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10/10/2012 | FRANCE | N°11-18494

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 octobre 2012, 11-18494


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte sous seing privé des 18 et 20 juillet 1976, Mmes Pauline, Marie et Renée X... (consorts X...) ont, d'une part, reconnu avoir reçu, chacune, de leur père, Joseph X..., des espèces leur permettant de financer la construction de leur maison d'habitation et un chèque de 15 000 francs et, d'autre part, Joseph X... devant faire donation à leur demi-frère, Laurent, d'une maison d'habitation située aux Sables-d'Olonne pour le montant de sa valeur vénale en nue-pr

opriété de 60 000 francs, déclaré considérer que les avances et ver...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte sous seing privé des 18 et 20 juillet 1976, Mmes Pauline, Marie et Renée X... (consorts X...) ont, d'une part, reconnu avoir reçu, chacune, de leur père, Joseph X..., des espèces leur permettant de financer la construction de leur maison d'habitation et un chèque de 15 000 francs et, d'autre part, Joseph X... devant faire donation à leur demi-frère, Laurent, d'une maison d'habitation située aux Sables-d'Olonne pour le montant de sa valeur vénale en nue-propriété de 60 000 francs, déclaré considérer que les avances et versement qui venaient de leur être faits les remplissaient de leurs droits, que la donation consentie à leur frère rétablirait l'égalité entre elles et ce dernier et qu'elles n'auraient aucune réclamation, ni recours quelconque à exercer contre lui lors du décès de Joseph X... ; que, par acte authentique du 14 septembre 1976, reçu par M. Y..., notaire associé, Joseph X... a fait donation à son fils Laurent, par préciput et hors part, de la nue-propriété de l'immeuble situé aux Sables-d'Olonne, sa valeur étant fixée à 60 000 francs ; que Joseph X... est décédé le 21 juillet 2004 ; qu'en 2006, les consorts X... ont assigné M. Laurent X... en nullité de l'acte des 18 et 20 juillet 1976 et liquidation et partage de la succession de Joseph X... ; que M. Laurent X... a assigné en garantie la SCP Z...- A..., successeur de la SCP Y...- B... ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que la SCP Z...- A... fait grief à l'arrêt de constater que l'acte sous seing privé établi les 18 et 20 juillet 1976 constitue un pacte sur succession future et, en conséquence, de le déclarer nul, de nullité absolue ;
Attendu, d'abord, qu'ayant constaté que l'ascendant donateur n'était pas partie à l'acte sous seing privé litigieux signé par les seuls consorts X..., la cour d'appel en a exactement déduit que cet acte unilatéral constituait un pacte sur succession future prohibé et non une donation-partage ;
Attendu, ensuite, qu'après avoir retenu qu'avant le décès de Joseph X..., les consorts X... s'étaient interdits de faire toute réclamation ou recours contre leur demi-frère quant à la donation devant lui être consentie, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que la prescription trentenaire de l'action en nullité avait commencé à courir à compter du jour de l'ouverture de la succession ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 843 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, tout héritier venant à une succession doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement, à moins que les dons ne lui aient été faits expressément par préciput et hors part ou avec dispense de rapport ;
Attendu qu'après avoir annulé l'acte sous seing privé des 18 et 20 juillet 1976, l'arrêt en déduit que M. Laurent X... devra rapporter à la succession la donation qui lui a été consentie par Joseph X... ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que l'acte du 14 septembre 1976 stipulait que la donation était consentie par préciput et hors part, ce dont il résultait qu'elle n'était pas rapportable, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres énonciations, a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la cassation à intervenir entraîne l'annulation par voie de conséquence de la disposition de l'arrêt ayant condamné la SCP Z...- A... à garantir M. Laurent X..., qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné le rapport à la succession de Joseph X... de la maison située aux Sables-d'Olonne à hauteur de sa valeur à l'époque du partage d'après son état au jour de la donation et dit que la SCP Z...- A..., ès qualités de successeur de la SCP Y...- B..., sera tenue de garantir M. Laurent X... de toutes les condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt rendu le 16 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne Mmes Pauline, Marie et Renée X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la SCP Z...
