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26/06/2012 | FRANCE | N°11-20538

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 juin 2012, 11-20538


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 février 2011), que
la société coopérative d'entreprises de transport Ablo Coop (la société Ablo Coop), constituée en vue de l'exercice en commun de l'activité de transport routier par benne, a eu pour membres, notamment, les sociétés Alain Allard (la société Allard), Transports Jean-Pierre Landais (la société Landais), Nicolas, et Transports Dourver (la société Dourver), lesquelles ont été exclues par une décision de l'assemblée générale ordinai

re du 29 avril 2010, pour diverses infractions aux statuts et au règlement intéri...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 février 2011), que
la société coopérative d'entreprises de transport Ablo Coop (la société Ablo Coop), constituée en vue de l'exercice en commun de l'activité de transport routier par benne, a eu pour membres, notamment, les sociétés Alain Allard (la société Allard), Transports Jean-Pierre Landais (la société Landais), Nicolas, et Transports Dourver (la société Dourver), lesquelles ont été exclues par une décision de l'assemblée générale ordinaire du 29 avril 2010, pour diverses infractions aux statuts et au règlement intérieur de la coopérative ; que les sociétés exclues ont réclamé en référé à la société Ablo Coop une provision sur les sommes qui leur étaient dues au titre d'opérations de transport effectuées en mars et avril 2010 ; que, de son côté, la société Ablo Coop, leur reprochant d'avoir constitué entre elles la société Atlantique benne transports (la société AB Transports) qui détournait sa clientèle, les a assignées en référé également pour qu'il leur soit interdit de violer la clause de non-concurrence figurant dans son règlement intérieur et de commettre des actes de concurrence déloyale à son égard en entretenant la confusion entre les deux entreprises ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Allard, Dourver, Landais et AB Transports font grief à l'arrêt de d'avoir confirmé l'ordonnance de référé en ce qu'elle avait constaté des infractions à la clause de non-concurrence et d'avoir condamné sous astreinte les sociétés Allard, Landais, Nicolas et Dourver à cesser de concurrencer la société Ablo Coop auprès de ses clients, directement ou indirectement, notamment par l'intermédiaire de la société AB Transports, alors, selon le moyen, qu'une clause de non-concurrence qui interdit à l'adhérent d'une coopérative de transport, mettant en commun des moyens et des services, toute activité de transport, pendant une durée de trois ans et dans un périmètre géographique donné, avec l'un des clients de la coopérative, est disproportionnée par rapport à l'objet de celle-ci et au regard de la protection de ses intérêts légitimes ; qu'en l'espèce, la cour, qui a jugé qu'une telle clause n'était pas manifestement disproportionnée, de sorte que sa violation caractérisait un trouble manifestement illicite, a violé l'article 873 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient d'abord que la clientèle créée par la coopérative est distincte de celle de ses membres dès lors que la société Ablo Coop a pour objet le développement des activités de transport de ses membres, ce qui inclut notamment la prise de commandes et de marchés auprès de tous clients, ainsi que l'exercice en commun de ces activités conformément au décret du 8 février 1963, lequel dispose que les entreprises de transports peuvent former des sociétés coopératives en vue de constituer, pour l'exploitation de tout ou partie de leurs fonds de commerce, une agence commune traitant avec la clientèle ; qu'ayant ensuite relevé que l'obligation de non-concurrence pesant sur les anciens membres de la coopérative est limitée à trois ans, à la région administrative de son siège social et à la clientèle des transports par benne existant au moment du retrait, la cour d'appel a pu en déduire qu'en ce qu'elle préservait la clientèle développée par la coopérative de l'activité concurrentielle d'entreprises susceptibles de tirer profit des relations nouées avec ces clients en leur qualité d'anciens coopérateurs, cette clause était proportionnée aux intérêts légitimes de la coopérative au regard de son objet ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que les sociétés Allard, Dourver, Landais et AB Transports font grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance de référé en ce qu'elle avait rejeté leurs demandes de provision alors, selon le moyen :

1°/ que seule une indemnité fixée forfaitairement et d'avance entre les parties, et destinée à sanctionner l'inexécution d'un contrat, est susceptible d'être qualifiée de clause pénale ; qu'en l'espèce, la cour, qui a jugé que les demandes de provision présentées par les exposantes se heurtaient à une contestation sérieuse, car la société Ablo Coop était en droit de retenir, sur le compte des anciens coopérateurs, l'indemnité destinée à réparer le préjudice né de la violation de l'obligation de non-concurrence souscrite par les exposantes, quand le montant des pénalités en cause avait été unilatéralement et arbitrairement fixé par la coopérative, ce dont il résultait que celle-ci n'était pas en droit de retenir les sommes en cause, a violé les articles 1152, 1226 du code civil et 873 du code de procédure civile ;

