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27/06/2012 | FRANCE | N°10-27044

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 juin 2012, 10-27044


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 octobre 2010), que Mme X... et cent deux autres salariés de l'établissement de Lormont de la société Sogara France, établissement ouvert après 1985, ont saisi la juridiction prud'homale de demandes d'une part, de rappel de salaires pour la période courant à compter du 1er juin 1999, date d'entrée en vigueur de l'accord du 31 mars 1999, faisant valoir qu'il étaient en droit de prétendre au même calcul de l'indemnité compensatrice que les salariés de l'établissem

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 octobre 2010), que Mme X... et cent deux autres salariés de l'établissement de Lormont de la société Sogara France, établissement ouvert après 1985, ont saisi la juridiction prud'homale de demandes d'une part, de rappel de salaires pour la période courant à compter du 1er juin 1999, date d'entrée en vigueur de l'accord du 31 mars 1999, faisant valoir qu'il étaient en droit de prétendre au même calcul de l'indemnité compensatrice que les salariés de l'établissement de Mérignac, ouvert avant 1985, et d'autre part, de demandes de rappel de primes de participation et d'intéressement depuis 1985 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes des salariés alors selon le moyen, que :
1°/ un accord d'entreprise peut prévoir qu'au sein de certain de ses établissements, compte tenu de leurs caractéristiques particulières respectives, des modalités de rémunération spécifiques seront déterminées par voie d'accords d'établissement, de sorte que la différence de rémunération résultant de l'application aux contrats de travail d'accords collectifs différents se trouve justifiée par un élément objectif et pertinent ; qu'au cas présent, l'accord national d'entreprise du 11 juillet 1985 relatif «statut du personnel des magasins ouverts après juillet 1985» mentionnait que « les parties signataires du présent accord conscientes des impératifs économiques et soucieuses de ne pas entraver une extension de l'entreprise, conviennent de détacher pour les magasins en début d'exploitation la détermination des éléments de la rémunération du statut collectif Carrefour, en vue de permettre une adaptation des niveaux de rémunérations et de favoriser ainsi les nouvelles ouvertures», et que «l'évolution des rémunérations dans ces magasins devra suivre la progression des résultats économiques du magasin» ; que cet accord prévoyait donc que les salariés des magasins ouverts après juillet 1985 ne bénéficieraient pas des dispositions de la convention collective d'entreprise qui déterminaient la rémunération directe ou indirecte de la prestation de travail et que, ces éléments de rémunération du personnel de ces magasins seraient déterminés par des accords d'établissement, au regard des performances économiques de chaque magasin ; que l'accord national d'entreprise du 31 mars 1999, entré en vigueur le 1er juin 1999, s'est substitué aux dispositions de l'accord du 11 juillet 1985 et institue les mêmes dispositions en matière de rémunération pour les salariés des établissements ouverts avant le 31 mars 1999 ; qu'en estimant, par des motifs inopérants, que la différence de niveau de rémunération acquis au moment de l'entrée en vigueur de l'accord du 31 mars 1999 par certains salariés de l'établissement de Mérignac, ouvert avant 1985, par rapport à certains salariés de l'établissement de Lormont, ouvert après 1985, ne reposait pas sur une raison objective et pertinente (arrêt p. 21, al. 2-3), la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement, ensemble les articles L. 2232-16 et L. 3221-5 du code du travail ;
2°/ le fait de maintenir au profit de certains salariés un niveau de rémunération acquis grâce à un avantage particulier au moment de la disparition de la justification de cet avantage ne constitue pas une méconnaissance du principe d'égalité de traitement ; que, pour maintenir le niveau de rémunération acquis par les salariés de l'établissement de Mérignac au moment de l'entrée en vigueur de l'accord d'entreprise du 31 mars 1999, la société Sogara France a décidé de verser aux salariés embauchés antérieurement à cette entrée en vigueur une indemnité compensatrice destinée à compenser les avantages auxquels ils pouvaient antérieurement prétendre et qui n'auraient pas été reconduits par le nouvel accord ; que l'objet spécifique de cet avantage était de maintenir le niveau