LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité de conducteur de véhicule sanitaire par la société Ambulance trélazéenne par contrat à durée déterminée sur la période du 22 janvier au 22 juillet 2004 ; que par avenant du 23 juillet 2004, les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée sur la base de 20 heures par semaine ; que lors d'une visite médicale en date du 14 octobre 2005, le médecin du travail a conclu à l'aptitude du salarié avec les restrictions suivantes : " pas de conduite d'un véhicule plus de 4 heures par jour, pas de conduite de véhicule fauteuil, préférer des horaires du matin " ; que la société Ambulance trélazéenne a cédé son activité à la société DGT le 30 juin 2006 ; que M. X... a été placé en arrêt de travail du 14 au 26 décembre 2006 ; qu'à l'issue d'une visite médicale provoquée par le salarié, le médecin du travail a de nouveau déclaré ce dernier apte avec les réserves suivantes : pas de conduite de véhicule plus de 4 heures par jour, apte à des tâches de secrétariat, à revoir en visite annuelle fin février 2007 ; que par courrier du 14 février 2007, l'intéressé a démissionné de son poste en invoquant divers griefs ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins, notamment, de voir requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et la démission en rupture aux torts de l'employeur et voir condamner celui-ci à lui verser diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1224-2 du code du travail ;
Attendu que si l'obligation au paiement d'une indemnité de requalification d'un contrat à durée déterminée naît dès la conclusion de ce contrat en méconnaissance des exigences légales et pèse en conséquence sur l'employeur l'ayant conclu, cette circonstance ne fait pas obstacle à l'application de l'article L. 1224-2 du code du travail en vertu duquel, sauf dans certains cas, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'arrêt retient que la société DGT ne peut être tenue, en application de l'article L. 1224-2 du code du travail au paiement d'une indemnité de requalification qui doit en réalité s'analyser en dommages-intérêts pour irrégularité formelle de l'embauche initiale de l'intéressé, irrégularité exclusivement imputable à la société Ambulance trélazéenne ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu les articles R. 4624-17 et R. 4624-19 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en requalification de la démission en prise d'acte de la rupture ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient, par motifs propres, que l'existence de la prétendue mauvaise foi de la société DGT dans l'exécution du contrat de travail et après sa rupture n'est pas établie, que les éventuelles absences de visite médicale ne sont pas imputables à la société et, par motifs adoptés, que s'agissant des examens médicaux périodiques dans le cadre du suivi de l'état de santé des salariés, il était prévu que la médecine du travail examine M. X... le 27 février 2007, ce qui n'a pas été possible en raison de sa lettre de démission adressée à l'employeur à la même époque, de sorte que la société DGT n'a commis aucun manquement ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier si l'employeur avait procédé dans le cadre de la surveillance médicale renforcée d'un salarié handicapé, aux examens périodiques renouvelés au moins une fois par an, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande du salarié en paiement de l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et ses demandes en requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement des indemnités subséquentes, l'arrêt rendu le 6 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société DGT aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société DGT à payer à la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas la somme de 2 500 euros, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande en paiement d'une indemnité de requalification de son contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
" Les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs appels principal et incident ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le tribunal a connu et auxquels il a répondu, au moins pour l'essentiel, par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;
en effet, tout d'abord, que c'est là encore par de justes motifs, qui sont tout aussi adoptés, que les premiers juges ont estimé :
- que la société DGT ne pouvait pas être tenue, en application de l'article L 1224-2 du code du travail, au paiement d'une indemnité de requalification, qui doit en réalité s'analyser en termes de dommages et intérêts, pour irrégularité formelle de l'embauche initiale de François X... par contrat à durée déterminée du 22 janvier au 22 juillet 2004, irrégularité exclusivement imputable à la société Ambulances Trelazenne
(…),
En bref, l'on doit admettre que ni l'une ni l'autre des parties au présent litige ne contestent utilement les constatations de fait des premiers juges et/ ou, de manière plus générale et pour l'essentiel, l'application à ces faits du droit positif applicable en la matière. ",
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
" La société AMBULANCES TRELAZEENNE embauche Monsieur X... dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée sur la période du 22 janvier au 22 juillet 2004, sans indication expresse d'un des motifs légaux de recours à ce type de convention que prévoient les articles L 1241-2 et L 1242-3 du Code du travail.
L'article L 1242-12 du même code rappelle ainsi que : " le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée … ".
Par un " avenant " du 23 juillet 2004, les parties conviennent que Monsieur X... est finalement recruté pour une durée indéterminée à compter du même jour, et sur la base de 20 heures hebdomadaires, en qualité de chauffeur ambulancier.
