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20/06/2012 | FRANCE | N°11-22122

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 juin 2012, 11-22122


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 juillet 2010), que Mme X..., engagée le 8 avril 2003 par la société Newco Bezons en qualité de directrice d'un établissement de soins, a été licenciée pour faute grave, le 14 mai 2004 ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le licenciement prononcé pour faute grave présente un caractère disciplinaire et q

ue seul un fait fautif peut le justifier ; qu'en l'absence de mauvaise volonté ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 juillet 2010), que Mme X..., engagée le 8 avril 2003 par la société Newco Bezons en qualité de directrice d'un établissement de soins, a été licenciée pour faute grave, le 14 mai 2004 ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le licenciement prononcé pour faute grave présente un caractère disciplinaire et que seul un fait fautif peut le justifier ; qu'en l'absence de mauvaise volonté délibérée du salarié, ses carences, erreurs ou manquements professionnels relèvent de son insuffisance professionnelle et ne présentent pas un caractère fautif ; que dès lors en l'espèce, en se fondant, pour retenir l'existence d'une faute grave, sur le « management agressif et archaïque » de la salariée « conduisant à l'instauration d'un climat profondément délétère », après avoir constaté ses « carences managériales » et son non-respect de la législation sociale du fait de la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée sans terme précis, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une faute à la charge de la salariée, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ à titre subsidiaire, qu'en retenant l'existence d'une faute grave, sans rechercher, comme il lui était demandé, si dans la lettre de licenciement l'employeur ne reprochait pas en réalité à la salariée son insuffisance professionnelle en faisant notamment état de « son incapacité à gérer le personnel et à diriger l'établissement », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du même code ;
3°/ que selon l'article L. 1242-7 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée peut ne pas comporter de terme précis lorsqu'il est conclu pour remplacer un salarié absent ou un salarié dont le contrat est suspendu, ce contrat ayant pour terme la fin de l'absence de la personne remplacée ; qu'il s'ensuit que le contrat de travail à durée déterminée conclu par Mme X... « à partir du 4 décembre 2003 jusqu'au retour de Mme Y... en congés payés et congé maladie par la suite » pouvait ne pas comporter de terme précis, ce contrat ayant pour terme la fin de l'absence de Mme Y... ; qu'en se fondant pourtant sur le fait que ce contrat de travail ne comportait pas de terme précis pour en déduire que le grief de non-respect de la législation sociale était établi et que Mme Nadia X... avait commis une faute grave, la cour d'appel a violé l'article susvisé, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
4°/ à titre subsidiaire, qu'en retenant l'existence d'une faute grave, sans préciser la date des faits reprochés à la salariée, ni la date à laquelle l'employeur en avait eu connaissance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la salariée manifestait un comportement inutilement agressif et inadapté à l'égard de ses collaborateurs, caractérisé par des invectives et réprimandes gratuites et injustifiées, ainsi que des attaques personnelles ou propos méprisants, le tout conduisant à un climat délétère, et que l'employeur n'avait eu une exacte connaissance de ce comportement que le 30 avril 2004, la cour d'appel a caractérisé des manquements fautifs de la salariée de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise et a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme A..., épouse X..., aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour Mme A..., épouse X....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que Madame Nadia X... avait commis une faute grave et de l'avoir en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture et d'un rappel de salaire, au titre de la période de mise à pied ;
AUX MOTIFS QUE la SAS Newco Bezons invoquant que le licenciement est fondé sur une faute grave, elle en supporte la charge de la preuve. Il ressort des termes de la lettre de rupture que la SAS Newco Bezons articule deux séries de griefs portant sur un management agressif et archaïque et une complète inertie dans la gestion quotidienne de la clinique. 1) Sur le grief tiré d'un management agressif et archaïque conduisant à l'instauration d'un climat profondément délétère : La cour constate qu'il résulte des conclusions de l'audit réalisé le 30 avril 2004 que plusieurs salariés des services administratifs ont fait part de comportements inadaptés, voire violents et menaçants de la part de la direction laquelle est apparue coupée de son personnel et peu réactive aux dysfonctionnements sur son site. Par ailleurs les attestations délivrées par Madame B..., chef comptable, et Madame C..., assistante sociale, font état d'un management rigide de la part de Madame X..., se caractérisant par la multiplication d'ordres et contre ordres, d'invectives et réprimandes gratuites et dépourvues de justification, d'attaques personnelles, de propos méprisants, voire une absence de réponse ou des débordements conduisant à discréditer le travail de ses collaborateurs. De même les attestations délivrées par Monsieur D..., délégué du personnel, et Madame E..., secrétaire médicale, établissent l'existence d'un malaise persistant parmi le personnel de la clinique compte tenu du management rigide imposé par Madame X... et de son absence de réponse aux questions posées par le personnel. Dans son attestation le docteur F... fait part également de son éviction progressive, notamment des décisions de recrutement du personnel médical auquel il n'a plus été associé, bien qu'il soit médecin référent de l'établissement et de la réponse surprenante, à savoir « bon débarras », faite par Madame X... à la question de l'origine des nombreuses démissions dans le personnel fin 2003, posée lors d'une réunion des délégués du personnel. Madame X... ne saurait s'exonérer de sa responsabilité dans les carences managériales résultant des diverses attestations versées aux débats en réduisant les différends intervenus à des querelles de personnes alors que les témoignages versés aux débats exposent les invectives gratuites et les propos méprisants tenus par la direction. De même si Madame X... était fondée, en sa qualité de directrice, à réprimander les salariés, si cela le justifiait, encore lui appartenait-il de formuler ses remarques en adoptant un comportement correct et courtois et non pas en criant ou en menaçant les salariés. Par ailleurs la cour constate que le fait d'avoir suivi un stage de formation en 2001, ayant donné lieu à des conclusions favorables, ne permet pas d'infirmer les faits observés en 2004 et que les attestations versées aux débats par l'appelante sont peu explicites et circonstanciées, étant par ailleurs observé que celle émanant de Madame G... provient d'une personne elle-même mise en cause par plusieurs salariés du fait de ses aptitudes relationnelles difficiles. De même l'attestation délivrée par Monsieur H..., directeur de la clinique de Sartrouville, ne saurait rendre compte de la manière dont la direction était exercée sur le site de Bezons, alors que précisément la mission ayant conduit l'audit sur ce site a précisé que contrairement à son protocole habituel, consistant à procéder d'ordinaire à partir d'un questionnaire fait de petits gestes concrets, elle avait été contrainte, face à l'afflux massif des témoignages graves de dysfonctionnements, de prendre des notes sans passer par l'utilisation d'un questionnaire et avait même été contrainte de rencontrer également quatre patients pour avoir une idée des maltraitances ayant lieu dans la clinique, alors que d'habitude elle ne rencontrait que des soignants et du personnel administratif. Concernant le grief de non-respect de la législation sociale la SAS Newco Bezons produit un contrat de travail à durée déterminée sans terme précis puisque conclu par Madame X... « à partir du 4 décembre 2003 jusqu'au retour de Madame Y... en congés payés et congé-maladie par la suite. », alors qu'un certificat médical établissait que la salarié remplacée devait accoucher vers le 23 mars 2004. Au vu de l'ensemble de ces éléments la cour constate que la SAS Newco Bezons établit le bien-fondé du grief de management agressif et archaïque conduisant à l'instauration d'un climat profondément délétère. 2)- Sur le grief de concernant les dysfonctionnements observés dans le cadre de la gestion quotidienne de la société : La SAS Newco Bezons reproche à Madame X... d'avoir fait preuve d'une complète inertie dans la gestion quotidienne de la clinique, de nature à faire courir des risques inconsidérés à l'établissement quant à son bon fonctionnement. Ainsi la cour constate qu'encore au mois de mai 2004, et alors que Madame X... était en poste depuis un an, le livret d'accueil faisait toujours défaut, alors que sa mise en place procède d'une obligation légale s'imposant à tout établissement de santé en application de l'arrêté du 7 janvier 1997 repris par la loi du 4 mars 2002 et inséré au code de la santé publique à l'article L. 710-1-1, devenu L. 1112-2 aux termes de la nouvelle numérotation. Madame X... ne saurait s'exonérer de l'exécution de cette obligation en indiquant avoir passé une commande du livret d'accueil le 1er mars 2004, soit près d'un an après son embauche, et s'être trouvée en arrêt maladie du 16 mars au 25 avril 2004, alors qu'elle avait disposé antérieurement du temps suffisant pour assurer la mise en place de ce livret d'accueil. Par ailleurs, il résulte de l'attestation délivrée par Monsieur D... et des factures versées aux débats que Madame X... laissait sans réponse des problèmes matériels tels que des téléviseurs en panne, des portes cassées et des matelas en mauvais état, bien que ces dysfonctionnements aient été portés à sa connaissance et que ceux-ci ont donné lieu à une remise en état dès le mois de mai 2004 avec des téléviseurs commandés le 12 mai, des serrures réclamées le 13 mai et l'achat de charnières pour chariots. Par contre, la cour constate qu'aucune des pièces produites par la société n'atteste de la réalité du sérieux du grief tenant au non-respect de la législation relative à la lutte contre les infections nosocomiales lors de la réalisation des travaux. Aussi ce grief sera écarté. Il en est de même du grief sur le traitement des plaintes des patients dans la mesure où les deux plaintes versées aux débats d'une part sont datées du 27 avril 2004, soit un jour seulement après que Madame X..., qui indique ne pas en avoir eu connaissance, ait repris son travail et trois jours seulement avant sa mise à pied et d'autre part ne concernent pas la défectuosité des chariots à repas tels qu'invoquée dans la lettre de licenciement. Mais au vu de l'ensemble des autres griefs retenus à l'encontre de Madame X..., qui à compter du mois d'octobre 2003 n'intervenait plus que sur la seule clinique de Bezons, la cour constate que la SAS Newco Bezons qui n'a pu prendre la mesure de l'ampleur de la gravité des dysfonctionnements et manquements observés que dans le cadre de l'audit réalisé, soit le 30 avril 2004 et de l'enquête qui s'en est suivie, ne pouvait sans mettre en péril le fonctionnement de la clinique elle-même, maintenir Madame X... dans ses fonctions, compte tenu de l'accumulation des graves manquements et défaillances constatées, au regard des conséquences induites par de tels désordres et du rôle stratégique dévolu à Madame X... en tant que directrice. Dès lors il convient de confirmer le jugement entrepris ayant retenu la faute grave et la nécessité de la mise à pied à titre conservatoire de Madame X... pendant la durée de la procédure et ayant débouté cette dernière de l'ensemble de ses demandes, ainsi que la SAS Newco Bezons de sa demande reconventionnelle ;
1) ALORS QUE le licenciement prononcé pour faute grave présente un caractère disciplinaire et que seul un fait fautif peut le justifier ; qu'en l'absence de mauvaise volonté délibérée du salarié, ses carences, erreurs ou manquements professionnels relèvent de son insuffisance professionnelle et ne présentent pas un caractère fautif ; que dès lors en l'espèce, en se fondant, pour retenir l'existence d'une faute grave, sur le « management agressif et archaïque » de la salariée « conduisant à l'instauration d'un climat profondément délétère », après avoir constaté ses « carences managériales » et son non respect de la législation sociale du fait de la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée sans terme précis, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une faute à la charge de la salariée, a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;
2) ALORS, et à titre subsidiaire, QU'en retenant l'existence d'une faute grave, sans rechercher, comme il lui était demandé, si dans la lettre de licenciement l'employeur ne reprochait pas en réalité à la salariée son insuffisance professionnelle en faisant notamment état de « son incapacité à gérer le personnel et à diriger l'établissement », la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-6 du Code du travail, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du même code ;
3) ALORS QUE selon l'article L. 1242-7 du Code du travail, le contrat de travail à durée déterminée peut ne pas comporter de terme précis lorsqu'il est conclu pour remplacer un salarié absent ou un salarié dont le contrat est suspendu, ce contrat ayant pour terme la fin de l'absence de la personne remplacée ; qu'il s'ensuit que le contrat de travail à durée déterminée conclu par Madame X... « à partir du 4 décembre 2003 jusqu'au retour de Madame Y... en congés payés et congé-maladie par la suite » pouvait ne pas comporter de terme précis, ce contrat ayant pour terme la fin de l'absence de Madame Y... ; qu'en se fondant pourtant sur le fait que ce contrat de travail ne comportait pas de terme précis, pour en déduire le grief de non respect de la législation sociale était établi et que Madame Nadia X... avait commis une faute grave, la Cour d'appel a violé l'article susvisé, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;
4) ALORS, et à titre subsidiaire, QU'en retenant l'existence d'une faute grave, sans préciser la date des faits reprochés à la salariée, ni la date à laquelle la salariée en avait eu connaissance, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-4 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-22122
Date de la décision : 20/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 juillet 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 jui. 2012, pourvoi n°11-22122


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.22122
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