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05/09/2012 | FRANCE | N°11-14108

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 septembre 2012, 11-14108


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 9 décembre 2010) que
la société Ballande, assurée auprès de la Caisse interprofessionnelle mutuelle assurance (la CIMA), a donné à bail à la société de distribution Pacifique calédonienne (SDPC) divers locaux, notamment à usage de dock d'une superficie de 2772 m² et de magasin d'une superficie de 1066 m² ; que le 14 mars 2003, 350 m² de toiture ont été endommagés par le passage du cyclone Erica ; qu'exposant avoir subi plusieurs dégâts des eaux

entre mars 2003 et décembre 2004, la SDPC a, après expertise judiciaire, assigné...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 9 décembre 2010) que
la société Ballande, assurée auprès de la Caisse interprofessionnelle mutuelle assurance (la CIMA), a donné à bail à la société de distribution Pacifique calédonienne (SDPC) divers locaux, notamment à usage de dock d'une superficie de 2772 m² et de magasin d'une superficie de 1066 m² ; que le 14 mars 2003, 350 m² de toiture ont été endommagés par le passage du cyclone Erica ; qu'exposant avoir subi plusieurs dégâts des eaux entre mars 2003 et décembre 2004, la SDPC a, après expertise judiciaire, assigné la bailleresse en réparation, sous la garantie de la CIMA, de divers chefs de préjudice ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que l'ensemble de la toiture présentait des fuites plus ou moins importantes, que les constatations de l'expert démontraient l'état de vétusté avancée de cette couverture et son défaut d'étanchéité, lesquels ne résultaient pas du passage du cyclone Erica mais d'un manque d'entretien de la couverture, que la bailleresse ne justifiait d'ailleurs d'aucune facture d'entretien ou de réparation de cette toiture depuis l'entrée dans les lieux de la locataire en 1989, la cour d'appel a pu en déduire, sans se contredire et sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, que les multiples dégâts des eaux subis par la SDPC étaient la conséquence d'un manquement du bailleur à ses obligations d'entretien ou de réparation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour faire application de l'article 5.1.1 des conditions particulières du contrat d'assurance souscrit par la société Ballande auprès de la CIMA, l'arrêt retient que la limitation de garantie prévue par cette clause doit s'appliquer, les dommages subis étant consécutifs à un cyclone ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle retenait que les multiples dégâts des eaux subis par la SDPC étaient la conséquence d'un manquement du bailleur à ses obligations d'entretien ou de réparation, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a limité à 5 000 000 de francs CFP la garantie due par la CIMA à la société Ballande, l'arrêt rendu le 9 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la Caisse interprofessionnelle mutuelle d'assurances, aux droits de laquelle vient la société Monceau générale assurances aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Caisse interprofessionnelle mutuelle d'assurances, aux droits de laquelle vient la société Monceau générale assurances à payer à la société Ballande la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société Ballande

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société Ballande fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle avait manqué à son obligation d'entretien et de réparation des lieux loués à la SPDC et de l'avoir, en conséquence, condamnée à verser à la société Gastaud, ès qualités, les sommes de 27.850.000 francs Cfp au titre de la perte d'exploitation et 12.280.000 francs Cfp au titre des dommages matériels

AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE les conclusions et constatations de l'expert démontrent suffisamment l'état de vétusté avancée de la toiture et son défaut d'étanchéité, lesquels ne résultent pas du passage du cyclone Erica mais d'un manque d'entretien de la couverture ; que les multiples dégâts des eaux subis par la société SPDC résultent donc d'un manquement du bailleur à ses obligations d'entretien et de réparation ; que la société Ballande, qui a ainsi engagé sa responsabilité à l'égard de son locataire, sera tenue d'indemniser les préjudices subis par celui-ci ; que par de justes motifs, que la cour adopte, le premier juge a retenu que les multiples dégâts des eaux subis par la société SPDC résultent d'un manquement de la société Ballande à ses obligations d'entretien et de réparation des locaux loués, et qu'en conséquence le bailleur est tenu d'indemniser la SPDC des préjudices qui en résultent ; que les dommages étaient consécutifs à un cyclone ;

ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant tout d'abord, pour dire que la société Ballande devait indemniser son locataire des préjudices qu'il avait subis, que ceux-ci résultaient d'un manquement du bailleur à ses obligations d'entretien et de réparation des lieux loués, puis en retenant ensuite que les dommages étaient consécutifs à un cyclone, la cour d'appel s'est contredite et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, en tout état de cause, la responsabilité du bailleur est exclue lorsque la chose louée est détruite par cas fortuit ; qu'en se bornant à relever, pour retenir la responsabilité de la société Ballande, qu'elle avait manqué à son obligation d'entretien et de réparation de la toiture endommagée par suite du passage du cyclone Erica, sans rechercher, comme elle y était invitée, si nonobstant un bon entretien de cette toiture, elle n'aurait tout de même pas été endommagée par le passage du cyclone, de sorte que la destruction partielle du bien loué était intervenue par cas fortuit, ce qui excluait la responsabilité du bailleur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1722 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

La société Ballande fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 5.000.000 francs Cfp la garantie à laquelle la CIMA était tenue à son égard et de l'avoir déboutée de sa demande en garantie contre la CIMA au titre des frais d'expertise ;

AUX MOTIFS QUE le tribunal a fort justement, d'une part, analysé les dispositions du contrat d'assurance numéro 132239 qui garantit la société Ballande à l'égard de son locataire (article 2-3) dans les limites stipulées à l'article 5-1-1 « en cas de sinistre consécutif à une tempête, ouragan, cyclone », selon lesquelles « le montant total des dommages pris en compte dans le calcul de l'indemnité due au titre des dommages matériels, frais et pertes et responsabilités (tableau II) ne pourront en aucun cas dépasser 5.000.000 de Francs CFP », et d'autre part, jugé que cette limitation devait s'appliquer dans la mesure où les dommages garantis étaient consécutifs à un cyclone ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a décidé que la CIMA doit garantir la SAS Ballande des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de la somme maximale de 5.000.000 francs Cfp, sous déduction du montant de la franchise contractuelles et des sommes d'ores et déjà versées ; que s'agissant de la condamnation prononcée contre la CIMA pour garantir la SAS Ballande des frais d'expertise à hauteur de 3.650.000 FCFP, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la limitation contractuelle d'indemnité prévue à l'article 5-1 du contrat d'assurance concerne également les honoraires d'experts, dans la mesure où il a été précisé que le plafond d'indemnisation de 5.000.000 de Francs CFP en cas de cyclone ne peut être dépassé « en aucun cas », s'agissant des éléments figurant au tableau II du contrat, dans lequel sont prévus les honoraires d'experts (outre les dommages matériels, frais et pertes, responsabilités ; qu'il convient donc de réformer sur ce point le jugement déféré ;

ALORS QUE l'article 5.1.1 des conditions particulières du contrat d'assurance souscrit par la société Ballande auprès de la CIMA prévoyait qu'« en cas de sinistre consécutif à une tempête, ouragan, cyclone, le montant total des dommages pris en compte dans le calcul de l'indemnité due au titre : - des dommages matériels, frais et pertes et responsabilités (tableau II) ne pourra en aucun cas dépasser 5.000.000 X.P.F. » ; que la cour d'appel qui, après avoir retenu que les multiples dégâts des eaux subis par la SPDC résultaient d'un manquement de la société Ballande à ses obligations d'entretien et de réparations, ce dont il se déduisait que le cyclone du 14 mars 2003 n'était pas à l'origine des divers sinistres, a néanmoins fait application de la clause limitant la garantie de l'assurance en cas de sinistre consécutif à un cyclone, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a ainsi violé l'article 1134 du code civil ;

ALORS QUE, en tout état de cause, l'article 5.1.1 du contrat d'assurance prévoyait que le plafonnement de l'indemnité à la somme de 5.000.000 francs Cfp s'appliquait pour « le calcul de l'indemnité due au titre : - des dommages matériels, frais et pertes et responsabilités (tableau II) » ; qu'en jugeant, pour débouter l'assuré de sa demande de garantie à ce titre, que les honoraires d'experts, qui faisaient pourtant l'objet d'une rubrique distincte dans le tableau II des conditions particulières, étaient englobés dans le plafond d'indemnisation, la cour d'appel a méconnu les termes du contrat d'assurance et a ainsi violé l'article 1134 du code civil.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la Caisse interprofessionnelle d'assurances, aux droits de laquelle vient la société Monceau générale assurances