La circonstance que le contrat à durée déterminée ait été poursuivi à l'échéance du terme ou que le salarié ait été, après l'échéance du terme, engagé par un contrat à durée indéterminée ne le prive pas du droit de demander la requalification du contrat à durée déterminée initial qu'il estime irrégulier en contrat à durée indéterminée, sur le fondement des dispositions de l'article L 1245-2 du Code du travail rendu applicable.
Pour autant, au plan des principes, l'indemnité de requalification d'un contrat à durée déterminée nait dès la conclusion de celui-ci en méconnaissance des exigences légales, et pèse ainsi sur l'employeur l'ayant initialement conclu, ce qui exclut le repreneur ou cessionnaire en vertu de l'article L 1224-2 dudit code.
En l'espèce, la société AMBULANCE TRELAZEENNE a cédé son activité à la société DGT à compter du 30 juin 2006, et dès le 1er juillet 2006 prend effet un avenant au contrat de travail de Monsieur X... qui a comme nouvel employeur la partie défenderesse (article 1er : " dans le cadre de l'article L122-12 du Code du travail, Monsieur François X... est repris à compter du 1er juillet 2006 … par la société DGT en qualité de conducteur de véhicule sanitaire ambulancier 2ème degré ").
Il en ressort que la société DGT n'est donc pas directement redevable de cette indemnité de requalification liée au contrat à durée déterminée conclu irrégulièrement par la société AMBULANCE TRELAZEENNE antérieurement à l'opération de transfert susvisée.
Monsieur X... est en conséquence débouté de se demande indemnitaire de ce chef dirigée contre la société DGT ",
ALORS QUE si l'obligation au paiement d'une indemnité de requalification d'un contrat à durée déterminée naît dès la conclusion de ce contrat en méconnaissance des exigences légales et pèse en conséquence sur l'employeur l'ayant conclu, cette circonstance ne fait pas obstacle à l'application de l'article L. 1224-2 du code du travail en vertu duquel, sauf dans certains cas, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, si bien qu'en retenant que la société DGT ne pouvait pas être tenue, en application de l'article susvisé, au paiement d'une indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée qui devait s'analyser en termes de dommages et intérêts, pour irrégularité formelle de l'embauche initiale de François X... par contrat à durée déterminée du 22 janvier au 22 juillet 2004, irrégularité exclusivement imputable à la société Ambulances Trelazenne, la Cour d'appel a violé l'article L 1224-2 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de ses demandes tendant à la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur et à la condamnation de celui-ci à lui verser diverses sommes tant au titre de l'exécution de mauvaise foi que de la rupture du contrat de travail,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
" l'existence de la prétendue exécution de mauvaise foi, par la société DGT, du contrat de travail de François X..., pendant l'exécution de ce contrat et après sa rupture, n'était pas établie, étant par exemple observé que les éventuelles " absences de visite " de François X... ne sont là encore pas imputables à la société DGT, que François X... reconnait lui-même (cf sa propre pièce n° 8) que " ses horaires ont été aménagés pour favoriser le suivi de son travail et de ses soins ", ce qui est d'ailleurs confirmé par le témoin Cesbron et rend à soi seul inopérant son actuel moyen tiré du fait de l'absence d'adaptation, par la société DGT, de son poste de travail, que, quoiqu'en dise l'intéressé, il n'est pas apporté le moindre commencement de preuve (cf les pages 11 à 14 de ses écritures d'appel) de ce que, compte tenu de l'organisation de la société DGT et en l'état de documents pour l'essentiel incompréhensibles, faute notamment de tout commentaire à peut près cohérent, ou au contraires non utilement contestés par lui (cf « la » pièce 26 de la société DGT), il effectuait réellement plus de quatre heures de conduite par jour, comme l'avait préconisé le médecin le médecin du travail compétent le 12 janvier 2007, étant observé que chacun sait que, de manière générale et faute là encore d'explication à peu près cohérente, l'activité d'un ambulancier comporte des « temps d'attente » au moins égaux à un quart de ses activités, que le prétendu témoignage Y..., d'ailleurs irrégulier en la forme au regard de l'article 202 du code de procédure civile, est en tout état de cause là encore incompréhensible … ;
Qu'en bref, l'on doit admettre que ni l'une ni l'autre des parties au présent litige ne contestent utilement les contestations de fait des premiers juges et/ ou, de manière plus générale et pour l'essentiel, l'application à ces faits du droit positif applicable en la matière
