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27/06/2012 | FRANCE | N°11-10644

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 juin 2012, 11-10644


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé, le 27 juillet 2004, par la société TRB, société de transport logistique relevant de la convention collective des transports routiers et des activités auxiliaires du transport, en qualité de gardien, catégorie "employés", coefficient 110 et groupe 2, selon un contrat de travail à temps partiel prévoyant 76 heures mensuelles ; qu'un avenant du 10 février 2005 a prévu un travail en rotation avec les autres gardiens, la possibilité du travail durant

le week-end mais aussi en semaine, tant le jour que la nuit ; que le sa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé, le 27 juillet 2004, par la société TRB, société de transport logistique relevant de la convention collective des transports routiers et des activités auxiliaires du transport, en qualité de gardien, catégorie "employés", coefficient 110 et groupe 2, selon un contrat de travail à temps partiel prévoyant 76 heures mensuelles ; qu'un avenant du 10 février 2005 a prévu un travail en rotation avec les autres gardiens, la possibilité du travail durant le week-end mais aussi en semaine, tant le jour que la nuit ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et en paiement de rappels de salaire à titre d'indemnité de petit-déjeuner et de prime de dimanches, de congés payés ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais, sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire au titre des primes de dimanche, indemnités de petit déjeuner et congés payés afférents, l'arrêt retient que la société s'est affranchie des restrictions conventionnelles en accordant au salarié des indemnités de repas prévues pour les ouvriers roulants lui reconnaissant ainsi un statut hybride ouvrant droit aux avantages réservés à ceux-ci ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié invoquait l'existence d'une discrimination mais ne se prévalait d'aucun "statut hybride", la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la cinquième branche du moyen unique :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement des sommes de 183,12 euros au titre de l'indemnité de petit-déjeuner, de 18,31 euros au titre des congés payés afférents, de 4 939,60 euros au titre de la prime de dimanche et de celle de 493,96 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 25 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société TRB groupe Bert

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'IL a requalifié le contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet et condamné, par conséquent, la société TRB à payer à Monsieur X... diverses sommes à titre de rappel de salaire, de congés payés y afférents, d'indemnité de petits déjeuners, de congés payés y afférents, de prime de dimanche, de congés payés y afférents, de dommage et intérêts et de prise en charge des frais irrépétibles de première instance;

AUX MOTIFS QUE les dispositions de l'article L. 212-4-3 devenus L. 3123-14 du code du travail garantissent la possibilité pour le salarié de cumuler plusieurs emplois de travail à temps partiel pour pouvoir s'assurer un revenu au moins égal au SMIC ; que la présomption de temps plein ne s'applique qu'en l'absence de contrat écrit ; qu'elle ne vaut pas lorsqu'il s'agit d'établir la répartition de temps de travail, le juge appréciant alors la demande de requalification au vu des éléments présentés de part et d'autre ; que la société TRB avait la faculté d'exiger des heures complémentaires dans les limites prévues par la convention collective et le contrat de travail, sans pouvoir jamais atteindre un temps plein, en tout état de cause, conformément à l'article L. 3123-17, sauf à encourir la requalification du contrat à temps complet ; que l'article L. 212-1-1 du code du travail, devenu l'article L. 3171-4 du nouveau code dispose, enfin, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que c'est au vu de ces documents et de ceux fournis par le salarié, à l'appui de sa demande, que le juge forme sa conviction ; que les parties s'accordent à dire que le nombre d'heures défini le contrat de travail puis l'avenant a été dépassé à plusieurs reprises au-delà du nombre d'heures complémentaires autorisées ; qu'elles divergent concernant l'importance de ce dépassement, la société TRB soutenant que l'horaire légal mensuel du temps plein n'a jamais été atteint tandis que Monsieur X... affirme que c'est arrivé à trois reprises ; que les relevés d'heures telles qu'il résulte des plannings ne sont ni contestés ni contredits ; qu'ils font ressortir un dépassement du temps de travail légal mensuel à temps complet en novembre 2006 (159 heures) et en avril 2007 (150,50 heures) ; que les bulletins de salaires qui indiquent très régulièrement des dépassements confirment que la société TRB ne les ignoraient pas, y compris à partir du mois de juillet 2006 ; que surabondamment, l'avenant au contrat de travail en date du 1er février 2005 stipule que Monsieur X... en rotation avec d'autres gardiens pourra exercer son activité « les week-ends et jours fériés 24 heures sur 24, tel que prévu initialement, mais aussi en semaine tant le jour que la nuit » ; qu'alors qu'il pouvait envisager d'exercer une autre activité au vu du contrat initial qui limitait les interventions à 17 h 50 par semaine uniquement les samedis après-midi, dimanches et jours fériés, ce n'était plus le cas ensuite, l'avenant ci-dessus lui imposant de rester en permanence à la disposition de son employeur, la définition hebdomadaire de la répartition du temps de travail en fonction des tours de garde et des jours fériés rendant impossible l'obligation de tout autre emploi ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a requalifié le contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein et a alloué un rappel de salaire à compter du mois de juillet 2006, correspondant à la différence entre les heures effectuées et payées et le salaire découlant de la requalification à temps complet ;

