LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., employée depuis 1980 par la SNCF en dernier lieu en qualité de cadre commercial, a été radiée des cadres le 24 septembre 2007 pour avoir émis des bons d'échange pour obtenir des titres de transport remis indûment à des tiers, après la découverte le 25 mai 2007 dans le tiroir de son bureau d'une enveloppe contenant des billets de train promotionnels ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement de diverses indemnités au titre de la rupture ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que seule la convocation à un entretien préalable mentionnant la sanction envisagée à l'encontre du salarié, interrompt le délai de poursuite de deux mois imparti à l'employeur ; qu'en jugeant le contraire aux motifs que la lettre du 13 juillet 2007 mentionnait en objet " garantie disciplinaire ", et émanait de l'autorité habilitée, motifs impropres à caractériser que la salariée pouvait avoir connaissance de la sanction encourue, la cour d'appel a violé les articles L. 1332-4 du code du travail et 4 § 1 du statut des relations collectives de la SNCF avec son personnel ;
2°/ que la connaissance qu'a l'employeur des faits fautifs constitue le point de départ du délai de prescription de l'article L. 1332-4 du code du travail, peu important que l'employeur décide de recueillir des informations complémentaires au moyen d'une enquête ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la SNCF, dès le 25 mai 2007, a découvert dans les affaires personnelles de la salariée des billets de train promotionnels, qui permettaient d'établir le détournement de titres de transport reproché ; qu'en décidant que le délai de prescription n'avait commencé à courir qu'à compter de la date du dépôt du rapport de l'enquête diligentée en interne, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;
3°/ que le juge ne peut dénaturer les pièces que les parties soumettent à son analyse ; que le rapport d'enquête de la " Surveillance générale Police ferroviaire " versé aux débats par la SNCF (pièce n° 2-3), est daté du 4 juillet 2007 ; qu'en disant ce rapport daté du 5 août 2007, la cour d'appel l'a dénaturé et a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 4 § 1de son chapitre 9 relatif aux " garanties disciplinaires et sanctions " du statut des relations collectives de la SNCF et de son personnel, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où le service en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales ; qu'en application de son § 5, si une sanction autre qu'un avertissement ou un blâme est envisagée, l'agent est avisé qu'il aura un entretien avec le chef d'établissement ou son représentant, avec la possibilité de se faire assister ; qu'il en résulte que les poursuites disciplinaires sont engagées à la date de cet avis de convocation ;
Et attendu que l'arrêt relève que la salariée a été convoquée le 13 juillet 2007 à un entretien préalable avec le chef d'établissement mentionnant comme objet " garantie disciplinaire ", convocation précédée le 10 juillet d'un avis d'envoi conforme aux dispositions de l'article 4 § 5 ; qu'il en déduit à juste titre que la prescription n'était pas acquise à la date de l'engagement des poursuites ; que le moyen, qui est inopérant dans ces deux dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la salariée fait encore grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen, qu'en vertu du principe fondamental du respect de la vie privée du salarié sur le lieu de son travail, l'employeur ne peut hors sa présence, que ce soit délibérément ou fortuitement, prendre connaissance de documents qui, de par leur classement ou rangement, revêtent un caractère personnel ; que tel est le cas des documents se trouvant dans une enveloppe close rangée dans le tiroir fermé du bureau d'une salariée, peu important que ce tiroir ne soit pas fermé à clé et que l'enveloppe ne comporte pas la mention " personnel " ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et L. 1121-1 du code du travail ;
Mais attendu que les documents détenus par un salarié dans le bureau de l'entreprise sont présumés professionnels, de sorte que l'employeur peut en prendre connaissance même hors la présence de l'intéressé, sauf s'ils sont identifiés comme étant personnels ; que la cour d'appel ayant relevé que l'enveloppe contenant les documents litigieux, estampillée SNCF, ne portait aucune mention relative à son caractère personnel et se trouvait dans un tiroir non fermé à clé, en a justement déduit que l'employeur avait pu en prendre connaissance de manière licite ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la salariée fait enfin grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu de l'article 10 du chapitre 7 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, seule la faute grave du salarié prive celui-ci de ses droits au délai-congé et à l'indemnité de licenciement ; qu'en se bornant à relever que la radiation des cadres – emportant rupture du contrat de travail, n'était pas disproportionnée " au regard de la gravité et de la répétition des faits ", sans caractériser indépendamment du bien fondé de cette rupture, la faute grave privative des indemnités de préavis et de licenciement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt au regard du texte précité et de l'article L. 2333-1 du code du travail ;
2°/ qu'en l'absence de définition de la faute privative des droits au délai-congé et à l'indemnité de licenciement, donnée par le Statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, cette faute est celle qui justifie l'éviction immédiate du salarié ; qu'en ne constatant pas que la faute retenue à l'encontre de la salariée rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du délai-congé, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 10 du chapitre 7 du Statut précité, et des articles L. 1234-9 et L. 1234-5 du code du travail ;
