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26/09/2012 | FRANCE | N°11-12943

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 septembre 2012, 11-12943


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon le jugement attaqué (Bayonne, 7 décembre 2010), que la société Onetik a assigné M. X..., producteur de lait, en remboursement du prêt qu'elle lui avait consenti, sans intérêt, afin de lui permettre de rembourser à la société coopérative agricole Berria, auprès de laquelle il livrait sa production, les prélèvements supplémentaires que celle-ci avait réglés à l'Onilait au titre de dépassements des quantités de référen

ces attribuées par cet organisme ;

Attendu que la société Onetnik fait grief à la...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon le jugement attaqué (Bayonne, 7 décembre 2010), que la société Onetik a assigné M. X..., producteur de lait, en remboursement du prêt qu'elle lui avait consenti, sans intérêt, afin de lui permettre de rembourser à la société coopérative agricole Berria, auprès de laquelle il livrait sa production, les prélèvements supplémentaires que celle-ci avait réglés à l'Onilait au titre de dépassements des quantités de références attribuées par cet organisme ;

Attendu que la société Onetnik fait grief à la décision de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ qu'aucune disposition ne permet à l'Onilait d'intervenir dans les rapports de droit privé qui s'établissent entre acheteurs et producteurs de lait ; qu'il résulte, en effet, des dispositions de l'article 2 du règlement CEE n° 3950/92 du Conseil du 28 décembre 1992 et du décret n° 91-157 du 11 février 1991, dans leur rédaction applicable au litige, que c'est l'acheteur de lait qui est redevable du prélèvement supplémentaire envers l'Onilait et qu'il appartient à l'acheteur de lait de répercuter le prélèvement supplémentaire sur les seuls producteurs de lait qui ont dépassé leur quantité de référence ; qu'il s'ensuit qu'était licite le prêt litigieux, qui avait pour objet de permettre au producteur de lait de régler à son acheteur le montant du prélèvement supplémentaire, peu important les modalités de remboursement de ce prêt ; qu'en considérant pourtant que l'absence de convention écrite traduisait «une volonté manifeste de dissimulation», que le fait d'avoir fait appel à un tiers, la société Onetik, «ne (pouvait) s'expliquer que par l'intention, là encore, de rendre l'opération opaque aux yeux de l'Onilait» et que «le système de refinancement des pénalités répercutées aux producteurs… loin de décourager les producteurs, consistait en un détournement pur et simple de la réglementation européenne», pour retenir que la convention avait un «caractère illicite» et qu'elle avait été «passée dans des conditions douteuses et approximatives», le juge de proximité a statué par des motifs inopérants s'agissant d'apprécier la licéité de la cause de la convention de prêt régissant les rapports de droit privé entre acheteur et producteur de lait qui n'étaient pas soumis au contrôle de l'autorité publique et a, par conséquent, violé les articles susvisés ainsi que l'article 1131 du code civil ;

2°/ que la cause de l'obligation de l'emprunteur réside dans la remise des fonds prêtés ; que dès lors en l'espèce, le financement du prélèvement supplémentaire ne constituait pas la cause, au sens de l'article 1131 du code civil, de l'obligation de l'emprunteur, M. X..., envers le prêteur, la société Onetik ; qu'en décidant le contraire, pour retenir le caractère illicite du prêt litigieux, le juge de proximité a violé ledit article ;

3°/ que pour retenir le caractère illicite du prêt litigieux, le juge de proximité s'est fondé sur un arrêt rendu le 29 janvier 2002 par la cour d'appel de Pau, ayant fait l'objet d'un pourvoi de la SCA Berria rejeté par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 5 mars 2003, et sur un arrêt rendu le 26 mars 2009 par la cour administrative de Bordeaux, ayant également fait l'objet d'un pourvoi de la SCA Berria rejeté par le Conseil d'Etat le 30 décembre 2009 ; qu'en statuant ainsi par voie de référence à des causes déjà jugées, le juge de proximité, qui devait se déterminer d'après les circonstances particulières de la cause, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que la cause illicite d'une obligation ne fait pas obstacle à l'action en répétition ; qu'en déboutant pourtant la société Onetik de sa demande en remboursement du prêt, au motif que ce prêt avait une cause illicite, le juge de proximité a, de nouveau, violé l'article 1131 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté qu'avec la complicité active de la société Onetnik, la société Berria avait institué, au bénéfice de ses adhérents, sous forme de prêts sans intérêt remboursables exclusivement en cas de cessation de leurs relations contractuelles, un système de financement destiné à couvrir les pénalités encourues par ces derniers en cas de dépassement des quotas de production laitière fixés conformément à la réglementation européenne, le juge de proximité en a déduit que l'octroi de tels prêts, au nombre desquels figurait le prêt litigieux, s'analysait en un comportement frauduleux tendant au détournement de cette réglementation ; qu'il a ainsi caractérisé l'illicéité de la cause de celui-ci ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait en sa quatrième branche et, partant, irrecevable, est mal fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Onetik aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par M. Gridel, conseiller, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour la société Onetik

