LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 juin 2010), que M. X..., père de trois enfants nés en 1992, 1995 et 1998, a sollicité de la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (la caisse) que la liquidation de sa pension de retraite anticipée qu'il souhaitait prendre tienne compte pour les deux premiers enfants, par équivalence de situation avec les femmes bénéficiant du fait d'une grossesse d'un congé de maternité d'une durée supérieure à deux mois, de la bonification de quatre trimestres pour enfants prévue par l'article 92 du décret n° 90-1215 du 20 décembre 1990 ; que la caisse ayant refusé, M. X... a saisi une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de ne pas accueillir sa demande pour ses deux premiers enfants, alors, selon le moyen :
1°/ que le bénéfice d'une majoration d'assurance subordonné par les dispositions de l'article 92 du décret 90-1215 du 20 décembre 1990 « à une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé de maternité ou d'adoption, d'un congé parental d'éducation ou de présence parentale », créé une disparité indirecte et une différence de traitement entre les hommes et les femmes ayant élevé des enfants dans les mêmes circonstances, et est par suite incompatible avec les dispositions de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme, la délibération n° 2005-32 du 25 septembre 2005 de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations (HALDE), la position de la Commission Européenne notamment dans sa lettre du 17 avril 2008 ; qu'en écartant la discrimination indirecte résultant des dispositions de l'article 92 précité, sans s'expliquer précisément sur ces différents points pourtant mis en évidence dans les conclusions d'appel récapitulatives n° 2 de M. X... du 30 novembre 2009, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 14 susvisé de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 et de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (ex article 141 du Traité CE) ;
2°/ que la discrimination indirecte résulte du simple fait que les femmes, de par leurs grossesse et maternité, bénéficient du congé de deux mois leur permettant d'obtenir la majoration d'assurance de l'article 92 du Décret 90-1215 du 20 décembre 1990 à leur retraite, ce que la cour d'appel a d'ailleurs constaté (p.6), en ces termes « le congé minimal de deux mois existe de facto et la majoration de la durée d'assurances est acquise dès lors que la femme demande sa retraite » ; qu'en écartant néanmoins ladite discrimination inhérente à la situation de fait, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'au surplus, dans ses conclusions d'appel récapitulatives n°2 du 30 novembre 2009, l'exposant avait fait valoir (p.17 in fine et 18) d'une part que, s'agissant de sa situation personnelle, il est « père de trois enfants dont certains sont nés lorsque les textes relatifs au congé parental tels que prévus par le décret n'existaient pas, de sorte que la condition posée par les nouveaux textes contestés étaient impossible à remplir » ; d'autre part que « même en cas de congé parental pris par le père, les dispositions litigieuses demeurent discriminatoires pour les pères en ce qu'ils devraient cesser toute activité professionnelle, ce qui n'est pas envisageable pour les familles à faibles revenus » ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point qui démontrait que la discrimination était flagrante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'il résulte de la directive 97/80 du 15 décembre 1997, que la charge de la preuve est inversée en matière d'égalité professionnelle pour toute personne qui allègue une discrimination fondée sur le sexe devant une juridiction nationale ; qu'il incombait donc à la CRPCEN de prouver que la situation de M. X... ne constituait pas une discrimination, qu'en mettant néanmoins à la charge de l'exposant la preuve contraire, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu que les dispositions de l'article 92 du décret n° 90-1215 du 20 décembre 1990 qui lient le bénéfice de la bonification de durée d'assurance à une interruption d'activité professionnelle d'une durée continue au moins égale à deux mois n'engendrent pas une discrimination indirecte à raison du sexe prohibée par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 1er du Protocole additionnel à la Convention, ni une inégalité de traitement entre les travailleurs des deux sexes au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, du seul fait qu'un nombre plus élevé de femmes que d'hommes en bénéficient, en raison du congé de maternité ;