Mais attendu que l'arrêt, qui a relevé que la salariée s'était livrée pendant plusieurs années à un détournement de titres de transport occasionnant un préjudice conséquent pour l'employeur, a pu retenir que ses agissements, au regard de leur gravité et de leur répétition, justifiaient la radiation des cadres prononcée privative de toute indemnité ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR DEBOUTE la salariée de ses demandes tendant au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et des congés payés afférents, et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE l'article 4 § 1 du Statut des Relations Collectives entre la SNCF et son personnel, dont la rédaction est quasi-identique à celle de l'article L 1332-4 du code du travail, dispose que « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois à compter du jour où le service en a eu connaissance, à moins que cela ait donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales » ; que les parties sont en désaccord sur la date d'engagement des poursuites disciplinaires, à partir de laquelle doit être décompté le délai de deux mois ; que Catherine X... a été convoquée le 13 juillet 2007 par Mr Y..., directeur d'établissement, à un entretien prévu pour le 19 juillet 2007, que cet entretien s'est tenu à cette date et que par lettre du 27 juillet 2007, Catherine X... a été convoquée à comparaître devant le Conseil de discipline le 18 septembre 2007 ; Que Catherine X... considère que la convocation du 13 juillet 2007 ne marque pas l'engagement des poursuites dès lors qu'elle ne mentionne pas qu'une radiation était envisagée et qu'elle émane d'une personne n'ayant pas le pouvoir de procéder à cette radiation et que seule la convocation du 27 juillet 2007 doit être retenue à ce titre ; que l'article 4 du statut, relatif à la procédure d'instruction en matière disciplinaire dispose au § 5 que : « si une sanction autre qu'un avertissement ou un blâme sans ou avec inscription est envisagée, l'agent est avisé qu'il aura un entretien avec le chef d'établissement (ou l'autorité assimilé) ou son représentant et qu'il a la possibilité de se faire assister à cet entretien par un agent de son établissement, dont il devra communiquer le nom dans les 48 h suivant cet avis.. au cours de cet entretien préalable, le chef d'établissement indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications verbales de l'agent... » ; que le § 8 indique que « lorsque la décision est prise, par l'autorité habilitée à prononcer la sanction, de présenter l'affaire devant le conseil de discipline, l'intéressé doit en être avisé par écrit » ; qu'il ressort de ces dispositions que la convocation à l'entretien préalable par le chef d'établissement, précédée d'un avis d'envoi de cette convocation, marque l'engagement de la procédure disciplinaire, la convocation ultérieure devant le conseil de discipline ne constituant que l'une des phases de la procédure elle-même ; Que la convocation du 13 juillet 2007 qui mentionne en objet : « garantie disciplinaire », mention figurant déjà sur la pré-convocation, est clairement une convocation à un entretien disciplinaire et non à un simple entretien ; qu'elle émane de l'autorité habilitée, à savoir le chef d'établissement ; Que s'il est vrai qu'elle n'indique pas qu'une radiation est envisagée, ceci ne remet pas en cause sa nature même mais constitue une simple irrégularité de procédure, ouvrant droit à des dommages et intérêts, comme il sera évoqué ultérieurement ; que la prescription n'est donc pas opposable à la SNCF pour les faits dont elle a eu connaissance dans les deux mois précédant le 13 juillet 2007, soit postérieurement au 16 mai 2007 ; que ceci rend sans objet la discussion des parties sur le point de départ du délai de prescription-25 mai 2007 selon la salariée, 4 août 2007 selon l'employeur-puisque, en toute hypothèse, la prescription n'est pas encourue à l'une ou l'autre de ces dates ; qu'il sera à toutes fins utiles observé que la SNCF n'a eu connaissance complète des faits qu'après les investigations entreprises par la SUGE, exposées dans son rapport du 4 août 2007, qui ont permis de déterminer avec exactitude l'ampleur des agissements de Catherine X..., de sorte que la prescription n'a couru qu'à compter de cette date ;
1°) ALORS QUE seule la convocation à un entretien préalable mentionnant la sanction envisagée à l'encontre du salarié, interrompt le délai de poursuite de deux mois imparti à l'employeur ; qu'en jugeant le contraire aux motifs que la lettre du 13 juillet 2007 mentionnait en objet « garantie disciplinaire », et émanait de l'autorité habilitée, motifs impropres à caractériser que la salariée pouvait avoir connaissance de la sanction encourue, la cour d'appel a violé les articles L. 1332-4 du Code du travail et 4 § 1 du statut des relations collectives de la SNCF avec son personnel ;
2°) ALORS QUE la connaissance qu'a l'employeur des faits fautifs constitue le point de départ du délai de prescription de l'article L. 1332-4 du Code du travail, peu important que l'employeur décide de recueillir des informations complémentaires au moyen d'une enquête ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la SNCF, dès le 25 mai 2007, a découvert dans les affaires personnelles de la salariée des billets de train promotionnels, qui permettaient d'établir le détournement de titres de transport reproché ; qu'en décidant que le délai de prescription n'avait commencé à courir qu'à compter de la date du dépôt du rapport de l'enquête diligentée en interne, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du Code du travail ;
3°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les pièces que les parties soumettent à son analyse ; que le rapport d'enquête de la « Surveillance générale Police ferroviaire » versé aux débats par la SNCF (pièce n° 2-3), est daté du 4 juillet 2007 ; qu'en disant ce rapport daté du 5 août 2007, la cour d'appel l'a dénaturé et a violé l'article 1134 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR DEBOUTE la salariée de ses demandes tendant au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et des congés payés afférents, et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE Madame Véronique C..., collègue de Catherine X... a expliqué tant devant la SUGE que dans une attestation établie le 25 juin 2009 que, pensant récupérer le téléphone portable de service de Mr A..., qui venait d'être livré le matin même et que Catherine X... lui avait indiqué se trouver dans l'un des tiroirs de son bureau, elle avait découvert dans ledit tiroir une enveloppe estampillée SNCF dont le contenu, après ouverture, s'était avéré être des titres de transports ; qu'elle précise dans son attestation que « à aucun moment, je n'ai cherché à nuire à madame Catherine X... ni à fouiller son bureau, ma découverte ayant été totalement fortuite.. » ; que Monsieur Gérard B..., agent également auditionné par la SUGE, a indiqué quant à lui qu'il avait « proposé à Madame Véronique C... de récupérer le portable de Thierry A... déposé le matin même par Madame Catherine X... dans le tiroir de son bureau » ; Qu'il ressort de ces témoignages concordants, sans qu'il y ait lieu de s'arrêter aux contradictions, mineures, que la salariée relève dans les deux dépositions de Madame C..., que la découverte de l'enveloppe contenant les titres de transports résulte d'un concours de circonstances indépendant de la volonté de l'employeur et non d'une fouille délibérée du bureau de la salariée ; qu'en toute hypothèse, le bureau d'un salarié étant affecté à l'exercice de son activité professionnelle, l'employeur peut librement y avoir accès en dehors de sa présence, à moins que celui-ci n'ait clairement réservé certaines parties à son usage personnel ; qu'en l'espèce, le tiroir renfermant l'enveloppe litigieuse ne portait aucune mention indiquant que son contenu était personnel et n'était d'ailleurs pas fermé à clef ; que l'ouverture de ce tiroir ne présente donc aucun caractère illicite ; Que s'agissant de l'enveloppe elle-même contenant les billets litigieux, il est de principe que les documents détenus par le salarié dans le bureau de l'entreprise sont, sauf lorsqu'il Ies identifie comme étant personnels, présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence ; qu'il n'est pas discuté que l'enveloppe en cause ne portait aucune mention et était seulement estampillée SNCF ; que dès lors, l'employeur était en droit, sans porter atteinte à la vie privée de la salarié, de prendre connaissance de son contenu ;
ALORS QU'en vertu du principe fondamental du respect de la vie privée du salarié sur le lieu de son travail, l'employeur ne peut hors sa présence, que ce soit délibérément ou fortuitement, prendre connaissance de documents qui, de par leur classement ou rangement, revêtent un caractère personnel ; que tel est le cas des documents se trouvant dans une enveloppe close rangée dans le tiroir fermé du bureau d'une salariée, peu important que ce tiroir ne soit pas fermé à clé et que l'enveloppe ne comporte pas la mention « personnel » ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil, 9 du nouveau Code de procédure civile et L. 1121-1 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR DEBOUTE la salariée de ses demandes tendant au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement et d'indemnité de préavis ;
AUX MOTIFS QUE la matérialité des faits n'est pas contestée ; que la salariée s'est livrée pendant plusieurs années à un détournement de titres de transports, occasionnant un préjudice conséquent à son employeur, peu important les mobiles, prétendument altruistes, qui l'ont animée ; Qu'au regard de la gravité et de la répétition des faits, la sanction prononcée n'est nullement disproportionnée et doit être approuvée ;
ALORS D'UNE PART QU'en vertu de l'article 10 du chapitre 7 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, seule la faute grave du salarié prive celui-ci de ses droits au délai-congé et à l'indemnité de licenciement ; qu'en se bornant à relever que la radiation des cadres – emportant rupture du contrat de travail, n'était pas disproportionnée « au regard de la gravité et de la répétition des faits », sans caractériser indépendamment du bien fondé de cette rupture, la faute grave privative des indemnités de préavis et de licenciement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt au regard du texte précité et de l'article L. 2333-1 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QU'en l'absence de définition de la faute privative des droits au délai-congé et à l'indemnité de licenciement, donnée par le Statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, cette faute est celle qui justifie l'éviction immédiate du salarié ; qu'en ne constatant pas que la faute retenue à l'encontre de la salariée rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du délai-congé, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 10 du chapitre 7 du Statut précité, et des articles L1234-9 et L. 1234-5 du Code du travail.