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12/09/2012 | FRANCE | N°11-15006

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 12 septembre 2012, 11-15006


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 3 février 2011), que trois enfants, Claude, Jean-Marie et Monique, sont issus du mariage contracté par Paul X... et Denise Y... ; que celle-ci a consenti à Monique X... épouse Z... quatre procurations, entre le 12 mars 1982 et le 18 décembre 1986, la mère et la fille étant titulaires de deux comptes joints ; que Mme Y... veuve X... a été placée sous tutelle par un jugement du 10 décembre 2001 qui a désigné Mme Z... en qualité d'administratrice sous contrôle

judiciaire ; qu'après le décès de celle-là, le 30 octobre 2002, M. Clau...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 3 février 2011), que trois enfants, Claude, Jean-Marie et Monique, sont issus du mariage contracté par Paul X... et Denise Y... ; que celle-ci a consenti à Monique X... épouse Z... quatre procurations, entre le 12 mars 1982 et le 18 décembre 1986, la mère et la fille étant titulaires de deux comptes joints ; que Mme Y... veuve X... a été placée sous tutelle par un jugement du 10 décembre 2001 qui a désigné Mme Z... en qualité d'administratrice sous contrôle judiciaire ; qu'après le décès de celle-là, le 30 octobre 2002, M. Claude X... a saisi le tribunal de grande instance de Nancy en ouverture du partage judiciaire, demandant notamment le rapport à succession des sommes retirées sans justification des comptes du vivant de sa mère et l'application, à l'encontre de Mme Z..., des sanctions du recel successoral ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt de dire qu'elle devait rapporter à la succession de Denise Y..., veuve X..., la somme de 77 300 euros, alors, selon le moyen :
1°/ que Mme Z... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 9-10), que les services qu'elle avait rendus à sa mère dépassaient largement le cadre de ceux habituellement rendus par une maison de retraite et incluaient, notamment, la prise en charge des déplacements en taxi afin de lui permettre de bénéficier de véritables vacances, celles des dépenses non couvertes par la sécurité sociale, des cotisations de mutuelle et des impôts, ou encore la prise en charge des dépenses vestimentaires et de coiffeur ; que dès lors, en en se bornant à adopter les motifs de l'expert selon lesquels les dépenses effectuées pour l'entretien de Densie X... ne pouvaient être justifiées qu'à hauteur de 9 000 euros mensuels, correspondant au coût moyen d'une maison de retraite, et que Mme Z... ne pouvait donc justifier de la dépense mensuelle résiduelle de 3 000 francs, sans même répondre au moyen selon lequel les services effectivement rendus par Mme Z... à Denise X... ne se limitaient pas à ceux qu'aurait pu fournir une maison de retraite, la cour d'appel a privé sa décision de motivation et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que Mme Z... exposait, dans ses conclusions d'appel (p. 5-6), que les prélèvements réalisés les 15 mai 2002 et 8 juillet 2002 correspondaient pour partie aux versements mensuels de 750 euros et pour le reste à des dépenses courantes de nourriture, d'habillement, de soins médicaux et de loisirs engagées pour Denise X..., et que le chèque de 780 euros en date du 18 juillet 2002, correspondait à une facture de taxi du 12 juillet 2002 ayant permis le déplacement de Denise X... pour des vacances ; que dès lors en se bornant à adopter les conclusions non motivées de l'expert selon lesquelles ces dépenses n'étaient pas justifiées, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les sommes litigieuses n'étaient pas raisonnables au regard des besoins de Denise X..., la cour d'appel a privé sa décision de motivation et violé l'article 455 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les ressources de Denise X... se sont élevées à la somme de 287 000 euros pour la période considérée, qu'au regard de sa perte progressive d'autonomie, ses besoins se sont élevés à 215 400 euros, que l'aide de Mme Z... a évité à sa mère une admission en établissement pour personnes âgées, que cette assistance dans une mesure excédant la piété filiale appelait une indemnisation, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a estimé, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et sans être tenue de réfuter tous les arguments qui lui étaient soumis, que Mme Z... ne justifiait pas de la dépense d'une somme mensuelle de 3 000 francs durant cette même période, de sorte qu'elle devait rapporter à la succession une somme de 71 800 euros à augmenter de la somme de 5 500 euros correspondant aux dépenses non justifiées comptabilisées par l'expert pour la période postérieure à l'ouverture de la tutelle ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen :
Mme Z... fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est privée de tous ses droits sur la somme de 77 300 euros qu'elle doit rapporter à la succession, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un héritier ne peut être frappé des peines du recel que lorsque son intention frauduleuse est caractérisée ; que dès lors, en se bornant à énoncer, pour considérer que Mme Z... s'était rendue coupable de recel successoral, que ses cohéritiers avaient pu établir grâce à une mesure d'expertise, qu'elle avait utilisé les procurations dont elle bénéficiait pour effectuer des opérations bancaires dans son intérêt exclusif et dans l'intention de porter atteinte à l'égalité du partage, sans préciser les circonstances permettant de caractériser cette prétendue intention frauduleuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 792 ancien du code civil ;
2°/ qu'en tout état de cause, que si, dans son rapport, l'expert considérait qu'une partie des sommes prélevées par Mme Z... sur les comptes de sa mère n'était pas justifiée et devait donc être rapportée à la succession, il ne constatait pas la moindre intention frauduleuse de la part de Mme Z... ; que dès lors en considérant que la mesure d'expertise avait permis aux cohéritiers de Mme Z... d'établir son intention de porter atteinte à l'égalité du partage, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'en retenant, dans l'exercice de leur pouvoir souverain, que Mme Z... avait disposé de ces sommes à l'insu de ses cohéritiers, ce qui lui avait été rendu possible par les procurations dont elle était titulaire sur les comptes, les juges du fond ont estimé, sans dénaturer les termes de l'expertise, que le recel d'effets de la succession se trouvait ainsi constitué, de sorte que Mme Z... ne pouvait prétendre à aucune part sur ce montant ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour Mme Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme Z... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle devait rapporter à la succession de Mme Denise Y..., veuve X..., la somme de 77.300 € ;
AUX MOTIFS QUE Mme Z... n'établit pas qu'au moment où sa mère lui a consenti les procurations successives sur ses comptes bancaires, la mandante avait la volonté de se dessaisir irrévocablement des sommes présentes ou futures inscrites au crédit de ces comptes ; par ailleurs, Mme Z... ne conteste nullement avoir pris en charge dans sa totalité la gestion des comptes bancaires de sa mère, et d'avoir ainsi procédé, à la faveur des procurations qui lui ont été consenties, à toutes les opérations incriminées par ses cohéritiers ; et dès lors qu'aucun élément ne permet de retenir que Mme Veuve X... ait vérifié et approuvé, fut-ce tacitement, la gestion de sa fille, cette dernière doit rendre compte à ses cohéritiers de sa gestion, par application de l'article 1993 du code civil, et rapporter à la succession les sommes prélevées sans justification sur les comptes de la défunte, quand bien même il ne s'agit pas de donations ; que c'est sur la base d'éléments pertinents que l'expert, tenant compte de la progressivité de la perte d'autonomie de Mme veuve X..., comme il l'explique dans sa réponse aux observations du conseil de Mme Z..., a retenu que pour la période allant du 5 novembre 1988, date de la donation partage, au 10 décembre 2001, date d'ouverture de la mesure de protection, les besoins de Mme veuve X... se sont élevés à 215.400 €, en tenant compte de l'indemnisation due à Mme Z..., pour l'aide et l'assistance apportée à sa mère dans la mesure excédant la piété filiale, ces prestations librement fournies ayant réalisé un enrichissement de la mère, qui a pu éviter une admission en établissement pour personne âgées ; l'expert sera suivi en ce qu'il a alors constaté que compte tenu des ressources totalisant 287.000 € pour la même période, Mme Z... ne peut justifier de la dépense d'une somme mensuelle de 3.000 F pendant cette même période, ce dont il résulte qu'elle doit rapporter à la succession une somme de 71.800 €, à augmenter de la somme de 5.500 € correspondant aux dépenses non justifiées constatées par l'expert pour la période postérieure à l'ouverture de la tutelle ;
