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04/07/2012 | FRANCE | N°11-17439

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 juillet 2012, 11-17439


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par deux actes séparés du 2 juillet 1993, René X... et son épouse, Odette Y..., ont, d'une part, donné à leur fils Gilles un ensemble de terres et bâtiments, partie en pleine propriété, partie en nue-propriété, d'autre part, vendu à celui-ci d'autres terres, dont des vignes, pour un prix global de 1 650 000 francs ; que par acte du 29 novembre 1993, ils ont donné à leur fils Régis la nue-propriété de terres ; qu'ils sont décédés respectivement les 2 juin

2002 et 19 juillet 2006, laissant leurs quatre fils, Gilles, Patrick, Régis,...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par deux actes séparés du 2 juillet 1993, René X... et son épouse, Odette Y..., ont, d'une part, donné à leur fils Gilles un ensemble de terres et bâtiments, partie en pleine propriété, partie en nue-propriété, d'autre part, vendu à celui-ci d'autres terres, dont des vignes, pour un prix global de 1 650 000 francs ; que par acte du 29 novembre 1993, ils ont donné à leur fils Régis la nue-propriété de terres ; qu'ils sont décédés respectivement les 2 juin 2002 et 19 juillet 2006, laissant leurs quatre fils, Gilles, Patrick, Régis, aux droits duquel vient son fils, Franck, et Christian ; que des difficultés sont nées pour la liquidation et le partage des successions ;

Sur la recevabilité du troisième moyen du pourvoi principal et du premier moyen du pourvoi incident formé par M. Christian X..., ci-après annexés :

Attendu que ni le jugement ni l'arrêt ne statuent dans leurs dispositifs sur la demande relative aux fermages dus par M. Patrick X... dont le rapport était demandé ; qu'il s'ensuit que cette omission de statuer, qui ne peut être réparée que selon la procédure prévue par l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation ; que les moyens sont donc irrecevables ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué de dire que les fruits des donations des 2 juillet 1993 et 29 novembre 1993 devront être rapportés à la succession ;

Mais attendu que la cour d'appel n'avait pas à répondre aux conclusions faisant état de la mauvaise foi de M. Patrick X..., laquelle était sans influence sur l'obligation de ses frères donataires de rapporter les fruits des biens donnés ; que le moyen est donc inopérant ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 894 du code civil, ensemble l'article 1315 du même code ;

Attendu que la charge de la preuve de l'intention libérale appartient à celui qui l'allègue ;

Attendu que, pour décider que la cession prétendument faite à titre onéreux est une donation déguisée dont M. Gilles X... doit rapport à la succession, l'arrêt énonce qu'il n'est pas démontré que le gel invoqué aurait affecté les organes vitaux de la vigne objet de la vente justifiant la décote constatée entre le prix convenu et les valeurs du marché résultant des ventes réalisées à la même époque ;

Qu'en statuant ainsi alors que M. Gilles X... se prévalant de ce que, selon les énonciations de l'acte de cession, les vignes vendues avaient été sinistrées à 95 % par le gel ce qui entraînait une diminution de leur valeur, il appartenait aux héritiers demandant le rapport qui déduisaient la vileté du prix convenu et l'intention libérale des vendeurs de l'écart entre ce prix et celui du marché, de démontrer l'inexactitude de ces énonciations quant à l'état des vignes objet de la vente et non à l'acquéreur d'en établir la réalité, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ;

Et sur le deuxième moyen du même pourvoi :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour dire que M. Gilles X... a bénéficié d'une donation déguisée d'un montant de 19 968,28 euros dont il doit rapport à la succession, la cour d'appel a retenu que sa mère a payé cette somme pour le compte de celui-ci à la suite de différentes condamnations pécuniaires prononcées à son encontre tandis que ce dernier ne justifie pas ses allégations, les relevés bancaires qu'il produit étant insuffisants comme étant exempts de toute mention afférente à l'affectation des paiements ;

