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26/09/2012 | FRANCE | N°11-18701

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 septembre 2012, 11-18701


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 27 juin 2000 en qualité d'agent assistance chantier par la société Techman industrie, a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire, le 9 février 2005, puis le 20 juillet 2005 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour demander l'annulation de ces sanctions et le paiement de sommes à titre de rappel de salaire et de dommages et intérêts pour discrimination et harcèlement moral ; qu'il a été débouté de ses demandes ; qu'ayant été licencié, le

18 mars 2008, à la suite de son refus d'une mutation mise en oeuvre en ap...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 27 juin 2000 en qualité d'agent assistance chantier par la société Techman industrie, a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire, le 9 février 2005, puis le 20 juillet 2005 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour demander l'annulation de ces sanctions et le paiement de sommes à titre de rappel de salaire et de dommages et intérêts pour discrimination et harcèlement moral ; qu'il a été débouté de ses demandes ; qu'ayant été licencié, le 18 mars 2008, à la suite de son refus d'une mutation mise en oeuvre en application d'une clause de mobilité, il a ajouté à ses demandes devant la cour d'appel une demande en paiement d'une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le moyen unique pris, en ses première et deuxième branches :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié qui invoque la violation par l'employeur du principe d'égalité de traitement n'a pas pour obligation de démontrer que l'inégalité de traitement a pour cause l'un des motifs visés par l'article L. 1132-1 du code du travail (origine, sexe, moeurs, orientation sexuelle, âge, situation de famille, grossesse, caractéristiques génétiques, appartenance à une ethnie, une nation ou une race, opinions politiques, activités syndicales, convictions religieuses, apparence physique, nom de famille, état de santé ou handicap) ; qu'en retenant que "M. X... ne détermine pas la caractéristique sur la base de laquelle il aurait subi de la part de son employeur, un traitement différent de celui de ses collègues pour le débouter de ses demandes au titre de la différence de traitement qui s'est déterminée par un motif inopérant de la fermeture du site de Chooz B, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 3221-2, et L. 3221-4 du code du travail, ensemble le principe d'égalité de traitement ;
2°/ qu'une différence de traitement entre des salariés placés dans une situation identique au regard d'un avantage ou d'un événement doit reposer sur des raisons objectives dont le juge contrôle concrètement la réalité et la pertinence ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'employeur rapportait la preuve de raisons objectives justifiant la différence de traitement entre M. X..., seul salarié à ne pas avoir été reclassé sur le site de Chooz A à la fermeture du site de Chooz B, et les autres salariés de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 3221-2, et L. 3221-4 du code du travail, ensemble le principe susvisé ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'elle était saisie par le salarié d'une demande fondée sur une discrimination à son détriment, la cour d'appel, qui a constaté que le salarié ne déterminait pas au soutien de sa demande celui des motifs prohibés par la loi sur la base duquel il aurait été discriminé, a fait ressortir qu'il ne présentait pas d'éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :
Vu les articles L. 1121-1, L. 1222-1, ensemble l'article L. 4624-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le contrat de travail conclu entre Smail X... et la société Techman prévoit que le salarié pourra être affecté sur tous sites et établissements, antennes ou chantiers où la société Techman exerce ou exercera son activité, que l'employeur pouvait donc prévoir la mutation de Smail X... du site de Chooz (dans les Ardennes) à celui du Bugey (Ain), qu'il est constant qu'à compter de décembre 2007, la société Techman a perdu le marché de Chooz B, ce qui n'est pas contesté, que pour soutenir que son employeur a alors refusé de l'affecter sur le site de Chooz A, Smail X... verse aux débats les attestations de deux salariés relatant que des embauches ont été réalisées pour assurer le travail sur le site de Chooz A, qu'il incombe au salarié de démontrer que sa mutation est étrangère à l'intérêt de l'entreprise ou bien décidée dans des conditions exclusives de la bonne foi, qu'en l'espèce, l'employeur justifie avoir obtenu le marché relatif à Chooz A durant l'été 2007, pour des travaux à réaliser en zone contrôlée ou sur des postes de gardiennage incendie, que le médecin du travail avait, en octobre 2004, déclaré Smail X... "apte à son poste hors zone contrôlée" jusqu'en juin 2005, qu'aucun élément versé aux débats ne permet de déterminer si postérieurement au mois de juin 2005, cette restriction avait été levée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'avis du médecin du travail limitant l'aptitude du salarié couvrait la période d'octobre 2004 jusqu'en juin 2005 et qu'il appartenait à l'employeur de solliciter à nouveau l'avis du médecin du travail avant de prendre sa décision pour déterminer si la restriction contenue dans cet avis était toujours applicable et limitait les possibilités d'affectation du salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 20 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Techman industrie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Techman industrie à payer la somme de 206 euros à M. X... et au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 2 300 euros à la SCP Fabiani et Luc-Thaler ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de ses demandes de dommages-intérêts pour discrimination et licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE la discrimination, par opposition à l'égalité de principe entre les salariés, consiste à traiter plus mal un ou un groupe de salariés en fonction de sa ou de ses caractéristiques ; qu'en l'espèce, à l'appui de sa demande en paiement de dommages et intérêts, Smail X... ne détermine pas la caractéristique sur la base de laquelle il aurait subi, de la part de son employeur, un traitement différent de celui de ses collègues ; que le harcèlement moral, défini et prohibé aux termes des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, suppose que le salarié soit, notamment victime d'agissements coupables répétés ; que s'il appartient au salarié de fournir au juge des éléments de faits de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement, la notification, en l'espèce de deux avertissements séparés de 5 mois, puis d'un licenciement, prononcé 3 ans plus tard ne constituent pas à eux seuls des éléments de fait de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement ; que Smail X... sera débouté en sa demande en paiement formée de ce chef ; que sur le bien fondé du licenciement, le contrat de travail conclu entre Smail X... et la société Techman prévoit que le salarié pourra être affecté sur tous sites et établissements, antennes ou chantiers où la société Techman exerce ou exercera son activité ; que l'employeur pouvait donc prévoir la mutation de Smail X... du site de Chooz (dans les Ardennes) à celui de Bugey (Ain) à condition que la mise en oeuvre de la clause de mobilité soit conforme à l'intérêt de l'entreprise ; qu'il est constant qu'à compter de décembre 2007, la SA Techman a perdu le marché de Chooz B, ce qui n'est pas contesté ; que pour soutenir que son employeur a alors refusé de l'affecter sur le site de Chooz A, Smail X... verse aux débats les attestations de deux salariés relatant que des embauches ont été réalisées pour assurer le travail sur le site de Chooz A ; qu'il incombe au salarié de démontrer que sa mutation est étrangère à l'intérêt de l'entreprise ou bien décidée dans des conditions exclusives de la bonne foi ; qu'en l'espèce, l'employeur justifie avoir obtenu le marché relatif à Chooz A durant l'été 2007, pour des travaux à réaliser en zone contrôlée ou sur des postes de gardiennage incendie ; qu'or, le médecin du travail avait, en octobre 2004, déclaré Smail X... "apte à son poste hors zone contrôlée" jusqu'en juin 2005 ; qu'aucun élément versé aux débats ne permet de déterminer si postérieurement au mois de juin 2005, cette restriction avait été levée ; que Smail X..., à défaut de démontrer que sa mutation est abusive, aurait dû rejoindre à compter de janvier 2008 le CNPE du Bugey ; qu'il est constant qu'il ne s'est jamais déplacé sur ce site ; que l'employeur, se fondant sur l'absence de son salarié a légitimement prononcé son licenciement, fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
1°) ALORS QUE le salarié qui invoque la violation par l'employeur du principe d'égalité de traitement n'a pas pour obligation de démontrer que l'inégalité de traitement a pour cause l'un des motifs visés par l'article L. 1132-1 du code du travail (origine, sexe, moeurs, orientation sexuelle, âge, situation de famille, grossesse, caractéristiques génétiques, appartenance à une ethnie, une nation ou une race, opinions politiques, activités syndicales, convictions religieuses, apparence physique, nom de famille, état de santé ou handicap) ; qu'en retenant que « monsieur X... ne détermine pas la caractéristique sur la base de laquelle il aurait subi de la part de son employeur, un traitement différent de celui de ses collègues pour le débouter de ses demandes au titre de la différence de traitement qui s'est déterminée par un motif inopérant de la fermeture du site de Chooz B, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 3221-2, et L. 3221-4 du code du travail, ensemble le principe d'égalité de traitement ;
2°) ALORS QU 'une différence de traitement entre des salariés placés dans une situation identique au regard d'un avantage ou d'un événement doit reposer sur des raisons objectives dont le juge contrôle concrètement la réalité et la pertinence ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'employeur rapportait la preuve de raisons objectives justifiant la différence de traitement entre monsieur X..., seul salarié à ne pas avoir été reclassé sur le site de Chooz A à la fermeture du site de Chooz B, et les autres salariés de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 3221-2, et L. 3221-4 du code du travail, ensemble le principe susvisé ;
3°) ALORS QUE pour dire que l'employeur n'avait pas fait un usage abusif de la clause de mobilité en reclassant monsieur X..., en janvier 2008 sur le site de Bugey, zone non contrôlée, la cour d'appel a retenu que le salarié avait été déclaré par le médecin du travail « apte » à son travail hors zone contrôlée jusqu'en 2005 » ; qu'en statuant ainsi quand il résultait que la période d'interdiction était terminée depuis plus de deux ans, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 3221-2, et L. 3221-4 du code du travail, ensemble le principe susvisé ;
4°) ALORS QUE (subsidiairement) l'employeur est tenu de prendre en considération les propositions du médecin du travail en vue du reclassement du salarié au besoin en les sollicitant ; qu'en retenant que l'employeur n'avait pas fait un usage abusif de la clause de mobilité en reclassant monsieur X... à Bugey en raison des restrictions posées à son travail sur un site contrôlé jusqu'en juin 2005, quand en présence d'un doute sur la capacité du salarié à travailler sur le site contrôlé de Chooz A en janvier 2008, deux ans après le terme de la période de restriction posée par le médecin du travail, il appartenait à l'employeur de solliciter à nouveau l'avis du médecin du travail avant de prendre sa décision, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L 1232-1 et suivants, L. 1235-1, L. 4624-1 et L. 1226-2 du code du travail et 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-18701
Date de la décision : 26/09/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 20 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 sep. 2012, pourvoi n°11-18701


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.18701
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