de rémunération acquis avant l'entrée en vigueur de l'accord et de compenser ainsi le préjudice subi par certains salariés à cette occasion, de sorte que les salariés des établissements de Lormont et de Mérignac, qui n'étaient, jusqu'à cette entrée en vigueur, pas soumis aux mêmes dispositions conventionnelles en matière de fixation de la rémunération, et n'avaient donc pas nécessairement acquis le même niveau de rémunération au moment de cette entrée en vigueur, ne se trouvaient pas dans une situation identique s'agissant de déterminer le montant de cette indemnité compensatrice ; qu'il est constant que la différence de rémunération entre les salariés de l'établissement de Lormont, ouvert après juillet 1985, et les salariés de l'établissement de Mérignac, ouvert avant juillet 1985, résidait dans la différence de montant de l'indemnité compensatrice versée aux salariés embauchés avant l'entrée en vigueur de l'accord du 31 mars 1999 (v. en ce sens, les écritures des défendeurs au pourvoi, p. 10-11) ; qu'en refusant, pour un motif inopérant tiré de la seule absence de dénonciation des accords antérieurs et de l'absence corrélative de fondement légal à la prise en compte des avantages individuellement acquis sous l'empire de ces accords (Arrêt p. 20 al. 1), de tenir compte de l'objet spécifique de cette indemnité pour examiner si les salariés des établissements de Lormont et de Mérignac ne se trouvaient dans une situation différente au regard de cet avantage, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement, ensemble les articles L. 2232-16 et L. 3221-5 du code du travail ;
Mais attendu qu'un accord d'entreprise ne peut prévoir de différences de traitement entre salariés d'établissements d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que la notion d'avantage individuel acquis ne pouvait être invoquée par l'employeur en l'absence de dénonciation ou de mise en cause de l'accord collectif litigieux, a retenu à bon droit que la démarche de la société, prévoyant une rémunération moins importante pour les salariés des magasins nouvellement ouverts, ce qui revenait à faire partager par ceux-ci, au niveau de la détermination de leur rémunération fixe de base, le risque économique de l'entreprise, ne constituait pas une cause objective et pertinente permettant de justifier la différence de rémunération ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que l'expert devrait calculer les rappels de primes de participation ou d'intéressement à compter du 16 septembre 1985, alors, selon le moyen, que la prescription quinquennale instituée par l'article L. 3245-1 du code du travail s'applique à toute action engagée à raison de sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail ; que tel est le cas d'une demande de rappels de prime d'intéressement ou de participation générés par des salaires que le salarié prétend qu'il aurait dû percevoir en application du principe d'égalité de traitement ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que l'action en rappel de salaires des défendeurs au pourvoi était soumise à la prescription quinquennale et que les rappels de salaires dus devaient s'effectuer à compter du 4 août 1999 ; qu'en estimant néanmoins que les demandes de rappels de primes d'intéressement et de participation qui étaient afférents aux salaires perdus en raison de la prétendue méconnaissance par la société Sogara du principe d'égalité de traitement devaient être examinées à partir du 16 septembre 1985, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu que la prescription de cinq ans ne s'applique pas lorsque la créance , même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du salarié ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sogara France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sogara et la condamne à payer une somme globale de 3 000 euros aux défendeurs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Sogara France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les salariés de l'établissement de LORMONT avaient droit aux mêmes salaires et accessoires que ceux de l'établissement de MERIGNAC pour la période du 1er juin 1999 jusqu'au prononcé de la décision, et d'avoir ordonné une expertise afin de chiffrer les rappels de salaires, accessoires de salaires et congés payés à compter du 1er juin 1999, ainsi les rappels de primes d'intéressement et de participation à compter du 16 septembre 1985 ;
