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26/09/2012 | FRANCE | N°11-16392

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 septembre 2012, 11-16392


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieu

res ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Aluver le 6 octobre 1980 en qualité d'ouvrier qualifié ; qu'il a adressé à son employeur le 3 octobre 2007 une lettre de rupture ; qu'il a saisi le 22 avril 2008 la juridiction prud'homale pour voir dire que cette rupture s'analysait en une prise d'acte aux torts de l'employeur et obtenir le paiement de rappels de salaire à titre d'heures supplémentaires et d'indemnités au titre de la rupture ;
Attendu que pour condamner la société Aluver à payer au salarié des sommes au titre de l'indemnité de licenciement et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le salarié qui a été contraint de rompre son contrat en raison d'une faute de l'employeur ne peut être considéré comme ayant manifesté sa volonté de démissionner, peu important à ce égard qu'il n'ait assorti sa lettre de démission d'aucune réserve ; que tel est le cas du salarié qui n'a pas été payé de l'intégralité de ses salaires par un non-respect régulier pendant trois années des règles relatives aux majorations conventionnelles d'heures supplémentaires que l'employeur ne pouvait méconnaître ; qu'un tel manquement justifie, en lui-même, dès lors qu'il touche à une obligation essentielle de l'employeur, une prise d'acte de rupture aux torts de ce dernier ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la lettre de démission ne comportait aucune réserve, que le salarié, qui ne justifiait d'aucun litige antérieur ou contemporain de celle-ci avec son employeur, n'avait contesté les conditions de la rupture du contrat de travail que plusieurs mois plus tard, ce dont il résultait que rien ne permettait de remettre en cause la manifestation de sa volonté claire et non équivoque de démissionner, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en une prise d'acte aux torts de l'employeur et condamne la société Aluver à payer à M. X... des sommes au titre de l'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 23 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit n'y avoir lieu à requalifier la démission de M. X... en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le déboute de ses demandes à titre d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Aluver
IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la rupture du contrat de travail à l'initiative de Monsieur Joseph X... s'analyse en une prise d'acte de rupture de l'employeur et d'avoir en conséquence condamné la société ALUVER à payer à Monsieur X... les sommes de 2.150,97 € à titre de rappels de salaire (majoration d'heures supplémentaires), 15.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 9.806,04 € à titre d'indemnité de licenciement et à remettre à Monsieur X... une attestation ASSEDIC et des bulletins de paie rectifiés conformes aux dispositions de l'arrêt.
- AU MOTIF QUE le salarié sollicite la requalification de la rupture en prise d'acte aux torts de l'employeur à raison du défaut de paiement de l'intégralité des salaires dus, de remise des bulletins de paie afférents et de l'existence de reproches, propos vexatoires, pressions et de la soumission à un déclassement professionnel ; Que l'employeur répond que le contrat a été rompu par la démission de l'intéressé exprimée de manière claire, sans équivoque ni réserves de sorte qu'elle ne saurait être remise en cause ; Mais attendu que le salarié qui a été contraint de rompre son contrat en raison d'une faute de l'employeur ne peut être considéré comme ayant manifesté sa volonté de démissionner, peu important à ce égard qu'il n'ait assorti sa lettre de démission d'aucune réserve ; Que tel est le cas en l'espèce du salarié qui n'a pas été payé de l'intégralité de ses salaires par un non respect régulier pendant trois années des règles relatives aux majorations conventionnelles d'heures supplémentaires que l'employeur ne pouvait méconnaître ; Qu'un tel manquement justifie, en lui même, dès lors qu'il touche à une obligation essentielle de l'employeur, une prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur, sans qu'il y ait lieu d'examiner le bien fondé des autres griefs allégués par le salarié ; Qu'une telle prise d'acte emporte les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Que par application de l'article L 1235-5 du code du travail, au regard de l'ancienneté, de l'âge, de la qualification et de la rémunération du salarié, des circonstances de la rupture et de tous autres éléments de préjudice soumis à appréciation, il y a lieu d'allouer à Monsieur X... la somme de 15.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Qu'il convient également de condamner l'employeur à payer à Monsieur X... une indemnité de licenciement à hauteur de 9.806,04 euros, contestée dans son principe mais nullement dans son montant ; Que l'employeur devra remettre au salarié une attestation ASSEDIC et des fiches de paie rectifiés conformes aux dispositions du présent arrêt
- ALORS QUE D'UNE PART la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission, qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ; qu'en statuant comme elle a fait, après avoir rappelé que le salarié avait démissionné le 3 octobre 2007 (et non comme indiqué par erreur dans l'arrêt le 8 décembre 2007) sans réserve (cf arrêt p 5 § 1) et constaté qu'il n'avait saisi le Conseil de Prud'hommes que le 22 avril 2008, soit six mois plus tard (cf arrêt p 3 § 3), ce dont il résultait que rien ne permettait de remettre en cause la manifestation de sa volonté claire et non équivoque de démissionner, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail ;
- ALORS QUE D'AUTRE PART et en tout état de cause, lorsque les termes de la lettre de démission ne comportent aucune réserve et que le salarié ne justifie pas qu'un différend antérieur ou contemporain de celle-ci l'avait opposé à son employeur, il ne peut plus, plusieurs mois après celle-ci, la remettre en cause ; qu'en l'espèce, la cour a retenu que le salarié, qui n'avait pas été payé de l'intégralité de ses salaires par un non respect régulier pendant trois années des règles relatives aux majorations conventionnelles d'heures supplémentaires et qui a été contraint de rompre son contrat en raison d'une faute de l'employeur, ne pouvait être considéré comme ayant manifesté sa volonté de démissionner ; qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la lettre de démission ne comportait aucune réserve, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, à la date à laquelle la démission avait été donnée, le salarié, qui n'avait saisi la juridiction prud'homale que le 22 avril 2008, justifiait d'un litige antérieur ou contemporain de nature à la rendre équivoque, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-16392
Date de la décision : 26/09/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 23 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 sep. 2012, pourvoi n°11-16392


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.16392
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