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SAS BALLANDE à payer à la SELARL GASTAUD, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SDPC, les sommes de 9 283 333 FCFP au titre d'une perte d'exploitation et de 9 588 131 FCFP au titre de dommages matériels et, confirmant le jugement de ce chef, d'AVOIR condamné la CIMA à garantir la SAS BALLANDE des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de la somme de 5 000 000 FCFP, dont à déduire le montant de la franchise contractuelle et les sommes d'ores et déjà versées ;

AUX MOTIFS QUE les multiples dégâts des eaux subis par la société SDPC résultent d'un manquement de la SAS BALLANDE à ses obligations d'entretien et de réparation des locaux loués ; qu'en conséquence, le bailleur est tenu d'indemniser la SDPC des préjudices qui en résultent ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les conclusions et constatations de l'expert démontrent suffisamment l'état de vétusté avancée de la toiture et son défaut d'étanchéité, lesquels ne résultent pas du passage du cyclone Erica mais d'un manque d'entretien de la couverture ; que la société bailleresse ne justifie d'ailleurs d'aucune facture d'entretien ou de réparation de cette toiture depuis l'entrée dans les lieux du locataire en 1989 ; que les multiples dégâts des eaux subis par la sociétéet SDPC résultent donc d'un manquement du bailleur à ses obligations d'entretien et de réparation ; que la SAS BALLANCE, qui a ainsi engagé sa responsabilité à l'égard de son locataire, sera tenue d'indemniser les préjudices subis par celui-ci ;

ALORS QUE la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la SAS BALLANDE au paiement de diverses sommes au profit de la SELARL GASTAUD ès qualités, sur le premier moyen du pourvoi principal formé par la SAS BALLANDE, entraînera la cassation de l'arrêt en ses dispositions ayant condamné la CIMA à garantir la SAS BALLANDE de ces condamnations, en application de l'article 625 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SAS BALLANDE à payer à la SELARL GASTAUD, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SDPC, la somme de 9 588 131 FCFP au titre de dommages matériels et, confirmant le jugement de ce chef, d'AVOIR condamné la CIMA à garantir la SAS BALLANDE des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de la somme de 5 000 000 FCFP, dont à déduire le montant de la franchise contractuelle et les sommes d'ores et déjà versées ;

AUX MOTIFS QUE la Cour est en mesure de fixer le préjudice subi au titre de la perte d'exploitation à la somme de 9 283 333 FCFP ; que les préjudices matériels s'établissent à 9 588 131 FCFP ; que le Tribunal a fort justement, d'une part, analysé les dispositions du contrat d'assurance n°132 239 qui garantit la société BALLANDE à l'égard de son locataire (article 2-3) dans les limites stipulées à l'article 5-1-1 « en cas de sinistre consécutif à une tempête, ouragan, cyclone », selon lesquelles « le montant total des dommages pris en compte dans le calcul de l'indemnité due au titre des dommages matériels, frais et pertes et responsabilités (tableau II) ne pourront en aucun cas dépasser 5 000 000 de Frances CFP », et d'autre part, jugé que cette limitation devait s'appliquer dans la mesure où les dommages garantis étaient consécutifs à un cyclone ;

1°) ALORS QUE les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ; qu'en retenant la garantie de la CIMA après avoir relevé que les dommages allégués résultaient d'un cyclone et d'un manquement de la SAS BALLANDE à ses obligations d'entretien et de réparation des locaux loués sans rechercher, comme il le lui était demandé, si aux termes des conventions spéciales du contrat d'assurance, qu'il se soit agi de la garantie dommage ou de la garantie responsabilité civile du propriétaire, les conséquences dommageables des cyclones résultant d'un défaut de réparations ou d'entretien indispensables incombant à l'assuré n'étaient pas exclues de la garantie, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 113-1, alinéa 1, du Code des assurances ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, seul un préjudice certain peut être sujet à réparation ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si les dommages matériels causés aux biens de la société SDPC par l'effet des dégâts des eaux n'avaient pas été couverts par l'assurance souscrite par la locataire auprès de son propre assureur, la QBE, conformément aux stipulations du bail, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-14108
Date de la décision : 05/09/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 09 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 05 sep. 2012, pourvoi n°11-14108


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.14108
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