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13/06/2012 | FRANCE | N°11-13260

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 juin 2012, 11-13260


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 janvier 2011), que Mme X... a été engagée à compter du 7 novembre 1991 en qualité de comptable par la société Iscar France ; que le 1er janvier 2003, elle a été promue responsable comptabilité, statut cadre ; que la salariée a été en arrêt de travail pour maladie à plusieurs reprises au cours de l'année 2008 et sans discontinuer à compter du 23 juin 2008 ; qu'invoquant la modification unilatérale de son contrat de travail et un har

cèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 janvier 2011), que Mme X... a été engagée à compter du 7 novembre 1991 en qualité de comptable par la société Iscar France ; que le 1er janvier 2003, elle a été promue responsable comptabilité, statut cadre ; que la salariée a été en arrêt de travail pour maladie à plusieurs reprises au cours de l'année 2008 et sans discontinuer à compter du 23 juin 2008 ; qu'invoquant la modification unilatérale de son contrat de travail et un harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur et à la condamnation de celui-ci au paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le changement de prestation de travail imposé au salarié qui a pour effet de lui retirer tout ou partie de ses responsabilités, quand bien même il conserverait son niveau de classification hiérarchique et sa rémunération, constitue une modification de son contrat de travail ; qu'en affirmant, en l'espèce, que les fonctions de chef comptable de Mme X... n'avaient pas été modifiées unilatéralement par l'employeur au seul motif qu'elle avait conservé sa rémunération et « la supervision globale et comptable des éléments de paie », fonction accessoire à ses fonctions de chef comptable, la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants a méconnu, ensemble, les articles L. 1221-1 du code du travail et 1184 du code civil ;
2°/ qu'en jugeant que la réorganisation du service comptable sous la responsabilité de M. Y... n'avait pas eu pour conséquence une modification des fonctions de Mme X... sans avoir recherché, comme elle y était pourtant invitée par cette dernière, si ses fonctions essentielles de responsable comptabilité n'avaient pas été progressivement ramenées à de simples fonctions de collecte d'informations et de saisie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard, ensemble, des articles L. 1221-1 du code du travail et 1184 du code civil ;
3°/ que l'existence du lien de causalité entre les faits de harcèlement, lorsqu'ils sont avérés, et la dégradation de la santé du salarié, est présumé dès lors qu'il apparaît que concomitamment à des actes répétés de harcèlement, le salarié justifie d'une dégradation de ses conditions de travail ou de sa santé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui, après avoir constaté que Mme X... justifiait d'un certain nombre de faits pouvant faire présumer un harcèlement moral, source d'une dégradation de sa santé constatée par des certificats médicaux, a néanmoins rejeté l'existence d'un tel harcèlement au motif que la salariée ne démontrait pas que la dégradation de son état de santé avait pour cause directe les agissements répétitifs de M. Y..., a violé, ensemble, les articles L. 1152-1 du code du travail et 1184 du code civil ;
4°/ que les agissements répétés de l'employeur, qui ont pour effet de modifier progressivement et unilatéralement les fonctions du salarié, peuvent être constitutifs d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a écarté le harcèlement moral sans avoir recherché si les méthodes de gestion pratiquées par M. Y... n'auraient pas eu pour conséquence une modification des fonctions essentielles de « chef comptable » de Mme X... et n'auraient pas caractérisé, ainsi, une atteinte à ses droits professionnels, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1221-1 du code du travail, ensemble, l'article 1184 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a constaté, par motifs propres et adoptés, que la salariée avait conservé la supervision globale et comptable des éléments de paie et qu'elle ne s'était pas vu retirer les procurations qui lui avaient été confiées, a pu en déduire que le contrat de travail de l'intéressée n'avait pas été modifié ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a retenu que le changement apporté dans les habitudes professionnelles de l'intéressée s'inscrivait dans le cadre d'une réorganisation du service comptabilité, de sorte que les faits invoqués par elle comme pouvant faire présumer l'existence d'un harcèlement moral étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... se l'ensemble de ses demandes et de l'avoir condamnée aux entiers dépens ;
