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19/09/2012 | FRANCE | N°11-15625

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 septembre 2012, 11-15625


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Cera Engineering, anciennement dénommée Cera France, le 25 août 1997, en qualité de technicien d'atelier ; qu'après avoir démissionné de ses fonctions par lettre du 10 février 2008, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser une somme à titre de rap

pel d'heures de trajet et de congés payés, alors, selon le moyen, que le temps de déplace...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Cera Engineering, anciennement dénommée Cera France, le 25 août 1997, en qualité de technicien d'atelier ; qu'après avoir démissionné de ses fonctions par lettre du 10 février 2008, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser une somme à titre de rappel d'heures de trajet et de congés payés, alors, selon le moyen, que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif, mais doit faire l'objet, lorsqu'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, d'une contrepartie soit sous forme de repos soit financière ; qu'en affirmant, pour retenir que la prime de déplacement versée à M. X..., à l'occasion de ses déplacements en France et à l'étranger, ne pouvait pas tenir lieu de contrepartie au temps de déplacement professionnel, que cette prime était servie pour compenser la sujétion particulière d'éloignement du domicile, sans préciser le fondement juridique d'une telle affirmation, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'indemnité de séjour de 20 euros en France et 40 euros à l'étranger était destinée à couvrir la sujétion particulière d'éloignement du domicile, la cour d'appel, qui a ainsi pu décider que cette indemnité n'avait pas le même objet que l'indemnité de trajet servie en contrepartie du temps de déplacement professionnel, en a exactement déduit que ces indemnités pouvaient se cumuler ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 3121-24 du code du travail ;

Attendu que pour faire droit à la demande du salarié, l'arrêt retient que l'employeur ayant choisi de mensualiser les heures supplémentaires accomplies par les salariés de l'entreprise, ne pouvait, sans violer les dispositions des articles L. 3121-24 et L. 3133-3 du code du travail, procéder à la déduction ni des semaines comportant un jour férié ni à celles des congés payés ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les jours fériés, les jours de congés payés, et les jours d'arrêt-maladie, ne peuvent, en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles, être assimilés à du temps de travail effectif, de sorte qu'ils ne sauraient être pris en compte dans la détermination de l'assiette de calcul des droits à majoration et bonification en repos pour heures supplémentaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la cassation sur le premier moyen emporte la cassation par voie de conséquence sur les dispositions de l'arrêt relatives à la rupture du contrat de travail ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Cera France à payer à M. X... des sommes à titre de solde de majoration d'heures supplémentaires, d'indemnité de préavis et d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 25 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Cera Engineering

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société CERA ENGINEERING à verser à Monsieur X... la somme de 343,78 euros à titre de solde de majoration d'heures supplémentaires régulières outre 34,37 euros au titre des congés payés afférents

AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... poursuit son employeur à lui payer 343,78 € à titre de majoration des heures supplémentaires mensualisées, à compter de février 2004, sous déduction des récupérations dont il a bénéficié ; que l'employeur s'oppose à la demande présentée ; qu'il est constant que Monsieur X... est rémunéré sur la base de 38 heures par semaine, se décomposant en salaire de base pour 151h67 et 12h99 d'heures supplémentaires entre 35 et 38 heures ; que l'employeur s'est engagé, en contrepartie du maintien aux 38 heures hebdomadaires de travail, à permettre au salarié de prendre soit 4 jours de congés ou à rémunérer 4 jours de congés ; que Monsieur X... a dûment informé chaque année son employeur de sa décision de bénéficier de 4 jours de congés supplémentaires au titre de la majoration des heures supplémentaires ; que l'employeur, ayant choisi de mensualiser les heures supplémentaires accomplies par les salariés de l'entreprise, ne pouvait, sans violer les dispositions des articles L.3121-24 et L.3133-3 du Code du travail, procéder à la déduction ni des semaines comportant un jour férié ni à celles des congés payés ; que dès lors le salarié est fondé en sa demande de rappel de salaire à hauteur de la somme de 343,78 €, outre les congés payés y afférents, la somme réclamée étant contestée par l'employeur en son principe mais non en son montant » ;

ALORS QUE selon l'article L. 3121-22 du Code du travail, constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par l'article L. 3121-10 ou de la durée considérée comme équivalente ; que cette durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés ; qu'en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles, les jours fériés ou de congés payés ne peuvent être assimilés à du temps de travail effectif, de sorte qu'en l'absence d'usage contraire en vigueur dans l'entreprise, l'employeur n'est pas tenu de prendre en compte les jours fériés chômés et de congés payés dans l'assiette de calcul des droits à majoration ou bonification en repos pour heures supplémentaires ; qu'en affirmant que la société CERA ENGINEERING ne pouvait déduire les jours fériés et congés payés de l'assiette de calcul de la bonification en repos pour heures supplémentaires, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1, L. 3121-22, L. 3121-14 et L. 3133-3 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR condamné la société CERA ENGINEERING à verser à Monsieur X... la somme de 7.348,75 euros à titre de rappel d'heures de trajet outre 734,87 euros au titre des congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... poursuit son employeur à lui payer au taux horaire non majoré les temps de trajet excédant l'horaire rémunéré, à compter de février 2004 jusqu'à fin mars 2008 se fondant ; que l'employeur s'y oppose ; qu'il n'est pas contesté que Monsieur X..., travaillant au sein du service après-vente, a été amené à effectuer de nombreux déplacements chez les clients comme en attestent les « rapports de déplacement » personnalisés, versés aux débats, comportant les visas des clients, du salarié et les dates et nature d'intervention, leur durée et les temps de trajet ; qu'en application de l'article L. 3121-4 du Code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif et que s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos soit financière, déterminée par convention ou accord du collectif de travail ; que cette contrepartie est déterminée au sein de la société intimée par l'article 3-1 de l'accord du 26 février 1976, auquel se réfère la convention collective applicable en son article 21, convention collective étendue et correspond au paiement au tarif horaire normal sans majoration ; que si Monsieur X... a pu percevoir une indemnité de séjour de 20 € en FRANCE et 40 € à l'étranger, dans le cadre de ses déplacements professionnels, cette indemnité ne peut tendre à dispenser l'employeur du paiement des temps de trajet, s'agissant d'une indemnité servie pour couvrir la sujétion particulière d'éloignement du domicile ; que Monsieur X... est fondé en se demandes en paiement à ce titre de la somme de 7.348,75 € outre les congés payés y afférents, le calcul en lui-même n'étant nullement contesté par l'employeur et n'encourant aucune critique » ;

ALORS QUE le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif, mais doit faire l'objet, lorsqu'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, d'une contrepartie soit sous forme de repos soit financière ; qu'en affirmant, pour retenir que la prime de déplacement versée à Monsieur X..., à l'occasion de ses déplacements en France et à l'étranger, ne pouvait pas tenir lieu de contrepartie au temps de déplacement professionnel, que cette prime était servie pour compenser la sujétion particulière d'éloignement du domicile, sans préciser le fondement juridique d'une telle affirmation, la cour d'appel a violé l'article 12 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR dit que la démission de Monsieur X... doit s'analyser en une prise d'acte de rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société CERA ENGINEERING à verser à Monsieur X... diverses sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité compensatrice de solde de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... a démissionné par lettre du 10 février 2008, rédigée en ces termes : « En effet, depuis l'arrêt des fonctions de Monsieur Fréderic Y... au service après vente, je constate une augmentation de mes charges de travail interne et externe à Cera Engineering ; que de ce fait, une majeure partie de ses responsabilités m'a été imposée en complément du mien, et aucune démarche n'a été entreprise pour rétablir une situation normale dès l'annonce officielle de son arrêt (la politique du « on verra le jour où… ») ; qu'à commencer, la fatigue des transports en voiture à répétition (ce qui a amené une visite chez le médecin pour migraine et un arrêt de travail pour des pertes d'équilibre), des déplacements abusifs, des missions incertaines et utopiques (arrêt de travail pour dépression) et tout cela seul (AMD) (une visite chez le médecin pour des maux au dos) font je dois m'arrêter afin de préserver ma santé, mon équilibre psychologique et familial ; que de plus, un manque de communication évident s'est installé, entraînant par voie de conséquence une dégradation de mes motivations » ; que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque de mettre fin à la relation de travail ; qu'elle ne se présume pas ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ; qu'il est avéré que Monsieur X... n'a pas été rémunéré de l'intégralité des salaires susceptibles de lui revenir, au regard des prestations de travail accomplies et temps de trajet, ce seul manquement, même s'il n'a été évoqué qu'en cours de procédure prud'homale, est d'une gravité suffisante et rend équivoque la démission ; que le fait qu'il ne soit aucunement justifié ni de plaintes de Monsieur X... sur ses conditions de travail en cours d'exécution du contrat de travail ni de la réalité d'une surcharge de travail ni d'un impact effectif sur sa santé en lien avec son activité professionnelle ne peuvent suffire à enlever toute gravité au manquement commis ; que la démission présentée par Monsieur X... le 10 février 2008 doit s'analyser en une prise d'acte de rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

1. ALORS QUE pour dire que la démission de Monsieur X... devait s'analyser en une prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que la seule circonstance que Monsieur X... n'ait pas été rémunéré des salaires susceptibles de lui revenir compte tenu du mode de calcul des droits à bonification pour heures supplémentaires et du mode d'indemnisation des temps de déplacement professionnel appliqués par l'entreprise est d'une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat ; qu'il en résulte que la cassation à intervenir sur les deux premiers moyens entraînera cassation de l'arrêt, par voie de conséquence, sur le troisième moyen en application de l'article 625 du Code de procédure civile ;

2. ALORS, A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ; que l'appréciation du caractère équivoque de la démission du salarié, qui dépend des circonstances antérieures ou contemporaines de la démission, est indépendante de l'appréciation de la justification de la rupture, qui dépend de la gravité des manquements reprochés à l'employeur ; qu'en affirmant que le manquement de l'exposante à ses obligations en matière de bonification des heures supplémentaires et de paiement des temps de déplacement professionnel, même s'il n'a été évoqué qu'en cours de la procédure prud'homale, est d'une gravité suffisante et rend équivoque la démission, la cour d'appel a confondu l'appréciation de la gravité des manquements avec celle du caractère équivoque de la démission et violé, par fausse application, les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail ;

3. ALORS, ENFIN, QUE la prise d'acte de la rupture ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition d'être justifiée par un manquement de l'employeur à ses obligations suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat ; que n'empêchent pas la poursuite de l'exécution du contrat les erreurs de calcul de la bonification pour heures supplémentaires ou l'application d'un mode d'indemnisation des temps de déplacement professionnel non prévu par les dispositions conventionnelles, en raison d'une erreur d'interprétation de ces dispositions, tant que le salarié n'a pas dénoncé ces erreurs, ni sollicité leur rectification ; qu'en affirmant que les manquements commis par la société CERA ENGINEERING relativement au calcul de la bonification pour heures supplémentaires et au mode d'indemnisation des temps de déplacement professionnel étaient d'une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat à ses torts, cependant qu'elle avait constaté que ces manquements résultaient « d'erreurs d'interprétation commises dans l'application des textes en vigueur » et qu'ils n'ont été « évoqués qu'en cours de procédure prud'homale », la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-15625
Date de la décision : 19/09/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 25 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 sep. 2012, pourvoi n°11-15625


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.15625
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