AUX MOTIFS QU' « il est constant qu'au sein de la société Sogara, a été conclu un accord collectif d'entreprise en date du 11 juillet 1985 qui organisait au sein de l'entreprise une différence dans le système de calcul des rémunérations des salariés exerçant les mêmes fonctions dans des établissements organisés de le même manière, les grilles de salaire étant différentes selon que les établissements avaient été ouverts avant le mois de juillet 1985 ; qu'il est également constant que le 1er juin 1999, a été conclu un nouvel accord d'entreprise de même niveau que celui du 11 juillet 1985 qui avait vocation à s'y substituer ; qu'à titre préliminaire, il sera observé que le contentieux qui a oppose d'autres salariés de l'établissement Carrefour de Lormont à la société Sogara et qui s'est terminé par un arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 18 janvier 2006 est sans incidence sur la présente procédure soumise à la Cour ; qu'en effet, outre que les demandeurs n'étaient pas les mêmes, la Cour de cassation n'a examiné que l'accord collectif du 11 juillet 1985, les salariés ayant saisi la juridiction le 25 janvier 1999, soit avant la signature du deuxième accord collectif. Et enfin, la cour de cassation a statué en référence aux dispositions légales sur la discrimination et l'égalité de traitement, les salariés présents dans cette procédure donnant à leurs demandes un autre fondement juridique ; que les articles L2261-22, L2271-1 et R2261-1 du code du travail rappellent que le principe « à travail égal, salaire égal » doit être pris en compte et mis en oeuvre dans la négociation collective ; que les dispositions des conventions et accord collectifs ne peuvent faire échec au principe de « à travail égal salaire égal » ; qu'il appartient à l'employeur d'établir que la différence de rémunération constatée entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale est justifiée par des éléments objectifs et pertinents que le juge contrôle ; l'employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier de façon objective et pertinente les différences de rémunération ; qu'il ne peut y avoir de différences de traitements entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; qu'en l'espèce, il est reconnu tant par la société Sogara que par les salariés intimés que les postes de travail identifiés et occupés dans les divers établissements de l'entreprise sont identiques quant à la prestation accomplie et à la classification de chaque emploi répondant donc à l'exigence d'un « travail égal » ; que sur la détermination du salaire, l'accord national d'entreprise du 11 juillet 1985 a prévu des dispositions sur le statut du personnel embauché pour de nouvelles ouvertures ; que les raisons de ces dispositions particulières sont énoncées de la manière suivante : « Les parties signataires du présent accord conscientes des impératifs économiques et soucieuses de ne pas entraver une extension de l'entreprise, conviennent de détacher pour les magasins en début d'exploitation, la détermination des éléments de la rémunération du statut collectif Carrefour en vue de permettre une adaptation du niveau des rémunérations aux données locales et de favoriser ainsi les nouvelles ouvertures, l'évolution des rémunérations dans ces magasins devra suivre la progression des résultats économiques du magasin… » ; que l'article 1 est ainsi rédigé : « Le présent accord détermine le statut du personnel embauché dans les magasins qui viendraient à s'ouvrir à compter du 11 juillet 1985. » ; que l'article 2 précise : « Les salariés ainsi visés bénéficient du statut Carrefour tel qu'il résulte de la convention collective nationale de branche et de la convention d'entreprise, en toutes leurs dispositions, à l'exception en ce qui concerne cette dernière, des dispositions qui déterminent la rémunération directe et indirecte de la prestation de travail. Sont ainsi visés le salaire de l'emploi, les primes de vacances et de fin d'année, la prime de présence, la prime d'ancienneté et de toute autre prime pouvant être instituée en tant qu'élément de la rémunération directe et indirecte de la prestation de travail. » ; que l'article 3 stipule : « Pour la détermination du salaire de l'emploi, les coefficients hiérarchiques de la classification Carrefour tels qu'ils résultent de la convention d'entreprise sont appliqués. Le taux horaire pour chaque coefficient tel qu'il sert de base à l'établissement de la grille des salaires sera celui de la grille nationale Carrefour affecté d'un éventuel abattement qui ne pourra dépasser 15% » ; que l'article 4 prévoit que la fixation des primes se fait au niveau de chaque magasin ; qu'enfin l'article 