LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 27 avril 2012), rendu sur renvoi après cassation (chambre sociale, 3 juillet 2008, pourvoi n° 06-46.058), que M. X... a été employé du 1er mars 2000 au 1er mars 2003 en qualité de pilote professionnel d'hélicoptère par la société Jean Bories, entreprise de transports sanitaires héliportés soumise à la convention collective nationale du personnel navigant technique des exploitants d'hélicoptères du 13 novembre 1996 ; qu'affecté en alternance au centre hospitalier universitaire de Carcassonne et à celui de Narbonne, il travaillait selon un cycle de sept jours complets, 24 heures sur 24, suivi de sept jours de repos ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale notamment d'une demande en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et de dommages-intérêts au titre du repos compensateur, soutenant que durant les périodes de travail il se trouvait en permanence à la disposition de son employeur et que ces heures constituaient dans leur intégralité des heures de travail effectif ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que tout salarié est en droit de se prévaloir des stipulations de son contrat de travail plus favorables que la loi ou le règlement, la convention collective ou l'accord collectif, dès lors que ces dispositions ou stipulations ne sont pas contraires à l'ordre public ; que le Manuel d'exploitation, intégré au contrat de travail de M. X... en vertu de l'article 13 de ce contrat, prévoyait expressément au titre "Durée du temps de travail" que "Celui-ci ne doit pas être confondu avec le temps de vol. Rappel. Le temps de travail est le temps de mise à disposition de l'employeur." ; que le régime de travail instauré dans ce même document à la clause "Durée du repos" prévoyait que le régime de travail était "7/7 sept jours de travail, sept jours de repos" ; que les bulletins de salaires comptabilisaient tous 169 heures de temps de travail mensuel sans mentionner les heures supplémentaires ; qu'en considérant que "le contrat stipule que M. X... ne pourra refuser d'effectuer des heures supplémentaires, sans se prononcer sur la durée du temps de travail en sorte que cette durée est celle légalement prévue pour les pilotes d'hélicoptères" pour ne comptabiliser dans les heures de travail que les heures de vol, régime moins favorable au salarié que celui prévu au contrat, la cour d'appel a méconnu les termes du contrat de travail en violation de l'article 1134 du code civil ensemble l'article L. 2251-1 du code du travail (ancien article L. 132-4 du code du travail) et le principe fondamental en droit du travail de l'application aux salariés de la norme la plus favorable ;
2°/ que le temps de travail effectif s'entend du temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses Directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; que les heures de présence effectuées dans une chambre spécialement mise à disposition sur le lieu de travail afin de répondre à tout moment à toute sollicitation sont des heures de travail effectif ; que la note de services aux pilotes intitulée "Feuille de présence Pilote Samu 11", partie intégrante du contrat de travail en application de l'article 13 de ce contrat, prévoyait : "Nombre de jours de Samu : à remplacer par nombre de jours de travail. Heures de présence : impropre. Dans les métiers d'urgence on parle de "jours d'astreinte" ce qui signifie que pour la permanence à : a)- Carcassonne : Astreinte H 24, nuit repos en chambre dans le même bâtiment, missions exceptionnelles entre 22 heures et 06 heures" ce dont il s'inférait que pendant les heures d'astreinte, M. X... était à la disposition de l'employeur, devait se conformer à ses directives et ne pouvait vaquer à ses occupations personnelles, devant rester sur la base même de Carcassonne ; qu'en refusant de prendre en compte les heures de mise à disposition de l'employeur, au motif que l'article D. 422-10 et l'article 14 de l'annexe I de la convention collective nationale du personnel navigant technique des exploitants d'hélicoptères sont dérogatoires au droit commun qui ne prévoient pas de système d'équivalence pour le temps d'inaction, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, l'article L. 3121-1 du code du travail et l'article D. 422-10 du code de l'aviation civile ensemble l'article 14 de l'annexe I de la Convention collective nationale du personnel navigant technique des exploitants d'hélicoptères par fausse application ;
