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12/06/2012 | FRANCE | N°11-19401;11-19402

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 juin 2012, 11-19401 et suivant


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° S 11-19. 402 et R 11-19. 401 ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° S 11-19. 402 dirigé contre l'arrêt n° RG 10/ 00486 :
Attendu qu'ayant relevé de M. X... disposait déjà d'un accès carrossable conforme à la destination de résidence secondaire de sa propriété, et que la voie projetée, destinée à la désserte d'une exploitation sylvicole, ne présentait pas d'utilité et ne correspondait pas à l'usage normal de la résidence de M. X..., la cour d'appel a,

sans dénaturation, légalement justifié sa décision ;
Sur le moyen unique du po...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° S 11-19. 402 et R 11-19. 401 ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° S 11-19. 402 dirigé contre l'arrêt n° RG 10/ 00486 :
Attendu qu'ayant relevé de M. X... disposait déjà d'un accès carrossable conforme à la destination de résidence secondaire de sa propriété, et que la voie projetée, destinée à la désserte d'une exploitation sylvicole, ne présentait pas d'utilité et ne correspondait pas à l'usage normal de la résidence de M. X..., la cour d'appel a, sans dénaturation, légalement justifié sa décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° R 11-19. 401 dirigé contre l'arrêt n° RG 09/ 07379 :
Attendu qu'ayant exactement retenu qu'il résultait de la loi du 15 juin 1906 que la société ERDF bénéficiait du droit de couper les arbres et branches se trouvant à proximité de ses installations et pouvant occasionner un danger, la cour d'appel, qui a relevé qu'un constat d'huissier de justice du 28 mai 2009 établissait que les arbres avaient atteint voire dépassé les câbles électriques, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. X... aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la société ERDF la somme de 2 000 euros ; rejette les demandes de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, troisième chambre civile, et prononcé par Mme le président en l'audience publique du douze juin deux mille douze, signé par Mme Fossaert, président, et par Mme Berdeaux, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi n° R 11-19. 401
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir enjoint à M. X... de laisser ERDF pénétrer dans sa propriété sise à Montarcher, lieudit ..., pour y procéder à l'élagage des arbres conformément aux règles de distance énoncées par l'article 26 de l'arrêté en date du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique,
AUX MOTIFS QUE « Sur le bien fondé de la demande, il n'est pas contesté que la ligne électrique, régulièrement implantée selon l'arrêté du 4 décembre 1989 de monsieur le préfet du département de la Loire, est comprise entre 7. 20m environ et 10, 80 m. Or, les distances de base au dessus du sol imposées par la réglementation pour cette catégorie de lignes sont de : • 4 mètres pour les conducteurs isolés, en dehors des traversées et surplombs des voies ouvertes à la circulation publique dans leur partie normalement utilisées pour la circulation des véhicules, • 6 mètres pour les conducteurs nus ainsi que pour les conducteurs isolés, dans les traversées ou surplombs visés ci-dessus. Aucun reproche n'apparaît pouvoir être formulé de ce chef à l'encontre de la société ERDF. Il est constant en droit comme résultant de la simple application de la loi du 15 juin 1906 sur la distribution d'énergie électrique, que ERDF bénéficie d'un droit exorbitant du droit commun de couper les arbres et branches d'arbres qui, se trouvant à proximité de l'emplacement des conducteurs d'électricité gênent leur pose ou pourraient, par leur mouvement ou leur chute, occasionner des courts-circuits ou des avaries aux ouvrages et que l'exploitation des ouvrages de la concession est assurée par le concessionnaire, à ses frais et sous sa responsabilité. Le droit d'ERDF de procéder dans ce cadre à un élagage des arbres situés à proximité des conducteurs électriques y compris sur la propriété d'un tiers est donc incontestable. Présentement, le procès verbal de constat établi par maître Y..., huissier de justice, à la date déjà ancienne du 28 mai 2009, établi sans contestation possible que ces sapins ont atteint la hauteur des câbles. Certaines cimes de sapins dépassent même les câbles électriques. ERDF explique parfaitement que le danger potentiellement mortel par électrocution pour certains utilisateurs de laisser les choses en l'état au risque de voir le danger encore augmenter au fur et à mesure de la croissance de ces arbres. Il y a donc manifestement urgence à intervenir et absence de contestation sérieuse en ce domaine permettant au juge des référés de statuer. Rien n'obligeant ERDF à utiliser sur ses lignes un isolant à conducteur, il n'y a pas lieu de lier cet élagage à une mesure d'instruction technique de nature à étudier une telle possibilité. Il n'y a pas lieu non plus d'ordonner une mesure d'expertise pour étudier les modalités de cet élagage, monsieur X... pouvant parfaitement se faire assister du professionnel de son choix lors de l'exécution de cette opération par les services compétents d'ERDF qui s'engagent à ne mutiler qu'au minimum les arbres exactement concernés. »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE ; « Sur la demande d'élagage des arbres appartenant à Monsieur X... et se situant à proximité des lignes électriques en question : Attendu qu'aux termes de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, le Président peut « même en présence d'une contestation sérieuse » prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; Attendu qu'en vertu des dispositions de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements ; Attendu que la société ERDF sollicite du Tribunal, sur le fondement des dispositions de la loi du 15 juin 1906 et notamment en son article 12 et de l'arrêté en date du 17 mai 2001, pris en son article 26, fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique, qu'il ordonne à Monsieur Michel X... de la laisser pénétrer dans sa propriété afin de procéder à l'élagage des arbres qui menaceraient l'ouvrage électrique aérien sous astreinte de 200 euros par jour de retard au-delà de quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, et au besoin avec l'aide de la force publique ; Que Monsieur X... conteste ces demandes aux motifs que ces implantations électriques sont non réglementaires car des dispositions particulières doivent être prises en milieu boisé et que ERDF ne démontrerait pas le dommage imminent ; Attendu que selon procès verbal de constatation d'huissier de justice en date du 28 mai 2009, les arbres appartenant aux défendeurs ont atteint la hauteur des lignes électriques installées par la partie demanderesse ; que ces câbles n'étant pas isolés, les arbres, l'habitation et les proches de Monsieur X... courent un danger notamment en période de grand vent qui occasionnerait un balancement de grande amplitude des arbres susceptible d'endommager l'installation électrique et de provoquer de graves dommages ; Qu'ainsi devant cette urgence, il y a lieu de faire droit à la demande d'ERDF dans les limites de l'article 26 de l'arrêté précité du 17 mai 2001 ; Sur la demande d'expertise : Attendu que Monsieur X... sollicite une expertise afin de déterminer ceux des arbres qui doivent faire l'objet d'un élagage et les conditions de celui-ci ; Attendu que les arbres devant faire l'objet de cette taille sont ceux menaçant directement les lignes haute tension et pouvant provoquer des dommages aux biens et aux personnes ; qu'il convient dès lors de rejeter cette demande d'expertise vu l'imminence des dommages ; »,

