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20/09/2012 | FRANCE | N°11-19825

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 septembre 2012, 11-19825


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 22 avril 2011), que M.
X...
, salarié de la société Schering-Plough (l'employeur), affecté, du 1er mars 1992 au 1er avril 2004, au nettoyage, en chambre stérile, de réacteurs avec un produit solvant, le diméthylformamide, a été reconnu, le 17 février 2006, atteint d'une affection consécutive à l'exposition à ce produit, maladie professionnelle inscrite au tableau n° 84 ; que M.
X...
et le syndicat CFDT-Chimie énergie de Ba

sse-Normandie ont saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnai...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 22 avril 2011), que M.
X...
, salarié de la société Schering-Plough (l'employeur), affecté, du 1er mars 1992 au 1er avril 2004, au nettoyage, en chambre stérile, de réacteurs avec un produit solvant, le diméthylformamide, a été reconnu, le 17 février 2006, atteint d'une affection consécutive à l'exposition à ce produit, maladie professionnelle inscrite au tableau n° 84 ; que M.
X...
et le syndicat CFDT-Chimie énergie de Basse-Normandie ont saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la maladie professionnelle de M.
X...
résulte de sa faute inexcusable alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes du compte-rendu de la réunion du CHSCT du 11 décembre 1991, le président du comité, M.
Y...
, énonçait que : " nous avons décidé une campagne de prélèvement avec la CRAM. Celle-ci va démarrer en janvier avec M. Z...: prélèvement d'ambiance aux postes de travail pour dosage des polluants solides et des solvants et puis dosage individuel sur le personnel. Pour les solvants il existe des VLE (valeur limite d'exposition). … S'il en a le temps, le préleveur fera également des prélèvements aux crèmes et liquides, en salle de lavage zone propre où l'on utilise le DMF " ; que la société expliquait que le prélèvement « aux crèmes et liquides », en sus des prélèvements d'ambiance sur les postes de travail, avait pour objet " de prélever le taux de pénétration du DMF dans les produits et liquides utilisés " ; que, pour déduire de ce document une négligence de la société s'agissant de la protection de ses salariés, la cour d'appel en a fait une lecture totalement tronquée en énonçant qu'il y serait « expressément indiqué » par M.
Y...
que " s'il a le temps, le préleveur fera également des prélèvements, en salle de lavage en zone propre où l'on utilise le DMF " ; que la cour d'appel a ainsi occulté le contenu réel de cette pièce qui énonçait que la mission du préleveur était en réalité de " procéder au prélèvement d'ambiance aux postes de travail pour dosage des polluants solides puis dosage individuel sur le personnel " et que le CHSCT se réservait ensuite de faire les prélèvements lui-même et " si on en a le temps " de faire accessoirement des prélèvements sur les crèmes et liquides en salle de lavage, ce dont il résultait non pas que la protection des salariés était éludée, mais que le CHSCT avait organisé un programme de formations pour lui-même à sa propre convenance ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
2°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leur prétention ; qu'au cas présent, la société produisait aux débats le " programme de formation " suivi par M.
X...
au moment de son embauche de mars à décembre 1992 ; que cette formation, d'une durée de 460 heures sur neuf mois, comportait 250 heures consacrées au " nettoyage et à la préparation des gros équipements " et notamment à l'« apprentissage des règles (procédures) de base pour tout travail en zone à atmosphère contrôlée » ; que, parmi ces règles, figuraient les « procédures spécifiques pour l'usage d'un solvant (dymethyl formamide) » ; qu'en estimant que l'analyse des fiches de formation subies par M.
X...
« ne fait pas ressortir que ces formations étaient consacrées à la prévention des risques qu'impliquait le contact avec le DMF », ce dont il résulte qu'elle n'a pas examiné les documents déterminants susvisés pourtant régulièrement produits par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leurs sont fournis par les parties au soutien de leur prétention ; qu'au cas présent, la société produisait au débat, d'une part, le compte-rendu de la réunion du CHSCT du 19 juin 2001 avec en annexe un compte-rendu de visite au cours de laquelle il était constaté que les " protections individuelles conformes sont portées ou disponibles (chaussures de sécurité …, gants …, masques respiratoires …, bottes de sécurité " et, d'autre part, le document unique d'évaluation des risques en date du 17 juin 2002 comportant une description précise des risques liés au poste de travail occupé par M.
X...
ainsi que des moyens de protection destinés à les prévenir (masque, gants, bottes, tablier, lunettes de sécurité, existence d'une aspiration au-dessus du bac de DMF) ; qu'en énonçant que la société aurait attendu 2006 pour équiper les salariés de protections individuelles, ce dont il résulte qu'elle n'a pas examiné les documents déterminants susvisés pourtant régulièrement produits par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'il résulte des constatations de l'arrêt que, d'une part, M.
X...
a été en arrêt de travail à compter de 2003 et reconnu atteint d'une maladie professionnelle le 17 février 2006 ; qu'il résulte également des constatations de l'arrêt que l'amélioration du capteur de DMF a été réalisée le 9 septembre 2002, soit avant la survenance de la maladie de M.
X...
; qu'en estimant que la société aurait attendu le classement de l'affection de M.
X...
en maladie professionnelle " pour que l'employeur mette en oeuvre une modification des conditions de travail du poste d'agent de nettoyage en zone stérile et équipe les salariés de protections individuelles, ainsi que de hotte aspirante ", la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que la conscience du danger et le caractère suffisant des mesures prises par l'employeur s'apprécient objectivement par rapport à ce que devait savoir, dans son secteur d'activité et à l'époque de l'exposition au risque, un employeur conscient de ses devoirs et obligations ; que cette appréciation implique nécessairement la prise en compte de l'époque à laquelle la victime a pu être exposé au risque, de l'état de connaissance du risque à l'époque de l'exposition, de l'activité de l'employeur, des travaux effectués par le salarié et de la réglementation en vigueur ; qu'au cas présent, la société exposait notamment qu'elle avait réalisé des prélèvements d'ambiance afin de s'assurer que les concentrations de solvants étaient inférieures aux valeurs limites d'exposition préconisées par les pouvoirs publics ; qu'elle exposait également qu'elle avait mis en oeuvre des équipements de protection individuels et collectifs qu'elle avait améliorés progressivement ; qu'en refusant d'analyser les différentes mesures prises par la société pour préserver le salarié du danger lié à l'utilisation de dymethylformamide et rechercher si ces mesures pouvaient paraître suffisantes, au regard de la connaissance concrète du risque qu'elle pouvait avoir entre 1992 et 2004, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et 1147 du code civil ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de l'article 455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation la décision motivée de la cour d'appel qui, hors de toute dénaturation ou contradiction et ayant effectué la recherche prétendument omise, a pu décider, par une appréciation souveraine des éléments de faits et de preuve soumis aux débats, que l'employeur, conscient du danger que constituait le diméthylformamide et n'ayant pas pris les mesures de protection nécessaires, avait commis une faute inexcusable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Schering-Plough aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Schering-Plough ; la condamne à payer à M.
X...
la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour les sociétés Schering-Plough et MSD France.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la maladie professionnelle de Monsieur
X...
résulte de la faute inexcusable de la société SCHERING PLOUGH, fixé au maximum la majoration de la rente et ordonné une expertise médicale en vue de l'évaluation des préjudices subis par Monsieur
X...
;
AUX MOTIFS QUE « sur la faute inexcusable : En vertu des dispositions de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une indemnisation complémentaire lorsque l'accident est dû, ne serait-ce que pour partie, à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués, une telle faute étant caractérisée si l'employeur qui est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise, avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, la preuve de cette conscience du danger et du défaut de mesures appropriées incombant à la victime ; sur les conditions de travail de M. X...: M. X...a été embauché en qualité d'agent qualifié de nettoyage en production stérile. Affecté à un poste de lavage des actifs chimiques, il avait pour tâche de nettoyer en chambre stérile des réacteurs avec un dissolvant pour réactifs, en l'espèce du DMF ; qu'il a exercé ces fonctions depuis son embauche (en 1992) jusqu'au 1er avril 2004 date à laquelle – ayant été déclaré temporairement inapte à cet emploi en raison des affections dermatologiques et ophtalmiques dont il souffrait et qui ont été à l'origine d'arrêts de travail prescrits au cours des années 2003 et 2004 – il a été affecté à un poste ne le mettant pas en contact de produits solvants ; qu'il résulte des allégations non contestées de M. X...que, si au début de l'exécution de son contrat de travail (1992-1993) il n'utilisait le DMF qu'environ cinq heures par semaine, en 1994-1995, il était exposé de 2 à 4 heures par jour et de 1996 à 2003 son travail le mettait en contact avec le DOMF de quatre à six heures par jour ; B-sur la toxicité du DMF : Il est établi que le diméthylformamide présente un risque toxique comme le démontre notamment le document de prévention des risques chimiques que constitue la fiche produit N° 30 (pièce du salarié n° 18). Ce d ocument créé en 1990, c'est-à-dire avant l'embauche de M. X..., et révisé en 1993 et 2000, indique qu'il s'agit d'un irritant fort et précise : « brûlures des yeux, de la peau et des muqueuses »). La fiche toxicologique de l'INRS, éditée en 1987 et mise à jour en 2000 confirme la toxicité de ce produit (pièce du salarié n° 26) ; que cette substance est par ailleurs mentio nnée par le tableau N° 84 (crée en 1987) annexé à l'article R 461-3 du code de la sécurité sociale au nombre des solvants organiques liquides à l'usage professionnel susceptibles d'engendrer notamment des dermites ou lésions eczématiformes ; C-sur la connaissance par la société SCHERINGPLOUGH de cette toxicité : Eu égard à la nature de son activité (laboratoire pharmaceutique) et au nombre de salariés qu'elle employait (plus de 200) et compte-tenu de ce qu'elle employait à temps complet un médecin du travail (pièce de l'employeur n° 2) la société SCHERING-PLOU GH ne pouvait ignorer, au moment où M. X...a commencé à travailler pour son compte, les dangers qu'il y avait à manipuler ce produit ; qu'il ressort du reste du compte-rendu d'une réunion au 1er décembre 2002 (pièce du salarié n° 32) que, dès cette époque, l'entreprise avait été saisie d'une requête du service de toxicologie professionnelle de l'hôpital F. Vidal de Paris concernant l'exposant du personnel aux vapeurs de DMF ; D-sur les mesures de protection : M. X...ayant cessé d'être exposé au risque que constitue le contact avec le DMF le 31 mars 2004, seules seront prises en considération les pièces qui concernent la période antérieure à cette date, les autres (pièces de l'employeur n° 16 à 19 inclus, et 24 à 33 inclus) sont inopérantes ; * sur l'information des salariés : que dès lors que la société SCHERING-PLOUGH avait connaissance de la toxicité du DMF, elle avait l'obligation de mettre en oeuvre des mesures efficaces pour protéger les salariés des dangers résultant du contact avec ce solvant ; qu'il est raisonnable de retenir que les salariés seront d'autant mieux protégés des dangers auxquels ils sont exposés qu'ils en auront été informés, il n'apparaît pas qu'en l'espèce l'attention de M. X...ait été attirée sur cet aspect de ses conditions de travail. Certes l'employeur fait valoir que l'intéressé a participé à de nombreuses heures de formation (notamment environ 260 heures réparties entre mars et décembre 2002), ce que les premiers juges ont d'ailleurs retenu ; que s'il en est effectivement justifié, l'analyse des fiches d'enregistrement des formations subies par M. X...ne fait pas ressortir que ces formations étaient consacrées à la prévention des risques qu'impliquait le contact avec le DMF et révèle qu'elles avaient essentiellement pour thème l'acquisition de savoirs techniques (initiation au nettoyage et règles de pesées, calibrage poudre Eulescine, mélange Rumicine noyaux, calibrage des mpClarytine, nettoyage du matériel, formation cariste, exercice incendie). Rien ne démontre même que les heures de formation consacrées, en janvier 1998 ou en octobre 2003 à la « nouvelle tenue vestimentaire zone propre » concernait l'utilisation d'équipements de protection ; qu'il faut noter par ailleurs qu'était rappelée de façon récurrente, lors des réunions du CHSCT, la nécessité de mettre à disposition des fiches toxicologiques dans tous les services manipulant ces produits. Or, les pièces versées aux débats ne permettent pas de considérer que cela a été fait. Présentée le 22 septembre 1997, cette demande du CHSCT (pièce du salarié n° 23) était toujours notée comme étant « à l'étude en septembre 1998 », et contrairement à ce qu'impose l'alinéa 4 de l'article L236-4) du code du travail, il n'est pas justifié de ce que les motifs de cette inexécution ont été énoncés ; * sur les mesures de protection : qu'il apparaît que sur le compte rendu de la réunion du CHSCT du 11 décembre 1991, s'agissant du développement de la prévention des risques chimiques, il est expressément indiqué par le chef d'entreprise, M. Y... : « S'il a le temps, le préleveur fera expressément des prélèvements, en salle de levage en zone propre où l'on utilise le DMF », propos qui laissent à penser que pour les postes tels que celui qui allait être occupé par M. X..., la protection des salariés n'était pas au nombre des préoccupations majeures ; qu'après cette date, les différents procès-verbaux de l'année 1992 (pièce de l'employeur n° 8, 9 et 10) se bornent à ce sujet de noter, en ce qui concerne l'utilisation du DMF, qu'en janvier 2002 « la procédure a été rappelée aux utilisateurs » sans qu'aucun document ni aucune explication de la société SCHERING-PLOUGH au cours de la présente instance ne permette d'en déduire qu'il était fait référence à des mesures de protection ; que par ailleurs, à partir du 31 décembre 1992, la société SCHERING-PLOUGH était soumise à l'obligation prévue par les articles L. 236-3, L. 236-4 (anciens) et suivants du code du travail, relatifs au programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail ; elle devait par conséquent fournir au CHSCT, au moins une fois par an, notamment la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l'année à venir en matière de prévention desdits risques dans les domaines définis à l'article L236-2 (ancien) du code du travail ; qu'or, alors qu'il avait été noté le 22 mars 1993 : « visite du secteur : production stérile : revoir le poste de lavage des actifs … DMF = captation des vapeurs, transvasement et évacuation des solvants usagers …, aucun document n'est produit concernant les années 1994 à 2001. La cour est fondée à en déduire qu'aucune mesure particulière de protection n'a été mise en oeuvre pendant cette période et que, tout particulièrement le problème concernant le poste lavage des actifs n'a pas été résolu. Cette analyse est indirectement confirmée par la circonstance que le 13 mars 2001 il était noté : « Production stérile : revoir le poste de lavage des actifs chimie (DMF) amélioration de la captation des vapeurs par modification de la bouche d'aspiration et adjonction de joues latérales » et que de nouveau le procès-verbal du 28 janvier 2002 mentionnait « action corrective à mener : « pour mémoire : amélioration du capteur des vapeurs de DMF au poste lavage manuel et trempé ». Il résulte de la pièce n° 15 de l'employeur que, sur ce point, l'action corrosive n'a été effective que le 9 septembre 2002 soit près de 10 ans après que la difficulté a été soumise à l'employeur ; que ces éléments accréditent la thèse du salarié qui soutient qu'il a fallu attendre le classement de l'affection de Monsieur
X...
en maladie professionnelle pour que l'employeur mettre en oeuvre une modification des conditions de travail du poste d'agent de nettoyage en zone stérile et équipe les salariés de protections individuelles notamment de cagoule ventilée, ainsi que de hotte aspirante lors des manipulations du produit solvant incriminé ; qu'il faut par conséquent retenir qu'alors qu'elle avait conscience du danger que constituait le contact avec le DMF pendant plus de dix ans, la société SCHERING-PLOUGH n'a pas pris les mesures de protection nécessaires. Elle a donc commis une faute inexcusable au sens de l'article L452-1 du code de la sécurité sociale. Le jugement entrepris doit par conséquent être infirmé » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'aux termes du compte-rendu de la réunion du CHSCT du 11 décembre 1991, le président du comité, Monsieur
Y...
, énonçait que : « nous avons décidé une campagne de prélèvement avec la CRAM. Celle-ci va démarrer en janvier avec M. Z...: prélèvement d'ambiance aux postes de travail pour dosage des polluants solides et des solvants et puis dosage individuel sur le personnel. Pour les solvants il existe des V. L. E (valeur limite d'exposition). … S'il en a le temps, le préleveur fera également des prélèvements aux Crèmes et Liquides, en salle de lavage zone propre où l'on utilise le DMF » (p. 5) ; que la société SCHERING PLOUGH expliquait que le prélèvement « aux crèmes et liquides », en sus des prélèvements d'ambiance sur les postes de travail, avait pour objet « de prélever le taux de pénétration du DMF dans les produits et liquides utilisés » (Conclusions p. 4-5) ; que, pour déduire de ce document une négligence de la société SCHERING PLOUGH s'agissant de la protection de ses salariés, la Cour d'appel en a fait une lecture totalement tronquée en énonçant qu'il y serait « expressément indiqué » par le Monsieur
Y...
que « s'il a le temps, le préleveur fera également des prélèvements, en salle de lavage en zone propre où l'on utilise le DMF » (Arrêt 4 al. 5) ; que la Cour d'appel a ainsi occulté le contenu réel de cette pièce qui énonçait que la mission du préleveur était en réalité de « procéder au prélèvement d'ambiance aux postes de travail pour dosage des polluants solides puis dosage individuel sur le personnel » et que le CHSCT se réservait ensuite de faire les prélèvements lui-même et « si on en a le temps » de faire accessoirement des prélèvements sur les crèmes et liquides en salle de lavage, ce dont il résultait non pas que la protection des salariés était éludée, mais que le CHSCT avait organisé un programme de formations pour luimême à sa propre convenance ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leurs sont fournis par les parties au soutien de leur prétention ; qu'au cas présent, la société SCHERING PLOUGH produisait aux débats le « programme de formation » suivi par Monsieur
X...