5 est ainsi rédigé : « … L'évolution des éléments de rémunération se fait en fonction des performances économiques du magasin. Elle fait l'objet d'une négociation annuelle après consultation du comité d'établissement. » ; que la société Sogara tente de soutenir qu'il s'agirait d'un accord qui n'aurait pas la qualité et l'incidence d'un accord d'entreprise car il ne concernerait qu'une partie des établissements, ceux ouverts postérieurement au 11 juillet 1985 ; cependant, tant la qualité des signataires que les limites que lui ont posé les parties qui l'ont négocié, permettent de le définir comme un accord d'entreprise et c'est donc à juste titre que le premier juge a relevé que cet accord était opposable aux salariés des divers établissements situés dans l'entreprise y compris l'établissement de Mérignac ; que le 31 mars 1999, était signé un nouvel accord d'entreprise par l'ensemble des syndicats de salariés, sauf par la CGT applicable à partir du 1er juillet 1999 ; que si cet accord organise un statut du personnel des magasins ouverts au acquis après le 31 mars 1999, il énonce dans une première partie, intitulée « Dispositions communes », Les partenaires sociaux constatent que les dispositions mises en oeuvre par la nouvelle convention collective sont globalement plus favorables que celles de la convention de branche et des anciens accords Carrefour. Par conséquent elle se substitue aux anciens accords Carrefour et pour les thèmes qu'elle aborde, elle complète les dispositions de la Convention Collective de branche. De convention expresse la nouvelle convention collective en unifiant le statut collectif du personnel emporte de plein droit la résiliation de tous les accords d'établissement et des usages supplétifs de la volonté des parties, relatifs aux thèses traités dans le présent accord qui auraient pu s'y créer. » ; que le titre III crée une grille de salaire de références Carrefour applicable dans l'ensemble des établissements, sauf ceux ouverts à partir du 31 mars 1999 ; que les parties sont en désaccord sur le point de savoir si l'accord d'entreprise du 31 mars 1999 faisait suite à la dénonciation de l'accord du 11 juillet 1985, les salariés intimés faisant valoir qu'ils n'ont pas la preuve d'une dénonciation de cet accord ; que force est de constater qu'effectivement aucune preuve de ce que la société Sogara aurait dénoncé l'accord du 11 juillet 1985 ne figure pas au dossier. Il sera donc retenu qu'il n'y a pas eu de dénonciation de cet accord, étant d'ailleurs observé que le préambule de l'accord du 31 mars 1999 ne fait nullement référence à une procédure de dénonciation ; que s'il est exact que dans le texte de l'accord d'entreprise, en date du 31 mars 1999 une seule grille de salaires est prévue dans tous les établissements de l'entreprise, la société Sogara ne conteste pas que des disparités dans la fixation des rémunérations peuvent subsister et trouvent leur origine dans des indemnités compensatrices qui ont pour vocation d'incorporer les avantages acquis dans les contrats de travail des salariés puisque sur la période antérieure, il est établi que les salariés de l'établissement de Lormont percevaient une rémunération inférieure à ceux de Mérignac, du fait de la date d'ouverture des magasins concernés ; qu'elle soutient que cette obligation légale d'incorporer les avantages acquis dans les contrats de travail de chaque salarié concerné constitue la raison objective à ces différences de rémunérations ; qu'outre le fait que le société Sogara reconnaît elle-même les différences subsistant entre les rémunérations de salariés des différents établissements, dès lors qu'ils étaient engagés avant l'entrée en vigueur de l'accord du 31 mars 1999 par le jeu de ces indemnités compensatrices, l'expertise effectuée dans le cadre d'une procédure antérieure, versée à titre de renseignement, concluait qu'au vu des calcul effectués, il avait subsisté une différence de rémunération après le 31 mai 1999 entre les salariés affectés au titre de Carrefour Lormont et les salariés affectés à Mérignac ; qu'il y a donc lieu de rechercher si la société Sogara apporte comme elle le soutient la preuve de l'existence de raisons objectives à des différences dans le mode de calcul de la rémunération de salariés employés dans divers établissements, en l'occurrence dans l'hypermarché de Mérignac et celui de Lormont ; qu'il a été rappelé ci-dessus que l'accord du 11 juillet 1985 n'avait pas manifestement donné lieu à dénonciation. Dès lors, l'accord du 31 mars 1999 est un accord de révision dont