ALORS D'UNE PART QUE le droit du propriétaire d'opérer des modifications de sa propriété conformes à son utilisation normale, et notamment de se clore, contraint le concessionnaire bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique à modifier ou déplacer les ouvrages, ce qui constitue une contestation sérieuse faisant échec à la compétence du juge des référés même en cas d'urgence ; qu'en écartant, pour autoriser l'élagage des arbres clôturant la propriété de M. X..., l'existence de toute contestation sérieuse sans s'expliquer, ainsi que l'y invitaient pourtant M. X... dans ses conclusions d'appel, sur son droit de se clore susceptible de contraindre la société ERDF à déplacer son ouvrage, la Cour n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur l'existence d'une contestation sérieuse et a privé sa décision de base légale au regard des articles 808 du code de procédure civile et 12 de la loi du 15 juin 1906.
ALORS D'AUTRE PART QUE en application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire de sorte que la cassation de l'arrêt du 5 avril 2011 (RG 10/ 00486), qui a débouté l'exposant de sa demande tendant à voir ordonner le déplacement du pylône transformateur installé par ERDF afin de réaliser un nouvel accès à sa propriété, entraînera nécessairement la cassation du présent arrêt n° RG 09/ 07 379 qui a autorisé l'élagage des arbres clôturant la propriété de M. X... en raison de leur proximité avec la ligne électrique.
Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi n° S 11-19. 402
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance de référé au terme de laquelle le juge des référés a débouté M. X... de sa demande tendant à voir ordonner le déplacement du pylône transformateur installé par la société ERDF afin de lui permettre de réaliser un nouvel accès à sa propriété en se déclarant incompétent en présence d'une contestation sérieuse,
AUX MOTIFS QUE « Sur le bien fondé de la demande, il convient de noter qu'en droit le principe en la matière est que la loi de 1906 sur les servitudes de passage des conducteurs électriques n'opère aucune dépossession de sa propriété au détriment du propriétaire du fonds, débiteur de la servitude. Ce dernier conserve notamment le droit de se clore, de bâtir et de prendre l'initiative de modifications quant à l'usage de son fonds pouvant impliquer des déplacements de ligne et donc de cette servitude de passage en aérien avec modification de l'implantation des pylônes et autres transformateurs. La jurisprudence exige cependant que ces modifications quant à l'usage soient légitimes, qu'elles correspondent à un usage normal du fonds. Présentement, il n'est pas contesté que monsieur X... dispose d'un accès carrossable à sa propriété laquelle est à usage de résidence secondaire. Il a pu certainement jusqu'à présent gérer au mieux sa propriété et notamment procéder à l'entretien d'arbres dont il est dit qu'ils seraient antérieurs à la ligne électrique datant elle même de plus de 20 années. Dans ces conditions, on comprend que la société ERDF dénonce le caractère incongru de la voie ainsi projetée qui n'aurait qu'une utilité sylvicole en forme de voie de desserte destinée à l'exploitation forestière. Il y a bien pour le moins contestation sérieuse à soutenir qu'une telle voie aurait une utilité quelconque pour monsieur X... et correspondrait à un usage normal d'une résidence de loisir. Dans ces conditions le juge des référés, et la cour à sa suite, ne peuvent que constater l'incompétence du juge du provisoire et débouter monsieur X... des fins de ses demandes. »,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Attendu qu'en vertu de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile le Président peut, dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ; Attendu que la requérant sollicite le déplacement du pylône transformateur installé par ERDF aux fins d'établir un nouvel accès à sa propriété pour permettre le chargement de bois sur des camions ; Attendu que, s'il conserve son droit de propriété sur la parcelle de terrain utilisée par la SA ERDF et en vertu duquel il peut émettre nombre de revendications, M. X..., concessionnaire, ne peut légitimement prétendre, en raison de la conciliation des droits de chaque partie à l'instance, à une modification de servitude sans apporter la preuve de sa nécessité et donc de celle de l'obligation pesant sur ERDF ; Qu'il convient, dès lors, de débouter M. X... de sa demande ; »,

