La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/09/2012 | FRANCE | N°11-22864

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 septembre 2012, 11-22864


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 11 mars 2007, alors que M. X... était à bord de son bateau au mouillage à Chausey, le compartiment moteur a été envahi par l'eau de mer, que, le bateau ayant été remorqué au port de Granville, M. X... a, par télécopie du 22 mars, demandé à la société Tirot (la société) de lui faire parvenir un devis des travaux de remise en état consécutifs à cette inondation et de prendre les mesures néce

ssaires pour la sauvegarde des moteurs, que, le lendemain, la société lui a adressé...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 11 mars 2007, alors que M. X... était à bord de son bateau au mouillage à Chausey, le compartiment moteur a été envahi par l'eau de mer, que, le bateau ayant été remorqué au port de Granville, M. X... a, par télécopie du 22 mars, demandé à la société Tirot (la société) de lui faire parvenir un devis des travaux de remise en état consécutifs à cette inondation et de prendre les mesures nécessaires pour la sauvegarde des moteurs, que, le lendemain, la société lui a adressé un devis de travaux d'un montant de 15 644,51 euros, que M. X... n'a pas accepté, que, le 30 mai 2007, ce dernier a conclu avec les entreprises qui avaient été chargées de l'entretien du bateau avant le sinistre un accord transactionnel auquel la société a refusé de participer, que M. X... s'est alors adressé à une autre entreprise qui lui a soumis, le 25 août 2007, un devis pour la remise en état des deux moteurs d'un montant de 68 981,92 euros, qu'après avoir fait désigner un expert en référé, M. X... a assigné la société en vue de l'entendre déclarer responsable de l'aggravation du sinistre subi par son bateau pour n'avoir pas mis en oeuvre les mesures de sauvegarde nécessaires et en paiement d'une somme correspondant à l'échange standard des moteurs, déduction faite du coût des travaux de remise en état pour l'avarie initiale, ainsi que d'une indemnité mensuelle pour trouble de jouissance jusqu'à réparation intégrale du navire ;
Que, pour débouter M. X... de ses demandes, l'arrêt retient que, par télécopie du 22 mars 2007, M. X... a demandé à la société d'établir un devis pour les travaux de remise en état consécutifs à l'inondation par eau de mer du compartiment moteur, ajoutant : "Je vous remercie de prendre les mesures nécessaires pour la sauvegarde des moteurs qui ont été immergés aux deux tiers par eau de mer... Si des produits anti-oxydants doivent être appliqués, je vous laisse le soin de faire le nécessaire pour éviter une aggravation des dégâts", qu'en l'absence de devis accepté par M. X..., aucun contrat ne liait les parties et qu'il ne peut être reproché à la société de ne pas avoir effectué les travaux de sauvegarde alors qu'ils ne lui ont pas été commandés ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, dans la télécopie précitée, M. X... avait clairement et précisément chargé la société, non seulement d'établir un devis pour les travaux de remise en état, mais encore de prendre toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder les moteurs et éviter une aggravation des dommages, la cour d'appel a dénaturé ce document, violant ainsi l'article susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de ses demandes dirigées contre la société Tirot, l'arrêt rendu le 14 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société Tirot aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Tirot à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. Eric X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir déclarer la Sarl Tirot responsable de l'aggravation de l'état de son bateau consécutivement à l'avarie du 22 mars 2007.
AUX MOTIFS QU'il résulte des pièces produites que par télécopie du 22 mars 2009, Éric X... a demandé à la Sarl Tirot d'établir un devis pour les travaux de remise en état consécutifs à l'inondation par eau de mer du compartiment moteur. II ajoutait: Je vous remercie de rendre les mesures nécessaires pour la sauvegarde des moteurs qui ont été immergés aux deux tiers par eau de mer. J'ai demandé un rinçage à l'eau douce par le Port Saint-Nicolas. Si des produits anti-oxydants doivent être appliqués, je vous laisse le soin de faire le nécessaire pour éviter une aggravation des dégâts. Il résulte des conclusions de l'expert que pour éviter la corrosion du moteur, il était nécessaire d'entreprendre, très rapidement, au maximum dans les 15 jours suivant le sinistre, l'ensemble des travaux suivants :- nettoyage du compartiment moteur à l'eau douce,- remplacement des faisceaux électriques,- remplacement des deux démarreurs et des deux alternateurs,- dépose des injecteurs et contrôle au banc,- nettoyage de turbos,- nettoyage des échangeurs,- pulvérisation de gaz-oil ou de tout autre produit inhibant, à l'intérieur des cylindrées, afin d'éviter quelque corrosion que ce soit,- virage des moteurs aux démarreurs,- repose des injecteurs, mise en route des moteurs et fonctionnement pendant au moins une demi-heure en charge.