les modalités d'application sont régies par l'article L2261-8 du code du travail aux termes duquel : « L'avenant portant révision de tout ou partie d'une convention ou d'un accord se substitue de plein droit aux stipulations de la convention ou de l'accord qu'il modifie. » ; qu'il s'en déduit que les conséquences pour les salariés d'un établissement qu'avait pu entraîner l'application de l'accord du 11 juillet 1985 devaient disparaître à compter de la mise en oeuvre de l'accord du 31 mars 1999 ; que la notion d'avantages individuels acquis ne peut être invoquée par l'employeur ; qu'en effet, l'article L2261-13 alinéa 1 du code du travail prévoit : « Lorsque la convention ou l'accord qui a été dénoncé, n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans un délai d'un an à compter de l'expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis en application de la convention ou de l'accord à l'expiration de ce délai. » ; que l'article L2261-14 alinéa 2 quant à lui dispose : « Lorsque la convention ou l'accord mis en cause n'a pas été remplacé par une nouvelle convention ou nouvel accord, dans les délais précisés au premier alinéa, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis en application de la convention ou de l'accord à l'expiration de ces délais. » ; qu'à l'évidence, la société Sogara ne peut invoquer ce mécanisme des avantages acquis puisque d'une part l'accord du 11 juillet 1985 n'a pas été dénoncé et d'autre part, un accord de révision est intervenu le 31 mars 1999 avec prise d'effet au 1er juin 1999 ; que cette différence de rémunération qui trouverait sa source dans une prise en compte des avantages individuels acquis dénuée de fondement légal, ne peut s'analyser que comme un usage ou un engagement unilatéral de l'employeur. La société Sogara n'apporte donc aucune raison objective à cette différence de salaire ; qu'à titre surabondant il sera rappelé que l'origine même de la différence de rémunérations dénoncées par les salariés, soit la prise en compte de la date d'ouverture des établissements qui explique pour la société Sogara, la poursuite d'un système de rémunération différentes, après la mise en place d'un statut unique du personne, à partir du 1er juin 1999 ne pourrait justifier cette exception au principe « à travail égal, salaire égal » ; qu'en effet, les raisons objectives dont l'employeur doit rapporter la preuve doivent trouver leur origine dans la prestation de travail fournie et non dans la prise en compte de facteurs totalement extérieurs ; que la démarche faite par la société Sogara en 1985, en prévoyant une rémunération moins importante pour les magasins nouvellement ouverts a fait partager par les salariés, au niveau de la détermination de leur rémunération fixe de base, le risque économique de l'entreprise et si les salariés intimés ont indiqué dans leurs conclusions, il est constant qu'une telle disposition collective ne pourrait être analysée comme une cause objective justifiant la différence de rémunération, celle-ci ne trouvant pas sa source dans l'exécution de la prestation de travail et, à supposer que l'employeur soit en mesure de l'invoquer ne la trouvant plus dans les circonstances économiques propres à l'établissement en cause ; que c'est donc de manière exacte que le premier juge a fait droit au principe des demandes des salariés de l'établissement Carrefour de Lormont en reconnaissant que depuis le 1er juin 1999, le principe de « à travail égal salaire égal » n'avait pas été respecté par rapport aux salariés de l'établissement de Mérignac ; que le jugement sera confirmé sur ce point » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur l'application du principe à travail égal salaire égal, ce principe figure notamment aux articles L133-5 4° et L136-2 8° du Code du Travail qui s'impose donc en droit interne ; qu'en l'espèce, les débats portent sur la validité de l'accord collectif d'entreprise du 11 juillet 1985 qui entraîne l'application d'une grille nationale des salaires applicables aux magasins ouverts avant le 11 juillet 1985 et celle applicable au statut du personnel des magasins ouverts après juillet 1985, ainsi que sur son interprétation ; que l'article L132-5 alinéa 11 du Code du Travail édicte le principe de la liberté laissée aux partenaires sociaux dans la détermination du champ de la négociation collective et du contenu de leurs accords et de l'article L132-19 du même code explique que les partenaires sociaux définissent le périmètre couvert par les dispositions d'un accord collectif et les établissements