Et attendu qu'après avoir constaté que l'assuré n'avait pas été conduit à interrompre son activité professionnelle pendant une durée continue de deux mois au moins pour s'occuper de ses deux premiers enfants, la cour d'appel en a exactement déduit sans se contredire et sans inverser la charge de la preuve, abstraction faite des considérations surabondantes sur les choix juridiques de l'intéressé au moment des naissances, que M. X... ne pouvait pas prétendre à cette bonification ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. Héderer, conseiller le plus ancien non empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile en l'audience publique du douze juillet deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour M. Christian X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que M. X... ne pouvait prétendre au bénéfice de la bonification de la durée d'assurance de 4 trimestres par enfant pour ses deux enfants, Cassandre née le 24 juillet 1992 et Emilie, née le 12 mai 1995
AUX MOTIFS QUE « les trois enfants légitimes de l'appelant sont nés avant le 1er juillet 2006 ; le régime applicable est donc celui de l'article 92 du décret 90-1215 du 20 décembre 1990 ; que la CRPCEN rappelle que l'appelant n'a pas eu d'interruption d'activité pour ses deux premiers enfants et que les textes ne lui ouvrent aucun droit à bonification de leur chef ; il convient de rappeler que le sens premier du mot « discrimination » n'a pas de connotation péjorative et n'est employé que pour caractériser et distinguer des réalités différentes ; l'évolution des pratiques et du langage amène à l'utiliser pour évoquer trois situations distinctes : les discriminations illicites que la loi prohibe, les discriminations justifiées qui reposent sur des justifications admissibles et objectives (ex. : travail insuffisant = commissions moindres) et des discriminations positives qui sont voulues par le législateur pour corriger une situation de fait défavorable ; l'appelant se réfère à la première des ces acceptions et s'estimerait victime d'une discrimination illicite, prohibée par les textes européens et par les plus hautes juridictions administratives et constitutionnelles françaises, s'il n'était pas fait droit à ses demandes ; que la Cour constate à titre préalable que pour des raisons biologiques évidentes en l'état actuel des avancées scientifiques, M. X... n'a accouché d'aucun de ses trois enfants ; qu'il ne prétend pas non plus qu'il les aurait adoptés ; qu'il n'a donc pas bénéficié des congés strictement afférents à la grossesse, l'accouchement ou à l'adoption ; qu'en l'état de la législation applicable en France, ni M. X... ni aucune de ses collègues dépendant du régime de la CRPCEN, ne peuvent bénéficier d'une majoration de la durée d'assurance s'ils ne justifient pas au préalable d'une interruption d'activité professionnelle pendant plus de deux mois à l'occasion de l'arrivée d'un ou plusieurs enfants à leur domicile ; que la Cour rappelle également qu'aucun des congés susceptibles d'ouvrir droit à la majoration n'est obligatoire, pas même le congé maternité sur lequel l'appelant fonde l'essentiel de son argumentation ; certaines femmes peuvent en effet choisir de ne pas demander le bénéfice d'un congé, même d'au moins deux mois pour maternité ou adoption, si elles souhaitent reprendre plus rapidement leurs activités professionnelles ; que par ailleurs, aucun homme ne se verrait refuser un congé parental d'au moins deux mois, si, respectant les conditions légales et réglementaires, il en faisait la demande à son employeur ; qu'à situation égale, et pour les deux premiers enfants de l'appelant, il n'existe donc, dans les textes, aucune discrimination sexuelle directe ou indirecte dans l'application de l'article 92 précité ; que toutefois, en pratique, il ne peut être dénié que la plupart des femmes en général, et des collègues féminines de l'appelant en particulier, demandent et bénéficient des plus larges congés autorisés par les textes à l'occasion de leur grossesse puis de leur accouchement ; qu'en ce sens, le congé minimal de deux mois existe de facto, et la majoration de la durée d'assurance est acquise dès que la femme demande sa mise à la retraite ; que cependant, le congé maternité est destiné à compenser la fatigue au moins physique de la grossesse et de l'accouchement, fatigue dont les hommes sont exonérés de facto ; qu'ainsi, les législateurs successifs n'ont jamais proposé aux pères (légitimes ou naturels) le droit (même facultatif) à un congé effectif et organisé avant et après la date présumée de l'accouchement ; qu'en revanche ils ont prévu que les pères pourraient demander un congé de paternité (11 ou 18 jours maximum, depuis 2002) et surtout un congé parental d'éducation (12 mois renouvelables deux fois et sous certaines conditions) à tout moment après l'accouchement ; que si une discrimination existe, en pratique, elle est uniquement du fait des hommes qui, en s'abstenant de réclamer ce congé parental d'éducation, se privent du droit ultérieur à la majoration de la durée d'assurance pour leur retraite ; qu'aux différentes périodes où sa femme demandait à bénéficier d'un congé-maternité, M. X... n'a jamais réclamé de droit à un congé identique, en même temps et pour la