LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux consorts X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Jean-Claude Y..., Mme Françoise Z... épouse Y..., M. Michel A..., Mme Catherine B... épouse A..., M. Jean-Philippe C..., Mme Georgette C... veuve D..., Mme Christiane E... veuve F..., M. Serge G..., Mme Marie-Josée H... épouse G..., M. Hubert I..., Mme Marie J... épouse I..., M. Bernard K..., Mme Marie L... épouse M..., Mme Flavie M... épouse N..., la SCI Volfran, Mme Raphaëlle M... épouse O..., Mme DD...
P... épouse Q..., la SCI Perl, la SCI Labro, Mme Cécile Q... épouse R..., M. Laurent EE...
Q..., M. Pierre Q..., M. François S..., Mme Marie S... épouse T..., Mme Janine U... veuve V..., Mme Pascale V..., M. Pierre W..., Mme Delphine XX... épouse W..., Mme Sylvie YY... épouse ZZ..., Mme Sabine YY... épouse AA..., venant toutes deux aux droits de M. et Mme Philippe YY... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 mai 2011), que par acte du 12 janvier 1996, les époux BB... ont acquis une parcelle d'un lotissement, qu'à la suite de l'assignation délivrée par plusieurs colotis dont les époux X..., aux droits desquels viennent les consorts X..., la cour d'appel de Bordeaux a condamné les époux BB... à démolir la maison qu'ils y avaient fait construire, en application du cahier des charges du lotissement ; que les époux BB... ont assigné les propriétaires de différents lots de ce lotissement, dont les consorts X..., en démolition des constructions non conformes au cahier des charges ; que par un jugement mixte du 25 janvier 2005, le tribunal de Bordeaux a notamment, déclaré recevables les demandes tendant à la démolition des habitations construites il y a moins de 30 ans et irrecevables celles relatives aux habitations construites il y a plus de 30 ans et, désigné un expert ;
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, réunis, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé qu'aux termes des dispositions définitives du jugement mixte du 25 janvier 2005, l'action des époux BB... à l'encontre notamment des consorts X... avait été déclarée recevable au titre de la non-acquisition de la prescription trentenaire et, retenu, que l'autorité de chose jugée s'attachant à cette décision n'interdisait pas aux parties d'invoquer des moyens d'irrecevabilité nouveaux découverts postérieurement audit jugement qui ne pouvaient se heurter au principe de la concentration des griefs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des moyens que ses constatations rendaient inopérants, a, à bon droit examiné la demande des époux BB... à l'encontre des consorts X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner les consorts X... à supprimer l'empiétement de l'immeuble de la zone non aedificandi de 12 mètres à partir de l'alignement de la voie publique, l'arrêt retient que cette zone est parfaitement connue et que l'angle nord du bâtiment et le soutènement à proximité empiètent incontestablement sur cette dernière aux termes des mesures opérées par l'expert ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des consorts X... selon lesquelles le mur était indispensable à la solidité du sol de leur lot constitué de sable, sauf à voir le terrain s'écrouler sur le lot mitoyen, ce qui constituait une impossibilité matérielle d'exercer une servitude, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les consorts X... à supprimer l'empiétement de l'immeuble sur la zone non aedificandi, l'arrêt rendu le 10 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne les époux BB... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux BB... à payer aux consorts X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des époux BB... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour les consorts X...
Premier moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les consorts X... in solidum à substituer une toiture à pente en tuile à la toiture terrasse de leur immeuble et à supprimer l'empiètement de l'immeuble sur la zone non aedificandi ainsi que l'abri de jardin dans un délai d'un an à compter de la signification de l'arrêt et passé ce délai sous astreinte de 500 € par jour de retard ;
AUX MOTIFS QUE les critiques de fond présentées par les consorts X... à l'égard des conclusions de l'expert judiciaire Monsieur CC... n'apparaissent pas fondées dès lors qu'il est établi à l'évidence que :- l'existence d'une toitureterrasse située au dessus du garage contrevient au dernier alinéa de l'article 7 du cahier des charges qui définit le mode de couverture (tuiles rondes)- l'emprise de la zone non aedificandi soit 12 mètres à partir de l'alignement de la voie publique est parfaitement connue et dès lors l'angle nord du bâtiment et le soutènement à proximité empiètent incontestablement sur cette dernière aux termes des mesures opérées par l'expert qui ne peuvent être remises en cause par les critiques formulées par les consorts X... aux termes de simples assertions qui sont rejetées par l'expert judiciaire (page 191 du rapport)- l'abri de jardin contrevient au quatorzième alinéa de l'article 7 du cahier des charges et au 3ème alinéa du même article qui respectivement interdit la mise en place de constructions légères et n'autorise qu'une seule construction par lot ; qu'il y a donc lieu d'accueillir les époux BB... en leurs demandes tendant à voir substituer une toiture à pente en tuiles à la toiture terrasse et à voir supprimer l'empiétement de l'immeuble sur la zone non aedificandi ainsi que l'abri de jardin sous astreinte de 500 € par jour de retard à l'expiration du délai d'un an à compter de la signification du présent arrêt. En revanche la demande de replantation d'un arbre trentenaire abattu en 1997 n'étant justifiée par aucun élément, sera rejetée (arrêt attaqué p. 18 al. 3 à 7.)