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté la société ONETIK de ses demandes en paiement de la somme de 686,02 € outre intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2008 ainsi que des dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QU'il n'existe pas de contestation sur la remise par la SAS ONETIK à Monsieur et Madame X... d'un chèque de 4 500 francs (686,02 €) le 20 août 1997, les parties étant contraires sur la qualification juridique à donner à ce paiement ; que la SAS ONETIK qualifie cet acte d'« avance » dans son exploit introductif d'instance avant d'évoquer un «prêt» dans ses conclusions, alors que M. et Mme X... revendiquent une intention libérale sans en rapporter la preuve ; que la thèse du prêt est vraisemblable dès lors qu'elle est confirmée par les attestations sur l'honneur de 3 producteurs ayant bénéficié d'un prêt au même moment dans des conditions identiques ; qu'ainsi, M. Y... précise que ces prêts devaient «permettre aux producteurs concernés de payer sans difficulté de trésorerie les montants dus au titre du prélèvement supplémentaire à l'ONILAIT pour les campagnes 1994-1995 ou/et 1995-1996» ; qu'il indique encore que « le prêt serait consenti par ONETIK et qu'il deviendrait remboursable sans intérêt le jour où l'éleveur quitterait l'entreprise ou cesserait l'activité laitière» ; que l'opération peut donc être qualifiée de prêt remboursable à terme incertain dont la survenance dépend de l'emprunteur ; qu'il n'en demeure pas moins que la cause de cette convention mérite d'être examinée ; que l'article 1131 du code civil dispose que «l'obligation sans cause ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet» ; qu'il est constant, en l'espèce, que la cause de la convention passée entre la SAS ONETIK et M. et Mme X... visait à financer les pénalités répercutées par la SCA BERRIA au titre des dépassements de production laitière ; qu'il sera d'abord observé l'absence de toute convention écrite entre la SAS ONETIK et M. et Mme X..., ce qui rend d'ailleurs complexe le débat sur sa nature juridique, premier signe d'une volonté manifeste de dissimulation ; qu'ensuite, il n'est pas anodin d'avoir fait appel à un tiers, la SAS ONETIK, pour régler un problème existant entre la SCA BERRIA et ses producteurs, une telle option ne pouvant s'expliquer que par l'intention, là encore, de rendre l'opération opaque aux yeux de l'ONILAIT ; qu'il est remarquable de constater que la SCA BERRIA a préféré l'intervention d'une société du groupe, au demeurant dans un curieux mélange des patrimoines sociaux puisque, dans l'absolu, les «prêts» consentis par la SAS ONETIK constituent essentiellement une charge financière qu'elle ne compensera jamais même dans l'hypothèse la plus optimiste de la récupération effective des capitaux, faute de stipulation d'intérêts ; enfin et surtout, que les pénalités infligées par l'ONILAIT poursuivaient un but notoire, celui de réguler le prix du lait sur le marché européen en imposant des quotas stricts de production ; que le système de refinancement des pénalités répercutées aux producteurs, tel que pratiqué par la SCA BERRIA avec la complicité active de la SAS ONETIK, loin de décourager les producteurs, consistait en un détournement pur et simple de la réglementation européenne ; que la cour d'appel de PAU, dans un arrêt du 29 janvier 2002 évoquant une «mutualisation des quotas», des «agissements frauduleux» et l'existence d'une «caisse noire» a clairement stigmatisé ce système (pourvoi de la SCA BERRIA rejeté par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 5 mars 2003) ; que, sur un contentieux relatif à une amende infligée à la SCA BERRIA par l'ONILAIT, la Cour administrative de BORDEAUX, dans un arrêt du 26 mars 2009 (pourvoi de la SCA BERRIA rejeté par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 30 décembre 2009), a eu l'occasion de rappeler les conditions de contrôle exercé par l'ONILAIT auprès de la coopérative en 1997 et 1998, soit précisément au moment de la convention litigieuse que la SCA BERRIA avait tout intérêt à cacher à l'organisme de contrôle ; que le caractère illicite de la convention passée dans des conditions douteuses et approximatives conduira donc le Juge de proximité à débouter la SAS ONETIK de l'ensemble de ses demandes ;

1°/ ALORS QU'aucune disposition ne permet à l'ONILAIT d'intervenir dans les rapports de droit privé qui s'établissent entre acheteurs et producteurs de lait ; qu'il résulte, en effet, des dispositions de l'article 2 du règlement C.E.E. n° 3950/92 du Conseil du 28 décembre 1992 et du décret n° 91-157 du 11 février 1991, dans leur rédaction applicable au litige, que c'est l'acheteur de lait qui est redevable du prélèvement supplémentaire envers l'ONILAIT et qu'il appartient à l'acheteur de lait de répercuter le prélèvement supplémentaire sur les seuls producteurs de lait qui ont dépassé leur quantité de référence ; qu'il s'ensuit qu'était licite le prêt litigieux, qui avait pour objet de permettre au producteur de lait de régler à son acheteur le montant du prélèvement supplémentaire, peu important les modalités de remboursement de ce prêt ; qu'en considérant pourtant que l'absence de convention écrite traduisait «une volonté manifeste de dissimulation», que le fait d'avoir fait appel à un tiers, la société ONETIK, «ne (pouvait) s'expliquer que par l'intention, là encore, de rendre l'opération opaque aux yeux de l'ONILAIT» et que «le système de refinancement des pénalités répercutées aux producteurs… loin de décourager les producteurs, consistait en un détournement pur et simple de la réglementation européenne», pour retenir que la convention avait un «caractère illicite» et qu'elle avait été «passée dans des conditions douteuses et approximatives», le Juge de proximité a statué par des motifs inopérants s'agissant d'apprécier la licéité de la cause de la convention de prêt régissant les rapports de droit privé entre acheteur et producteur de lait qui n'étaient pas soumis au contrôle de l'autorité publique et a, par conséquent, violé les articles susvisés ainsi que l'article 1131 du code civil ;

2°/ ALORS QU'en tout état de cause, la cause de l'obligation de l'emprunteur réside dans la remise des fonds prêtés ; que, dès lors en l'espèce, le financement du prélèvement supplémentaire ne constituait pas la cause, au sens de l'article 1131 du code civil, de l'obligation de l'emprunteur, M. et Mme X..., envers le prêteur, la société ONETIK ; qu'en décidant le contraire, pour retenir le caractère illicite du prêt litigieux, le Juge de proximité a violé ledit article ;

3°/ ALORS, ET A TITRE EGALEMENT SUBSIDIAIRE, QUE pour retenir le caractère illicite du prêt litigieux, le Juge de proximité s'est fondé sur un arrêt rendu le 29 janvier 2002 par la Cour d'appel de PAU, ayant fait l'objet d'un pourvoi de la SCA BERRIA rejeté par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 5 mars 2003, et sur un arrêt rendu le 26 mars 2009 par la Cour administrative de BORDEAUX, ayant également fait l'objet d'un pourvoi de la SCA BERRIA rejeté par le Conseil d'Etat le 30 décembre 2009 ; qu'en statuant ainsi par voie de référence à des causes déjà jugées, la Juge de proximité, qui devait se déterminer d'après les circonstances particulières de la cause, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

4°/ ALORS ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT QUE la cause illicite d'une obligation ne fait pas obstacle à l'action en répétition ; qu'en déboutant pourtant la Société ONETIK de sa demande en remboursement du prêt, au motif que ce prêt avait une cause illicite, le Juge de proximité a, de nouveau, violé l'article 1131 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-12943
Date de la décision : 26/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Juridiction de proximité de Bayonne, 07 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 sep. 2012, pourvoi n°11-12943


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.12943
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