et groupe d'établissements assujettis partiellement à cet accord collectif ; qu'il y aurait, suivant la société SOGARA, des établissements ouverts avant 1985 pour lesquels l'ensemble de l'accord est applicable et des établissements ouverts après 1985 pour lesquels la détermination annuelle des salaires n'est pas applicable et est fixée dans le cadre de l'article L132-19 2ème alinéa ainsi que l'article L132-27du Code du Travail ; qu'il y aurait des périmètres particuliers de négociation pour les établissements créés après 1985 ; que ceci s'expliquerait par l'importance du groupe CARREFOUR lequel emploie plus de 80.000 salariés sur 179 hypermarchés dans toutes les régions de France avec des spécificités et une histoire distincte pour chacun ; qu'en l'état actuel, la société SOGARA explique dans ses écritures qu'il y a autant de périmètres particuliers qu'il y a d'établissements créés ultérieurement à 1985, même si l'objectif du groupe est d'harmoniser progressivement les statuts d'établissement ; qu'elle reconnaît donc des inégalités de salaires entre salariés en situation identique des établissements ouverts après le 11 juillet 1985, tels ceux de LORMONT et de BEGLES, et ceux ouverts avant le 11 juillet 1985, tel celui de MERIGNAC ; que la société SOGARA soutient donc que l'accord d'entreprise du 11 juillet 1985 est licite même s'il ne permet pas de respecter le principe de « à travail égal salaire égal » des articles L133-5 et L136-2 du Code du Travail, dans la mesure où la différence de traitement ne concerne que des salariés d'établissements distincts dans le cadre d'un accord national à l'échelle de l'entreprise ; qu'il convient de rappeler que l'égalité de traitement des salariés s'apprécie entre des salariés dans une situation identique qui relèvent du même établissement, mais également entre ceux de plusieurs établissements de l'entreprise selon les articles L140-1, L140-2 et L133-5 et L136-2 du Code du Travail, sauf si cette différence de traitement repose sur des raisons objectives ; qu'il appartient au juge de contrôler concrètement la réalité et la pertinence de ces raisons objectives ; qu'or, la société SOGARA ne conteste pas la différence de traitement entre salariés à la situation identique, entre les établissements de BEGLES, de LORMONT et de MERIGNAC mais excipe simplement de l'accord d'entreprise de 1985 pour la légitimer ; que l'accord d'entreprise de 1985 comme celui de 1999 qui s'analysent en une négociation collective ne constituent pas une raison objective concrète qui justifierait l'inégalité de traitement des salariés des différents établissements d'une même entreprise, mais ne fait que les placer dans des situations objectivement différentes par l'effet de cet accord général ; que la conséquence de l'accord d'entreprise ne peut être confondue avec la cause objective et pertinente de l'inégalité de traitement des salariés d'une même entreprise ; que la société SOGARA ne rapporte aucunement la preuve de raison objective et pertinente de traitement des salariés placés dans une situation identique entre les établissements de LORMONT et de MERIGNAC ; que l'accord d'entreprise du 11 juillet 1985 comme celui du 1er juin 1999 ne peuvent donc en euxmêmes faire échec au principe à travail égal salaire égal et sont sans effet à cet égard, mais sans que celui emporte leur nullité ; que les salariés de l'établissement de SOGARA LORMONT et SOGARA MERIGNAC sont donc en droit de prétendre à classification identique aux mêmes salaires et accessoires des salaires dont l'indemnité de congés payés pour la période du 1er juin 1999 jusqu'à la décision ; que l'accord d'entreprise du 1er juin 1999 a remplacé celui de 1985 et les demandeurs soutiennent que la discrimination aurait persisté par le biais du versement d'une indemnité commentatrice en se fondant sur les conclusions de l'expertise judiciaire diligentée dans une autre instance ; qu'il sera sursis à statuer sur le principe d'égalité sur le rappel d'intéressement et de participation depuis le 16 septembre 1985 jusqu'au jugement entre les établissements de LORMONT et de MERIGNAC jusqu'au dépôt du rapport d'expertise, en l'état les pièces du dossier ne permettant pas d'établir si la différence de traitement ne repose pas sur des raisons pertinentes et objectives tenant à chaque établissement ; qu'en conséquence, il convient d'ordonner une mesure d'expertise confiée à Monsieur Z... aux frais avancés de SOGARA FRANCE sans qu'il soit nécessaire d'ordonner les productions de pièces demandées qui pourront être versées au rapport