même durée que celui de sa femme ; qu'il a donc implicitement admis qu'il existait une différence de traitement « femmes-hommes », et que cette différence de traitement lui était opposable ; que de même, dans la présente procédure, il n'a pas critiqué la différence de traitement prévue, en théorie, par le législateur dès le début de la grossesse de la femme, et il ne remet en cause que les textes applicables en matière de droit à la retraite ; qu'il ne saurait donc critiquer une prétendue discrimination dans l'article 92-1 du décret du 20 septembre 1990, et revendiquer un droit à l'égalité au moment de faire valoir ses droits à une majoration de la durée d'assurance au titre de sa retraite personnelle ; que l'appelant présente une demande « très subsidiaire » aux fins de saisine de la Cour de Justice Européenne d'une question préjudicielle « sur la compatibilité des dispositions réglementaires françaises avec l'article 141 du Traité de la Communauté Européenne en qui concerne la bonification des enfants » ; que l'article 141 (ex 119) du traité instituant la Communauté Européenne impose à chaque Etat membre d'assurer l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et féminins pour un même travail ou un travail de même valeur, le terme de rémunération incluant tous les avantages consentis par l'employeur, directement ou indirectement, en espèce ou en nature, « en raison de l'emploi de ce dernier » ; que cette demande n'apparaît nullement fondée puisque la Cour faisant une stricte application des textes en vigueur, a constaté qu'ils ne créaient aucune discrimination « femmes-hommes », « mères-pères» ; (arrêt attaqué p.6 et 7) ;
ALORS QUE 1°) le bénéfice d'une majoration d'assurance subordonné par les dispositions de l'article 92 du Décret 90-1215 du 20 décembre 1990 « à une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé de maternité ou d'adoption, d'un congé parental d'éducation ou de présence parentale », créé une disparité indirecte et une différence de traitement entre les hommes et les femmes ayant élevé des enfants dans les mêmes circonstances, et est par suite incompatible avec les dispositions de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, tel qu'interprété par la Cour européenne des droits de l'homme, la délibération n° 2005-32 du 25 septembre 1005 de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations (HALDE), la position de la Commission Européenne notamment dans sa lettre du 17 avril 2008 ; qu'en écartant la discrimination indirecte résultant des dispositions de l'article 92 précité, sans s'expliquer précisément sur ces différents points pourtant mis en évidence dans les conclusions d'appel récapitulatives n° 2 de M. X... du 30 novembre 2009, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 14 susvisé de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 et de l'article157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (ex article 141 du Traité CE) ;
ALORS QUE 2°) la discrimination indirecte résulte du simple fait que les femmes, de par leurs grossesse et maternité, bénéficient du congé de deux mois leur permettant d'obtenir la majoration d'assurance de l'article 92 du Décret 90-1215 du 20 décembre 1990 à leur retraite, ce que la Cour d'appel a d'ailleurs constaté (p.6), en ces termes « le congé minimal de deux mois existe de facto et la majoration de la durée d'assurances est acquise dès lors que la femme demande sa retraite » ; qu'en écartant néanmoins ladite discrimination inhérente à la situation de fait, la Cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE 3°) au surplus, dans ses conclusions d'appel récapitulatives n°2 du 30 novembre 2009, l'exposant avait fait valoir (p.17 in fine et 18) d'une part que, s'agissant de sa situation personnelle, il est « père de trois enfants dont certains sont nés lorsque les textes relatifs au congé parental tels que prévus par le décret n'existaient pas, de sorte que la condition posée par les nouveaux textes contestés étaient impossible à remplir » ; d'autre part que « même en cas de congé parental pris par le père, les dispositions litigieuses demeurent discriminatoires pour les pères en ce qu'ils devraient cesser toute activité professionnelle, ce qui n'est pas envisageable pour les familles à faibles revenus » ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point qui démontrait que la discrimination était flagrante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile
ALORS QUE 4°) il résulte de la directive 97/80 du 15 décembre 1997, que la charge de la preuve est inversée en matière d'égalité professionnelle pour toute personne qui allègue une discrimination fondée sur le sexe devant une juridiction nationale ; qu'il incombait donc à la CRPCEN de prouver que la situation de M. X... ne constituait pas une discrimination , qu'en mettant néanmoins à la charge de l'exposant la preuve contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil.