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28/06/2012 | FRANCE | N°11-17251

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 28 juin 2012, 11-17251


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 1er mars 2011) et les productions, que M. X..., transporteur, ayant immobilisé sa fourgonnette, moteur arrêté et marche arrière engagée, devant un bureau de poste pour y prendre livraison de colis et de courrier, a été blessé par suite d'un brusque recul de ce véhicule provoqué par M. Y..., salarié de la société Jansou (l'employeur), qui, occupé à une tâche identique pour le compte de celle-ci, s'y est introduit et a mis le moteur en marche ; que M. X..., a

mputé d'une jambe, a assigné en réparation la société Les Mutuelles du...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 1er mars 2011) et les productions, que M. X..., transporteur, ayant immobilisé sa fourgonnette, moteur arrêté et marche arrière engagée, devant un bureau de poste pour y prendre livraison de colis et de courrier, a été blessé par suite d'un brusque recul de ce véhicule provoqué par M. Y..., salarié de la société Jansou (l'employeur), qui, occupé à une tâche identique pour le compte de celle-ci, s'y est introduit et a mis le moteur en marche ; que M. X..., amputé d'une jambe, a assigné en réparation la société Les Mutuelles du Mans assurances (la société MMA), assureur du véhicule impliqué, le groupement d'intérêt économique Meiava, son propre assureur personnel, et M. Y... ; qu'ont été appelés en cause l'employeur et son assureur, Groupama d'Oc, ainsi que la société Assurances générales de France (AGF), assureur personnel obligatoire de M. X... ; que sont intervenus volontairement à l'instance Mme Z..., en qualité de mandataire liquidateur de M. X..., placé en liquidation judiciaire, et Mme C..., épouse X..., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs, puis, en cause d'appel, MM. A... et B..., en leurs qualités de représentant des créanciers et d'administrateur de l'employeur, placé en redressement judiciaire ; qu'un jugement du 23 février 2001 a condamné la société MMA à indemniser M. X... et ses ayants droit, a déclaré l'employeur responsable, en qualité de commettant, du dommage causé par M. Y... et l'a condamné à garantir la société MMA des condamnations prononcées contre elles, et la société Groupama d'Oc à garantir l'employeur ; que par arrêt du 3 juin 2004 (2ème civ., pourvoi n° 03-10. 819) la Cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 10 décembre 2002 rendu sur appel de ce jugement, mais seulement en ce qu'il avait retenu la responsabilité civile de la société Jansou en qualité de commettant ; que par arrêt devenu irrévocable rendu sur renvoi le 9 novembre 2005 la cour d'appel d'Agen, infirmant le jugement en ce qu'il avait déclaré l'employeur responsable du dommage causé par son préposé et l'avait condamné à garantir la société MMA, a mis l'employeur hors de cause ainsi que le liquidateur de M. X... et la société Groupama d'Oc, assureur de l'employeur, et a dit que M. Y... devait garantir la société MMA de toutes condamnations ; que la société MMA a introduit une instance contre M. Y... et son assureur multi risques habitation, la société Generali France (Generali), en garantie de ces condamnations ; qu'un jugement du 24 mai 2007 a déclaré recevable le recours subrogatoire de la société MMA contre M. Y... et a condamné solidairement M. Y... et la société Generali à payer diverses sommes à la société MMA ; que la société Generali a interjeté appel de ce jugement ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la société Generali fait grief à l'arrêt de la condamner à verser 707 238, 78 euros à la société MMA et à garantir M. Y... de toutes condamnations prononcées contre lui au titre des conséquences de l'accident du 13 mars 1996, et de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que l'indemnisation d'une victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985 ; que l'assureur du véhicule impliqué qui a indemnisé la victime d'un accident de la circulation sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, d'ordre public et d'application exclusive, ne peut, au titre de son action subrogatoire, rechercher sur un autre fondement la responsabilité de la personne à l'origine du dommage causé par le véhicule, ni donc obtenir la garantie de l'assureur couvrant la responsabilité civile de droit commun de cette personne " à l'exclusion des dommages causés par des véhicules terrestres à moteur soumis à l'obligation d'assurance " ; qu'en l'espèce, en retenant pourtant que la MMA, assureur du véhicule à l'origine du dommage, pouvait rechercher la garantie de la société Generali IARD, assureur multirisques de M. Y... à l'exclusion des dommages causés par des véhicules terrestres à moteur soumis à l'obligation d ‘ assurance, au titre de l'action subrogatoire dont la MMA disposait après avoir indemnisé la victime d'un dommage dont elle constatait explicitement qu'un véhicule terrestre à moteur en avait été l'instrument, la cour d ‘ appel a violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ;
2°/ que constitue un acte de conduite le fait d'actionner le démarreur d'un véhicule stationnant sur la voie publique, qui a pour effet de mettre celui-ci en mouvement, peu important que la personne ayant démarré le véhicule ne soit pas installée sur le siège conducteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. Y... était entré dans le véhicule, qu'il avait actionné le démarreur et mis le moteur en marche ; qu'elle a également constaté que le véhicule avait été l'instrument du dommage-le démarrage du véhicule, dont la marche arrière était enclenchée ayant provoqué un recul brutal et le choc avec M. X... ; qu'en considérant pourtant que la loi du 5 juillet 1985 n'était pas applicable au recours subrogatoire exercé par la MMA, aux motifs inopérants que M. Y... n'était pas installé sur le siège conducteur et avait actionné le démarreur par curiosité, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que l'assureur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation, qui a indemnisé les dommages causés à un tiers, ne peut exercer de recours contre un autre co-obligé que sur le fondement des articles 1251 et 1382 du code civil ;
Et attendu que l'arrêt retient exactement que la loi du 5 juillet 1985 n'a pas vocation à s'appliquer au recours subrogatoire exercé par la société MMA à l'encontre de M. Y..., l'assureur ayant indemnisé la victime et exerçant son recours contre un tiers, auteur du dommage, ne pouvant s'en prévaloir ; que même si un véhicule terrestre à moteur a été l'instrument du dommage, la société MMA recherche la responsabilité personnelle de M. Y... à raison de son fait fautif en dehors de tout acte de conduite d'un véhicule ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et, sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que la société Generali fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis d'une clause d'exclusion de garantie formelle et limitée, notamment en ajoutant aux stipulations qu'elle renferme ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les conditions générales (p. 19, III, alinéa h) de sa police multirisques, acceptées par M. Y..., prévoyaient que n'étaient pas couverts " les dommages causes par des véhicules terrestres à moteur et leurs remorques soumis à l'obligation d'assurance " ; qu'en affirmant cependant, pour refuser d'appliquer cette stipulation lors même qu'elle constatait qu'un véhicule terrestre à moteur a été l'instrument du dommage, que cette clause ne tend qu'à rappeler l'obligation légale d'assurance pesant sur les propriétaires d'un véhicule terrestre à moteur et à éviter qu'un assuré ne conduise de façon habituelle un véhicule terrestre à moteur, sans être titulaire d'une assurance spécifique pour ledit véhicule, et ne recherche, en cas de sinistre causé par ce véhicule, à en faire supporter les conséquences par l'assureur multirisque habitation qui ne garantit l'assuré qu'au titre de la responsabilité civile de droit commun, la cour d'appel a manifestement ajouté aux stipulations claires et précises de la clause d'exclusion de garantie formelle et limitée, qu'elle a ce faisant dénaturée, en violant l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que, selon la clause d'exclusion de garantie, ne sont pas couverts les dommages causés par des véhicules terrestres à moteur et leurs remorques soumis à l'obligation d'assurance (titre I du livre II du code des assurances) ; que cette clause ne tend qu'à rappeler l'obligation légale d'assurance pesant sur les propriétaires d'un véhicule terrestre à moteur ; que cette clause n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce ; que les MMA ont recherché la responsabilité de M. Y... à raison de son fait fautif ; qu'au regard du contrat cet acte dommageable doit être regardé comme s'inscrivant dans la catégorie des actes commis par l'assuré au cours de sa vie privée et garantis au titre du chapitre " responsabilité civile vie privée " ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve, et dont il résultait que M. Y... avait provoqué le dommage par sa faute personnelle, la cour d'appel a exactement décidé, hors de toute dénaturation du contrat d'assurance, que la société Generali devait garantir son assuré M. Y... des conséquences dommageables de l'accident ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Generali IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société MMA IARD et à M. Y..., chacun, la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Générali IARD.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Generali IARD à verser la somme de 707. 238, 78 € à la compagnie MMA et à garantir et relever indemne M. Y... de toutes condamnations prononcées contre lui au titre des conséquences de l'accident survenu le 13 mars 1996, et d'AVOIR rejeté les demandes de la société Generali IARD ;
AUX MOTIFS QU'en page 19, III, alinéa h, des conditions générales figure en termes apparents une clause d'exclusion de garantie rédigée dans les termes suivants : « outre les exclusions communes à tous les risques, ne sont pas couverts les dommages causés par des véhicules terrestres à moteur et leurs remorques soumis à l'obligation d'assurance (titre I du Livre II du Code des assurances) sauf dérogation … » qui est étrangère aux faits de l'espèce ; que cette clause ne tend qu'à rappeler l'obligation légale d'assurance pesant sur les propriétaires d'un véhicule terrestre à moteur et à éviter qu'un assuré ne conduise de façon habituelle un véhicule terrestre à moteur, sans être titulaire d'une assurance spécifique pour ledit véhicule, et ne recherche, en cas de sinistre causé par ce véhicule, à en faire supporter