ET AUX MOTIFS QUE les dispositions spécifiques à certaines catégories de personnel telles que prévues par les conventions collectives et les accords nationaux ont été négociées par les partenaires sociaux en fonction de contraintes inhérentes à chacune d'elles et d'avantages sociaux particuliers, dans un souci d'équilibre général présumant le respect du principe d'égalité ; qu'en l'occurrence le gardien « avec rondes » appartient à la catégorie des employés aux termes de la convention collective des transports routiers et des activités auxiliaires de transport qui ne prévoit pas le versement d'une prime en cas de travail le dimanche ; que cependant, la société TRB s'est affranchie de ces restrictions en accordant à Monsieur X... des indemnités de repas prévues pour les ouvriers roulants, lui reconnaissant ainsi un statut hybride ouvrant droit aux avantages réservés à ceux-ci ; que le jugement sera confirmé par substitution de motifs ;

ALORS QUE, premièrement, si le dépassement de l'horaire hebdomadaire ou mensuel convenu pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant une période de douze semaines non consécutives au cours d'une période de quinze semaines fonde ouvre droit, pour le salarié, à une modification, à la hausse, du temps de travail contractuel, le dépassement du nombre d'heures complémentaires autorisées, sans instruction en ce sens de l'employeur, conduisant à atteindre ponctuellement la durée légale n'ouvre pas droit à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, en particulier lorsque les salariés concernés disposent d'une autonomie dans la fixation de leur emploi du temps ; qu'en décidant, en l'espèce, de requalifier en contrat de travail à temps complet le contrat de travail à temps partiel de Monsieur X... après avoir relevé deux dépassements ponctuels de l'horaire légal, l'un au mois de novembre 2006 et l'autre au mois d'avril 2007, sans rechercher si ces dépassements ponctuels avaient été effectués en exécution d'avenants et/ou sur instruction de l'employeur, après avoir constaté que « les plannings étaient remis un mois à l'avance à l'employeur » (cf. arrêt attaqué, p. 3, 7e alinéa), ce qui faisait nécessairement ressortir que Monsieur X... organisait son emploi du temps en se concertant avec ses collègues, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3123-14, L. 3123- 15, L. 3123-17 et L. 3171-4 du Code du travail ;

ALORS QUE, deuxièmement, n'est pas à la disposition permanente de son employeur le salarié qui jouit d'une autonomie dans le cadre de la détermination de son emploi du temps ; de sorte qu'il n'y a pas lieu à requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet lorsque le salarié fixe, en concertation avec ses collègues, l'emploi du temps un mois à l'avance et peut ainsi prévoir à quel rythme il doit travailler ; qu'en considérant, en l'espèce, que Monsieur X... avait été mis, à compter du 1er février 2005, dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler dans la mesure ou l'avenant du mois de février 2005 lui imposait de rester en permanence à la disposition de la société TRB, tout en constatant que Monsieur X... exerçait son activité en rotation avec d'autres gardiens et qu'il avait lui-même déclaré, dans le cadre de l'instance d'appel, que « les plannings étaient remis un mois à l'avance à l'employeur » (cf. arrêt attaqué, p. 3, 7e alinéa), ce qui faisait nécessairement ressortir qu'il organisait son emploi du temps en se concertant avec ses collègues, de sorte qu'il était en mesure de prévoir à quel rythme il devait travailler et ne pouvait, par conséquent, être considéré comme se trouvant en permanence à la disposition de son employeur, la Cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 3123-14, L.3123-17 et, par refus d'application, L. 3171-4 du Code du travail, ensemble les dispositions des articles 1134 du Code civil ;

ALORS QUE, troisièmement, en décidant que Monsieur X... était fondé à réclamer un rappel de salaire, correspondant à la différence entre les heures effectuées et payées et le salaire découlant de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter du mois de juillet 2006, sans aucunement préciser les raisons pour la requalification devait prendre effet à cette date, après avoir relevé que le premier dépassement de la durée légale de travail avait eu lieu au mois de novembre 2006, c'est-à-dire 4 mois plus tard, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3123-14, L.3123-17 et L. 3171-4 du Code du travail ;

ALORS QUE, quatrièmement, en considérant que la société TRB avait reconnu à Monsieur X... un « statut hybride » ouvrant droit aux avantages réservés aux ouvriers roulants en lui ayant accordé des indemnités de repas prévues pour cette catégorie, bien que celui-ci fondait sa demande exclusivement sur l'existence d'une discrimination entre les salariés appartenant à la catégorie employés et ceux appartenant à la catégorie ouvriers, sans jamais invoquer la reconnaissance, par l'employeur, d'un quelconque « statut hybride » susceptible de lui être appliqué, la Cour d'Appel a modifié les termes du litige, violant ainsi les dispositions de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

ALORS QUE, cinquièmement, le juge doit, en toutes circonstances, observer le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur des moyens relevés d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs explications ; que le motif de substitution retenu par la cour d'appel, selon lequel la société TRB avait reconnu un « statut hybride » ouvrant droit aux avantages réservés aux ouvriers roulants en lui ayant accordé des indemnités de repas prévues pour cette catégorie n'a pas été invoqué par Monsieur X... ; qu'en soulevant ainsi d'office ce motif, nouveau et n'étant pas, en outre, un moyen de pur droit, sans inviter les parties à en débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-10644
Date de la décision : 27/06/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 25 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 jui. 2012, pourvoi n°11-10644


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10644
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