3°/ que la fonction de personnel navigant technique affecté à la réalisation d'opérations aériennes civiles d'urgence par hélicoptère, par les conditions de secours d'urgence qu'il infère, ne peut être assimilé à une fonction de pilote d'avion de transport de passagers ou de marchandises ; que le pilote d'hélicoptère affecté au SAMU doit rester à disposition nuit et jour pendant le temps de travail en vue d'interventions d'urgence ; que dès lors la Directive 93/104 du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail lui est bien applicable, n'excluant que le transport aérien ; que l'article 2 de cette Directive dispose que constitue un "‘temps de travail' : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales" ; qu'au sens de ce texte il convient de considérer qu'un service de garde selon le régime de la présence physique au lieu de travail constitue dans son intégralité du temps de travail au sens de cette Directive, alors même que l'intéressé est autorisé à se reposer sur ce lieu pendant les périodes où ses services ne sont pas sollicités ; que le droit national doit nécessairement respecter les règles minimales de protection imposées par ce texte; qu'en appliquant l'article D. 422-10 du code de l'aviation civile et l'article 14 de l'annexe I de la convention collective nationale du personnel navigant technique des exploitants d'hélicoptères qui ne prennent pas en compte le temps de mise à disposition de l'employeur, la cour d'appel a violé lesdits articles par fausse application ensemble l'article L. 3121-1 du code du travail tel qu'interprété à la lumière de la Directive 93/104 du 23 novembre 1993 ;
Mais attendu, d'abord, qu'en retenant que les heures supplémentaires ne peuvent être décomptées qu'au-delà du nombre d'heures de vol prévu par l'article D. 422-10 du code de l'aviation civile et que, dès lors, les temps d'inaction ne peuvent être assimilés à un temps de vol afin de déterminer le seuil de déclenchement ouvrant droit à des heures supplémentaires, la cour de renvoi a statué en conformité avec l'arrêt de cassation qui l'avait saisie ; que le moyen, qui appelle la Cour de cassation à revenir sur la doctrine affirmée par son précédent arrêt, est irrecevable ;
Attendu, ensuite, que l'article 14 du contrat de travail du salarié renvoie, pour ce qui concerne la détermination de la durée et de la rémunération du travail, à la convention collective applicable, dont l'article 14 spécifie que le déclenchement de la majoration pour heures supplémentaires a lieu à partir de la 78e heure mensuelle de vol ; que la cour d'appel a pu en déduire que le contrat n'institue pas en faveur du salarié un régime plus favorable que celui prévu par la réglementation et la convention collective ;
Attendu, enfin, que l'activité de secours d'urgence par hélicoptère, qui consiste à acheminer par aéronef d'un point d'origine à un point de destination des passagers en situation de détresse, constitue du transport aérien et n'entre pas dans le champ d'application de la Directive 93/104 du 23 novembre 1993 ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le contrat, l'article 13 stipule que le temps de travail est le temps de mise à disposition de l'employeur en sorte que peu important les dispositions législatives réglementaires ou conventionnelles dans la mesure où les heures de permanence constituent des heures entrant dans le cadre de la rémunération des heures de travail et sont dues ; que cependant le contrat stipule que Monsieur X... ne pourra refuser d'effectuer des heures supplémentaires, sans se prononcer sur la durée du temps de travail en sorte que cette durée est celle légalement prévue pour les pilotes d'hélicoptères ; Sur le droit communautaire, que d'une part si la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail prend effet à compter de 1996, son article premier exclut de son champ d'application les transports aériens, ferroviaires, routiers, maritimes, fluviaux, et lacustres et de la pêche maritime ; qu'en conséquence il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir enfreint ce texte ; que d'autre part la directive 2003/88/CE du Conseil du 4 novembre 2003 ne s'applique qu'à compter du mois de novembre 2004 en sorte que le contrat de travail de Monsieur X... ayant pris fin le 27 février 2003, cette directive n'est pas applicable ; Sur le rappel des salaires, qu'il résulte des éléments fournis par les parties que la société était bénéficiaire d'un marché émanant d'un hôpital public afin d'organiser un secours d'urgence consistant en une intervention immédiate d'un hélicoptère ; que l'appelant a donc été affecté à cette tâche et lui a été demandé de rester présent en permanence sur le site de décollage de l'appareil ou à proximité de celui-ci pendant des gardes 24 heures sur 24 selon un rythme d'une semaine sur deux ; que selon l'article L. 212-2 du Code du travail dans sa rédaction alors applicables, des décrets déterminent les modalités d'application de l'article L. 212-1 pour l'ensemble des branches d'activité ou des professions ou pour une branche ou une profession particulière, fixent notamment l'aménagement et la répartition des horaires de travail, les périodes de repos, les conditions de recours aux astreintes, les dérogations permanentes ou temporaires applicables dans certains cas et pour certains emplois et les modalités de récupération des heures de travail perdues et les mesures de contrôle de ces diverses dispositions ; que selon l'article D. 422-10 du Code de l'aviation civile la durée de travail effective prévue à l'article L. 212-I du Code du travail correspond à une durée mensuelle moyenne de 75 heures de vol réparties sur l'année ou une durée mensuelle de 78 heures de vol réparties sur l'année selon l'option choisie par l'entreprise ; que ces textes, codifiés depuis, découlent directement du décret 51-539 du 23 mars 1951 déterminant les modalités d'application de la loi du 21 juin 1936 sur la durée du travail personnel navigant dans les entreprises de transport de travail aérien ; qu'il s'agit d'un texte dérogatoire aux règles du droit commun, instituées par le Code du travail pour une profession déterminée quant à la durée du travail ; que cette dérogation ne prévoit pas un système d'équivalent du calcul de la durée du travail qui serait applicable au temps d'inaction ; qu'également sont sans influence une mention du contrat de travail faisant référence au Code du travail et des mentions sur les bulletins de paie indiquant un temps de travail de 169 heures, l'employeur pouvant apporter la preuve contraire de l'inexactitude ou de l'erreur de ces mentions ; que par ailleurs l'article 14 de l'annexe I de la Convention collective nationale du personnel navigant technique des exploitants d'hélicoptères applicables jusqu'en décembre 2003 prévoit que le déclenchement des heures supplémentaires a lieu au-delà d'un certain nombre d'heures de vol ; que selon les dispositions du code de l'aviation civile, seul le temps de vol doit être assimilé à un temps de travail effectif ; que les temps d'inaction tels qu'invoqués par l'appelant consistent pour une partie seulement en des temps d'attente de vol en étant à disposition dans un local d'habitation situé à proximité de l'aire de stationnement de l'appareil ; que les heures supplémentaires ne pouvant être légalement décomptées qu'au-delà du nombre d'heures de vol prévu par l'article D-422-10, ces temps d'inaction ne peuvent donc être assimilés à un temps de vol afin de déterminer le seuil de déclenchement ouvrant droit à des heures supplémentaires ; que dès lors le jugement doit être confirmé de ce chef ; sur l'indemnité de sujétion, que selon les pièces et les explications fournies Monsieur X..., durant son affectation, partageait ses temps de présence avec d'autres pilotes affectés à la même mission ; qu'ensemble ils établissaient leur planning de travail et de repos au regard de la réglementation applicable à leur fonction, leur seule contrainte imposée étant d'assurer la continuité et la qualité du service dues auprès du SAMU ; que de plus, la Société avait décidé de ne pas intervenir dans l'établissement de ce planning sauf litige ou contestation portés à sa connaissance ; que dans ces conditions les pilotes ont pu bénéficier de temps de congés et de temps de repos durant leur période de travail ; qu'ainsi les périodes d'inaction, contrairement à ce qui est affirmé, n'ont pas constitué une sujétion contraignante caractérisant une atteinte aux droits de la personnes et aux libertés individuelles et collectives ou des restrictions non justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché au sens de l'article L. 120-2 devenu L. 1121-1 du Code du travail ; que cette argumentation n'est donc pas fondée. »
ALORS QUE 1°) tout salarié est en droit de se prévaloir des stipulations de son contrat de travail plus favorables que la loi ou le règlement, la convention collective ou l'accord collectif, dès lors que ces dispositions ou stipulations ne sont pas contraires à l'ordre public ; que le Manuel d'exploitation, intégré au contrat de travail de Monsieur X... en vertu de l'article 13 de ce contrat, prévoyait expressément au titre « Durée du temps de travail » que « Celui-ci ne doit pas être confondu avec le temps de vol. RAPPEL. Le temps de travail est le temps de mise à disposition de l'employeur. » ; que le régime de travail instauré dans ce même document à la clause « Durée du repos » prévoyait que le régime de travail était « 7/7 7 jours de travail, 7 jours de repos » ; que les bulletins de salaires comptabilisaient tous 169 heures de temps de travail mensuel sans mentionner les heures supplémentaires ; qu'en considérant que « le contrat stipule que Monsieur X... ne pourra refuser d'effectuer des heures supplémentaires, sans se prononcer sur la durée du temps de travail en sorte que cette durée est celle légalement prévue pour les pilotes d'hélicoptères » pour ne comptabiliser dans les heures de travail que les heures de vol, régime moins favorable au salarié que celui prévu au contrat, la Cour d'appel a méconnu les termes du contrat de travail en violation de l'article 1134 du Code civil ensemble l'article L 2251-1 du Code du travail (ancien article L. 132-4 du Code du travail) et le principe fondamental en droit du travail de l'application aux salariés de la norme la plus favorable ;
ALORS QUE 2°) le temps de travail effectif s'entend du temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; que les heures de présence effectuées dans une chambre spécialement mise à disposition sur le lieu de travail afin de répondre à tout moment à toute sollicitation sont des heures de travail effectif ; que la note de services aux pilotes intitulée « Feuille de présence Pilote Samu 11 », partie intégrante du contrat de travail en application de l'article 13 de ce contrat, prévoyait : « Nombre de jours de Samu : à remplacer par nombre de jours de travail. Heures de présence : impropre. Dans les métiers d'urgence on parle de « jours d'astreinte » ce qui signifie que pour la permanence à : a)- CARCASSONNE : Astreinte H 24, nuit repos en chambre dans le même bâtiment, missions exceptionnelles entre 22h et 06h » ce dont il s'inférait que pendant les heures d'astreinte, Monsieur X... était à la disposition de l'employeur, devait se conformer à ses directives et ne pouvait vaquer à ses occupations personnelles, devant rester sur la base même de CARCASSONNE ; qu'en refusant de prendre en compte les heures de mise à disposition de l'employeur, au motif que l'article D. 422-10 et l'article 14 de l'annexe I de la Convention collective nationale du personnel navigant technique des exploitants d'hélicoptères sont dérogatoires au droit commun qui ne prévoient pas de système d'équivalence pour le temps d'inaction, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, l'article L 3121-1 du Code du travail et l'article D. 422-10 du Code de l'aviation civile ensemble l'article 14 de l'annexe I de la Convention collective nationale du personnel navigant technique des exploitants d'hélicoptères par fausse application ;
ALORS QUE 3°) la fonction de personnel navigant technique affecté à la réalisation d'opérations aériennes civiles d'urgence par hélicoptère, par les conditions de secours d'urgence qu'il infère, ne peut être assimilé à une fonction de pilote d'avion de transport de passagers ou de marchandises; que le pilote d'hélicoptère affecté au SAMU doit rester à disposition nuit et jour pendant le temps de travail en vue d'interventions d'urgence ; que dès lors la directive 93/104 du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail lui est bien applicable, n'excluant que le transport aérien ; que l'article 2 de cette directive dispose que constitue un « ‘temps de travail': toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales »; qu'au sens de ce texte il convient de considérer qu'un service de garde selon le régime de la présence physique au lieu de travail constitue dans son intégralité du temps de travail au sens de cette directive, alors même que l'intéressé est autorisé à se reposer sur ce lieu pendant les périodes où ses services ne sont pas sollicités; que le droit national doit nécessairement respecter les règles minimales de protection imposées par ce texte; qu'en appliquant l'article D. 422-10 du Code de l'aviation civile et l'article 14 de l'annexe I de la Convention collective nationale du personnel navigant technique des exploitants d'hélicoptères qui ne prennent pas en compte le temps de mise à disposition de l'employeur, la Cour d'appel a violé lesdits articles par fausse application ensemble l'article L. 3121-1 du Code du travail tel qu'interprété à la lumière de la directive 93/104 du 23 novembre 1993.