés, sans que cette possibilité soit subordonnée à l'existence d'élus dans les collèges correspondants, et que l'employeur ne pouvait décider de revenir à l'application des dispositions légales que sous réserve de ne pas méconnaître le principe d'égalité entre tous les syndicats concernés et, pour répondre à l'exigence de loyauté qui s'impose en la matière, de les en informer préalablement, ce qu'il n'avait pas fait ; que le Tribunal n'en a pas tenu compte ; qu'en statuant comme il l'a fait sans rechercher si tous syndicats n'avaient pas eu la possibilité, durant plusieurs années, de désigner un représentant syndical « cadre » et un représentant syndical «employé» sans que cette possibilité soit subordonnée à l'existence d'élus dans les collèges correspondants, et si l'employeur avait informé préalablement les syndicats de sa décision de revenir à l'application des dispositions légales, le Tribunal a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard du principe d'égalité de traitement garanti par les articles 6 du Préambule de la constitution du 27 octobre 1946, 1, 5 et 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ensemble l'article L 2324-2 du Code du Travail.