Attendu qu'en statuant ainsi sans analyser, même sommairement, les pièces produites à l'appui des explications de M. Gilles X... quant au compte à faire concernant les sommes versées par ses parents et celles qu'il a lui-même payées à l'occasion des différentes condamnations prononcées in solidum entre eux au bénéfice de M. Patrick X..., notamment les décisions de justice intervenues, les relevés d'état de frais établis par les avoués, les demandes de provision de leur avocat commun et les honoraires, ainsi que les copies de chèques correspondant à leurs règlements, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi incident de M. Christian X... et sur l'unique moyen du pourvoi incident de M. Patrick X... :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la vente du 2 juillet 1993 constitue une donation déguisée dont il devra faire rapport à la succession, et dit que M. Gilles X... a bénéficié d'une donation déguisée d'une somme de 19 968,26 euros qui devra être rapportée à la succession sans application des sanctions du recel, l'arrêt rendu le 17 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Gilles X..., demandeur au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la vente du 2 juillet 1993 au profit de M. Gilles X... constitue une donation déguisée dont il devra faire rapport à la succession ;

Aux motifs que par acte du 2 juillet 1993, les époux René X... ont cédé à leur fils Gilles diverses parcelles d'une superficie totale de 38 ha 56a et 17ca dont 13 ha 10 a en nature de vignes en AOC Pouilly sur Loire pour le prix total de 251.540,87 € (1.650.000 francs) ; qu'il résulte de l'acte de vente précité que les 13 ha 10 a de vignes ont été estimés à 284.949,24 € (1.633.000 francs) soit 19.003 € à l'ha ; …qu'il résulte des pièces produites que le prix de 19.003 € l'ha ne correspond en rien aux valeurs du marché s'agissant de vignes en AOC, les ventes réalisées en même zone et à même époque faisant apparaître un prix variant entre 56.000 € l'ha et 107.000 € l'ha ; que ni le gel invoqué, dont il n'est pas démontré qu'il aurait affecté les organes vitaux de la vigne, ni le contrat de fermage sur les terres litigieuses, ne peuvent justifier une telle décote ; que la comparaison de ces données, ajoutée au fait que le même jour, les époux René X... faisaient également donation à leur fils Gilles de la nue-propriété de leur propriété agricole, suffit à caractériser leur intention libérale et la vente de leurs vignes à vil prix ; qu'il est ainsi démontré que la cession prétendument faite à titre onéreux est en réalité une donation déguisée et M. Gilles X... doit en rapporter la totalité de la valeur à la succession ;

1. ALORS QUE l'intention libérale ne peut se déduire de la seule modicité du prix de vente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui s'est fondée sur la comparaison du prix de la vente litigieuse aux valeurs du marché, pour en déduire l'intention libérale des époux René X... et qualifier cette vente de donation déguisée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 894 du Code civil ;

2. ALORS QUE l'existence d'une libéralité antérieure par le vendeur à l'acquéreur ne peut suffire à caractériser une intention libérale à l'occasion de la vente ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a relevé la donation par les époux René X... à leur fils Gilles de la nue-propriété de leur propriété agricole le même jour que la vente litigieuse, pour retenir leur intention libérale et qualifier cette vente de donation déguisée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 894 du Code civil ;

3. ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des contrats qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, l'acte du vente du 2 juillet 1993 indique clairement, ensuite de la désignation des biens vendus, que « les parcelles ou partie de parcelle ci-dessus désignées, plantées en vigne, ont été sinistrées par le gel à 95 % au cours de l'hiver 1984-1985. Depuis cette période, les plants détruits totalement ou partiellement sont remplacés au fur et à mesure ; la production s'en trouvant notoirement diminuée » ; qu'en énonçant, pour retenir que le gel ne justifie pas la décote appliquée sur le prix de vente litigieux par rapport à ceux constatés à la même époque et en déduire l'existence d'une donation déguisée, qu'il n'est pas démontré qu'il aurait affecté les organes vitaux de la vigne, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de vente et violé l'article 1134 du Code civil ;