2°/ que la compensation n'est susceptible de mettre obstacle à une demande de provision que si la créance invoquée est certaine, liquide et exigible ; qu'en l'espèce, la cour qui, après avoir constaté que le montant de l'indemnité due, au titre de la violation de leur obligation de non-concurrence par les exposantes, était sujet à controverse, a ensuite retenu que la compensation de cette créance avec les sommes dues aux exposantes, caractérisait une contestation sérieuse de nature à mettre obstacle à leurs demandes de provision, a violé les 1291 du code civil et 873 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'une clause pénale, qui a pour objet de sanctionner le manquement d'une partie à ses obligations, s'applique du seul fait de cette inexécution et peut être modérée ou augmentée par le juge si elle est manifestement excessive ou dérisoire ; qu'après avoir rappelé que les stipulations de l'alinéa 4 de l'article 21 du règlement intérieur de la coopérative autorisaient cette dernière, en cas de manquement grave, à retenir sur les comptes des coopérateurs les sommes correspondant au préjudice subi par elle, puis relevé que les sociétés demanderesses avaient effectué de nombreuses prestations de transports en méconnaissance de l'obligation de non-concurrence qui s'imposait à elles, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la créance de la coopérative n'était, dans son principe, pas contestable, peu important que son montant soit encore sujet à controverse ;

Et attendu, d'autre part, que la coopérative ayant opposé aux demandes de provision une exception de compensation avec des créances qu'elle prétendait détenir contre les sociétés demanderesses, il appartenait seulement au juge des référés d'apprécier si l'éventualité d'une compensation était de nature à rendre sérieusement contestable la créance invoquée par ces dernières ; que la cour d'appel, qui a statué en ce sens, n'encourt pas le grief allégué ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Alain Allard, Transports Dourver, Transports Jean-Pierre Landais et Atlantique benne transports aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Alain Allard, Atlantique benne transports, Transports Dourver et Transports Jean-Pierre Landais.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé l'ordonnance de référé entreprise en ce qu'elle avait constaté des infractions à la clause de nonconcurrence souscrite par d'anciennes adhérentes (les sociétés ALLARD, NICOLAS, STD et LANDAIS, ayant constitué la société AB TRANSPORTS) d'une coopérative (la société ABLO COOP) et commises au préjudice de celleci et D'AVOIR condamné les sociétés ALLARD, LANDAIS, NICOLAS et DOURVER à cesser de concurrencer la société ABLO COOP auprès de ses clients, directement ou indirectement, notamment par l'intermédiaire de la société ATLANTIQUE BENNE TRANSPORTS, sous astreinte de 500 € par infraction constatée ;

AUX MOTIFS QUE cette obligation de non-concurrence résultait des articles 15 des statuts de la société ABLO COOP et 18 du règlement intérieur de la coopérative ; qu'il était établi par les pièces produites que des prestations de transports par bennes avaient été à de multiples reprises effectuées dans les Pays de Loire par la société AB TRANSPORTS pour différents clients de la société ABLO COOP, dont notamment les entreprises VINCI CONSTRUCTION, SCREG, OCENA, SABLIERES DE NANTES, DERICHEBOURG et EUROVIA ; que, pour contester le caractère manifestement illicite du trouble ainsi causé à la société ABLO COOP, les sociétés appelantes contestaient la validité de l'obligation de non-concurrence édictée par le règlement intérieur, en faisant valoir qu'elle instituait des restrictions disproportionnées au principe de la liberté d'entreprendre, au regard des intérêts de la coopérative qui n'était pas propriétaire d'un seul fonds de commerce et se bornait à exploiter une agence commune ; qu'il appartenait au juge des référés de déterminer si la licéité de cette clause était manifeste ; que, selon ses statuts, la société ABLO COOP a pour objet social le développement des activités de transport de ses membres, ce qui inclut notamment la prise de commandes et de marchés auprès de tous clients, ainsi que l'exercice en commun de ces activités conformément au décret du 8 février 1963, lequel dispose que les entreprises de transport peuvent former des sociétés coopératives en vue de constituer, pour l'exploitation de tout ou partie de leurs fonds de commerce, une agence commune traitant avec la clientèle ; que c'était dès lors sans contrevenir aux statuts et aux dispositions réglementaires applicables aux sociétés coopératives de transports routiers, que l'article 17 du règlement intérieur prévoyait que la clientèle créée par la coopérative et dont elle satisfaisait les besoins était distincte de celle de ses membres qui ne pouvaient donc la revendiquer, puisque la coopérative se l'était attachée grâce à ses efforts et à la qualité de son service ; qu'il n'y avait par conséquent pas de raisons plausibles de douter que l'obligation de non-concurrence pesant sur les anciens membres de la coopérative, limitée dans le temps, dans l'espace et à la seule clientèle des transports par benne existante au moment du retrait, n'était pas proportionnée aux intérêts de la coopérative de préserver la clientèle développée grâce à ses efforts, de l'activité concurrentielle d'entreprises susceptibles de tirer profit des relations nouées avec ces clients, en leur qualité d'anciens coopérateurs ; que l'exécution, par la société AB TRANSPORTS, de prestations de transports par benne au profit de clients jusqu'alors attachés à la société ABLO COOP, constituait bien une violation indirecte de l'obligation de non-concurrence dont les sociétés Allard, Landais, Nicolas et STD étaient débitrices et, partant, un trouble manifestement illicite que le juge des référés commerciaux avait à juste titre fait cesser sous astreinte ;

ALORS QU'une clause de non-concurrence qui interdit à l'adhérent d'une coopérative de transport, mettant en commun des moyens et des services, toute activité de transport, pendant une durée de trois ans et dans un périmètre géographique donné, avec l'un des clients de la coopérative, est disproportionné par rapport à l'objet de celle-ci et au regard de la protection de ses intérêts légitimes ; qu'en l'espèce, la cour, qui a jugé qu'une telle clause n'était pas manifestement disproportionnée, de sorte que sa violation caractérisait un trouble manifestement illicite, a violé l'article 873 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé l'ordonnance de référé entreprise, en ce qu'elle avait rejeté les demandes de provision, formées par quatre anciennes adhérentes (les sociétés ALLARD, NICOLAS, STD et LANDAIS) d'une coopérative (la société ABLO COOP), au titre de sommes qui leur étaient dues ;

AUX MOTIFS QU'il résultait de l'état de liquidation des opérations de mars 2010, établi par la société ABLO COOP elle-même, que cette dernière était redevable, au titre de la rétrocession du prix des prestations de transport réalisées en mars 2010, de diverses sommes dont la société ABLO COOP prétendait qu'elle les avait prélevées à titre de pénalités ; que, par lettres recommandées du 11 mai 2010, la société ABLO COOP avait effectivement notifié aux sociétés Landais, Allard, Nicolas et STD qu'elle entendait leur appliquer des pénalités, par application de l'article 21 du règlement intérieur, leur faisant notamment grief d'avoir, depuis le 2 avril 2010, concurrencé la coopérative en violation de l'obligation de non-concurrence dont elles étaient débitrices ; qu'il avait été précédemment établi que de nombreuses prestations de transport par bennes avaient été manifestement effectuées, en méconnaissance de l'obligation de non-concurrence souscrite ; que le droit de la coopérative de retenir les sommes en cause dans les comptes des quatre anciennes adhérentes n'était pas contestable, peu important que le montant de cette indemnité soit encore sujet à controverse ; qu'il en résultait que les demandes de provisions des sociétés Allard, Landais, Nicolas et STD se heurtaient à une contestation sérieuse ;

1° ALORS QUE seule une indemnité fixée forfaitairement et d'avance entre les parties, et destinée à sanctionner l'inexécution d'un contrat, est susceptible d'être qualifiée de clause pénale ; qu'en l'espèce, la cour, qui a jugé que les demandes de provision présentées par les exposantes se heurtaient à une contestation sérieuse, car la société ABLO COOP était en droit de retenir, sur le compte des anciens coopérateurs, l'indemnité destinée à réparer le préjudice né de la violation de l'obligation de non-concurrence souscrite par les exposantes, quand le montant des pénalités en cause avait été unilatéralement et arbitrairement fixé par la coopérative, ce dont il résultait que celle-ci n'était pas en droit de retenir les sommes en cause, a violé les articles 1152, 1226 du code civil et 873 du code de procédure civile ;

2° ALORS QUE la compensation n'est susceptible de mettre obstacle à une demande de provision que si la créance invoquée est certaine, liquide et exigible ; qu'en l'espèce, la cour qui, après avoir constaté que le montant de l'indemnité due, au titre de la violation de leur obligation de non-concurrence par les exposantes, était sujet à controverse, a ensuite retenu que la compensation de cette créance avec les sommes dues aux exposantes, caractérisait une contestation sérieuse de nature à mettre obstacle à leurs demandes de provision, a violé les 1291 du code civil et 873 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-20538
Date de la décision : 26/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 15 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 jui. 2012, pourvoi n°11-20538


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Odent et Poulet, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.20538
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