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13/06/2012 | FRANCE | N°11-86163

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 juin 2012, 11-86163


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jean-Marie X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 10 mai 2011, qui, pour fraude fiscale et omission d' écritures en comptabilité, l'a condamné à quinze mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation,

pris de la violation des articles l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jean-Marie X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 10 mai 2011, qui, pour fraude fiscale et omission d' écritures en comptabilité, l'a condamné à quinze mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1741, 1743, 1750 du code général des impôts, L. 47, L. 227 du livre des procédures fiscales, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a rejeté l'exception de nullité soulevée par M. X... ;

"aux motifs que M. X... demande à la cour de dire que la vérification de comptabilité à laquelle a été soumise la SARL Lisa est entachée de nullité au motif de l'inobservation de l'exigence d'un débat oral et contradictoire au cours de l'opération, et que cette irrégularité a entraîné la nullité de la procédure pénale, que les infractions qui lui sont reprochées ne sont pas constituées et qu'en conséquence, sa relaxe doit être prononcée ; qu'il fait valoir que la vérification de la comptabilité de sa société est intervenue entre le 16 mars et le 30 mai 2006, qu'il n'y a pas eu durant cette période de réel débat oral et contradictoire avec les services des impôts, qu'il n'a pu contester la méthode utilisée et que ses droits n'ont dès lors pas été respectés ; que l'administration des impôts estime que M. X... n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il n'y a pas eu de débat oral est contradictoire alors qu'il est établi que de nombreux échanges entre le vérificateur et lui-même sont intervenus dans les locaux mêmes de la société et conclut au rejet de l'exception de nullité et à la confirmation du jugement déféré ; qu'il ressort des pièces de la procédure et qu'il n'est pas formellement contesté qu'un avis de vérification portant sur la période allant du 1er juillet 2002 au 30 juin 2005 et sur la TVA jusqu'au 31 décembre 2005 a été adressé au contribuable, qu'une première intervention sur place a eu lieu le 16 mars 2006, et une dernière intervention le 30 mai 2006 ; qu'une réunion a ensuite eu lieu au bureau du vérificateur le 20 juillet 2006 afin de tenir le contribuable informé de l'état d'avancement de son dossier et de ses suites prévisibles ; qu'une entrevue et des courriers ont été échangés notamment avec l'interlocuteur départemental ; que M. X... a lui-même admis avoir reçu le vérificateur à l'occasion de chacun de ses déplacements, lui avoir remis les documents sollicités et que celui-ci avait pu travailler librement ; que le respect du caractère oral et contradictoire du contrôle est établi et que c'est à bon droit que le premier juge a rejeté l'exception de nullité soulevée par le prévenu ;

"alors que l'observation d'un débat oral et contradictoire lors de l'examen des pièces de comptabilité constitue une garantie essentielle des droits de la défense dont il appartient à la juridiction pénale d'assurer le respect ; qu'il s'ensuit qu'un débat oral et contradictoire doit être instauré par l'administration fiscale tout au long de la procédure de vérification ; que M. X... a fait valoir dans ses conclusions d'appel que le débat contradictoire devait être effectif lors des opérations de vérifications sur place et qu'à cette occasion, il n'avait pas été informé des modalités utilisées par l'administration pour reconstituer le chiffre d'affaire et les résultats, ce qui l'avait privé de la possibilité d'apprécier et de contester la méthode utilisée ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité soulevée par le prévenu, prise du non-respect du principe du contradictoire au cours de la procédure de vérification de comptabilité, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte qu'un débat oral et contradictoire a été instauré entre lui-même et l'administration fiscale, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la loi des 16 et 24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III, des articles 155 A, 1741 et 1750 du code général des impôts, article préliminaire et articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de soustraction frauduleuse au paiement de l'impôt ;

"aux motifs qu'il ressort des éléments de la procédure que M. X... était le gérant de la société Lisa, constituée le 2 mai 2001, avec pour activité le négoce de marchandises diverses sur le marché, au sein de comités d'entreprise ou sur catalogue et également la revente à des marchands forains ; qu'il a été constaté de graves anomalies, des faits d'achats et de vente sans factures ; que le service vérificateur a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires et qu'il est apparu que les déclarations souscrites avaient été minorées ; que le total des droits éludés en matière de TVA a été fixé à la somme de 152 308 euros ; que le montant des droits éludés au titre de l'impôt sur les sociétés a été fixé à 44 971 euros pour l'exercice clos en 2004, ainsi qu'à la somme de 198 420 euros pour l'exercice clos en 2005 soit un total des droits visés pénalement s'élevant à la somme de 243 391 euros ; qu'une proposition de rectification a été adressée au siège social de la société le 28 septembre 2006 ; qu'en ce qui concerne l'omission de passation au titre de la période du juillet au 31 décembre 2005, des écritures dans les documents comptables dont la tenue est obligatoire, le délit est établi au vu des éléments du dossier qui mettent en évidence un certain nombre d'anomalies constatées qui font état d'une comptabilité irrégulière, non sincère et non probante avec absence de caisse enregistreuse, de livre ou brouillard de caisse, de nombreux achats et ventes sans factures ou encore des facturiers non tenus dans l'ordre chronologique, facturations anti-datées et inventaires non détaillés ; que les éléments matériels des délits de fraude fiscale au titre de l'impôt sur les sociétés et au titre de la taxe sur la valeur ajoutée sont établis ; que l'élément intentionnel de la fraude est également établi tant par l'importance des sommes éludées que par le comportement délibéré de M. X... dont la société avait déjà fait l'objet d'un contrôle fiscal et qui a sciemment soustrait la société qu'il dirigeait à l'impôt dont elle était redevable et qui a notamment effectué des achats et ventes sans facturations ;

"alors que le délit de soustraction volontaire au paiement de l'impôt suppose que le contribuable a volontairement dissimulé des sommes qu'il savait sujettes à l'impôt ; qu'il n'est donc constitué que s'il est définitivement acquis que ce contribuable n'a pas déclaré à l'administration fiscale une somme imposable ; que seul le juge de l'impôt est compétent pour statuer sur le montant des sommes dont est redevable le contribuable ; que la cour d'appel ne pouvait donc déclarer M. X... coupable de soustraction frauduleuse au paiement de l'impôt sans que le caractère imposable et le montant des sommes non déclarées ait été définitivement constaté par le juge de l'impôt, que M. X... justifiait avoir saisi ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour déclarer M. X... coupable de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, d'une part, les poursuites pénales fondées sur l'article 1741 du code général des impôts et la procédure administrative qui tend à fixer l'assiette et l'étendue de l'impôt, sont, par leur nature et par leur objet, différentes et indépendantes l'une de l'autre, d'autre part, la constatation de l'omission délibérée de souscrire les déclarations fiscales suffit à caractériser les délits reprochés en tous leurs éléments tant matériels qu'intentionnel, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1741, alinéa 4, du code général des impôts, des articles 61-1 et 62 de la Constitution, ensemble l'article 111-3 du code pénal ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de fraude fiscale et l'a condamné à quinze mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné l'affichage du jugement en mairie pendant trois mois et la publication par extrait du jugement aux frais du condamné dans la Voix du Nord et au Journal officiel ;

"alors que nul ne peut être puni, pour un délit, d'une peine qui n'était pas prévue par la loi ; qu'après avoir déclaré M. X... coupable de fraude fiscale, la cour d'appel a ordonné, notamment, la publication et l'affichage de la décision, par application de l'article 1741, alinéa 4, du code général des impôts ; que ces dispositions ont été abrogées comme contraires à la Constitution ; qu'en conséquence, l'arrêt encourt l'annulation sur ce point" ;

Vu les articles 61-1 et 62 de la Constitution, ensemble l'article 111-3 du code pénal ;

Attendu que, d'une part, une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 précité est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ;

Attendu que, d'autre part, nul ne peut être puni, pour un délit, d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;

Attendu qu'après avoir déclaré M. X... coupable de fraude fiscale, l'arrêt ordonne, notamment, la publication et l'affichage de la décision, par application des dispositions de l'article 1741, alinéa 4, du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date des faits ;

Mais attendu que ces dispositions ont été déclarées contraires à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel du 10 décembre 2010, prenant effet à la date de sa publication au Journal officiel de la République française le 11 décembre 2010 ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 10 mai 2011, en ce qu'il a ordonné la publication et l'affichage de la décision, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Desgrange conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-86163
Date de la décision : 13/06/2012
Sens de l'arrêt : Cas. part. par voie de retranch. sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 10 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 jui. 2012, pourvoi n°11-86163


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.86163
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