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20/06/2012 | FRANCE | N°11-16047

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 juin 2012, 11-16047


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 3 décembre 2001 par la société Renault VI, en qualité de cadre-contrôleur de gestion et affecté à l'unité des pièces de rechange et petites séries (PRPS) ; qu'à compter du 1er juin 2008, le contrat de travail du salarié a été transféré à la société Texelis ; qu'il a été licencié pour faute grave le 25 septembre 2008 ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'en application de

ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 3 décembre 2001 par la société Renault VI, en qualité de cadre-contrôleur de gestion et affecté à l'unité des pièces de rechange et petites séries (PRPS) ; qu'à compter du 1er juin 2008, le contrat de travail du salarié a été transféré à la société Texelis ; qu'il a été licencié pour faute grave le 25 septembre 2008 ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en nullité du licenciement pour cause de harcèlement moral, l'arrêt retient qu'il résulte des attestations de M. Y... (responsable achats-logistique) et de M. Z... (responsable informatique) que le processus de filialisation de l'entité PRPS a suscité de nombreuses difficultés, que l'existence de difficultés relationnelles du salarié avec certains de ses collègues et, plus particulièrement avec M. A..., directeur du PRPS, ne suffit pas à caractériser des faits de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article L. 1152-2 du code du travail, que la proposition de mobilité faite au salarié dans ce contexte ainsi que l'arrivée de Mme B... à un poste de responsabilité, ne suffit pas à caractériser une mise à l'écart du salarié, que l'incident survenu le 26 juillet 2008 dans le bureau de M. Ardant à propos d'un mail adressé par M. A..., constitue un fait isolé qui traduit en réalité la fragilité psychologique de M. X... dans un contexte de travail difficile, enfin, que l'analyse des faits invoqués par le salarié révèle un contexte de difficultés dans la mise en place et l'organisation de la filialisation de l'entité PRPS, qu'il résulte des pièces médicales versées au dossier que le salarié a été soigné à compter du mois de juin 2007 pour " un syndrome anxio-dépressif ", que les faits dénoncés ne constituent pas des agissements répétés de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de se prononcer sur l'ensemble des éléments retenus afin de dire s'ils permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence de la partie du dispositif critiquée par le deuxième moyen ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt énonce que les premiers juges ont considéré à juste titre que le licenciement litigieux repose sur une cause réelle et sérieuse avec toutes conséquences de droit quant à l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents et à l'indemnité de licenciement et, par motif adopté des premiers juges, que le montant de cette dernière indemnité est calculé, conformément aux dispositions de l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, sur la base d'un salaire mensuel de 6 169 euros ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié qui faisait valoir que le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement n'avait pas été calculé, conformément aux dispositions de l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, sur la moyenne mensuelle des appointements ainsi que des avantages et gratifications contractuels dont il avait bénéficié au cours de ses douze derniers mois de présence dans l'établissement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Texelis et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté les demandes de M. X... en nullité du licenciement et de paiement d'indemnités au titre du harcèlement moral dont il a été victime et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
AUX MOTIFS QUE " Monsieur Michel X... invoque des faits de harcèlement moral de nature à entraîner la nullité du licenciement prononcé le 25 septembre 2008 ; Que le fondement de la demande ainsi présentée réside dans les dispositions des articles L. 1152-1 et suivants du code du travail ; Attendu qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail : " Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Attendu qu'il résulte des pièces médicales versées au dossier que Monsieur Michel X... a été soigné à compter du mois de juin 2007 pour " un syndrome anxio-dépressif " ; Attendu certes qu'il résulte des attestations de Monsieur Y... (responsable achats-logistique) et de Monsieur Z... (responsable informatique) que le processus de filialisation de l'entité PRPS a suscité de nombreuses difficultés ; Attendu que l'existence de difficultés relationnelles de Monsieur Michel X... avec certains de ses collègues et, plus particulièrement avec Monsieur Pierre A..., directeur du PRPS, ne suffit pas à caractériser des faits de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article L. 1152-2 du code du travail ; Que la proposition de mobilité faite