4. ALORS QUE la preuve de la donation déguisée incombe à celui qui s'en prévaut ; qu'en l'espèce, il résulte de l'acte du 2 juillet 1993 que le prix de la vente litigieuse a été fixé en considération notamment du gel qui a détruit totalement ou partiellement 95 % des vignes vendues ; qu'en retenant qu'il n'est pas démontré que le gel aurait affecté les organes vitaux de la vigne, pour considérer que le gel ne peut justifier la décote appliquée au prix de vente et qualifier celle-ci de donation déguisée, cependant qu'il incombait à MM. Patrick et Christian X..., qui invoquaient la donation déguisée, de rapporter la preuve que le gel n'avait pas affecté ces organes vitaux et ne pouvait en conséquence justifier le prix réduit, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve de la donation déguisée et a violé l'article 1315 du Code civil ;

5. ALORS QUE M. Gilles X... avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 9), que la valeur d'un bien affermé peut être décoté jusqu'à 30%, quand bien même l'acquéreur en serait le fermier bénéficiaire ; qu'il avait exposé que le fermage initialement fixé à 12.120 litres par an dans le bail initial du 3 novembre 1984 au titre des vignes qu'il a acquises en 1993 avait été réduit à 8420 litres par an, soit 30 % de moins, selon avenant du 21 septembre 1985, par suite du gel qui les avait sinistrées ; qu'en affirmant péremptoirement que ni le gel, ni le contrat de fermage ne pouvaient justifier une décote du prix, de 56.000 € à 19.006 € l'hectare, sans rechercher si l'action conjuguée de ces deux éléments qui, comme l'avait retenu le jugement dont M. X... demandait confirmation, impliquaient chacun une réduction du tiers de la valeur initiale, ne justifiait pas le prix fixé, qui n'était pas dérisoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1591 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement déféré, constaté que M. Gilles X... a bénéficié d'une donation déguisée de la part de Mme Odette Y..., sa mère, à hauteur de la somme de 19.968,26 € et dit que cette somme devra être rapportée à la succession sans application des sanctions du recel ;

Aux motifs propres que M. Gilles X... fait grief à la décision déférée d'avoir considéré que sa mère avait réglé la somme de 19.968,26 € lui incombant, alors que, selon lui, non seulement il s'est acquitté personnellement des sommes dont il était redevable mais encore il a payé aux lieu et place de ses parents la somme de 23.151,47 € dont il demande remboursement ; qu'il est acquis comme ressortant d'un courrier d'avocat en date du 17 avril 2007, d'un décompte précis et des décisions de condamnation que Mme Odette X... a payé une somme totale de 19.968,26 € incombant à son fils Gilles des suites de différentes condamnations pécuniaires prononcées à son encontre ; que force est de constater que ce dernier ne justifie pas en cause d'appel de ses allégations, les relevés bancaires qu'il produits étant insuffisants à cet égard comme étant exempts de toute mention afférente à l'affectation des paiements ; que l'avantage dont il a ainsi bénéficié constitue une donation déguisée ;

ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour justifier du paiement par ses soins, aux lieu et place de ses parents, d'une somme de 23.151,47 € au titre des diverses condamnations qui ont été prononcées in solidum à leur encontre dans le cadre des différentes procédures les ayant opposés tous trois à son frère Patrick et des honoraires d'avocat attachés à ces procédures, M. Gilles X... avait produit en cause d'appel les décisions de justice, les relevés de frais établis par les avoués et les justificatifs (copies de chèques notamment) de règlement correspondant (pièces 20 à 37 produites en cause d'appel) ainsi que les demandes de provisions adressées par leur avocat commun et les pièces justifiant de leur paiement depuis son compte professionnel personnel (pièce 39) ; qu'en se bornant à indiquer que les relevés bancaires qu'il produits sont insuffisants à justifier de ses allégations, comme étant exempts de toute mention afférente à l'affectation des paiements, sans examiner l'ensemble des pièces ainsi produites par M. X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de statuer sur la demande formée par M. Gilles X... et tendant au rapport à la succession, par Patrick X..., de la somme de 28.334 € correspondant aux fermages impayés de 1974 à 1994, attachés au bail rural consenti à M. Patrick X... et qui ne font l'objet d'aucune procédure en cours ;

Aux motifs que M. Gilles X... reproche au premier juge d'avoir dit y avoir lieu de statuer en l'état sur sa demande de rapport de la somme de 28.334 € du fait d'une instance en cours dont le sort influera sur la qualification pouvant être retenue à propos des faits qu'il allègue alors que, selon lui, cette somme qui correspond à des fermages prescrits constitue une libéralité rapportable ; que cependant, l'action en paiement de fermages engagée par M. René X... contre son fils Patrick est exclusive de l'intention libérale que M. Gilles X... lui prête ; qu'il en résulte que les éventuels fermages prescrits ne pourront être recouvrés et qu'en tout état de cause, c'est à juste titre que le premier juge s'est refusé de trancher le litige en l'état de la procédure actuellement pendante ; que la décision sera donc confirmée sur ce chef ;

Et aux motifs adoptés des premiers juges qu'il ne peut être statué en l'état sur cette demande, une instance étant pendante dont le sort influera sur la qualification pouvant être retenue à propos des faits qui sont allégués ; qu'il convient donc de renvoyer la question à un examen amiable par les notaires avant éventuelle saisie du tribunal pour trancher le cas échéant la difficulté lorsque l'instance pendante sera terminée ;

ALORS D'UNE PART QUE le juge doit, sauf à commettre un déni de justice, se prononcer sur tout ce qui est demandé ; qu'en refusant de trancher le litige qui lui était soumis sur le rapport à la succession des fermages dus par M. Patrick X... au titre des années 1974 à 1994 au titre d'un bail qui lui a été consenti par son père et que ce dernier ne lui a jamais réclamés, la cour d'appel a violé les articles 5 du code de procédure civile et 4 du Code civil ;

ALORS D'AUTRE PART QUE tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, M. Gilles X... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 17 et s.) que les fermages dont il demandait le rapport à la succession de ses parents par Patrick X... étaient les fermages impayés échus du jour de la conclusion du bail rural en 1974 jusqu'en 1994, dont ses parents n'avaient jamais réclamés le paiement à son frère ; qu'il avait souligné que ces fermages, prescrits, n'étaient pas concernés par la procédure en recouvrement des fermages initiée le 3 décembre 1999 par M. et Mme René X..., laquelle ne concernait que les fermages dus depuis 1995, non prescrits à cette date ; qu'il en déduisait que le sort de cette procédure ne pouvait produire aucun effet sur le rapport des fermages prescrits antérieurs à 1994 ; qu'en refusant de trancher le litige qui lui était soumis au titre du rapport à la succession des fermages prescrits, sans répondre à ces conclusions péremptoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS ENFIN QUE même en l'absence d'intention libérale établie, le bénéficiaire d'un avantage indirect en doit compte à ses cohéritiers et que la demande de rapport en raison de cet avantage indirect est fondée ; qu'en l'espèce, en refusant de statuer sur la demande de rapport à la succession des fermages non payés par Patrick X... de 1974 à 1994, dont M. Gilles X... faisait valoir qu'il constituait un avantage indirect rapportable, au motif inopérant que l'action en paiement de fermages engagée par M. René X... contre son fils Patrick est exclusive de toute intention libérale, la Cour d'appel a violé l'article 843 du Code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement déféré, dit que les fruits des donations des 2 juillet 1993 et 29 novembre 1993 devront être rapportés de même que les donations elles-mêmes ;

Aux motifs qu'il ressort des éléments du dossier que M. Gilles X... comme son frère Monsieur Régis X... aux droits duquel intervient son fils M. Franck X... ont reçu diverses parcelles de terres sous forme de donations rapportables ; que c'est donc très légitimement qu'en application des dispositions de l'article 856 du Code civil, le premier juge a ordonné le rapport des fruits ;

ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel (p. 23), M. Gilles X... faisait valoir la mauvaise foi de M. Patrick X... qui sollicitait le rapport des fruits de toutes les donations rapportables tandis que, dans le même temps, il refusait de payer les fermages correspondant notamment à la donation du 29 novembre 1993 ;
qu'il soulignait qu'il serait particulièrement inéquitable de faire profiter M. Patrick X..., au titre du rapport des fruits, des fermages qu'il n'a jamais payés ; qu'il en déduisait que les prétentions de Patrick X... sur le fondement de l'article 856 du Code civil devaient par conséquent être rejetées ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions péremptoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. Christian X..., demandeur au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de statuer sur la demande formée par Monsieur Christian X... tendant à voir dire et juger que Monsieur Patrick X... devra régler à la succession les fermages impayés ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE :

« M. Gilles X... reproche au premier juge d'avoir dit y avoir lieu de statuer en l'état sur sa demande de rapport de la somme de 28.334 € du fait d'une instance en cours dont le sort influera sur la qualification pouvant être retenue à propos des faits qu'il allègue alors que, selon lui, cette somme qui correspond à des fermages prescrits constitue une libéralité rapportable ; que cependant, l'action en paiement de fermages engagée par M. René X... contre son fils Patrick est exclusive de l'intention libérale que M. Gilles X... lui prête ; qu'il en résulte que les éventuels fermages prescrits ne pourront être recouvrés et qu'en tout état de cause, c'est à juste titre que le premier juge s'est refusé de trancher le litige en l'état de la procédure actuellement pendante ; que la décision sera donc confirmée sur ce chef » ;

Et AUX MOTIFS ADOPTES QUE :

« Il ne peut être statué en l'état sur cette demande, une instance étant pendante dont le sort influera sur la qualification pouvant être retenue à propos des faits qui sont allégués ; qu'il convient donc de renvoyer la question à un examen amiable par les notaires avant éventuelle saisie du tribunal pour trancher le cas échéant la difficulté lorsque l'instance pendante sera terminée » ;

ALORS, d'une part, QUE le juge ne peut refuser de trancher une demande dont il est saisi sauf à se rendre coupable d'un déni de justice prohibé par l'article 4 du Code civil ; qu'en refusant de trancher le litige concernant les fermages dus par Monsieur Patrick X... et en renvoyant aux notaires le soin d'examiner « amiablement » la question, la Cour d'appel a gravement méconnu son office et violé l'article 4 du Code civil, ensemble les articles 5 et 12 du Code de procédure civile.

ALORS, d'autre part, QUE le juge ne peut, sauf à éventuellement surseoir à statuer, refuser de statuer sur une demande en raison d'une autre instance pendante peu important que le sort de celle-ci puisse influer sur le sort de l'affaire dont il est saisi ; qu'en retenant qu'il ne peut être statué « en l'état » sur la demande formée au titre des fermages dus par Monsieur Patrick X... en raison d'une instance déjà pendante dont le sort influera sur la qualification des faits en cause, la Cour d'appel a violé les articles 5 et 12 du Code de procédure civile ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé d'appliquer les sanctions de recel aux donations déguisées faites au profit de Monsieur Gilles X... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE :

« Il convient de rappeler que l'existence d'une libéralité déguisée ne suffit pas à prouver son existence et qu'un héritier ne peut être frappé des sanctions du recel que lorsqu'est apportée la preuve de sa volonté de dissimuler et de son intention frauduleuse ; Or Monsieur Patrick X... et Monsieur Christian X... se contentent de démontrer les libéralités dont a bénéficié leur frère Gilles, sans démonter aucun fait positif de recel imputable à celui-ci et sans établir l'existence de faits matériels qu'il aurait mis en oeuvre intentionnellement, dans le but de fausser l'égalité du partage ; C'est donc à bon droit que le recel n'a pas été retenu à sa charge » ;

Et AUX MOTIFS ADOPTES QUE :

« Il n'est pas justifié de la connaissance qu'avait Monsieur Gilles X..., avant la présente instance, de l'existence de ce paiement effectué pour son compte. La simple abstention du créancier de lui réclamer le règlement des condamnations ne signifiait pas obligatoirement qu'une autre personne avait payé à sa place. De plus, le nombre impressionnant de procédures entre les parties ne permettait pas de comprendre facilement à quoi se rapportait tel ou tel versement » ;

ALORS, d'une part, QUE la dissimulation volontaire par l'héritier gratifié des libéralités qui lui ont été consenties est constitutive d'un recel ; qu'en se bornant à retenir que Monsieur Christian X... ne démontre aucun fait positif de recel imputable à son frère Gilles, ni l'existence de faits matériels qu'il aurait mis en oeuvre intentionnellement dans le but de fausser l'égalité de partage, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée (Conclusion, p. 12), si Monsieur Gilles X... n'avait pas tenté de dissimuler les donations qui lui avaient été faites en s'abstenant de les déclarer spontanément, ce dont il aurait résulté qu'il se serait rendu coupable de recel successoral, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, applicable à l'espèce ;

ALORS, d'autre part, QUE le juge ne peut modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des écritures des parties en se fondant sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant, par motifs adoptés, qu'il n'est pas justifié de la connaissance qu'avait Monsieur Gilles X... avant la présente instance de ce paiement effectué pour son compte, là où celui-ci ne soutenait pas ne pas en avoir eu connaissance auparavant, la Cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation des articles 4 et 7 du Code de procédure civile.Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils pour M. Patrick X..., demandeur au pourvoi incident

LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR, confirmant le jugement, rejeté la demande tendant à la constatation du recel successoral et à l'application des sanctions du recel,

AUX MOTIFS QU'il convient de rappeler que l'existence d'une libéralité déguisée ne suffit pas à prouver son existence et qu'un héritier ne peut être frappé des sanctions du recel que lorsqu'est apportée la preuve de sa volonté de dissimuler et de son intention frauduleuse ; que Messieurs Patrick et Christian X... se contentent de démontrer les libéralités dont a bénéficié leur frère Gilles, sans démontrer aucun fait positif de recel imputable à celui-ci et sans établir l'existence de faits matériels qu'il aurait mis en oeuvre intentionnellement dans le but de fausser l'égalité du partage ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il n'est pas justifié de la connaissance qu'avait Monsieur Gilles X..., avant la présente instance, de l'existence de ce paiement effectué pour son compte ; que la simple abstention du créancier de lui réclamer le règlement des condamnations ne signifiait pas obligatoirement qu'une autre personne avait payé à sa place ; que de plus, le nombre impressionnant de procédures entre les parties ne permettait pas de comprendre facilement à quoi se rapportait tel ou tel versement ; qu'il n'y a pas lieu d'appliquer la peine du recel faute de preuve de la mauvaise foi du bénéficiaire ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'exposant faisait valoir que la non-révélation d'une donation, quelle que soit sa nature, est sanctionnée au titre du recel, la Cour de cassation retenant le recel lorsque le cohéritier persiste à dissimuler la situation réelle et à affirmer que les actes incriminés sont sincères et qu'il est régulièrement devenu propriétaire des biens litigieux ; qu'en affirmant que l'exposant et Monsieur Christian X... se contentent de démontrer les libéralités dont a bénéficié leur frère sans démontrer aucun fait positif de recel imputable à celui-ci et sans établir de l'existence de faits matériels qu'il aurait mis en oeuvre intentionnellement dans le but de fausser l'égalité du partage, la Cour d'appel qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si en niant avec persistance au cours de la procédure, le véritable caractère des actes incriminés, le bénéficiaire des libéralités envisagées n'avait pas pour but de rompre frauduleusement l'égalité du partage demandé par ses cohéritiers, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 792 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'ayant constaté que le cohéritier avait une dette envers la succession, sa mère ayant payé une somme totale de 19.968,26 euros incombant à son fils au titre des procédures judiciaires dans lesquelles il a succombé, ainsi que les éléments versés par le bénéficiaire, qui a nié tout au long de la procédure l'existence d'une dette et soutenu avoir payé, non seulement les condamnations prononcées contre lui mais également celles concernant ses parents, dont il réclame le remboursement (jugement, p. 4), les juges du fond qui retiennent qu'il n'est pas justifié de la connaissance qu'avait le bénéficiaire, avant la présente instance, de l'existence du paiement effectué pour son compte, que la simple abstention du créancier de lui réclamer le règlement des condamnations ne signifiait pas obligatoirement qu'une autre personne avait payé à sa place, que le nombre impressionnant de procédures entre les parties ne permettait pas de comprendre facilement à quoi se rapportait tel ou tel versement sans rechercher, ainsi qu'ils y étaient invités, si, en niant avec persistance tout au long de la procédure le véritable caractère des actes incriminés, le bénéficiaire n'avait pas pour but de rompre frauduleusement l'égalité du partage demandé par ses cohéritiers, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 792 ancien du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-17439
Date de la décision : 04/07/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 17 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 jui. 2012, pourvoi n°11-17439


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.17439
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