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26/09/2012 | FRANCE | N°11-18878

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 septembre 2012, 11-18878


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par contrat du 16 août 1999 en qualité de cadre commercial, chef de la ligne lessive et petfood, par la société Gerosa France, aux droits de laquelle se trouve la société R2R emballages flexibles, également membre du groupe Gerosa ; que lors de l'entretien préalable au licenciement du 23 janvier 2008, il s'est vu remettre un dossier de convention de reclassement personnalisé ; qu'en l'absence de réponse dans les délais impartis, le salarié a été

licencié pour motif économique par lettre du 31 janvier 2008 avant de ma...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par contrat du 16 août 1999 en qualité de cadre commercial, chef de la ligne lessive et petfood, par la société Gerosa France, aux droits de laquelle se trouve la société R2R emballages flexibles, également membre du groupe Gerosa ; que lors de l'entretien préalable au licenciement du 23 janvier 2008, il s'est vu remettre un dossier de convention de reclassement personnalisé ; qu'en l'absence de réponse dans les délais impartis, le salarié a été licencié pour motif économique par lettre du 31 janvier 2008 avant de manifester le 11 février 2008 son souhait d'adhérer à la convention de reclassement personnalisé ; que le 15 avril 2008, au cours du préavis, l'employeur lui a proposé un poste de commercial au sein d'une société allemande du groupe, proposition qu'il a refusée ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail ;

Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à verser une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, l'arrêt retient que le licenciement est intervenu avant que l'employeur ait eu de réponses écrites des sociétés du groupe Gerosa sur les possibilités de reclassement du salarié, notamment dans la société allemande qui allait disposer d'un poste ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'employeur avait, préalablement au licenciement, interrogé en janvier 2008 les responsables des sociétés du groupe pour connaître les solutions de reclassement des salariés licenciés, et que ces responsables avaient attesté avoir indiqué à l'époque être dans l'impossibilité de reclasser les salariés visés par le licenciement économique, ce qui excluait toute possibilité de reclassement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article L. 3245-1 du code du travail, ensemble l'article 2277 du code civil ;

Attendu que pour condamner l'employeur à verser une somme à titre de dommages-intérêts pour manquement aux obligations contractuelles, l'arrêt retient que l'employeur a manqué à son obligation de fixer des objectifs et de payer certaines primes avant le 1er janvier 2002 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la demande ne tendait, sous couvert de dommages-intérêts, qu'à obtenir le paiement de salaires prescrits, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse et condamné la société R2R emballages flexibles à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et celle de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement aux obligations contractuelles, l'arrêt rendu le 31 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société R2R emballages flexibles

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR jugé que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse et condamné son employeur à lui verser la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

AUX MOTIFS QUE « M. X... était licencié par une lettre de la société R2R EMBALLAGES FLEXIBLES SAS, appartenant au groupe GEROSA ; qu'en application de l'article L.1233-3 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; qu'aux termes des dispositions de l'article L.1233-16 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur ; que la lettre de licenciement doit mentionner les raisons économiques prévues par la loi et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail ; qu'il résulte des pièces produites aux débats que le comité d'entreprise de la société R2R EMBALLAGES FLEXIBLES était informé et consulté sur le projet de réorganisation de la société et sur le projet de licenciement collectif de huit salariés, dont un cadre, pour motif économique ; que la lettre de licenciement de M. X... énonçait que la situation économique et financière de la société R2R s'était aggravée depuis 2005 pour atteindre en 2007 une perte d'environ un million d'euros en raison d'une pression sur les prix, d'une forte concurrence sur le marché et d'une augmentation du prix des matière premières ; qu'elle ajoutait que les mesures prises au cours de l'exercice 2007 en matière de gestion du personnel intérimaire, d'amélioration des performances de la production et de service au client ne permettaient pas de redresser la situation ; qu'elle concluait que la réorganisation de l'entreprise était indispensable pour revenir à un équilibre et sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et du groupe ; que la suppression du poste de chef de produit était devenue nécessaire ; que dans une lettre du 22 février 2008, M. X..., accusant réception de sa lettre de licenciement, ne contestait pas le motif économique du licenciement collectif entrepris par la société R2R EMBALLAGES FLEXIBLES, mais se bornait à discuter la suppression de son poste de chef de produits et soulevait l'absence de proposition de reclassement professionnel ; que l'examen du registre du personnel produit aux débats établissait l'absence d'embauché de collaborateur au poste de chef de produits ou à un poste équivalent avant ou après son licenciement ; que les fonctions confiées et assumées par M. X... étaient réparties entres les autres salariés qui intervenaient dans le domaine commercial et également auprès de M. Y..., directeur du site, et de M. Z..., Directeur administratif et financier ; que l'intéressé ne démontrait pas qu'il occupait d'autres fonctions que celles de chef de produits depuis 2002, telles qu'elles figuraient dans son dernier contrat de travail de janvier 2002 et sur ses bulletins de paie ; que, de surcroît, le projet de « brique transparente », produit révolutionnaire qui avait largement occupé M. X..., était abandonné par l'employeur pour des raisons financières ; que la suppression du poste de chef de produits était réelle ; qu'il résulte également des éléments comptables versés aux débats que le chiffre d'affaires de l'entreprise passait de 22.576.405 € en 2004 à 20.680 704 € en 2005 et 17.730.376 € en 2006 ; que si ce chiffre progressait en 2007 à 21.170.000 €, le résultat d'exploitation restait déficitaire et s'élevait à 978.598 € en ce compris les charges exceptionnelles et les pertes financières ; que le déficit était déjà de 708.887 € en 2006 ; que les difficultés économiques de la société R2R EMBALLAGES FLEXIBLES existaient depuis plusieurs années et demeuraient au jour du licenciement; que celle-ci devait réagir pour rétablir sa marge qui était passée de 46,56 % en 2004 à 41,82 % en 2007 selon les indications fournies aux partenaires sociaux ; qu'elle devait sauvegarder sa compétitivité, résorber le déficit passé et présent, rééquilibrer les comptes et se restructurer en diminuant les charges afin de poursuivre son activité dans un environnement concurrentiel et face à une augmentation du coût des matières premières ; ensuite, qu'aux termes des dispositions de l'article L.1233-4 du Code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ; que l'employeur permettait à M. X... de bénéficier de la convention de reclassement personnalisé et de son régime avantageux ; que celui-ci souhaitait adhérer à cette convention le 11 février 2008 alors que le délai était fixé au 7 février 2008; que l'employeur interrogeait le 14 janvier 2008 les responsables des sociétés Cellografica Gerosa Spa, Flexocit Srl, Cellografica Gerosa SA Rieusset SA Alterna Plast SRL, Gerosa Flexible Verpackungen et Gerosa Bénélux appartenant au groupe GEROSA pour connaître les solutions de reclassement des salariés licenciés, dont M. X... ; que ces responsables déclaraient en octobre et novembre 2008 qu'ils avaient indiqué leur impossibilité de reclassement des salariés visés par le licenciement économique ; que le 15 avril 2008, et alors même que M. X... n'avait pas encore fait valoir sa priorité de réembauche, il lui était proposé un poste de commercial dans la société allemande GEROSA Flexible Verpackungen Gmbh avec une description des tâches et des conditions offertes ; que celui-ci refusait cette proposition en la considérant comme tardive ; toutefois, que la société R2R EMBALLAGES FLEXIBLES licenciait le 31 janvier 2008 M. X... sans avoir eu de réponses écrites des sociétés du groupe GEROSA sur les possibilités de reclassement de ce dernier, notamment dans la société allemande qui allait disposer d'un poste commercial ; que l'obligation de recherche de reclassement professionnel de M. X... avant son licenciement n'était pas satisfaite ; que le licenciement de M. X... était dans ces conditions sans cause réelle et sérieuse; que compte tenu des circonstances de la rupture du contrat de travail, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge au jour du licenciement, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté de service dans l'entreprise et de l'effectif de celle-ci, la Cour dispose d'éléments pour apprécier le préjudice et fixer sa réparation à la somme de 100. 000 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article L.1235-3 du Code du travail ; qu'il convient également d'ordonner à la société intimée de rembourser à POLE EMPLOI les allocations de chômage versées à M. X... du jour de son licenciement dans la limite de six mois d'indemnités, en application des dispositions de l'article L.1235-4 du Code du travail; que le jugement est infirmé en ce sens » ;