AUX MOTIFS QU' « il est constant qu'en juin 2007 un nouvel organigramme plaçait Madame Marie-Christine X... sous la responsabilité d'un directeur administratif et financier, Monsieur Y... qui devait être remplacé le 22 avril 2008 par Monsieur Z... ; que celui-ci avait pour mission de réorganiser la gestion administrative de la société et de contrôler de façon plus rigoureuse ce que faisaient les agents placés sous son autorité ; que Madame Marie-Christine X... a prétendu avoir subi pendant plusieurs mois de la part de Monsieur Y... des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral ; que, selon elle, ses fonctions de responsable de la comptabilité ont été progressivement dévaluées jusqu'à être réduites à un travail de pure exécution exercé normalement par les comptables et non par la responsable de la comptabilité ; qu'ayant été en arrêt de maladie elle a fait valoir qu'elle avait été remplacée par des salariés intérimaires "non cadre" ce qui serait à son avis la preuve de sa déclassification de fait ; qu'ayant avisé sa direction qui avait d'ailleurs connaissance de ses arrêts de maladie résultant de relations professionnelles difficiles, Madame Marie-Christine X... a prétendu que son employeur a failli à son obligation d'agir sur le fondement de son obligation de sécurité de résultat ; que ce dernier ayant sous-évalué les risques a engagé sa responsabilité ; que c'est par lettre adressée à Monsieur A... en date du 22 mai 2008 qu'elle a exposé les agissements répétés de M. Y..., selon elle, constitutifs d'un harcèlement moral, tenant à des propos menaçants et dégradants à son encontre, à des manoeuvres de celui-ci visant à compromettre son avenir professionnel dans ses fonctions de responsable comptable ; qu'elle concluait son courrier en ces termes : "je vous serais donc obligé de me faire connaître les suites que vous entendez prendre pour la réparation du préjudice que j'ai subi du fait du harcèlement moral que vous avez laissé perdurer, et les mesures que vous envisagez de mettre en oeuvre en ce qui concerne la modification de mon contrat de travail" ; que l'article L. 1152-1 du code du travail dispose : "Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel" ; que le salarié qui invoque le harcèlement moral doit étayer ses allégations par des éléments de faits précis, a charge ensuite pour l'employeur de rapporter la preuve que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs du harcèlement et s'expliquent par des éléments objectifs ; que, dans le cas présent, Madame Marie-Christine X... a effectivement faits valoir un certain nombre de faits pouvant faire présumer un harcèlement moral source d'une dégradation de sa santé constatée par des certificats médicaux ; mais qu'il est établi que M. Y..., mis en cause par Madame Marie-Christine B... Y, a été recruté dans le cadre de la reprise de la société par le groupe BERKSHIRE-HATAWAY, que la nouvelle direction pouvait légitimement, dans le cadre de son pouvoir propre, réorganiser les modalités de gestion de la société notamment sur le plan comptable ; que M. A... avait d'ailleurs répondu à Madame Marie-Christine X... le 2 juin 2008 : "En juin 2007, nous avons recruté un nouveau directeur administratif et financier, M. Christophe Y..., en remplacement de M. Arnaldo C... qui avait été muté à l'étranger. M. Y..., qui était votre responsable hiérarchique direct, m'a rapidement proposé un plan d'actions visant à améliorer le service comptabilité dont vous avez la responsabilité. Les différentes mesures proposées visaient notamment à : sécuriser les moyens de paiement, structurer la préparation du reporting mensuel, assurer une saine séparation des tâches. J'ai accepté ce plan d'actions et encouragé M. Y... à le mettre en oeuvre, car il reposait sur des mesures de saine gestion. Aucune de ces mesures ne remettaient en cause la confiance que nous avons en vous et vos collègues du service comptable. Si ce plan d'actions pouvait bouleverser quelque peu vos habitudes, c'était pour le bien de l'entreprise à long terme, et j'ai eu l'occasion de vous l'expliquer" ; que cette démarche était légitime dans le cadre du pouvoir de direction dont le juge n'a pas à apprécier le bien-fondé ; qu'en l'espèce, s'il est effectivement vraisemblable que Madame Marie-Christine X... a été déstabilisée dans ses habitudes professionnelles, elle n'a pas pour autant démontré que la dégradation de son état de santé avait pour cause directe des agissements répétitifs de M. Y... ayant pour objet la dégradation de ses conditions de travail ; qu'il résulte en effet des pièces versées au débat par l'employeur que les faits invoqués par la salariée appelante, se situent dans le cadre des instructions de meilleur gestion reçu par M. Y... et que contrairement aux affirmations de cette dernière elle n'a pas vu son contrat de travail de responsable comptable modifié, son salaire mensuel étant resté identique et Madame Marie-Christine X... ayant toujours gardé la supervision globale et comptable des éléments de paie ; que le fait que des salariés intérimaires non cadre aient été recrutés pour la remplacer pendant son absence est inopérant puisque il était bien précisé : "remplacement pour partie des tâches de Madame Marie-Christine X..." ; qu'il suit de ce qui précède que le harcèlement moral de Madame Marie-Christine X... n'est pas établi, que dès lors l'employeur n'a pas en l'espèce failli à son obligation de sécurité à l'égard de cette dernière qui s'était trouvée confrontée aux difficultés résultant d'une réorganisation administrative » ;
ALORS, de première part, QUE le changement de prestation de travail imposé au salarié qui a pour effet de lui retirer tout ou partie de ses responsabilités, quand bien même il conserverait son niveau de classification hiérarchique et sa rémunération, constitue une modification de son contrat de travail ; qu'en affirmant, en l'espèce, que les fonctions de chef comptable de Madame X... n'avaient pas été modifiées unilatéralement par l'employeur au seul motif qu'elle avait conservé sa rémunération et « la supervision globale et comptable des éléments de paie », fonction accessoire à ses fonctions de chef comptable, la Cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants a méconnu, ensemble, les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1184 du Code civil ;
ALORS, de deuxième part, QU'en jugeant que la réorganisation du service comptable sous la responsabilité de Monsieur Y... n'avait pas eu pour conséquence une modification des fonctions de Madame X... sans avoir recherché, comme elle y était pourtant invitée par cette dernière, si ses fonctions essentielles de responsable comptabilité n'avaient pas été progressivement ramenées à de simples fonctions de collecte d'informations et de saisie, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard, ensemble, des articles L. 1221-1 du Code du travail et 1184 du Code civil ;
ALORS, de troisième part, QUE l'existence du lien de causalité entre les faits de harcèlement, lorsqu'ils sont avérés, et la dégradation de la santé du salarié, est présumé dès lors qu'il apparaît que concomitamment à des actes répétés de harcèlement, le salarié justifie d'une dégradation de ses conditions de travail ou de sa santé ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui, après avoir constaté que Madame X... justifiait d'un certain nombre de faits pouvant faire présumer un harcèlement moral, source d'une dégradation de sa santé constatée par des certificats médicaux, a néanmoins rejeté l'existence d'un tel harcèlement au motif que la salariée ne démontrait pas que la dégradation de son état de santé avait pour cause directe les agissements répétitifs de Monsieur Y..., a violé, ensemble, les articles L. 1152-1 du Code du travail et 1184 du Code civil ;
ALORS, de quatrième part, QUE les agissements répétés de l'employeur qui ont pour effet de modifier progressivement et unilatéralement les fonctions du salarié, peuvent être constitutifs d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui a écarté le harcèlement moral sans avoir recherché si les méthodes de gestion pratiquées par Monsieur Y... n'auraient pas eu pour conséquence une modification des fonctions essentielles de « chef comptable » de Madame X... et n'auraient pas caractérisé, ainsi, une atteinte à ses droits professionnels, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1221-1 du Code du travail, ensemble, l'article 1184 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-13260
Date de la décision : 13/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 05 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 jui. 2012, pourvoi n°11-13260


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.13260
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