d'expertise à la demande de l'expert, et avec pour mission de : - entendre les parties ainsi que tous sachants s'il y a lieu, se faire remettre tous documents utiles, - donner son avis au vu des documents produits sur les rappels de salaires revenant aux demandeurs à la présente procédure pour la période du 1er juin 1999 jusqu'au jugement (somme à parfaire), - procéder pour la période du 1er juin 1999 jusqu'au jugement à une comparaison des rémunérations emplois similaires et niveaux similaires entre les salariés demandeurs à la procédure et les rémunérations des salariés de l'établissement de MERIGNAC, - calculer les rappels de salaire, accessoires de salaire et congés payés sur cette période, - calculer la prime d'intéressement et de la participation depuis le 16 septembre 1985 jusqu'au jugement (somme à parfaire), - donner un avis sur l'existence de raisons objectives pertinentes pour qu'il existe des différences de traitement entre les salariés en situation identique dans le calcul des primes d'intéressement et de participation entre les établissements de Lormont et de Mérignac » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'un accord d'entreprise peut prévoir qu'au sein de certain de ses établissements, compte tenu de leurs caractéristiques particulières respectives, des modalités de rémunération spécifiques seront déterminées par voie d'accords d'établissement, de sorte que la différence de rémunération résultant de l'application aux contrats de travail d'accords collectifs différents se trouve justifiée par un élément objectif et pertinent ; qu'au cas présent, l'accord national d'entreprise du 11 juillet 1985 relatif « statut du personnel des magasins ouverts après juillet 1985 » mentionnait que « les parties signataires du présent accord conscientes des impératifs économiques et soucieuses de ne pas entraver une extension de l'entreprise, conviennent de détacher pour les magasins en début d'exploitation la détermination des éléments de la rémunération du statut collectif CARREFOUR, en vue de permettre une adaptation des niveaux de rémunérations et de favoriser ainsi les nouvelles ouvertures », et que « l'évolution des rémunérations dans ces magasins devra suivre la progression des résultats économiques du magasin » ; que cet accord prévoyait donc que les salariés des magasins ouverts après juillet 1985 ne bénéficieraient pas des dispositions de la convention collective d'entreprise qui déterminaient la rémunération directe ou indirecte de la prestation de travail et que, ces éléments de rémunération du personnel de ces magasins seraient déterminés par des accords d'établissement, au regard des performances économiques de chaque magasin ; que l'accord national d'entreprise du 31 mars 1999, entré en vigueur le 1er juin 1999, s'est substitué aux dispositions de l'accord du 11 juillet 1985 et institue les mêmes dispositions en matière de rémunération pour les salariés des établissements ouverts avant le 31 mars 1999 ; qu'en estimant, par des motifs inopérants, que la différence de niveau de rémunération acquis au moment de l'entrée en vigueur de l'accord du 31 mars 1999 par certains salariés de l'établissement de MERIGNAC, ouvert avant 1985, par rapport à certains salariés de l'établissement de LORMONT, ouvert après 1985, ne reposait pas sur une raison objective et pertinente (arrêt p. 21, al. 2-3), la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement, ensemble les articles L. 2232-16 et L. 3221-5 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le fait de maintenir au profit de certains salariés un niveau de rémunération acquis grâce à un avantage particulier au moment de la disparition de la justification de cet avantage ne constitue pas une méconnaissance du principe d'égalité de traitement ; que, pour maintenir le niveau de rémunération acquis par les salariés de l'établissement de MERIGNAC au moment de l'entrée en vigueur de l'accord d'entreprise du 31 mars 1999, la société SOGARA FRANCE a décidé de verser aux salariés embauchés antérieurement à cette entrée en vigueur une indemnité compensatrice destinée à compenser les avantages auxquels ils pouvaient antérieurement prétendre et qui n'auraient pas été reconduits par le nouvel accord ; que l'objet spécifique de cet avantage était de maintenir le niveau de rémunération acquis avant l'entrée en vigueur de l'accord et de compenser ainsi le préjudice subi par certains salariés à cette occasion, de sorte que les salariés des établissements de LORMONT et de MERIGNAC, qui n'étaient, jusqu'à cette entrée