Il apparaît au contraire que les mesures de sauvegarde étaient nombreuses et coûteuses puisqu'elles impliquaient que les moteurs, remis en état, puissent tourner une demi-heure. Il ne peut être reproché à la Sarl Tirot de ne pas avoir pris la mesure des dégâts affectant les moteurs alors que l'ensemble des mesures de sauvegarde préconisées par l'expert se retrouve sur le devis d'un montant total de 15 644,51 € TTC qu'elle a adressé dès le 23 mars 2007, soit le lendemain de sa demande, Eric X... : nettoyage des échangeurs, réfection des brochages électriques, remplacement des démarreurs et alternateurs, nettoyage des turbos, remise en route. Le coût de ces prestations justifiait que la Sarl Tirot adresse un devis Eric X... avant de les effectuer. Eric X... qui n'a pas donné suite au devis ne peut reprocher à la Sarl Tirot de ne pas les avoir effectués. En l'absence de devis accepté par Eric X..., aucun contrat ne liait les parties. Les démontages des démarreurs et alternateurs ont été exécutés dans un cadre pré-contractuel, pour l'établissement du devis. Ils n'ont d'ailleurs pas été facturés sans que cette circonstance ne suscite l'étonnement ou l'intervention d'Eric X.... Dans ses relations avec Eric X..., la Sarl Tirot, dont il n'était pas le client habituel, a pu constater qu'un expert maritime était missionné pour intervenir à ses côtés, même si elle en ignorait le cadre exact. M. Z... a en effet organisé une réunion en présence de M. A..., chef d'atelier de la Sarl Tirot le 2 avril 2007. Par ailleurs, elle savait qu'Eric X... était en lien avec d'autres entreprises, telles que Port Saint-Nicolas, à laquelle il avait confié le rinçage du moteur à l'eau douce. Enfin, Eric X..., bien qu'il ne soit pas professionnel de la mécanique marine n'était manifestement pas un profane et connaissait les risques encourus par un moteur immergé aux deux tiers dans l'eau de mer. Dans ces conditions, elle a pu, sans faute, considérer qu'Éric X... était suffisamment informé des risques encourus par son navire en l'absence de travaux de remise en état à brève échéance. Il ne peut lui être reproché ni de ne pas avoir effectué les travaux de sauvegarde alors qu'en définitive ils ne lui ont pas été commandés ni de ne pas en avoir avisé Eric X... qui ne pouvait l'ignorer ni de ne pas l'avoir alerté sur des risques qu'il connaissait. Celui-ci doit être débouté de son action responsabilité à l'encontre de la Sarl Tirot.
ALORS QUE dans sa télécopie du 22 mars 2007, après avoir demandé à la société Tirot un devis concernant les travaux de remise en état consécutifs à l'inondation par eau de mer du compartiment moteur, M. X... lui indiquait « je vous remercie de prendre les mesures nécessaires pour la sauvegarde des moteurs qui ont été immergés aux deux tiers par eau de mer… Si des produits anti-oxydants doivent être appliqués, je vous laisse le soin de faire le nécessaire pour éviter une aggravation de dégâts » ; que dès lors, en affirmant, pour débouter M. X... de son action en responsabilité formée contre la société Tirot pour n'avoir ni pris ni conseillé les mesures de sauvegarde nécessaires, que ces travaux ne lui avaient pas été commandés, la cour a dénaturé les termes clairs et précis de la télécopie du 22 mars 2007, chargeant expressément cette entreprise, outre d'établir un devis pour les travaux de remise en état, ce qui a été fait, de prendre toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder les moteurs et éviter une aggravation des dommages, et a ainsi violé l'article 1134 du code civil.
ALORS le contrat d'entreprise, par lequel une personne charge un entrepreneur d'exécuter, en toute indépendance, un travail spécifique destiné à répondre aux besoins particuliers qu'elle a exprimés, n'est soumis à aucune forme déterminée ; que dès lors en déclarant, pour décider que M. X... ne pouvait reprocher à la société Tirot de ne pas avoir effectué les travaux de sauvegarde, et le débouter de son action en responsabilité à son encontre, qu'en l'absence de devis accepté par M. X... aucun contrat ne liait les parties, la cour a violé l'article 1787 du code civil.
ALORS QUE dans son rapport (p. 22 et 23), l'expert a indiqué qu'à la suite de l'avarie il était nécessaire d'entreprendre très rapidement, au maximum dans les quinze jours suivant le sinistre, les travaux suivants : nettoyage du compartiment moteur à l'eau douce, remplacement des faisceaux électriques, remplacement des deux démarreurs et des deux alternateurs, dépose des injecteurs et contrôle au banc, nettoyage des turbos, nettoyages des échangeurs (hors sinistre), pulvérisation de gasoil, ou de tout autre produit inhibant, à l'intérieur des cylindrées, virage des moteurs au démarreur, repose des injecteurs, mise en route des moteurs, et fonctionnement pendant au moins ½ heure en charge ; que dès lors, le devis établi le 23 mars 2007 par la société Tirot ne prévoyant ni la pulvérisation de gas-oil ou d'un autre produit inhibant dans les cylindrées, ni le virage des moteurs au démarreur, la cour d'appel, en retenant, pour décider que M. X..., dès lors qu'il n'avait pas donné de suite à ce devis, ne pouvait reprocher à l'entreprise de ne pas avoir effectué les travaux de sauvegarde, que l'ensemble des mesures de sauvegarde préconisées par l'expert se retrouvait sur le devis de la société Tirot, a dénaturé ce devis, qui ne comprenait pas précisément toutes les mesures indiquées par l'expert pour conserver les moteurs immédiatement après le sinistre et éviter la corrosion des moteurs, et a ainsi violé l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

M. Eric X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir déclarer M. Jean-Marie Z... responsable de l'aggravation de l'état de son bateau consécutif à l'avarie du 22 mars 2007.
AUX MOTIFS QU'il résulte de pièces produites aux débats que Jean-Marie Z... a été missionné le 27 mars 2007 par France Plaisance Assurance, assureur d'Eric X... afin de déterminer l'origine des dommages (accidentelle ou mauvais entretien). Il s'agissait par conséquent de savoir si l'avarie était due à une fortune de mer ou au mauvais entretien des moteurs. Il a conclu, dans son rapport du 18 avril 2007, destiné à son mandant, France Plaisance Assistance, que l'origine du sinistre était un défaut d'entretien (échangeur d'eau douce colmaté) et un défaut d'installation (durite PVC posée sans collier d'écartement) qui ne rentraient pas dans le cadre de la garantie des dommages et qu'il ne s'agissait en aucun cas d'une fortune de mer. Jean-Marie Z... qui n'était pas le mandataire d'Eric X... dans le cadre de cette mission n'était pas débiteur à son égard d'une obligation d'information et de conseil quant aux mesures de remise en état qui s'imposaient. Jean-Marie Z... a été également missionné par C.F.D.P. Assurance le 27 avril 2007, ainsi qu'il résulte de la pièce 27 de la SCP Parrot, produite aux débats, vraisemblablement dans le cadre du contrat de protection juridique souscrit par Éric X.... Toutefois ni ce contrat, ni la lettre de mission ne sont produits aux débats. Il n'est nullement établi que l'intervention de l'expert consistait, même accessoirement, à conseiller ou informer Éric X... sur les travaux de sauvegarde nécessaires et à surveiller leur réalisation effective. Il apparaît au contraire des pièces produites et notamment du procès-verbal du 30 mai 2007 que cette mission était, plus vraisemblablement, relative à la recherche des responsabilités éventuellement encourues dans la survenance du sinistre du 11 mars 2007 et à une assistance en vue d'un règlement amiable du litige avec les entreprises qui avaient antérieurement concouru à l'entretien du bateau. Aucune faute ni aucun manquement ne peuvent par conséquent être reprochés à Jean-Marie Z..., en lien avec l'aggravation des désordres affectant les moteurs.
ALORS QU'en dehors de toute obligation légale, réglementaire ou conventionnelle, l'abstention d'une mesure de prudence utile engage la responsabilité de son auteur lorsque le fait omis a eu pour effet de causer un dommage matériel à autrui ; que dès lors en se contentant d'affirmer que M. Z..., qui n'était pas le mandataire de M. X... dans le cadre de la mission donnée par l'assureur, n'était pas débiteur à son égard d'une obligation d'information et de conseil, pour le débouter de son action en responsabilité à son encontre, sans examiner si M. Z..., expert maritime, qui avait une connaissance complète des éléments du dossier et savait que des mesures de sauvegarde avaient été demandées à la société Tirot, n'avait pas manqué à son obligation élémentaire et utile de prudence en ne mettant pas en garde M. X... sur la nécessité d'effectuer rapidement les travaux de sauvegarde pour conserver les moteurs, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-22864
Date de la décision : 20/09/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 14 juin 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 sep. 2012, pourvoi n°11-22864


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Odent et Poulet, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.22864
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award