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12/09/2012 | FRANCE | N°11-12845

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 septembre 2012, 11-12845


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Métaleurop Nord, filiale à 99 % de la société Métaleurop SA, devenue depuis la société Recylex, exploitait à Noyelles-Godault une unité de production et de commercialisation de métaux non ferreux ; qu'envisageant de reconvertir cette unité dans le recyclage des métaux non ferreux, la société Métaleurop a préparé, en 2001 et 2002, un projet de restructuration de l'entreprise et de plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'une procédure de redressement judicia

ire ayant été ouverte le 28 janvier 2003 à l'égard de la société Métaleurop ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Métaleurop Nord, filiale à 99 % de la société Métaleurop SA, devenue depuis la société Recylex, exploitait à Noyelles-Godault une unité de production et de commercialisation de métaux non ferreux ; qu'envisageant de reconvertir cette unité dans le recyclage des métaux non ferreux, la société Métaleurop a préparé, en 2001 et 2002, un projet de restructuration de l'entreprise et de plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'une procédure de redressement judiciaire ayant été ouverte le 28 janvier 2003 à l'égard de la société Métaleurop Nord, ensuite convertie le 10 mars 2003 en liquidation judiciaire, les liquidateurs judiciaires ont licencié le 21 mars suivant tous les salariés, pour motif économique ; que des salariés licenciés, dont M. X..., ont engagé des procédures prud'homales contre les sociétés Métaleurop Nord et Recylex, pour obtenir réparation d'un préjudice lié à la perte d'une chance de conserver leur emploi et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le 13 novembre 2003, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Recylex, un plan de redressement étant ensuite arrêté le 24 novembre 2005 ;

Sur les premier et deuxième moyens réunis :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

Attendu que, pour évaluer à la somme de 15 000 euros le montant des dommages-intérêts alloués au salarié en réparation du préjudice cause par son licenciement, l'arrêt retient que son ancienneté dans l'entreprise était de 2,2 années à la date du licenciement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait du certificat de travail produit par le salarié que son ancienneté dans l'entreprise remontait à l'année 1969, la cour d'appel a dénaturé ce certificat et manqué à l'obligation susvisée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé le montant des dommages-intérêts à la somme de 15 000 euros, l'arrêt rendu le 17 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne les défendeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Recylex à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les salariés de leurs demandes de dommages et intérêts liés à la perte de chance de conserver leur emploi.