en vigueur, pas soumis aux mêmes dispositions conventionnelles en matière de fixation de la rémunération, et n'avaient donc pas nécessairement acquis le même niveau de rémunération au moment de cette entrée en vigueur, ne se trouvaient pas dans une situation identique s'agissant de déterminer le montant de cette indemnité compensatrice ; qu'il est constant que la différence de rémunération entre les salariés de l'établissement de LORMONT, ouvert après juillet 1985, et les salariés de l'établissement de MERIGNAC, ouvert avant juillet 1985, résidait dans la différence de montant de l'indemnité compensatrice versée aux salariés embauchés avant l'entrée en vigueur de l'accord du 31 mars 1999 (v. en ce sens, les écritures des défendeurs au pourvoi, p. 10-11) ; qu'en refusant, pour un motif inopérant tiré de la seule absence de dénonciation des accords antérieurs et de l'absence corrélative de fondement légal à la prise en compte des avantages individuellement acquis sous l'empire de ces accords (Arrêt p. 20 al. 1), de tenir compte de l'objet spécifique de cette indemnité pour examiner si les salariés des établissements de LORMONT et de MERIGNAC ne se trouvaient dans une situation différente au regard de cet avantage, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement, ensemble les articles L. 2232-16 et L. 3221-5 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'expert devrait calculer les rappels de primes de participation ou d'intéressement à compter du 16 septembre 1985 jusqu'au jour de l'arrêt, et d'avoir dit que la Société SOGARA FRANCE devrait fournir les éléments justifiant d'une éventuelle différence de traitement ;
AUX MOTIFS QUE « de même, il a, avec raison, ordonné une mesure d'expertise dont les termes de la mission n'appellent aucune critique, sauf à préciser que l'expert chiffrera les demandes de rappel de salaire à partir du 4 août 1999, jusqu'au présent arrêt, les frais d'expertise devant être à la charge de la société Sogara qui est à l'origine du non respect du principe « à travail égal salaire égal » ; qu'enfin faute de connaître le montant des rappels de salaire auxquels pourront prétendre les salariés concernés, le premier juge a, à juste titre, dit n'y avoir lieu à provision sur les rémunérations et a sursis à statuer sur la demande de dommagesintérêts présentée par les salariés ; que pour ce qui est de l'intéressement et de la participation, les parties s'opposent sur la prescription applicable, la société Sogara soutenant que la prescription quinquennale doit s'appliquer ; qu'en réalité, ces sommes ne sont pas assimilables à des salaires et en outre, elles dépendent de paramètres inconnus du salarié ; que la prescription quinquennale ne peut donc être retenue pour ces demandes qui pourront être examinées à partir du 16 septembre 1985 jusqu'au jour du présent arrêt ; que de même, le premier juge a rappelé que ces sommes étaient dépendantes des montants des salaires qui seront déterminés par l'expertise. En revanche, il appartiendra à la société Sogara de donner des éléments d'infirmation sur les raisons objectives qui peuvent être à l'origine des différences de calcul de la participation et de l'intéressement, autre que celles induites par les différences de calcul de salaire » ;
ALORS QUE la prescription quinquennale instituée par l'article L. 3245-1 du Code du travail s'applique à toute action engagée à raison de sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail ; que tel est le cas d'une demande de rappels de prime d'intéressement ou de participation générés par des salaires que le salarié prétend qu'il aurait dû percevoir en application du principe d'égalité de traitement ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que l'action en rappel de salaires des défendeurs au pourvoi était soumise à la prescription quinquennale et que les rappels de salaires dus devaient s'effectuer à compter du 4 août 1999 ; qu'en estimant néanmoins que les demandes de rappels de primes d'intéressement et de participation qui étaient afférents aux salaires perdus en raison de la prétendue méconnaissance par la Société SOGARA du principe d'égalité de traitement devaient être examinées à partir du 16 septembre 1985, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-27044
Date de la décision : 27/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 05 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 jui. 2012, pourvoi n°10-27044


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.27044
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