LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 17 mars 2011), que Mme X..., engagée le 11 juin 2007 par la société Agence professionnelle de l'immobilier en qualité de conseillère, a été licenciée pour faute grave par lettre du 10 juin 2008 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement ne repose pas sur une faute grave et est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer diverses sommes à la salariée, alors, selon le moyen :
1°/ que le fait, pour un salarié, de n'avoir justifié que très tardivement ses absences, à la suite de plusieurs demandes écrites de justification, est de nature à caractériser la faute grave lorsque ce comportement est de nature à causer, compte tenu de la dimension de l'entreprise, des difficultés d'organisation ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que Mme X... n'avait commis aucune faute disciplinaire après avoir constaté que Mme X... n'avait justifié que le 4 juin 2008, soit très tardivement, ses absences pour motif médical des 5 et 6 mai 2008, en dépit des plusieurs demandes écrites de la société API, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si, compte tenu de la dimension de la structure de la société API, ce comportement n'avait pas été à l'origine de difficultés d'organisation, la cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1233-2, L. 1234-1, L. 1234-4, L. 1234-5, L. 1234-6, L. 1234-9, L. 1235-1 et L. 1235-9 du code du travail ;
2°/ qu'en toute hypothèse, les juges du fond sont tenus d'examiner l'intégralité des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement ; de sorte qu'en omettant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le fait, par Mme X..., de ne pas avoir respecté les consignes et directives de son employeur relatives à l'organisation du travail n'était pas de nature à caractériser la faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail même pendant la période de préavis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1233-2, L. 1234-1, L. 1234-4, L. 1234-5, L. 1234-6, L. 1234-9, L. 1235-1 et L. 1235-9 du code du travail ;
3°/ qu'en tout cas, le juge doit, en toutes circonstances, observer le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur des moyens relevés d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs explications ; de sorte qu'en relevant d'office un moyen tiré de ce la société API ne prouvait pas que le contrat de travail avait été rompu le 10 juin 2008, date mentionnée sur la lettre de licenciement, dès lors que la photocopie de l'avis d'expédition de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception comportait une date d'expédition tronquée, sans inviter les parties à en débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant examiné l'ensemble des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement et, sans méconnaître le principe de contradiction, déterminé la date d'envoi de la lettre de licenciement au vu des pièces produites aux débats, la cour d'appel a constaté que l'employeur avait été informé début mai 2008, par la remise du certificat médical initial, de l'arrêt de travail de la salariée par suite d'une maladie, que celle-ci avait averti son employeur de son absence les 19 et 20 mai 2008 et qu'elle avait remis tous les justificatifs sollicités lors de l'entretien préalable ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu décider que le défaut de justification dans les 48 heures par la salariée de la prolongation du deuxième arrêt de travail, même à la demande de l'employeur, ne constituait pas une faute grave ; qu'exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que ce fait ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Agence professionnelle de l'immobilier aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Agence professionnelle de l'immobilier et la condamne à payer 2 500 euros à Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société Agence profesionnelle de l'immobilier.
L'arrêt attaqué encourt la censure
EN CE QU'IL a décidé que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave et était dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamnant, par conséquent, l'employeur à payer diverses sommes à la salariée à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d'indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire, ainsi qu'au titre des frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QU'il appartient à la société API de rapporter la preuve du caractère réel et sérieux des seuls motif qu'elle invoque dans cette lettre et qu'elle qualifie de faute grave, à savoir : - des absences injustifiées les 5 et 6 mai 2008 et les 19, 20 et 21 mai 2008, griefs qualifiés d'insubordination caractérisant une faute grave, - la non réalisation des objectifs contractuellement convenus ;
qu'à supposer qu'elle n'ait pas informé en temps et heures son employeur de son indisponibilité des 5 et 6 mai, ce qu'elle conteste en affirmant l'avoir fait par courrier simple dont elle a vainement sollicité la production aux débats par la société API, il est avéré en toute hypothèse que ses absences étaient justifiées par de réels problèmes de santé et qu'elle a fourni tous les justificatifs médicaux réclamés le jour de l'entretien préalable ;
Que si la lettre de licenciement est datée du 10 juin 2008, la société API ne justifie pas qu'elle ait été expédiée ce jour-là, la photocopie de l'avis d'envoi par pli recommandé qu'elle produit étant tronqué et ne permettant pas de connaître le jour de l'envoi ;
ALORS QUE, premièrement, le fait, pour un salarié, de n'avoir justifié que très tardivement ses absences, à la suite de plusieurs demandes écrites de justification, est de nature à caractériser la faute grave lorsque ce comportement est de nature à causer, compte tenu de la dimension de l'entreprise, des difficultés d'organisation ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que Mademoiselle X... n'avait commis aucune faute disciplinaire après avoir constaté que Mademoiselle X... n'avait justifié que le 4 juin 2008, soit très tardivement, ses absences pour motif médical des 5 et 6 mai 2008, en dépit des plusieurs demandes écrites de la société API, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si, compte tenu de la dimension de la structure de la société API, ce comportement n'avait pas été à l'origine de difficultés d'organisation, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1232-1, L 1233-2, L 1234-1, L 1234-4, L 1234-5, L 1234-6, L 1234-9, L1235-1 et L1235-9 du Code du travail ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en toute hypothèse, les juges du fond sont tenus d'examiner l'intégralité des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement ; de sorte qu'en omettant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le fait, par Mademoiselle X..., de ne pas avoir respecté les consignes et directives de son employeur relatives à l'organisation du travail n'était pas de nature à caractériser la faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail même pendant la période de préavis, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1232-1, L 1233-2, L 1234-1, L 1234-4, L 1234-5, L 1234-6, L 1234-9, L1235-1 et L1235-9 du Code du travail ;
ALORS QUE, troisièmement, et en tout cas, le juge doit, en toutes circonstances, observer le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur des moyens relevés d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs explications ; de sorte qu'en relevant d'office un moyen tiré de ce la société API ne prouvait pas que le contrat de travail avait été rompu le 10 juin 2008, date mentionnée sur la lettre de licenciement, dès lors que la photocopie de l'avis d'expédition de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception comportait une date d'expédition tronquée, sans inviter les parties à en débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.