les conséquences par l'assureur multirisque habitation qui ne garantit l'assuré qu'au titre de la responsabilité civile de droit commun ; que cette clause d'exclusion de garantie, à l'instar de toutes les exclusions de garantie en matière d'assurance, doit s'interpréter de façon restrictive et n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce ; qu'en effet, dans le cadre du recours subrogatoire exercé par la société Les Mutuelles du Mans à l'encontre de M. Y..., la loi du 5 juillet 1985 n'a pas vocation à s'appliquer et l'assureur, qui a indemnisé la victime et exerce son recours contre un tiers, auteur du dommage, ne peut s'en prévaloir ; que même si un véhicule terrestre à moteur a été l'instrument du dommage, la société Mutuelle du mans recherche la responsabilité personnelle de M. Y... à raison de son fait fautif en dehors de tout acte de conduite d'un véhicule terrestre à moteur ; qu'elle invoque donc à bon droit les dispositions de l'article 1384 du Code civil dès lors que M. Y..., en s'introduisant subrepticement dans le véhicule à l'insu de son propriétaire, sans s'installer à la place du conducteur, et en déclenchant par simple curiosité, le démarreur, s'est comporté comme le gardien occasionnel de la chose instrument du dommage ; qu'au regard du contrat d'assurance litigieux, cet acte dommageable doit être regardé comme s'inscrivant dans la catégorie des actes commis par l'assuré au cours de sa vie privée et garanti au titre du chapitre « responsabilité civile vie privée » ;
1) ALORS QUE l'indemnisation d'une victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985 ; que l'assureur du véhicule impliqué qui a indemnisé la victime d'un accident de la circulation sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, d'ordre public et d'application exclusive, ne peut, au titre de son action subrogatoire, rechercher sur un autre fondement la responsabilité de la personne à l'origine du dommage causé par le véhicule, ni donc obtenir la garantie de l'assureur couvrant la responsabilité civile de droit commun de cette personne « à l'exclusion des dommages causés par des véhicules terrestres à moteur soumis à l'obligation d'assurance » ; qu'en l'espèce, en retenant pourtant que la MMA, assureur du véhicule à l'origine du dommage, pouvait rechercher la garantie de la société Generali Iard, assureur multirisques de M. Y... à l'exclusion des dommages causés par des véhicules terrestres à moteur soumis à l'obligation d'assurance, au titre de l'action subrogatoire dont la MMA disposait après avoir indemnisé la victime d'un dommage dont elle constatait explicitement qu'un véhicule terrestre à moteur en avait été l'instrument, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 05 juillet 1985 ;
2) ALORS En outre QUE constitue un acte de conduite le fait d'actionner le démarreur d'un véhicule stationnant sur la voie publique, qui a pour effet de mettre celui-ci en mouvement, peu important que la personne ayant démarré le véhicule ne soit pas installée sur le siège conducteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. Y... était entré dans le véhicule, qu'il avait actionné le démarreur et mis le moteur en marche ; qu'elle a également constaté que le véhicule avait été l'instrument du dommage – le démarrage du véhicule, dont la marche arrière était enclenchée, ayant provoqué son recul brutal et le choc avec M. X...- ; qu'en considérant pourtant que la loi du 05 juillet 1985 n'était pas applicable au recours subrogatoire exercé par la MMA, aux motifs inopérants que M. Y... ne s'était pas installé sur le siège du conducteur, et avait actionné le démarreur par curiosité, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 05 juillet 1985 ;
3) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis d'une clause d'exclusion de garantie formelle et limitée, notamment en ajoutant aux stipulations qu'elle renferme ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les conditions générales (p. 19, III, alinéa h) de sa police multirisques, acceptées par M. Y..., prévoyaient que n'étaient pas couverts « les dommages causés par des véhicules terrestres à moteur et leurs remorques soumis à l'obligation d'assurance » ; qu'en affirmant cependant, pour refuser d'appliquer cette stipulation lors même qu'elle constatait qu'un véhicule terrestre à moteur a été l'instrument du dommage, que cette clause ne tend qu'à rappeler l'obligation légale d'assurance pesant sur les propriétaires d'un véhicule terrestre à moteur et à éviter qu'un assuré ne conduise de façon habituelle un véhicule terrestre à moteur, sans être titulaire d'une assurance spécifique pour ledit véhicule, et ne recherche, en cas de sinistre causé par ce véhicule, à en faire supporter les conséquences par l'assureur multirisque habitation qui ne garantit l'assuré qu'au titre de la responsabilité civile de droit commun, la Cour d'appel a manifestement ajouté aux stipulations claires et précises de la clause d'exclusion de garantie formelle et limitée, qu'elle a ce faisant dénaturée, en violant l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-17251
Date de la décision : 28/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 01 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 28 jui. 2012, pourvoi n°11-17251


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.17251
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