ALORS QUE dans son jugement partiellement avant dire droit du 25 janvier 2005 ayant ordonné une expertise, le Tribunal avait rejeté la fin de non recevoir tiré de la prescription trentenaire opposée par les consorts X... tout en précisant que ceux-ci avaient produit un permis de construire du 27 décembre 1954 et un certificat de conformité du 22 août 1958 mais que, pour l'extension de 2 pièces suivant permis de construire du 13 mars 1989, la prescription trentenaire ne pouvait pas être retenue ; que la Cour d'appel qui a retenu l'autorité de la chose jugée à cet égard sur le rejet de la prescription devait donc rechercher si les deux non-conformité aux règles du cahier des charges invoquées concernant la toiture terrasse de l'immeuble des consorts X..., l'empiètement de l'immeuble sur la zone non aedificandi ainsi que l'abri de jardin, affectaient ou non les travaux réalisés en 1989 ; qu'en se bornant à relever que la recevabilité de l'action engagée par les époux BB... avait été définitivement jugé sans opérer la distinction établie par le jugement du 25 janvier 2005 entre les ouvrages construits depuis plus de trente ans à la date de l'action en justice des époux BB... et ceux construits depuis moins de trente ans, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil.
Second moyen de cassation
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les consorts X... in solidum à substituer une toiture à pente en tuile à la toiture terrasse de leur immeuble et à supprimer l'empiètement de l'immeuble sur la zone non aedificandi ainsi que l'abri de jardin dans un délai d'un an à compter de la signification de l'arrêt et passé ce délai sous astreinte de 500 € par jour de retard ;
AUX MOTIFS QU'il est établi que le lotissement de la Pointe aux Chevaux qui est situé dans le site de la Pointé aux chevaux inscrit au Répertoire des sites selon l'arrêté du 1 er juin 1943 est régi par :- un cahier des charges première zone approuvé par un arrêté préfectoral du 21 mars 1951- un cahier des charges deuxième zone approuvé par un arrêté préfectoral du 9 décembre 1953- un cahier des charges troisième zone. Il ne peut être contesté qu'aux termes de son jugement définitif du 25 janvier 2005 le tribunal de grande instance de Bordeaux a envisagé l'ensemble de ces cahiers des charges puisqu'il a retenu que " le cahier des charges du lotissement stipule pour chaque zone une stricte réglementation des constructions à réaliser en un article 7 qu'il convient de retranscrire dans son intégralité : " Le lotissement se situant dans un " site classé " ou à ses abords, l'acquéreur devra choisir un type ou un mode de construction en dur en harmonie avec le site et l'intérêt des lieux avoisinants. Dans le cas contraire " Permis de construire devant lui être refusé par application de la présente clause et de l'article 5 de l'ordonnance du 27 octobre 1945. Les bâtiments autorisés, une seule construction par lot comprenant outre l'habitation, toutes les annexes, devront présenter une unité d'architecture, d'aspect et de matériaux, une simplicité de volume, compatibles avec la bonne économie de la construction, la tenue générale de l'agglomération et du paysage. Sont interdits tous pastiches d'architecture archaïque ou étrangère à la région. Les matériaux fabriqués en vue d'être recouverts d'un parement, d'un enduit tels que carreaux de plâtre ; briques creuses, agglomérés, etc. ne peuvent être laissés apparents sur les parements de la construction extérieure, ni sur les clôtures, visibles ou non des lieux publics. Sont interdits toutes imitations de matériaux, telles que faux moellons, faux pans de bois, faux marbre, fausses briques, etc. Les façades secondaires seront montées avec le même som que la façade principale. Les constructions ne pourront comprendre qu'un rez-de-chaussée qui pourra être surélevé sur un sous-sol de deux mètres de hauteur maximum sous poutre (voir Art. 2- C 4 bis du programme d'aménagement joint). Les garages pourront être édifiés à l'alignement de la voie dans le seul cas où la pente du terrain au droit de ceux-ci serait supérieure à 20 %. Des dispositions spéciales peuvent être prises pour que les lots, confrontant au C. D. n° 106 comportent une construction affectée au commerce de détail sans toutefois masquer la visibilité dans les virages. En tous cas, ces constructions ne devront pas porter atteinte au caractère du lotissement (voir extrait du programme d'aménagement de LA TESTE DE BUCH ci-joint). Les constructions seront édifiées en tenant compte des zones non aedificandi indiquées au plan approuvé, soit 12 mètres au