Considérant, cela étant, que l'on doit admettre que, contrairement cette fois-ci à ce qui a pu être jugé en première instance, le seul fait que la société DGT ait été finalement reconnue débitrice de François X..., à la date de la démission de celui-ci, d'une somme globale d'un peu plus de 315 euros, sur une période de huit mois, dont près de la moitié relevant d'une prime de tenue que l'employeur pouvait à l'époque estimer, même à tort, comme devenue " sans objet ", ne revêt pas un caractère de gravité tel qu'il justifie la requalification de la démission de François X... en licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors surtout, d'une part, que celui-ci ne faisait à aucun moment état, dans sa lettre de démission (cf sa propre pièce n° 17), de créances salariales qui ne lui auraient pas été payées, créances dont il ne justifie pas non plus, d'une manière ou d'une autre, avoir réclamé paiement à son employeur avant cette démission, et, de l'autre, qu'il ne justifie pas non plus des prétendues " remarques désobligeantes', " brimades " ou " insultes " dont il aurait été victime de la part de son ancien employeur, étant là encore observé que le témoignage Fandard ne prouve rien, sinon que l'un des associés de la société DGT était " un homme froid et sévère ", que le témoignage Y... est, comme il l'a déjà été précisé, incompréhensible, que ! e témoignage Guibert (cf la pièce 106 de François X... à laquelle il est au besoin renvoyé), chargé du recrutement de François X... sur un autre emploi, ne caractérise nullement un dénigrement, mais atteste seulement du fait que l'un des représentants de la société DGT lui avait répondu à l'époque " qu'il avait des soucis avec François X... (en ce sens) qu'il était (alors) en procédure de prud'hommes.... mais n'avait toujours pas reçu la décision prud'homale ", ce qui était à l'époque objectivement exact, se serait refusé de se prononcer sur l'existence ‘ d'une faute grave " (et pour cause), mais lui aurait en tout état de cause expressément déclaré " qu'il ne voulait pas dénigrer Mr X... quant à son travail ", ce qui est radicalement contraire à ce que le salarié soutient actuellement et que l'unique témoignage Devaud est contredit par les témoignages Z..., A..., B..., C..., D..., E... ;
Qu'abstraction faite de moyens de fait qui restent là encore à l'état de simples allégations, il convient en conséquence d'infirmer partiellement la décision déférée, mais dans ces seules limites ",
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
" Le manquement de l'employeur initial – la société AMBULANCE TRELAZEENNE – à son obligation de procéder à une visite médicale d'embauche, conformément à l'article R 241-48 du Code du travail alors applicable, ne peut être imputé à la société DGT qui a poursuivi le contrat de travail de Monsieur X... à compter du mois de juillet 2007, soit environ 3 ans et demi après son recrutement.
S'agissant de l'exigence d'examens médicaux périodiques, dans le cadre du suivi de l'état de santé des salariés, il était prévu que la médecine du travail – SMIA de l'Anjou-examine précisément Monsieur X... le 27 février 2007, ce qui n'a pas été possible en raison de sa lettre de démission adressée à l'employeur à la même époque, de sorte que là encore la société DGT n'a commis personnellement aucun manquement particulier ",
ALORS QU'en retenant, pour rejeter les demandes de Monsieur X... tendant à la constatation de la mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat et à la condamnation de celui-ci à payer diverses sommes au salarié, qu'une visite médicale, prévue pour le 27 février 2007, n'avait pu avoir lieu du seul fait de sa démission, quand la précédente visite médicale datait d'octobre 2005 et que les travailleurs handicapés bénéficient d'une surveillance médicale renforcée avec des examens périodiques au moins une fois par an et que la circonstance que le médecin du travail est juge de la fréquence des examens que comporte la surveillance médicale renforcée ne permet pas d'éluder le renouvellement annuel des examens périodiques pratiqués dans le cadre de la surveillance médicale renforcée, la Cour d'appel a violé les articles R 4624-17, R 4624-19 et R 4624-20 du Code du travail,
ALORS EN CONSEQUENCE QU'en retenant que le seul fait que la société DGT ait été reconnue débitrice de Monsieur X..., à la date de la démission de celui-ci, d'une somme globale d'un peu plus de 315 euros, ne revêt pas un caractère de gravité tel qu'il justifie la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, quand l'absence de respect du renouvellement annuel des examens périodiques pratiqués dans le cadre de la surveillance médicale renforcée attachée au statut de travailleur handicapé était de nature à permettre la requalification de la démission en licenciement sans cause réelle ni sérieuse, la Cour d'appel a violé les articles L 1231-1, L 1232-1, L 1235-1 et suivants et L 1237-1 du Code du travail.