AUX MOTIFS QUE, Le salarié soutient que la SA Metaleurop a profité des difficultés rencontrées par le groupe pour organiser la liquidation de sa filiale et le dépeçage de ses actifs, au profit notamment de son actionnaire principal, Glencore ; Il évoque une réunion du 9 juillet 2002, au cours de laquelle diverses hypothèses ont été examinées alors même que la fermeture du site aurait déjà été décidée; la fragilisation de la SAS par des choix hasardeux portant sur des garanties de taux de change désastreuses; une contrainte opérée pour l'acquisition des matières premières ou la cession des productions; la braderie d'actifs dont l'usine de Nordenham, qualifiée d'opération «prédatrice» et qui aurait constitué le véritable objectif dissimulé derrière les assurances données quant à la poursuite de l'activité dans le cadre d'un plan de restructuration prévoyant 336 licenciements ; Il affirme que, nonobstant cet engagement, la SA a signé un protocole d'accord avec les banques dès le 30 septembre, qui rendait impossible le redressement de la SAS, alors même que les négociations se poursuivaient, notamment lors d'une réunion du 4 novembre 2002, jusqu'à la vente de l'usine de Nordenham à une entreprise Xstrata dont Glencore est l'actionnaire de référence, pour un prix largement sous évalué de 85 millions d'euros. Il souligne que dès cette opération réalisée, le groupe prenait la décision d'arrêter tout financement de la filiale, précipitant inéluctablement sa déconfiture. Il fait valoir que les engagements pris, notamment par M. Y... le 27 septembre 2002, le 22 octobre 2002, le 9 janvier 2003, ont été méconnus; qu'un engagement unilatéral pris notamment dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, a été violé ; Il ressort d'un document intitulé « Noyelles Godault présentation du 9 juillet » non signé mais émanant de Metaleurop SA, que 4 scénarios étaient envisagés, dont le 3ème comportait un point 4 e 1 « plan social » mentionnant 336 licenciements ; Le document intitulé « projet de plan de sauvegarde de l'emploi » publié dans le cadre de la consultation du comité d'entreprise, émane de Metaleurop Nord. Il rappelle qu'à la fin juin 2002, 817 salariés étaient employés sur le site. Il décrit l'infléchissement envisageable de l'activité et indique que celle-ci devrait entraîner la suppression de 345 emplois. Il aborde par ailleurs les critères d'ordre des licenciements ; Ces projets ne caractérisent pas un engagement unilatéral de la SA Metaleurop de garantir l'effectivité de la mise en oeuvre du plan social envisagé au profit de Metaleurop Nord, pas davantage que les quelques éléments apportés par la direction de la SAS pour accréditer le soutien de la SA à la restructuration de sa filiale ; Aucun des documents produits ne permet de retenir un engagement unilatéral ferme en ce sens de la SA Metaleurop, ou de la SAS au nom de cette dernière et l'analyse du salarié ne procède que de la conjonction de trois facteurs, un projet de restructuration peu réaliste, la dissimulation de la situation réelle de l'entreprise et la vente de l'usine de Nordenham à perte ; Or aucun élément ne permet d'affirmer que le projet industriel envisagé comme 3ème scénario en juillet 2002, était, d'évidence, voué à l'échec. La situation d'endettement du groupe a été précisément évoquée, notamment la dette de la SAS vis à vis de la société mère (à hauteur d'environ 100 millions d'euros) qui était rappelée le 4 novembre 2002, alors que le 22 octobre, était évoqué un endettement global de 120 à 125 millions d'euros pour Metaleurop Nord et environ 100 millions pour Metaleurop SA. En ce qui concerne la vente de l'usine de Nordenham, aucun élément ne permet de retenir de façon certaine que le prix de 86 millions d'euros plus environ 15 millions pour le stock, serait largement sous évalué. Ce prix est annoncé dès le 27 septembre 2002. M. Z..., alors membre du conseil d'administration de Metaleurop SA, affirme qu'il est largement insuffisant. Mais il n'exprime là qu'une conviction que rien ne vient étayer. Par ailleurs la nécessité d'affecter les fonds provenant de cette vente en priorité au désendettement du groupe a été rappelée à plusieurs reprises lors des réunions du comité d'entreprise de la SAS de sorte que le grief de dissimulation des intentions quant à l'utilisation du produit de la vente n'est pas davantage établi ; Si M. A... a été condamné à une amende par l'autorité des marchés financiers, c'est pour avoir dissimulé au public l'endettement réel du groupe, mais cette faute est sans rapport avec les manquements allégués par le salarié, eu égard à ce qui précède ; Enfin, dans ce contexte, il n'est pas davantage établi que la décision prise par l'actionnaire principal de la SAS Metaleurop Nord de cesser de financer un endettement aussi important soit fautive, compte tenu notamment de ce que la possibilité pour la SA Metaleurop de se trouver en état de cessation des paiements par le fait de sa filiale, n'est pas utilement contestée ; Il en découle que la faute alléguée par le salarié à l'origine d'une perte de chance de conserver son emploi, n'est pas établie.

ALORS QUE, la qualité de co-employeur emporte pour chacun des co-employeurs l'obligation d'assumer la responsabilité de l'ensemble des obligations qui s'attachent à la qualité d'employeur, parmi lesquelles celle d'assurer l'effectivité du plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en exigeant, pour retenir la responsabilité de la société METALEUROP et pour la dire tenue d'indemniser la perte de chance de conserver un emploi qu'elle soit liée par un engagement unilatéral dont elle a exclu l'existence, alors même qu'elle avait elle-même constaté la qualité de co-employeur de cette société dont se déduisait l'obligation de mettre en oeuvre un plan social réel et sérieux, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violant ainsi les dispositions des articles 1147 du Code civil et L. 1233-61 et s. du Code du travail ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les salariés de leurs demandes de dommages et intérêts liés à la perte de chance de conserver leur emploi.

AUX MOTIFS énoncés au premier moyen

ALORS QUE, les juges sont tenus de se prononcer sur l'ensemble des éléments soumis à leur appréciation ; qu'en affirmant qu'aucun élément ne permettait de caractériser un engagement unilatéral de la société METALEUROP de garantir l'effectivité de la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi, sans s'expliquer sur le courrier du 30 août 2002, émanant d'un membre du directoire de la SA METALEUROP, que le projet de recapitalisation de la Société METALEUROP NORD devait servir au « financement du plan social », la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1147 du Code civil et L. 1233-61 et s. du Code du travail ;

QU'à tout le moins en ne répondant pas à l'argumentation tirée de ce document, elle a violé l'article 455 du Code de procédure civile

ALORS ENFIN QUE, pour dire qu'aucune faute ne pouvait être reproché à la SA METALEUROP, la cour d'appel a affirmé qu' aucun élément ne permet d'affirmer que le projet industriel envisagé comme 3ème scénario en juillet 2002, était, d'évidence, voué à l'échec. La situation d'endettement du groupe a été précisément évoquée, notamment la dette de la SAS vis à vis de la société mère (à hauteur d'environ 100 millions d'euros) qui était rappelée le 4 novembre 2002, alors que le 22 octobre, était évoqué un endettement global de 120 à 125 millions d'euros pour Metaleurop Nord et environ 100 millions pour Metaleurop SA. En ce qui concerne la vente de l'usine de Nordenham, aucun élément ne permet de retenir de façon certaine que le prix de 86 millions d'euros plus environ 15 millions pour le stock, serait largement sous évalué. Ce prix est annoncé dès le 27 septembre 2002. M. Z..., alors membre du conseil d'administration de Metaleurop SA, affirme qu'il est largement insuffisant. Mais il n'exprime là qu'une conviction que rien ne vient étayer. Par ailleurs la nécessité d'affecter les fonds provenant de cette vente en priorité au désendettement du groupe a été rappelée à plusieurs reprises lors des réunions du comité d'entreprise de la SAS de sorte que le grief de dissimulation des intentions quant à l'utilisation du produit de la vente n'est pas davantage établi ; Si M. A... a été condamné à une amende par l'autorité des marchés financiers, c'est pour avoir dissimulé au public l'endettement réel du groupe, mais cette faute est sans rapport avec les manquements allégués par le salarié, eu égard à ce qui précède ; Enfin, dans ce contexte, il n'est pas davantage établi que la décision prise par l'actionnaire principal de la SAS Metaleurop Nord de cesser de financer un endettement aussi important soit fautive, compte tenu notamment de ce que la possibilité pour la SA Metaleurop de se trouver en état de cessation des paiements par le fait de sa filiale, n'est pas utilement contestée ; que cependant, les salariés faisaient valoir dans leurs écritures que le démantèlement progressif de la Société METALEUROP NORD résultait également de la cession du contrat de fourniture de zinc et du démantèlement de la ligne de production de l'indium de METALEUROP NORD ; qu'en ne se prononçant pas sur ces éléments, pourtant déterminants dans la solution du litige, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du Code civil et L. 1233-61 et s. du Code du travail ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le montant des demandes du salarié par référence à une ancienneté de 2,2 ans, quant l'ancienneté de l'exposant était de plus de 30 ans.

AUX MOTIFS QUE M. Louis X... demande une somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts ; que compte tenu de son ancienneté de 2,2 ans, de son âge et de son salaire moyen, il convient de lui allouer 15.000 euros de dommages et intérêts.

ALORS QUE, les juges ne peuvent dénaturer les pièces qui leur sont soumises ; qu'en l'espèce, le salarié fondait ses demandes indemnitaires sur la base d'une ancienneté de plus de 30 ans (date d'embauche en 1969 et de fin de contrat en 2004) constatée notamment par son certificat de travail ; que la cour d'appel a retenu une ancienneté de 2,2 ans ; Qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a dénaturé ledit certificat de travail, la lettre du 22 février 2002 et le certificat du 20 mars 1989 violant ainsi l'article 1134 du Code civil.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 17 décembre 2010


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 12 sep. 2012, pourvoi n°11-12845

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Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 12/09/2012
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11-12845
Numéro NOR : JURITEXT000026376356 ?
Numéro d'affaire : 11-12845
Numéro de décision : 51201821
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2012-09-12;11.12845 ?
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