ALORS QUE si le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que si le reclassement de l'intéressé dans l'entreprise ou dans le groupe dont elle relève est impossible, l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur n'est que de moyens ; que la Cour d'appel a relevé que l'employeur avait interrogé le 14 janvier 2008 les responsables des sociétés Cellografica Gerosa Spa, Flexocit SRL, Cellografica Gerosa SA, Rieusset SA, Artema Plast SRL, Gerosa Flexible Verpackungen et Gerosa Benelux appartenant au groupe Gerosa pour connaître les solutions de reclassement du salarié et que les responsables de ces entreprises déclaraient qu'ils avaient indiqué leur impossibilité de reclasser le salarié ; que la Cour d'appel aurait dû déduire de ses propres énonciations que l'employeur justifiait de recherches sérieuses et effectives de reclassement et d'une impossibilité de reclasser le salarié, en sorte que son licenciement, intervenu le 31 janvier 2008, reposait sur une cause réelle et sérieuse ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L.1233-4 du Code du travail ;

ET ALORS QUE en statuant ainsi après avoir relevé d'une part que le 14 janvier 2008 l'employeur avait interrogé cette société allemande qui avait indiqué son impossibilité de reclasser le salarié et d'autre part, que ce n'était par le 15 avril 2008, soit deux mois et demi après le licenciement, qu'un poste dans cette société avait été proposé au salarié, sans rechercher à quelle date ce poste avait été disponible, la Cour d‘appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1233-4 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement aux obligations contractuelles ;

AUX MOTIFS QUE « le contrat de travail initial de Monsieur X... prévoyait le versement d'une prime sur objectifs égale à un mois de salaire, liée à la réalisation des objectifs fixés par la société en début d'année ; qu'en vertu de l'article L.3245-1 du Code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du Code civil ; que Monsieur X... a saisi les premiers juges le 2 juillet 2008 et ne peut formuler de demande de paiement de salaire que pour la période du juillet 2003 au 2 juillet 2008; que la demande de rappel de prime d'objectif est éteinte pour toute l'activité antérieure au 2 juillet 2003 ; de surcroît, que dans son nouveau contrat de travail du 1er janvier 2002, Monsieur X... acceptait la suppression de cette prime d'objectifs et sa réintégration dans le salaire mensuel de base ; que Monsieur X... n'était pas fondé à demander un rappel de salaire depuis le 1er janvier 2002 ; qu'il résulte cependant de l'examen des éléments de la cause, notamment du versement de prime exceptionnelles, qui ne constituent pas nécessairement l'équivalent des primes d'objectifs, un manquement de l'employeur à son obligation de fixation des objectifs et de paiement de certaines de ces primes avant le 1er janvier 2002 ; qu'il convient en conséquence de condamner l'employeur à payer une somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts ; que le jugement est infirmé en ce sens » ;

ALORS QU'aux termes de l'article 455 du Code de procédure civile, tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le juge ne peut statuer par le seul visa des éléments de la cause, sans analyser, même sommairement, les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu'en condamnant l'employeur à verser au salarié la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts aux motifs qu'il résultait de l'examen des éléments de la cause, notamment du versement de primes exceptionnelles, qui ne constituent pas nécessairement l'équivalent des primes d'objectifs, un manquement de l'employeur à son obligation de fixation des objectifs et de paiement de certaines de ces primes avant le 1er janvier 2002, le juge n'a pas satisfait aux exigences de motivation du jugement, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ET ALORS, à titre subsidiaire, QUE le salarié ne peut pas, sous couvert de demande de dommages- intérêts, obtenir le paiement de salaires prescrits en application de l'article L.3245-1 du Code du travail ; que la Cour d'appel qui a relevé que la demande de rappel de prime d'objectifs était éteinte pour toute l'activité antérieure au 2 juillet 2003 et que le salarié sollicitait des dommages et intérêts pour cette période sans caractériser le préjudice subi par le salarié, lors même qu'elle relevait que l'employeur lui avait versé des primes exceptionnelles, aurait dû en déduire que la demande de dommages et intérêts du salarié ne visait en réalité qu'à contourner la prescription quinquennale de l'action en paiement des salaires, en sorte qu'elle devait être rejetée ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L.3245-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-18878
Date de la décision : 26/09/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 sep. 2012, pourvoi n°11-18878


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.18878
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