A...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que l'acte sous-seing privé établi le juillet 1976 constituait un pacte sur succession future et en conséquence, d'AVOIR déclaré cet acte nul, de nullité absolue ;
AUX MOTIFS QUE l'acte litigieux doit s'entendre d'un engagement unilatéral dactylographié et signé par MMmes C..., D... et E... qui s'estiment remplies de leurs droits dans la succession de leur père et s'interdisent toute réclamation ou recours, au décès de ce dernier, contre leur demi-frère qui se verra attribuer en nue propriété la maison sise... aux SABLES D'OLONNE ; que cet acte unilatéral d'engagement irrévocable, établi en la forme des actes sous-seing privé, peut être analysé comme un pacte, bien que M. Joseph X..., ni le représentant légal de M. Laurent X..., mineur à cet époque, n'y figure en qualité de partie ; que cet engagement porte sur tout ou partie de la succession à venir de M. Joseph X... qui ne décédera que le 21 juillet 2004 ; que cet acte qui ne peut s'entendre au-delà de l'intention des parties qui ne peut aller contre la loi, d'un acte de donation-partage, obligatoirement passé en la forme authentique à peine de nullité et auquel le donateur n'est pas partie, revêt bien les caractères d'une stipulation sur une succession non encore ouverte ; qu'il y a donc lieu de considérer, infirmant la décision du premier juge sur ce point, qu'il s'agit là d'un pacte sur succession future ; que la prescription de l'action en nullité à l'encontre d'un tel acte doit s'entendre de la prescription trentenaire de l'article 2262 du Code civil, celle-ci commence à courir à compter du jour où le demandeur à intérêt à agir, c'est-à-dire à compter du jour du décès de M. Joseph X... qui ouvre sa succession ; que ce décès étant intervenu le 21 juillet 2004 il y a lieu de considérer qu'à la date du 3 novembre 2006, à laquelle MMmes C..., D... et E... ont introduit leur action, le délai de prescription n'était pas écoulé ; qu'il convient de déclarer cette action recevable et, en application des dispositions de l'article 1130 alinéa 2 qui prohibe les pactes sur succession future, de prononcer la nullité de l'acte sous-seing privé du 20 juillet 1976 qui se trouve ainsi frappé de nullité ;
1°) ALORS QUE constitue une donation-partage, l'acte par lequel une personne, de son vivant, transfère à ses héritiers présomptifs et répartit entre eux ses biens présents ; qu'en qualifiant l'acte des 18 et 20 juillet 1976 de pacte sur succession future quand celui-ci stipulait qu'« avec les avances et versements » faits par Joseph X... à chacune de ses filles et la donation de la nue-propriété « d'une maison d'habitation en mauvais état » « pour le montant de sa valeur vénale en nue propriété de 60. 000 francs » à son fils, « l'égalité » était « rétabli e » « entre elles Mesdames X... et leur frère Laurent », ce dont il résultait que le de cujus avait procédé à la donation-partage, entre ses quatre enfants, d'une partie des biens présents dont il était propriétaire à la date de l'acte, la Cour d'appel a violé l'article 1075 du Code civil applicable à l'espèce ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'action en nullité d'un pacte sur succession future se prescrit par trente ans à compter du jour de l'exécution de la convention illicite, si à cette date, les héritiers lésés ont intérêt à agir ; qu'en jugeant que l'action en nullité intentée le 3 novembre 2006 par Mesdames X... était recevable dès lors que la prescription avait commencé à courir au décès de Monsieur Joseph X..., le 21 juillet 2004, quand l'acte litigieux des 18 et 20 juillet 1976 constatait l'exécution du partage de biens présents, ce dont il résultait qu'à cette date, Mesdames X... avaient intérêt à agir de sorte que l'action en nullité de l'acte avait commencé à courir au jour de sa conclusion, et était dès lors prescrite le 3 novembre 2006, la Cour d'appel a violé l'article 2262 du Code civil applicable à l'espèce.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaque d'AVOIR ordonné le rapport à la succession de Joseph X... de la maison située rue de la Sous-préfecture aux SABLES D'OLONNE à hauteur de sa valeur à l'époque du partage et d'après son état à l'époque de la succession ;
AUX MOTIFS QU'il convient, en application des dispositions de l'article 1130 alinéa 2 qui prohibe les pactes sur succession future, de prononcer la nullité de l'acte sous-seing privé du 20 juillet 1976 qui se trouve ainsi frappé de nullité ; que, par conséquent, M. Laurent X... devra rapporter à la succession de son père M. Joseph X... la maison située... aux SABLES D'OLONNE ;
ALORS QUE la libéralité n'excédant pas la quotité disponible faite hors part successorale à un héritier réservataire n'est pas rapportable ; qu'en condamnant Monsieur Laurent X... à rapporter à la succession de Joseph X... l'immeuble objet de l'acte des 18 et 20 juillet 1976 sans rechercher, comme il le lui était demandé, si cet immeuble ne lui avait pas été donné, « hors part successorale et par préciput » par acte distinct du 14 septembre 1976 dont la validité n'était pas contestée, ce dont il résultait que cette donation ne pouvait être rapportée, sauf à établir qu'elle amputait la réserve successorale des héritiers et devait être réduite, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 843 et 844 ancien du Code civil applicable à l'espèce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la SCP Z...- A... ès qualités de successeur de la SCP Y...
B..., serait tenue de garantir Monsieur Laurent X... de toutes les condamnations prises à son encontre et de réparer son entier préjudice, en sa qualité d'héritier de Monsieur Joseph X... ;
AUX MOTIFS QU'en rédigeant un acte dont le contenu s'apparente manifestement à un pacte sur succession future, ce que ne pouvait ignorer le notaire, celui-ci a manifestement manqué à son devoir de conseil et ainsi trompé la confiance qu'avait pu mettre en lui M. Joseph X..., à la fois de par la qualité du rédacteur et en raison de la présence de la mention : « afin qu'il n'y ait ultérieurement aucune discussion », qui entendait, de son vivant, répartir équitablement ses biens entre ses enfants et prévenir toute contestation ultérieure des uns à l'encontre des autres ; que ce manquement apparaît également source d'un préjudice au détriment de M. Laurent X... qui se trouve contraint de rapporter à la succession un immeuble qu'il pensait avoir reçu définitivement en nue propriété et pour lequel il déclare avoir engagé des travaux importants de rénovation ; que la SCP notariale Z...
A... en qualité de successeur de la SCP Y...
B... serait ainsi tenu de garantir M. Laurent X..., en sa qualité d'héritier de feu son père M. Joseph X..., des condamnations prises à son encontre et de l'indemniser de l'intégralité du préjudice découlant de la nullité de l'acte sous seing privé des 18 et 20 juillet 1976 ;
ALORS QUE la responsabilité est subordonnée à l'existence d'un dommage causé par la faute alléguée ; qu'en condamnant le notaire à indemniser Monsieur Laurent X... du préjudice découlant de la nullité de l'acte des 18 et 20 juillet 1976, qu'elle a qualifié de pacte sur succession future, sans rechercher, si Monsieur Laurent X... n'aurait pas été tenu, en toute hypothèse, de réintégrer dans la succession de son père l'immeuble qu'il lui avait donné si cette donation entamait la réserve de cohéritiers, dès lors qu'aucun conseil ni acte du notaire n'aurait pu permettre à Monsieur Laurent X... d'amputer les droits réservataires de Mesdames X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ensemble l'article 913 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-18494
Date de la décision : 10/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 16 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 oct. 2012, pourvoi n°11-18494


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Laugier et Caston, SCP Le Griel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.18494
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