1°/ ALORS QUE Mme Z... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 9-10), que les services qu'elle avait rendus à sa mère dépassaient largement le cadre de ceux habituellement rendus par une maison de retraite et incluaient, notamment, la prise en charge des déplacements en taxi afin de lui permettre de bénéficier de véritables vacances, celles des dépenses non couvertes par la sécurité sociale, des cotisations de mutuelle et des impôts, ou encore la prise en charge des dépenses vestimentaires et de coiffeur ; que dès lors, en en se bornant à adopter les motifs de l'expert selon lesquels les dépenses effectuées pour l'entretien de Densie X... ne pouvaient être justifiées qu'à hauteur de 9.000 € mensuels, correspondant au coût moyen d'une maison de retraite, et que Mme Z... ne pouvait donc justifier de la dépense mensuelle résiduelle de 3.000 F, sans même répondre au moyen selon lequel les services effectivement rendus par Mme Z... à Denise X... ne se limitaient pas à ceux qu'aurait pu fournir une maison de retraite, la cour d'appel a privé sa décision de motivation et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE Mme Z... exposait, dans ses conclusions d'appel (p. 5-6), que les prélèvements réalisés les 15 mai 2002 et 8 juillet 2002 correspondaient pour partie aux versements mensuels de 750 € et pour le reste à des dépenses courantes de nourriture, d'habillement, de soins médicaux et de loisirs engagées pour Denise X..., et que le chèque de 780 € en date du 18 juillet 2002, correspondait à une facture de taxi du 12 juillet 2002 ayant permis le déplacement de Denise X... pour des vacances ; que dès lors en se bornant à adopter les conclusions non motivées de l'expert selon lesquelles ces dépenses n'étaient pas justifiées, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les sommes litigieuses n'étaient pas raisonnables au regard des besoins de Denise X..., la cour d'appel a privé sa décision de motivation et violé l'article 455 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Mme Z... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle sera privée de tous ses droits sur la somme de 77.300 € qu'elle doit rapporter à la succession ;
AUX MOTIFS QUE ce n'est que par l'introduction d'une procédure judiciaire et l'organisation d'une mesure d'expertise que les cohéritiers de Mme Z... ont pu établir que cette dernière a mis a son profit les procurations qui lui ont été consenties, pour effectuer des opérations bancaires dans son intérêt exclusif, et dans l'intention de porter atteinte à l'égalité du partage, circonstance qui caractérise le recel successoral, au sens de l'article 792 du code civil, applicable aux faits de la cause ; par conséquent Mme Z... sera privée de ses droits sur la somme de 77.300 € qu'elle doit rapporter à la succession ;
1°/ ALORS QU'un héritier ne peut être frappé des peines du recel que lorsque son intention frauduleuse est caractérisée ; que dès lors, en se bornant à énoncer, pour considérer que Mme Z... s'était rendue coupable de recel successoral, que ses cohéritiers avaient pu établir grâce à une mesure d'expertise, qu'elle avait utilisé les procurations dont elle bénéficiait pour effectuer des opérations bancaires dans son intérêt exclusif et dans l'intention de porter atteinte à l'égalité du partage, sans préciser les circonstances permettant de caractériser cette prétendue intention frauduleuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 792 ancien du code civil ;
2°/ ALORS, en tout état de cause, QUE si, dans son rapport, l'expert considérait qu'une partie des sommes prélevées par Mme Z... sur les comptes de sa mère n'était pas justifiée et devait donc être rapportée à la succession, il ne constatait pas la moindre intention frauduleuse de la part de Mme Z... ; que dès lors en considérant que la mesure d'expertise avait permis aux cohéritiers de Mme Z... d'établir son intention de porter atteinte à l'égalité du partage, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise en violation de l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-15006
Date de la décision : 12/09/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 03 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 12 sep. 2012, pourvoi n°11-15006


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.15006
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