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25/06/2012 | FRANCE | N°12CRD001

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 25 juin 2012, 12CRD001


COUR DE CASSATION 12 CRD 001
Audience publique du 21 mai 2012
Prononcé au 25 juin 2012

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Straehli, président, M. Cadiot, conseiller, Mme Vérité, conseiller référendaire, en présence de Mme Valdès-Boulouque, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
ACCUEIL du recours formé par Pascal X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Nouméa en date du

23 septembre 2011 qui a déclaré sa requête irrecevable.
Les débats ayant eu lieu e...

COUR DE CASSATION 12 CRD 001
Audience publique du 21 mai 2012
Prononcé au 25 juin 2012

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Straehli, président, M. Cadiot, conseiller, Mme Vérité, conseiller référendaire, en présence de Mme Valdès-Boulouque, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
ACCUEIL du recours formé par Pascal X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Nouméa en date du 23 septembre 2011 qui a déclaré sa requête irrecevable.
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 21 mai 2012 en l'absence de l'intéressé et de son avocat ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de Me Fantozzi, avocat au barreau de Nouméa, représentant M. X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions de Mme le procureur général près la Cour de cassation ;
Vu les conclusions en réponse de Me Fantozzi ;
Vu les observations complémentaires en réponse de Me Couturier-Heller ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Vérité, les observations de Me Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de Mme l'avocat général Valdès-Boulouque ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Attendu que par requête du 5 janvier 2011, M. Pascal X... a sollicité la réparation des préjudices matériel et moral résultant de son placement en détention, du 11 décembre 2008 au 6 juillet 2009, pour des faits pour lesquels il a été acquitté le 25 juin 2010 ;
Que par ordonnance du 23 septembre 2011, le premier président de la cour d'appel de Nouméa a déclaré cette requête irrecevable, pour avoir été présentée au delà du délai de six mois, à compter du jour où la décision d'acquittement est devenue définitive ;
Que M. X... a formé un recours motivé le 2 novembre 2011 ;
Qu'il demande de dire que son recours est recevable, dès lors qu'il n'a pas reçu notification de l'ordonnance du premier président, et de constater que sa requête est également recevable dès lors qu'elle a été formée dans les six mois suivant le jour où la décision d'acquittement est devenue définitive, le 5 juillet 2010 ;
Qu'il sollicite la somme de 150 000 francs CFP (soit 1 257 euros), au titre de la perte de ses salaires, en alléguant avoir été licencié le 17 décembre 2008 à la suite de son incarcération, et de 322 000 francs CFP (soit 2 698 euros) au titre de la revente de son véhicule à laquelle il soutient avoir dû procéder pour rembourser par anticipation le prêt correspondant ; qu'au titre du préjudice moral, il sollicite la somme de 2 000 000 francs CFP (soit 16 760 euros) ; qu'il sollicite en outre 360 000 francs CFP (soit 3 017 euros) au titre des frais irrépétibles ;
Que l'agent judiciaire du Trésor relève qu'à la date de ses conclusions, le greffe de la cour d'appel de Nouméa n'a pas encore justifié de la notification à l'intéressé de la décision du premier président ; qu'il conclut, en l'état de cette incertitude, à l'irrecevabilité du recours ;
Qu'à toutes fins, il conclut à la recevabilité de la requête formée devant le premier président, le délai de six mois ayant été respecté, et au rejet des demandes formées au titre du préjudice matériel ; qu'au titre du préjudice moral, il fait valoir qu'il y a lieu de réduire la durée de la détention indemnisable, M. X... ayant été détenu pour autre cause à compter du 28 mai 2009, et qu'en l'absence d'élément d'aggravation du préjudice, il y a lieu de lui allouer la somme de 1 676 euros ;
Que l'avocat général conclut que le recours devant la commission et la requête initiale sont recevables ; qu'il ne s'oppose pas à l'allocation de la somme demandée au titre de la perte des salaires, et s'en rapporte à la commission quant à l'appréciation du lien de causalité entre l'incarcération et le préjudice résultant de la vente du véhicule ; que sur la demande formée au titre du préjudice moral, il fait valoir que la période de détention indemnisable doit être réduite dès lors que M. X... a été détenu pour autre cause ; qu'il observe que l'intéressé subissait sa première incarcération, mais qu'il ne justifie pas de traces d'une atteinte psychologique pouvant en résulter, ni d'élément démontrant l'existence de circonstances particulières ayant pu aggraver le choc carcéral ;
Que par conclusions en réplique M. X... s'oppose à la réduction de la période de détention indemnisable, en faisant valoir essentiellement qu'il n'a bénéficié d'aucune confusion de peine ; qu'il produit de nouveaux éléments relatifs aux conditions de détention particulièrement dégradées au Camp Est ;
Que par observations complémentaires en défense, l'agent judiciaire du Trésor fait valoir que l'absence de confusion de peine est sans portée sur la réduction de la période de détention indemnisable ;
Que M. X... a déposé des conclusions additionnelles afférentes aux circonstances de son licenciement ;
Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;
Sur la recevabilité du recours :
Attendu qu'il ne résulte pas des éléments de la procédure que M. X... se soit vu notifier l'ordonnance rendue le 23 septembre 2011 par le premier président de la cour d'appel de Nouméa ;
Qu'en conséquence, aucun délai n'ayant couru, le recours formé par M. X... contre cette ordonnance est recevable ;
Sur la recevabilité de la requête initiale :
Attendu que la requête de M. X... a été enregistrée le 5 janvier 2011, dans les six mois suivant la date à laquelle la décision d'acquittement du 25 juin 2010 est devenue définitive, soit le 5 juillet 2010 ;
Que cette requête est recevable ;
Sur le préjudice économique :
Attendu qu'il résulte de l'attestation de l'employeur de M. X..., du 12 avril 2012, que celui-ci a été licencié pour absence injustifiée du 5 novembre 2008 au 17 décembre 2008 date de son licenciement ; que cette absence a débuté antérieurement au placement en détention intervenu le 11 décembre 2008 ; qu'il en résulte que le licenciement de M. X... n'est pas imputable à la détention ;
Attendu que M. X... a vendu son véhicule le 8 août 2008 afin d'en rembourser le crédit par anticipation ; que cette cession n'a pas de lien de causalité avec la détention intervenue postérieurement ;
Qu'il y a lieu dès lors de rejeter le recours formé au titre du préjudice économique ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que M. X... a été détenu pour autre cause à compter du 28 mai 2009 ;
Que la période de détention indemnisable court du 11 décembre 2008 au 28 mai 2009 ;
Que les motifs pour lesquels M. X... suppose avoir été maintenu en détention lors de la procédure d'instruction sont sans portée sur l'appréciation du préjudice moral subi ;
Que ne sont pas prises en considération dans l'évaluation de ce préjudice, les conséquences des poursuites pénales dont l'intéressé a pu faire l'objet en raison d'une infraction commise dans l'établissement pénitentiaire ;
Que M. X... n'avait jamais été incarcéré auparavant ; qu'il a été détenu au Camp Est à Nouméa, un établissement dont l'insalubrité et le taux d'occupation particulièrement élevé ont été constatés par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui, en publiant le 6 décembre 2011 ses recommandations au sujet de la prison de Nouméa, a dénoncé une "violation grave des droits fondamentaux des détenus" ;
Que ces conditions de détention, que M. X... a nécessairement subies à titre personnel, doivent être prises en considération dans l'appréciation du préjudice moral qu'elles ont incontestablement contribué à aggraver ;
Qu'il y lieu d'allouer à M. X... la somme de 12 400 euros ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu d'allouer à M. X... la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
ACCUEILLE le recours de M. Pascal X..., qui est recevable, et statuant à nouveau ;
DIT que la requête en indemnisation présentée par M. Pascal X... est recevable ;
ALLOUE à M. Pascal X... la somme de 12 400 euros (douze mille quatre cents euros) soit (1 479 713,50 francs CFP) au titre du préjudice moral ;
REJETTE le recours pour le surplus ;
CONDAMNE le Trésor public à payer à M. Pascal X... la somme de 1 500 EUROS (MILLE CINQ CENTS EUROS) soit (178 997,61 francs CFP) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 25 juin 2012 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 12CRD001
Date de la décision : 25/06/2012
Sens de l'arrêt : Accueil du recours

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Préjudice moral - Appréciation - Critères

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Préjudice moral - Aggravation du préjudice moral - Insalubrité et taux d'occupation particulièrement élevé constatés par le contrôleur général des lieux de privation de liberté - Cas

Constituent un facteur aggravant du préjudice moral les conditions de détention dans un établissement pénitentiaire dont l'insalubrité et le taux d'occupation particulièrement élevé ont été constatés par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, lesdites conditions de détention ayant nécessairement été subies à titre personnel


Références :

articles 149 à 150 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 23 septembre 2011

Sur l'aggravation du préjudice moral fondé sur l'insalubrité et le taux d'occupation élevé de l'établissement pénitentiaire, à rapprocher :Com. nat. de réparation des détentions, 20 février 2006, décision n° 05CRD055, Bull. crim. 2006, n° 4 (infirmation et rejet) ;Com. nat. de réparation des détentions, 25 juin 2012, décision n° 12CRD002, Bull. crim. 2012, n° 4 (infirmation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 25 jui. 2012, pourvoi n°12CRD001, Bull. civ.Commission nationale de réparation des détentions 2012, n° 3
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Commission nationale de réparation des détentions 2012, n° 3

Composition du Tribunal
Président : M. Straehli
Avocat général : Mme Valdès-Boulouque
Rapporteur ?: Mme Vérité
Avocat(s) : Me Fantozzi, SCP Couturier-Heller

Origine de la décision
Date de l'import : 08/11/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:12CRD001
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