au moment de son embauche de mars à décembre 1992 ; que cette formation, d'une durée de 460 heures sur neuf mois, comportait 250 heures consacrées au « nettoyage et à la préparation des gros équipements » et notamment à l'« apprentissage des règles (procédures) de base pour tout travail en zone à atmosphère contrôlée » ; que, parmi ces règles, figuraient les « procédures spécifiques pour l'usage d'un solvant (dymethyl formamide) » ; qu'en estimant que l'analyse des fiches de formation subies par Monsieur
X...
« ne fait pas ressortir que ces formations étaient consacrées à la prévention des risques qu'impliquait le contact avec le DMF » (Arrêt p. 4 al. 3), ce dont il résulte qu'elle n'a pas examiné le document déterminants susvisés pourtant régulièrement produits par l'exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leurs sont fournis par les parties au soutien de leur prétention ; qu'au cas présent, la société SCHERING PLOUGH produisait au débat, d'une part, le compte-rendu de la réunion du CHSCT du 19 juin 2001 avec en annexe un compte-rendu de visite au cours de laquelle il était constaté que les « protections individuelles conformes sont portées ou disponibles (chaussures de sécurité …, gants …, masques respiratoires …, bottes de sécurité » et, d'autre part, le document unique d'évaluation des risques en date du 17 juin 2002 comportant une description précise des risques liés au poste de travail occupé par Monsieur
X...
ainsi que des moyens de protection destinés à les prévenir (masque, gants, bottes, tablier, lunettes de sécurité, existence d'une aspiration au-dessus du bac de DMF) ; qu'en énonçant que la société SCHERING PLOUGH aurait attendu 2006 pour équiper les salariés de protections individuelles (Arrêt p. 5 al. 2),), ce dont il résulte qu'elle n'a pas examiné les documents déterminant susvisé pourtant régulièrement produit par l'exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'il résulte des constatations de l'arrêt que, d'une part, Monsieur
X...
a été en arrêt de travail à compter de 2003 et reconnu atteint d'une maladie professionnelle le 17 février 2006 (Arrêt p. 2 al. 2 et p. 3 al. 2) ; qu'il résulte également des constatations de l'arrêt que l'amélioration du capteur de DMF a été réalisée le 9 septembre 2002 (Arrêt p. 5 al. 1), soit avant la survenance de la maladie de Monsieur
X...
; qu'en estimant que la société SCHERING PLOUGH aurait attendu le classement de l'affection de Monsieur
X...
en maladie professionnelle « pour que l'employeur mette en oeuvre une modification des conditions de travail du poste d'agent de nettoyage en zone stérile et équipe les salariés de protections individuelles, ainsi que de hotte aspirante », la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la conscience du danger et le caractère suffisant des mesures prises par l'employeur s'apprécient objectivement par rapport à ce que devait savoir, dans son secteur d'activité et à l'époque de l'exposition au risque, un employeur conscient de ses devoirs et obligations ; que cette appréciation implique nécessairement la prise en compte de l'époque à laquelle la victime a pu être exposé au risque, de l'état de connaissance du risque à l'époque de l'exposition, de l'activité de l'employeur, des travaux effectués par le salarié et de la réglementation en vigueur ; qu'au cas présent, la société SCHERING PLOUGH exposait notamment qu'elle avait réalisé des prélèvements d'ambiance afin de s'assurer que les concentrations de solvants étaient inférieures aux valeurs limites d'exposition préconisées par les pouvoirs publics ; qu'elle exposait également qu'elle avait mis en oeuvre des équipements de protection individuels et collectifs qu'elle avait améliorés progressivement ; qu'en refusant d'analyser les différentes mesures prises par la société SCHERING PLOUGH pour préserver le salarié du danger lié à l'utilisation de dymethylformamide et rechercher si ces mesures pouvaient paraître suffisantes, au regard de la connaissance concrète du risque qu'elle pouvait avoir entre 1992 et 2004, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 du Code de la sécurité sociale et 1147 du Code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-19825
Date de la décision : 20/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 22 avril 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 20 sep. 2012, pourvoi n°11-19825


Composition du Tribunal
Président : M. Héderer (conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.19825
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