moins des façades sur voies publiques, 4 mètres minimum des limites mitoyennes latérales et 4 mètres en fond de parcelle. Pour les lots en façade sur le Bassin d'Arcachon, la marge d'isolement est portée à 5 mètres. La surface bâtie est limitée au maximum à 20 % de la surface de la parcelle. Les communs étables, porcheries, poulaillers et constructions légères, même constitués par des caisses, planches, tôles, etc. sont formellement interdits, soit en matériaux légers même enduits, soit en matériaux durs. Sont formellement prohibées toutes habitations constituées par des wagons, autobus, caisses de voitures, véhicules déclassés, tous baraquements de récupération ou chalets en matériaux légers dits fabriqués, même enduits. Les couvertures des constructions ne pourront être faites qu'en tuiles canal ou rondes similaires, à l'exclusion de tous autres modes de couverture ". S'il est certes indéniable que par arrêté préfectoral du 8 février 1982 les cahiers des charges du lotissement ont été mis en concordance avec les dispositions de la zone un du POS de la Teste en application de l'article L3l5-4 du code de l'urbanisme, il apparaît à la lecture de ce dernier que les modifications apportées se sont bornées à rendre plus restrictives certaines normes de construction relatives aux annexes ainsi qu'aux clôtures et limites séparatives mais ont laissé subsister pour l'essentielles autres dispositions desdits cahiers des charges. Dès lors seront examinés successivement au regard des dispositions des cahiers des charges, de l'arrêté préfectoral du 8 février 1982 et des constatations de l'expert judiciaire les divers griefs invoqués par les époux BB... à l'égard des colotis et les contestations de ces derniers ; que les critiques de fond présentées par les consorts X... à l'égard des conclusions de l'expert judiciaire Monsieur CC... n'apparaissent pas fondées dès lors qu'il est établi à l'évidence que :- l'existence d'une toiture-terrasse située au dessus du garage contrevient au dernier alinéa de l'article 7 du cahier des charges qui définit le mode de couverture (tuiles rondes)- l'emprise de la zone non aedificandi soit 12 mètres à partir de l'alignement de la voie publique est parfaitement connue et dès lors l'angle nord du bâtiment et le soutènement à proximité empiètent incontestablement sur cette dernière aux termes des mesures opérées par l'expert qui ne peuvent être remises en cause par les critiques formulées par les consorts X... aux termes de simples assertions qui sont rejetées par l'expert judiciaire (page 191 du rapport)- l'abri de jardin contrevient au quatorzième alinéa de l'article 7 du cahier des charges et au 3ème alinéa du même article qui respectivement interdit la mise en place de constructions légères et n'autorise qu'une seule construction par lot ; qu'il y a donc lieu d'accueillir les époux BB... en leurs demandes tendant à voir substituer une toiture à pente en tuiles à la toiture terrasse et à voir supprimer l'empiétement de l'immeuble sur la zone non aedificandi ainsi que l'abri de jardin sous astreinte de 500 € par jour de retard à l'expiration du délai d'un an à compter de la signification du présent arrêt. En revanche la demande de replantation d'un arbre trentenaire abattu en 1997 n'étant justifiée par aucun élément, sera rejetée (arrêt attaqué p. 18 al. 3 à 7.
1°) ALORS QUE les consorts X... avaient rappelé dans leurs conclusions d'appel (p. 44, 45, 46) que les servitudes qui grèvent les lots du lotissement sont assujetties aux règles de droit commun des servitudes et sont éteintes par non usage pendant trente ans et que les servitudes d'inclinaison des pentes de toit et d'interdiction de construction dans la zone non aedificandi s'étaient par conséquent éteintes faute pour les époux BB... d'avoir exercé leur action dans le délai de trente ans ; qu'en se bornant à opposer la chose jugée par le jugement du 25 janvier 2005 sur la fin de non recevoir tirée de la prescription, sans répondre au moyen des conclusions fondée sur l'extinction de la servitude par non usage trentenaire, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les consorts X... soutenaient dans leurs conclusions d'appel (p. 47) que le mur de soutènement ne pouvait pas être assimilé à une construction au sens du cahier des charges et que le mur de soutènement litigieux prétendument situé dans la zone non aedificandi était indispensable à la stabilité du sol de leur lot constitué de sable et escarpé, sa destruction risquant de provoquer l'affaissement du terrain sur le lot mitoyen ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.