LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 juin 2010), que M. X... a été engagé par la société Steria en qualité d'analyste programmeur le 13 février 2001 ; qu'il a exercé plusieurs mandats de représentant du personnel au sein de l'entreprise ; qu'au mois de janvier 2005, la société lui a confié une mission chez France Telecom ; qu'il a été remplacé dans sa mission à partir d'octobre 2005 ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 31 juillet 2006 et a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement nul et le paiement d'indemnités et de dommages-intérêts ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié qui accepte la modification de son contrat ou de ses conditions de travail ne peut ensuite invoquer ladite modification pour justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur ; qu'au cas particulier, la cour d'appel a expressément constaté que M. X... avait accepté de refaire une mission de formation auprès de Siprod mais également une mission d'ingénieur qualité et donc une modification de ses conditions de travail ; qu'aussi en énonçant par la suite qu'il ne s'agissait pour M. X... que d'un « compromis » pour retenir le grief de modification unilatérale de ses conditions de travail constitué et ainsi imputer à la société Steria la rupture à ses torts du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1231-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail ;
2°/ que ne peut être considéré comme manquant à son devoir de loyauté l'employeur d'un salarié protégé qui, pour satisfaire tant aux impératifs nés de l'activité syndicale de ce dernier qu'aux exigences de ses clients, procède au changement d'affectation dudit salarié pour le placer sur une mission sans contrainte horaire véritable et le remplacer par un employé pouvant travailler à temps plein ; qu'en décidant le contraire, pour imputer à l'exposante l'initiative de la rupture du contrat de travail de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu'en retenant comme fondé le grief invoqué par le salarié tiré de ce qu'aucune activité réelle ne lui était plus fournie depuis plusieurs mois au jour de la prise d'acte soit le 30 juillet 2006, sans rechercher s'il ne résultait pas des comptes-rendus établis de la main même du salarié qu'il avait en réalité été affecté au service qualité jusqu'au mois de juin 2006, date à laquelle il a, pour la première fois, fait mention d'un défaut d'affectation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail ;
4°/ qu'en retenant comme fondé le grief invoqué par le salarié tiré de ce qu'aucune activité réelle ne lui était plus fournie depuis plusieurs mois au jour de la prise d'acte sans tenir aucun compte de ce que M. X... n'avait jamais, avant ladite prise d'acte, fait état de ce défaut d'activité auprès de qui que ce soit, ce dont il s'évinçait que la situation n'était pas celle décrite par le salarié, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail ;
5°/ que subsidiairement la prise d'acte permet au salarié de rompre son contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; qu'au cas particulier, la cour d'appel, qui n'a pas expressément constaté que les prétendus manquements de la société Steria empêchaient la poursuite du contrat de travail de M. X..., a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail ;
Mais attendu, qu'appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a relevé que la société Steria avait vidé de son contenu la prestation de travail du salarié, le réduisant à une inactivité forcée à partir du mois de mars 2006 ; qu'elle en a exactement déduit que ce manquement de l'employeur à son obligation de fournir le travail convenu justifiait la prise d'acte de la rupture par le salarié ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Steria aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Steria à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société Steria
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié la rupture du contrat de travail de monsieur X... en licenciement nul et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société STÉRIA à verser au salarié différentes sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement nul et indemnité pour discrimination syndicale ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l'analyse de la rupture du contrat de travail de M. X... : lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'il appartient alors au salarié de rapporter la preuve des faits fautifs qu'il invoque ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... au moment où il a pris acte de la rupture de son contrat de travail occupait plusieurs mandats syndicaux, délégué du personnel, membre du comité d'établissement, délégué syndical de l'établissement de Bordeaux et représentant syndical ; qu'il bénéficiait donc d'un certain nombre d'heures de délégation ; qu'à partir de janvier 2005, il était affecté à une mission sur la société France Télécom, pour un produit SIPROD ; qu'à partir du mois de septembre 2005, il était pris entre 50 et 80 % de son temps par des activités syndicales ; que par des courriers du mois de septembre 2005, la direction de l'agence de la société STÉRIA décidait de retirer M. X... de ce poste, dans la mesure où il était trop pris par ses activités syndicales et de lui trouver une autre mission ; que l'employeur persistait dans cette position alors même que M. X... lui rappelait qu'il ne pouvait modifier le conditions de travail d'un salarié protégé sans le consentement de ce dernier ; que le 13 octobre 2005, l'inspecteur du travail rappelait dans un long courrier très argumenté l'état de la législation sur les salariés protégés et demandait à l'employeur de remettre M. X... dans sa situation antérieure ; que, par ailleurs, sur le même laps de temps, le délégué départemental CGT rappelait à la société STÉRIA ses obligations et France Télécom précisait que si elle avait effectivement attiré l'attention de la société STÉRIA sur la nécessité de monter en puissance dans l'exécution de sa prestation, elle laissait à la société STÉRIA la totale maîtrise de l'opération ; qu'il était affecté de nouveau durant quatre semaines en octobre et novembre 2006 à France Télécom avec une mission de formation de son successeur ; qu'il est exact que cette mission à France Télécom a été acceptée par M. X... ; que par la suite, la société Stéria lui a proposé une mission d'assistance qualité et le mail adressé le 17 novembre 2005 par M. X... peut être considéré comme un accord sur la suite, M. X... demandant cependant des précisions sur ses conditions de travail ; que dès lors il apparaît que contrairement à ce que soutient M. X..., s'il est exact que la société Stéria a modifié les conditions de travail d'un salarié protégé, en revanche, après les interventions de l'inspection du travail, les parties ont trouvé un terrain de compromis et M. X... a accepté de refaire une mission de formation auprès de SIPROD et a également accepté une mission d'ingénieur qualité, tout en demandant des informations complémentaires ; que cependant il est manifeste que la société Stéria, en mettant en avant l'indisponibilité de M. X... pour lui retirer cette mission, alors même que France Télécom n'avait pas exigé son départ, sans chercher une solution qui aurait pu permettre de le maintenir, n'a pas exécuté loyalement ses obligations ; que sur la période suivante, la société Stéria n'apporte aucun élément permettant de justifier d'une activité de la part de M. X... et de même, elle ne justifie pas d'avoir demandé à ce dernier d'effectuer telle ou telle prestation de travail ; qu'il ressort des pièces produites par la société Stéria que M. X... a accepté une solution de compromis par rapport à la mission France Télécom mais par la suite, il est manifeste que ce dernier n'a pas eu par la suite une véritable mission, la société ne justifiant plus d'aucune activité de M. X... à partir du mois de mars 2006 ; que le salarié de son côté produit des attestations qui témoignent de ce que M. X... aurait été laissé sans activité, les attestations de M. Y..., M. Z... et Mme A... relatant qu'à partir de mars 2006, il n'avait plus aucune activité ; que la prise d'acte de rupture qu'a fait M. X... était donc largement justifiée par les violations des obligations contractuelles de la société Stéria qui a considéré que M. X... avait accepté une modification de son contrat de travail alors qu'il ne s'agissait pour lui que d'un compromis et qui a finalement vidé la prestation de travail de son contenu, réduisant M. X... à une inactivité forcée ; que si la cour ne considère pas comme établis l'intégralité des griefs de M. X... dans sa lettre de prise d'acte de rupture, les fautes commises par l'employeur dans l'exécution du contrat de travail sont suffisamment caractérisées pour que la rupture soit considérée comme imputable à la société Stéria ; que s'agissant de la rupture d'un contrat de travail d'un salarié protégé, dont le licenciement aurait dû être préalablement autorisé par l'inspection du travail, celle-ci doit produire les effets d'un licenciement nul ; que le jugement qui a considéré que la société Stéria avait pleinement rempli ses obligations doit être réformé dans toutes ses dispositions ; que le fait pour M. X... d'avoir effectivement demandé un prêt à son employeur dans le cours du mois de juin 2006 ne peut pas permettre d'anéantir la démarche du salarié tendant à faire constater la rupture de son contrat de travail ; Sur les conséquences de la rupture : la rupture du contrat de travail devant s'analyser comme un licenciement, M. X... doit recevoir : - indemnité compensatrice de préavis soit 6.750 euros, - congés payés afférents soit 675 euros, - indemnité de licenciement soit 4.320 euros, ces indemnités n'étant pas discutées dans leur montant ; que le préjudice subi du fait de cette rupture, compte tenu des circonstances de l'espèce, sera réparé par l'allocation d'une somme de 20.000 euros ; que pour ce qui est de la violation du statut protecteur du salarié, M. X... est en droit d'obtenir le versement de ses salaires jusqu'à la fin de la période de protection, soit jusqu'à la fin de son mandat plus une période de six mois ; que M. X... a été élu à nouveau le 28 mars 2006 en qualité de délégué du personnel ; qu'en application de la loi du 2 août 2005, la durée du mandat des délégués du personnel a été portée à 4 ans et ce même texte a prévu dans l'article L. 2314-27 que la durée du mandat des délégués du personnel pouvait être réduite par un accord de branche, un accord de groupe ou un accord d'entreprise ; qu'un accord préélectoral ne peut produire un tel effet et c'est en vain que la société Stéria soutient que la durée du mandat des délégués du personnel a été réduite à trois ans dans le cadre d'un protocole préélectoral ; qu'il sera donc fait droit à la demande de M. X... sur ce point et il lui sera alloué la somme de 108.000 euros ; Sur la discrimination syndicale : qu'il est constant que M. X... a subi un traitement différent des autres salariés du fait de ses engagements syndicaux ; qu'en effet dès le mois de juillet 2005, la société Stéria a mis en avant les mandats syndicaux de M. X... pour l'enlever de ses missions chez France Télécom ; que si un autre salarié se trouvait également dans une position particulière du fait des congés restant à prendre, il est manifeste que la société Stéria a traité de manière différente le cas de M. X... ; que par la suite, les manquements de l'employeur ont entraîné l'intervention des autres syndicats et de l'inspection du travail, la société Stéria mettant toujours en avant les mandats syndicaux de M. X... pour justifier de ses décisions le concernant ; que la discrimination syndicale est donc établie et il y a lieu de réparer le préjudice de M. X... par l'allocation d'une somme de 1.000 euros » (arrêt attaqué, p. 4, p. 5, p. 6).
ALORS QUE le salarié qui accepte la modification de son contrat ou de ses conditions de travail ne peut ensuite invoquer ladite modification pour justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur ; qu'au cas particulier, la cour d'appel a expressément constaté que monsieur X... avait accepté de refaire une mission de formation auprès de SIPROD mais également une mission d'ingénieur qualité et donc une modification de ses conditions de travail ; qu'aussi en énonçant par la suite qu'il ne s'agissait pour monsieur X... que d'un « compromis » pour retenir le grief de modification unilatérale de ses conditions de travail constitué et ainsi imputer à la société STERIA la rupture à ses torts du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1231-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail ;
ALORS QUE ne peut être considéré comme manquant à son devoir de loyauté l'employeur d'un salarié protégé qui, pour satisfaire tant aux impératifs nés de l'activité syndicale de ce dernier qu'aux exigences de ses clients, procède au changement d'affectation dudit salarié pour le placer sur une mission sans contrainte horaire véritable et le remplacer par un employé pouvant travailler à temps plein ; qu'en décidant le contraire, pour imputer à l'exposante l'initiative de la rupture du contrat de travail de monsieur X..., la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS QU'en retenant comme fondé le grief invoqué par le salarié tiré de ce qu'aucune activité réelle ne lui était plus fournie depuis plusieurs mois au jour de la prise d'acte soit le 30 juillet 2006, sans rechercher s'il ne résultait pas des comptes-rendus établis de la main même du salarié qu'il avait en réalité été affecté au service qualité jusqu'au mois de juin 2006, date à laquelle il a, pour la première fois, fait mention d'un défaut d'affectation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail ;
ALORS QU'en retenant comme fondé le grief invoqué par le salarié tiré de ce qu'aucune activité réelle ne lui était plus fournie depuis plusieurs mois au jour de la prise d'acte sans tenir aucun compte de ce que monsieur X... n'avait jamais, avant ladite prise d'acte, fait état de ce défaut d'activité auprès de qui que ce soit, ce dont il s'évinçait que la situation n'était pas celle décrite par le salarié, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail ;
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la prise d'acte permet au salarié de rompre son contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; qu'au cas particulier, la cour d'appel, qui n'a pas expressément constaté que les prétendus manquements de la société STERIA empêchaient la poursuite du contrat de travail de monsieur X..., a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail.