LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, qui est recevable :
Vu l'article 1382 du code civil, ensemble les articles 2434 à 2437 du code civil et l'article 257, alinéa 1er, du décret du 31 juillet 1992 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 30 juin 2006 la société Simga a fait inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur un immeuble appartenant à Karine X..., sa débitrice ; que celle-ci a vendu ce bien, par acte authentique reçu le 13 juillet 2006 par M. Y..., notaire, moyennant un prix de 200 000 euros ; que ce dernier s'est dessaisi des fonds sans s'assurer de la situation hypothécaire de l'immeuble ; que la société Simga a obtenu un jugement de condamnation le 15 novembre 2007 qui n'a pu être signifié à Karine X..., décédée le 12 janvier 2008 ; que la société Simga a alors engagé la responsabilité professionnelle de la SCP Denys Camiez, aux droits de laquelle vient la SCP Chatagnier et de Gruttola, lui réclamant le montant de sa dette à l'égard de Karine X... ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt, après avoir relevé que le notaire avait commis une faute en s'abstenant de vérifier l'état hypothécaire de l'immeuble vendu et de consigner la part qui aurait dû revenir à la société Simga, énonce que cette faute a, de façon certaine, empêché la société Simga de recouvrer sa créance ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la société Simga n'avait pas procédé, dans les trois ans de l'inscription provisoire, qui n'avait pas été renouvelée, à la publicité définitive prévue à l'article 260 du décret du 31 juillet 1992, ce dont il se déduisait que son inscription provisoire se trouvant rétroactivement effacée, la société, qui ne bénéficiait d'aucune sûreté sur l'immeuble, n'aurait pu être payée sur les fonds provenant de la vente en sorte que la faute reprochée au notaire était dépourvue de lien de causalité avec le préjudice invoqué par le créancier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu de casser sans renvoi en application de l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette les demandes de la société Simga ;
Condamne la société Simga aux dépens exposés devant les juges du fond et la Cour de cassation ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Chatagnier et de Gruttola.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil la SCP DENYS CANIEZ, notaire associé, à payer à la société de droit suisse SA SIMGA la contre-valeur en euros au jour du jugement de la somme de 86.300 francs suisses et d'AVOIR condamné la société SCP DENYS CANIEZ à payer à la société SIMGA la somme de 3.283,40 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 258 du décret du 31 juillet 1992 dispose en substance que la part du prix de vente qui revient au créancier titulaire d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prise sur un bien immobilier de son débiteur cédé par ce dernier est consignée et lui est remise ensuite s'il justifie de l'accomplissement de la publicité définitive de la sûreté ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le notaire s'est départi du prix de vente, soit de 200.000 euros, provenant de la cession intervenue par acte authentique du 13 juillet 2006 de la maison et de parcelles attenantes appartenant à Karine X... épouse Z... sans vérifier au préalable l'état des sûretés prises sur les biens cédés ; que figurait sur ce document l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire du 30 juin 2006 valable trois années selon l'article 257 du décret précité, enregistrée le 4 juillet 2006 à la Conservation des Hypothèques à la demande de la société SIMGA, créancière de la venderesse, Karine X... épouse Z..., ultérieurement condamnée à lui payer en particulier la somme de 86.300 CHF ou sa contre-valeur en euros par jugement contradictoire du 15 novembre 2007 rendu par le Tribunal de grande instance de THONON-LES-BAINS ; que le notaire a ainsi commis une faute à l'origine de l'entier préjudice de la société SIMGA en s'abstenant de s'assurer de l'état hypothécaire de l'immeuble vendu et de consigner la part qui aurait dû revenir à cette dernière lors de la distribution du prix ; que la société SIMGA n'a pu évidemment au 13 juillet 2006, jour de la cession immobilière, signifier le jugement ultérieur du 15 novembre 2007 à Karine X..., épouse Z..., décédée le 12 janvier 2008 ; qu'elle n'a pas accompli cette démarche ensuite ; mais qu'il importe peu à la solution du litige, contrairement à ce que prétend le notaire, que ce jugement ne soit pas passé en force de chose jugée et que n'a donc pu avoir lieu la publicité définitive de l'hypothèque qui conditionne la remise de part du prix de vente revenant au créancier hypothécaire selon l'article 258 du décret précité, la faute du notaire qui s'est défait du prix de vente dès après la cession et sans se renseigner sur l'état des sûretés inscrites sur l'immeuble vendu, même s'agissant de celles provisoirement publiées, ayant en toute hypothèse et à coup sûr empêché la société SIMGA de recouvrer sa créance ; qu'il s'agit là
d'un préjudice certain devant être réparé en sa totalité et non pas d'une simple perte de chance, comme à tort retenu par le premier juge, dès lors qu'il résulte des pièces jointes que seule la créance de 121.593,78 euros du CREDIT AGRICOLE des SAVOIE, créancier inscrit de premier rang, aurait dû être déduite du prix de vente de 200.000 euros et qu'ainsi devaient revenir à la société SIMGA 63.806, 25 euros sur les fonds restant à distribuer de 77.698 euros ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le préjudice subi par la société demanderesse est certain même si le jugement dont elle se prévaut n'est pas définitif ; qu'en effet il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 258 du décret précité, si le bien est vendu avant que la publicité définitive ait été accomplie, le créancier titulaire de la sûreté judiciaire jouit des mêmes droits que le titulaire d'une sûreté conventionnelle ou légale ; que ce droit ne diffère qu'en ce sens où la part revenant au créancier est consignée jusqu'à l'accomplissement de la publicité définitive dans le délai prévu ; que ce délai est de deux mois à partir du jour où le titre du créancier est passé en force de chose jugée ; que par conséquent, la défenderesse est malvenue à prétendre que la société SIMGA lui ferait supporter ses propres carences s'agissant de la signification du jugement constatant la créance ;
1°) ALORS QUE seul est sujet à réparation le préjudice direct, actuel et certain ; qu'en affirmant que l'absence de consignation des fonds provenant la vente grevée de l'hypothèque judiciaire avait « à coup sûr » empêché la société SIMGA de recouvrer sa créance et qu'il importait peu à la solution du litige que le jugement, sur le fondement duquel devait être prise l'inscription définitive succédant à l'inscription provisoire qu'il était reproché au notaire d'avoir méconnue, ne soit pas passé en force de chose jugée et que l'inscription définitive n'ait pu être prise quand la faculté de procéder à la publication définitive de l'hypothèque dont pourrait bénéficier la société SIMGA lui permettrait d'obtenir paiement de sa créance par la mise en oeuvre du droit de suite que lui conférait sa sûreté, les droits résultant d'une hypothèque n'étant nullement affectés par la réalisation d'une vente amiable, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble les articles 258, 263, 265 du décret du 31 juillet 1992 ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la responsabilité d'un notaire est subordonnée à l'existence d'un lien de causalité établi de façon certaine, reliant la faute imputée au dommage allégué ; qu'en affirmant qu'il importait peu à la solution du litige que le jugement, sur le fondement duquel devait être prise l'inscription définitive succédant à l'inscription provisoire qu'il était reproché au notaire d'avoir méconnue, ne soit pas passé en force de chose jugée et que l'inscription définitive n'ait pu être prise quand l'incertitude pesant sur ces circonstances affectait l'existence même du lien de causalité qui devait être écarté s'il était impossible de procéder à une inscription définitive qu'il appartenait au créancier d'effectuer, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.