à Monsieur Michel X... dans ce contexte ainsi que l'arrivée de Madame B... à un poste de responsabilité, ne suffit pas à caractériser une mise à l'écart de Monsieur Michel X... ; Attendu que la tonalité du courriel adressé par Madame Evelyne C... (contrôleur de gestion du groupe) à Monsieur X... le 22 juin 2007 ne traduit nullement un climat de harcèlement mais, au contraire, un échange constructif et courtois sur les difficultés rencontrées ; Attendu que l'incident survenu le 26 juillet 2008 dans le bureau de Monsieur ARDANT à propos d'un mail adressé par Monsieur A..., constitue un fait isolé qui traduit en réalité la fragilité psychologique de Monsieur Michel X... dans un contexte de travail difficile ; Attendu que l'inadaptation alléguée de l'outil informatique ne saurait constituer un fait de harcèlement moral ; Attendu en définitive que l'analyse des faits invoqués par Monsieur Michel X... révèle un contexte de difficultés dans la mise en place de l'organisation de la filialisation de l'entité PRPS ; Que les faits dénoncés ne constituent pas des agissements répétés de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail " (arrêt p. 7 et 8),

ET AUX MOTIFS QUE " la relation de causalité entre le syndrome anxio-dépressif dont souffre M. Michel X... et ses conditions de travail n'est pas établie ; Que les difficultés relationnelles de Monsieur Michel X... avec Monsieur Pierre A..., directeur, s'expliquent par les insuffisances professionnelles qui ont été retenues pour déclarer le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ; Attendu qu'il convient par ailleurs d'observer que la Caisse de Sécurité Sociale a refusé la prise en charge de l'affection dont souffre Monsieur Michel X... au titre de la législation professionnelle ; Qu'une procédure contentieuse est actuellement en cours de ce chef ; Attendu qu'aucun manquement distinct de ceux invoqués dans le cadre de la demande présentée du chef de harcèlement moral, n'est précisément articulé et démontré " (arrêt p. 9 et 10),

ALORS, D'UNE PART, QUE saisis d'une demande formée au titre d'un harcèlement moral, les juges du fond doivent examiner l'intégralité des faits invoqués par le salarié et vérifier s'ils ne sont pas de nature à faire présumer l'existence dudit harcèlement ; que dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement mais justifiés par des éléments objectifs ; qu'en considérant que les faits invoqués par M. X... ne constituaient pas des agissements répétés de harcèlement moral, sans rechercher s'ils n'étaient pas de nature à faire présumer l'existence de ce harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les faits invoqués par le salarié qui invoque l'existence d'un harcèlement doivent être appréciés dans leur ensemble, et non pas isolément ; qu'en examinant un par un les faits invoqués par le salarié et en considérant qu'ils ne constituaient pas des agissements répétés de harcèlement moral, sans rechercher si, pris dans leur ensemble, ils n'étaient pas de nature à faire présumer l'existence de ce harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS, ENFIN, QUE peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion qui se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en affirmant que les faits dénoncés par M. X... ne constituaient pas des agissements répétés de harcèlement moral, sans répondre au moyen selon lequel le mode de gestion mis en place par l'employeur se caractérisant par des changements incessants de méthodes de travail était constitutif de harcèlement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Le deuxième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de ses demandes de dommages-intérêts au titre d'un licenciement non justifié et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
AUX MOTIFS PROPRES QUE " l'examen de la lettre de licenciement dont la teneur a été rappelée dans les développements qui précèdent fait apparaître que les griefs invoqués portent sur des faits de nature différente : d'une part, des faits d'insuffisance professionnelle, d'autre part, des faits de nature disciplinaire susceptibles de caractériser une faute grave ", Attendu que c'est par des motifs complets et pertinents que la Cour adopte que les premiers juges ont considéré : que la lettre du 9 juillet 2008 (lettre faisant suite à un entretien du 6 juin) doit être considérée comme une lettre d'avertissement ; que par application de la règle selon laquelle une même faute ne peut faire l'objet de deux sanctions successives (" non bis in idem ") seuls les griefs tenant au manque de vision globale et aux insuffisances dans le processus de filialisation doivent être analysés ; que ces deux motifs d'insuffisance professionnelle se rapportent à des faits dont l'existence et l'ampleur ont été révélés à l'employeur pendant l'absence de Monsieur Michel X... (c'est-à-dire à compter du 20 juillet 2008) et qu'ils ne sont, en conséquence, pas prescrits ; que ces deux griefs sont établis " (arrêt p. 8) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE " l'article L. 1331-1 du code du travail prévoit que " constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ". Dès lors, constitue un avertissement la lettre adressée par l'employeur reprochant au salarié diverses erreurs et le mettant en demeure de faire un effort pour redresser la situation sous peine de déclassement ou de licenciement. En l'espèce, le courrier mentionne " je me vois contraint d'acter votre insuffisance dans votre poste actuel et de vous demander de prendre la situation en mains ", puis relève différents faits considérés comme traduisant cette insuffisance. Ce courrier constitue bien des observations de l'employeur concernant des faits considérés comme fautifs et doit donc être qualifié d'avertissement. Lorsque l'employeur a déjà usé de son pouvoir disciplinaire pour sanctionner certains faits, notamment par la délivrance d'un avertissement, les mêmes faits ne peuvent plus justifier un licenciement. En conséquence, il convient d'examiner un à un les motifs invoqués dans la lettre de licenciement pour vérifier s'ils ont déjà été sanctionnés dans le courrier d'avertissement et d'écarter des débats tout fait fautif qui aurait déjà été sanctionné et ne peut donc pas venir valablement au soutien du licenciement pour faute grave prononcé. La lettre de licenciement pointe en premier lieu des écarts de gestion aperçus depuis 18 mois et l'absence d'analyse structurée transmise ni à son supérieur ni au contrôle de gestion de Renault Trucks à Lyon. Cette insuffisance regroupe celle mentionnée dans l'avertissement qui reproche à Monsieur Michel X... que les synthèses produites ne permettent pas d'expliquer les écarts et de prendre de la hauteur par rapport aux dysfonctionnements. La lettre de licenciement souligne le retard, les inexactitudes et la difficile compréhension par ses interlocuteurs des explications, reproche déjà formulé dans le courrier d'avertissement qui relevait les difficultés relevées dans les synthèses du demandeur. Ces deux premiers points de la lettre de licenciement ne pourront donc valablement fonder le licenciement dans la mesure où ils ont déjà été sanctionnés. Dans le paragraphe 2- c de la lettre de licenciement, la SAS TEXELIS reproche à Monsieur Michel X... de manière générale un " manque de vision globale, de prise de hauteur et l'utilisation " technique " de tableurs sans exploitation et construction de plan d'action ". Ce reproche ne figurait pas dans le courrier d'avertissement et il conviendra donc d'étudier s'il est fondé. Par la suite, le courrier relève les insuffisances de Monsieur Michel X... dans le processus de filialisation, insuffisances qui auraient été remarquées au cours de son absence. A ce titre, il lui est reproché de ne pas avoir réalisé le transfert du budget " SAP Renault Trucks " vers le " SAP Texelis " impactant de manière importante la construction du budget 2009, ne pas avoir eu une gestion humaine efficace en ne réalisant pas de recrutement alors que deux postes nouveaux avaient été budgétés, ne pas avoir de perspective de comptes lisibles ni de nouvelle structure analytique, ne pas avoir fait de provisions sur le compte PRPS. Ce grief nouveau ne figurant pas dans le courrier d'avertissement devra être examiné. Enfin, le courrier de licenciement relève " Divers témoignages de vos collaborateurs et de vos anciens collaborateurs font état de discriminations, de pratiques vexatoires en public et de brimades ". Si le courrier d'avertissement relevait déjà des difficultés dans le cadre de la gestion humaine en regrettant un accompagnement insuffisant de son équipe par Monsieur Michel X..., les faits dénoncés dans le cadre de la lettre de licenciement sont de nature différente et n'ont pas été sanctionnés en juillet 2008. L'article L. 1332-4 du code du travail prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance. En l'espèce, le manque de vision globale reproché au salarié est en fait l'analyse d'une multiplication de faits et n'est donc pas concerné par la prescription ; il en va de même pour les insuffisances remarquées dans le cadre des opérations de filialisation, insuffisances qui ont au surplus été constatées pendant que le salarié était absent soit juste avant le courrier de licenciement. De la même manière, l'employeur indique n'avoir une connaissance de l'ampleur du comportement de Monsieur Michel X... envers son équipe que pendant son absence, soit moins de deux mois avant que les faits ne soient sanctionnés. En conséquence, les faits relevés dans le cadre de la lettre de licenciement et qui n'avaient pas été sanctionnés par l'avertissement ne sont pas prescrits et il convient donc de vérifier s'ils sont établis et peuvent fonder un licenciement pour faute grave. Sur le manque de vision globale Mme C... relève dans son attestation " J'ai pu constater que nous n'avions pas d'information au préalable factuel sur ces dysfonctionnements et leurs impacts dans les comptes, ce qui est dans la mission de base d'un contrôleur : anticiper, prévenir les risques. Nous avons été trop souvent obligés de questionner a posteriori et de relancer pour avoir des réponses ". De même, Philippe D... indique " Son expérience et son expertise n'étaient pas celles d'un contrôleur de gestion industriel mais plutôt d'un chef comptable dans une société de petite taille " et ajoute que Monsieur E..., directeur du service PRPS au moment de l'embauche de Monsieur Michel X..., prenait en charge le contrôle de gestion, ce qui explique pourquoi les carences du demandeur dans son emploi ne se sont pas fait remarquer immédiatement. Ce témoignage est confirmé par celui de Monsieur Philippe F..., directeur de l'établissement PRPS de décembre 2006 à septembre 2007, qui indique dans son attestation " J'ai par la suite observé qu'il avait toutes les peines à assumer pleinement ses responsabilités de contrôleur de gestion ". Par ailleurs, les annexes à l'attestation de Madame C... reprenant un échange de mails entre elle et le demandeur concernant les écarts de volume constaté montrent qu'il a fallu plusieurs sollicitations de sa part pour que l'origine de l'écart soit établie et qu'aucune analyse plus poussée n'a été faite par Monsieur Michel X... suite au constat de l'écart, aucun plan d'action n'a non plus été établi. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le manque de vision globale du demandeur est bien établi. Sur les insuffisances dans le processus de filialisation Madame C... relève dans son attestation " J'ai pu constater que, lors de l'opération de filialisation, Monsieur Michel X... avait totalement sous-estimé les conséquences de la coupure des liens avec les outils disponibles dans l'ancienne structure PRPS et le manque d'informations qui en résulterait. Il n'a donc pu mettre en place de dispositions palliatives, en anticipation, ce qui a provoqué une grande confusion dans l'accès aux informations, l'empêchant de donner des explications sur les évolutions des résultats d'exploitation. Dans le domaine comptable, nous avons constaté qu'aucune provision n'avait été créée au titre des factures ou recettes à recevoir ". L'importance de constituer des provisions et le fait que cette tâche appartenait à Monsieur Michel X... avaient déjà été relevés dans un mail de Serge K... en date du 20 mai 2008. Or, Monsieur Michel X... ne conteste pas ne pas avoir effectué cette tâche et se contente de dire qu'il n'avait pas les informations à disposition pour le faire, sans démontrer pour autant qu'il avait averti ses supérieurs de ces difficultés ni qu'il avait engagé des démarches de manière à trouver des informations manquantes à savoir rechercher les bordereaux de pesée. Par ailleurs si Monsieur Michel X... expose qu'il avait bien préparé le transfert de budget et qu'il ne restait qu'une manipulation informatique à effectuer pour que ce soit finalisé, il n'apporte aucun élément de nature à prouver ses dires et admet, de plus, être le seul en capacité d'effectuer cette opération et, par conséquent, ne pas avoir formé de collaborateurs sur ce point alors même qu'il partait en congé et avait des soucis de santé. Monsieur G... expose dans son attestation " au cours des années 2007 et 2008, l'effectif réel du service financier de PRPS dont Monsieur Michel X... était responsable est resté en permanence inférieur de deux personnes à ce qui était prévu au budget. Le budget du service avait pourtant été défini par Monsieur Michel X... puis validé par le groupe. J'ai, à plusieurs reprises, posé la question à Monsieur Michel X... de ses motivations les postes étaient ouverts au recrutement. La réponse a été " il faut attendre la filialisation " puis en juin 2008 " il faut attendre la 2ème phase de l'ERP ". Ce refus d'embaucher et bien établi par les échanges de mails entre Monsieur Michel X... et Madame C... dans lesquels il indique d'une part " C'est bien là le problème : il n'y a plus grand monde à qui je puisse déléguer ! ! ! " et, d'autre part, " En terme d'effectif, il y a ce qu'il faut, mais je parle en termes de maîtrise de poste ". Par ailleurs, la défense de Monsieur Michel X... visant à expliquer qu'il était inutile d'embaucher puisqu'il aurait été plus long de former des personnes dans le cadre de la filialisation que de faire seul le travail ne peut tenir dans la mesure où les difficultés auraient dû être anticipées et ce d'autant plus que les deux postes supplémentaires étaient prévus depuis 2007, ce qui laissait un certain temps pour former les nouveaux arrivants avant la filialisation qui eu lieu en 2008. De même, si Monsieur Michel X... avance qu'il n'était pas responsable des embauches, il convient cependant de remarquer qu'il avait un pouvoir décisionnel dans ce domaine au vu du caractère élevé de son poste (qui l'a amené à être présent pour l'embauche de Madame I...) et qu'il est bien démontré, par les échanges de mails et l'attestation de Monsieur G..., qu'il s'est opposé aux embauches pourtant proposées par le responsable ressources humaines. Par ailleurs, si Monsieur Michel X... explique certains des dysfonctionnements remarqués par le fait que les outils informatiques étaient inadaptés, il convient de remarquer que son successeur a su adapter les outils de l'entreprise comme cela ressort de l'attestation de Monsieur H...
J.... Les éléments du dossier permettent donc d'établir que Monsieur Michel X... n'a pas embauché de salariés alors que leurs postes étaient prévus et que la situation nécessitait un renforcement humain du service ; qu'il n'a pas prévu les provisions du budget comme cela lui incombait sans s'expliquer immédiatement sur ce point ; que le transfert de budget n'a pas été appréhendé de manière à sécuriser cette opération délicate. Dès lors, les insuffisances de Monsieur Michel X... dans le cadre de la procédure de filialisation sont bien établies (...) ; Sur la qualification de ces faits L'ensemble des difficultés de Monsieur Michel X... que ce soit en termes de manque de vision globale ou de dysfonctionnements dans le cadre de la filialisation de l'entreprise est de nature à établir l'insuffisance professionnelle de Monsieur Michel X.... Toutefois, Monsieur Michel X... explique ses difficultés par les conditions dans lesquelles il travaillait et il convient donc de vérifier si ce n'est pas par manque de moyens et de soutien qu'il a été placé dans une situation de travail délicate. En premier lieu, Monsieur Michel X... fait valoir qu'il était surchargé de travail dans la mesure où la filialisation et les audits s'ajoutaient au travail courant lié à sa fonction. Toutefois, la seule alerte faite à ses supérieurs à ce titre est un mail de juillet 2007. Monsieur Michel X... ne démontre pas avoir proposé de plan d'action clair ni tenu au courant sa hiérarchie de ses avancées retards et priorités au cours de l'année 2008. Au contraire, il s'est contenté d'indiquer dans un mail " dans les semaines qui viennent, je regrette d'avoir à prévenir qu'il risque d'y avoir quelques trous dans le filet, tout en m'engageant de faire le mieux possible pour sécuriser et communiquer des informations de qualité ! ", montrant ainsi son manque de vision globale et ses difficultés à exprimer de manière lisible ses méthodes de travail et les éventuelles tâches priorisées et celles qui seraient mises en attente. Par ailleurs, si Monsieur Michel X... déplore le manque de soutien humain de son service, il a été établi précédemment qu'il était toutefois opposé à toute nouvelle embauche. De même, il ressort de plusieurs attestations qu'il a tenté d'écarter Madame I..., collaboratrice de qualité qui lui était proposée. Ainsi, celle-ci explique dans son attestation que " Lors de ces différents entretiens, j'ai été surprise de l'attitude de Monsieur X... me dressant un tableau noir des perspectives d'avenir de l'entité PRPS et insistant sur le fait que mon expérience d'information était surdimensionnées par rapport au poste de responsable comptable pour lequel je postulais ". Ce témoignage est confirmé par Monsieur F... qui précise " Lors de la procédure de recrutement de Sandrine I... je me suis étonné de constater que Michel lui avait décrit une situation peu engageante et lui avait expliqué qu'elle n'aurait pas l'occasion de valoriser ses compétences en rentrant dans la société ". De même, Monsieur G... indique à ce sujet que Monsieur Michel X... a précisé à son supérieur concernant l'embauche de Madame I... " il s'agit d'un profil trop expérimenté qui ne correspond pas aux besoins de l'entreprise et si vous voulez embaucher quelqu'un pour prendre place allez-y ". De plus, il ressort que ces difficultés devaient bien être sensibles dès 2007 comme le mentionne Monsieur D... puisque l'augmentation du salaire pour 2008 n'était que de 2 % alors qu'elle avait toujours précédemment été aux alentours de 4 %. De même, la comparaison des évaluations 2006 et 2007 montre une régression du salarié. Au contraire, le fait que Monsieur Michel X... exerçait bien ses fonctions dans la précédente entreprise au sein de laquelle il était employé ne peut suffire à établir qu'il n'avait aucune difficulté à remplir ses fonctions chez la SAS TEXELIS plusieurs années après. En revanche, les seuls documents produits concernant la mobilité de Monsieur Michel X... émanent de lui-même et ne sont pas de nature à démontrer que la SAS TEXELIS a poussé Monsieur Michel X... à changer de poste et que c'est son refus qui explique la procédure de licenciement comme l'allègue le demandeur. De même, si Monsieur Michel X... explique certaines difficultés par un stress trop élevé dans ses fonctions et reproche à son employeur de ne pas avoir mis en oeuvre de procédure de manière à assurer sa sécurité, il convient de remarquer que le bilan annuel de la médecine du travail concernant son indicateur de stress est confidentiel comme indiqué en en-tête et Monsieur Michel X... ne démontre pas que ses supérieurs hiérarchiques en ont eu connaissance. Par ailleurs, les arrêts de travail transmis à l'employeur n'indiquent pas le motif de l'arrêt et Monsieur Michel X... ne produit aucun élément établissant qu'il a alerté la direction ou les organes de l'entreprise compétents en la matière de la dégradation de son état de santé en rapport avec les conditions de travail. De même, la sécurité sociale a refusé de reconnaître que la maladie de Monsieur Michel X... était une maladie professionnelle. Ainsi, si l'insuffisance professionnelle de Monsieur Michel X... ne revêt pas une gravité suffisante et aucune volonté délibérée du salarié n'est même alléguée de sorte que l'existence d'une faute grave ne saurait être retenue. Toutefois, ces difficultés sont suffisamment importantes, notamment au regard du niveau de qualification, de responsabilité et de salaire de Monsieur Michel X..., pour justifier une procédure de licenciement pour motif personnel. En conséquence, il convient de considérer que le licenciement de Monsieur Michel X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse " (jugement p. 4 à 9) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le licenciement pour faute grave ayant nécessairement un caractère disciplinaire, il ne peut être motivé par des faits relevant de l'insuffisance professionnelle ; qu'en l'espèce, le licenciement de M. X... avait été prononcé pour faute grave, et l'employeur soutenait que l'ensemble des faits invoqués dans la lettre de licenciement relevaient du droit disciplinaire ; qu'en estimant que ce licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, tout en constatant que les faits invoqués par l'employeur et présentés par lui comme relevant de la faute grave étaient seulement constitutifs d'une insuffisance professionnelle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles L. 1235-1 et L. 1331-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en affirmant que les faits reprochés à M. X... au soutien de son licenciement pour faute grave relevaient de l'insuffisance professionnelle, et en en déduisant que cette mesure reposait sur une cause réelle et sérieuse, quand l'employeur et le salarié indiquaient expressément que les faits invoqués relevaient du droit disciplinaire, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.
Le troisième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à M. X... seulement la somme de 18. 507 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
AUX MOTIFS ADOPTES QUE " l'article 29 de la convention collective prévoit que l'indemnité de licenciement due pour le salarié qui n'est pas licencié pour faute grave se calcule sur la base de 1/ 5 de mois par année d'ancienneté de 1 à 7 ans et 3/ 5 par tranche au-delà de 7 ans avec une majoration de 20 % pour le salarié entre 50 et 55 ans ayant au moins 5 ans d'ancienneté dans l'entreprise sans que le montant total de l'indemnité ne puisse être inférieur à 3 mois. En l'espèce, cette indemnité est égale à trois mois de salaire sur la base d'un salaire mensuel de 6. 169 € soit la somme totale de 18. 507 € " (jugement p. 9),
ALORS QUE l'indemnité de congédiement prévue par l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie doit se calculer sur l'ensemble des rémunérations versées au salarié au cours des douze derniers mois de présence ; qu'en l'espèce, M. X... reprochait au jugement de lui avoir alloué seulement la somme de 18. 507 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement 2 4 correspondant à trois mois de salaire fixé à 6. 169 € mensuels, et faisait valoir, bulletins de paye à l'appui, que le salaire versé au cours des 12 derniers mois était de 93. 928, 45 €, que son salaire mensuel moyen devait donc être fixé à 7. 827 € et qu'il devait obtenir la somme de 23. 481 correspondant à trois mois de salaire ; qu'en confirmant le jugement du conseil de prud'hommes sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-16047
Date de la décision : 20/06/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 14 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 jui. 2012, pourvoi n°11-16047


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Defrenois et Levis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.16047
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