La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/09/2012 | FRANCE | N°11-21003

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 septembre 2012, 11-21003


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 19 février 1990 par la société Aldis en qualité d'employée commerciale et placée en arrêt pour maladie à compter du 19 novembre 2007, a, le 18 avril 2008, adressé une lettre à son employeur pour porter à sa connaissance qu'elle ne viendrait plus travailler au magasin dans lequel elle exerçait ses fonctions, en raison du harcèlement moral dont elle éta

it victime de la part du responsable du rayon épicerie, et indiqué qu'elle co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 19 février 1990 par la société Aldis en qualité d'employée commerciale et placée en arrêt pour maladie à compter du 19 novembre 2007, a, le 18 avril 2008, adressé une lettre à son employeur pour porter à sa connaissance qu'elle ne viendrait plus travailler au magasin dans lequel elle exerçait ses fonctions, en raison du harcèlement moral dont elle était victime de la part du responsable du rayon épicerie, et indiqué qu'elle considérait que la société était responsable de la rupture du contrat de travail ; que l'employeur a répondu, le 30 avril 2008, pour faire part de son étonnement et du départ du responsable mis en cause en février 2008 ;
Attendu que pour dire que la rupture du contrat de travail à l'initiative de Mme X... devait produire les effets d'une démission et la débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes au titre de la rupture, l'arrêt retient qu'au temps de la prise d'acte de rupture adressée le 18 avril 2008, la salariée ne pouvait plus être exposée au harcèlement moral pratiqué par son supérieur hiérarchique puisque ce dernier avait quitté l'entreprise depuis le mois de février 2008, que même si la salariée ignorait cette circonstance parce qu'elle observait un congé pour maladie depuis le mois de novembre 2007 et qu'elle n'en avait été que postérieurement informée par une lettre de l'employeur en date du 30 avril 2008, ce dernier ne manquait plus à son obligation de protéger la salariée du harcèlement qu'elle avait subi, et que, dès lors que le manquement reproché à l'employeur avait pris fin, il ne pouvait justifier la prise d'acte de rupture dont la salariée avait pris l'initiative ;
Attendu cependant que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur le lieu du travail d'agissements de harcèlement moral exercé par un autre salarié ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée avait été victime d'agissements de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, peu important que celui-ci ait quitté l'entreprise au moment de la prise d'acte de la rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Aldis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me de Nervo, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail par Madame Véronique X... s'analysait en une démission et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes formulées à l'encontre de la société Aldis, à l'exception de la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral
AUX MOTIFS QUE, dans la lettre du 18 avril 2008, par laquelle Madame X... avait pris acte de la rupture du contrat aux torts de l'employeur était libellée dans les termes suivants, elle reprochait à son employeur d'avoir été victime d'un harcèlement moral de la part de Monsieur Z..., responsable de l'épicerie ; que la salariée faisait état d'une part d'une surcharge de travail, d'autre part de dénigrement, d'insultes, de menaces de la part de Monsieur Z... ; que la surcharge de travail n'était pas de nature à caractériser le harcèlement moral ; que, en revanche, étaient établis le dénigrement constant, les insultes et les menaces, les attestations établissant notamment que le responsable de l'épicerie avait tenu des propos tels que « Vous faites le travail supplémentaire que je vous dis, sinon je vous mets mon pied au cul et ce n'est pas la peine d'aller vous plaindre chez Pierre, Paul ou Jacques » ou « Vous êtes une incapable, je vais vous pourrir la vie, vous finirez bien par craquer » ; que d'autres témoins avaient évoqué des remarques désobligeantes, ainsi que des salariés de la société Aldis ; qu'ils avaient déclaré que Monsieur Z... brimait, insultait et dénigrait tout le temps la salariée ; qu'il en résultait que Madame Véronique X... avait subi, de la part de son supérieur hiérarchique, des agissements répétés de harcèlement moral ; que l'employeur se bornait à faire état de ce qu'il n'avait pas été informé desdits agissements ; qu'il produisait des comptes-rendus de réunion du CHSCT qui le démontraient ; que seul le procès-verbal de la réunion du 18 septembre 2008, postérieur à la rupture, faisait mention d'une intervention à ce sujet ; que cependant, l'employeur avait une obligation de sécurité de résultat et ne pouvait se retrancher derrière l'ignorance de la situation de harcèlement moral ; que Madame X... démontrait par ailleurs que ces agissements répétés avaient pour effet d'altérer sa santé physique et mentale ; que Madame X... avait ainsi établi qu'elle avait été victime d'un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, au sens de l'article L 1152-1 du code du travail ; que cependant, au temps de la prise d'acte de rupture, adressée le 18 avril 2008, Madame X... ne pouvait plus être exposée au harcèlement moral pratiqué par Monsieur Z..., qui avait quitté l'entreprise depuis le mois de février 2008 ; que même si la salariée ignorait cette circonstance parce qu'elle était en congé maladie et qu'elle n'avait été informée que par une lettre de la société intimée en date du 30 avril 2007 (en réalité : 2008), l'employeur n'avait plus manqué à son obligation de protéger la salariée du harcèlement qu'elle avait subi ; que dès lors que le manquement reproché à l'employeur avait pris fin, il ne pouvait justifier la prise d'acte de rupture ; que par suite, la prise d'acte de rupture du contrat de travail par Madame X... ne pouvait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais devait être considérée comme une démission ;
ALORS QUE l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ; qu'il manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime, sur le lieu du travail, d'agissements de harcèlement moral, quand bien même il aurait ultérieurement été mis fin à ces agissements ; que dans ce cas, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la Cour d'appel a expressément constaté que Madame X... avait été victime de faits de harcèlement moral caractérisé, sur son lieu de travail et de la part de son supérieur hiérarchique, ayant entraîné des troubles de santé grave et un arrêt de travail de plusieurs mois ; qu'elle ne pouvait dire que la prise d'acte de la rupture par la salariée s'analysait en une démission, au motif totalement inopérant que, au moment où la lettre de prise d'acte avait été envoyée par la salariée encore en arrêt maladie, le supérieur hiérarchique coupable des faits de harcèlement avait quitté l'entreprise et la salariée ne pouvait plus être exposée au harcèlement moral ; que la Cour d'appel a violé, ensemble, les articles L 1152-1, L 1152-2 et 4121-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-21003
Date de la décision : 26/09/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 10 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 sep. 2012, pourvoi n°11-21003


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me de Nervo, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.21003
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award