ALORS D'UNE PART QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en relevant qu'il n'est pas contesté que M. X... dispose d'un accès carrossable à sa propriété pour en déduire le caractère incongru et inutile de la voie projetée, laquelle n'aurait qu'une utilité sylvicole en forme de desserte destinée à l'exploitation forestière, ce que contestait pourtant formellement ce dernier dans ses conclusions d'appel, la Cour a dénaturé le sens clair et précis des conclusions de M. X... et partant, a violé l'article 4 du code de procédure civile.
ALORS (SUBSIDIAIREMENT) D'AUTRE PART QUE seul l'exercice abusif par le propriétaire de son droit d'opérer des modifications à sa propriété qui implique la démonstration de son intention de nuire est susceptible de constituer une contestation sérieuse faisant échec à la compétence du juge des référés ; qu'en se contentant, pour retenir l'existence d'une contestation sérieuse, de réfuter l'usage normal par M. X... de son droit de propriété en relevant le caractère incongru de la voie projetée qui n'aurait qu'une utilité sylvicole en forme de voie de desserte destinée à l'exploitation forestière, motifs qui ne caractérisent aucunement l'intention de nuire de ce dernier et se bornent à porter une appréciation purement subjective sur l'utilité du projet, la Cour n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur l'existence d'une contestation sérieuse et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, ensemble l'article 12 de la loi du 15 juin 1906.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-19401;11-19402
Date de la décision : 12/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Cour d'appel de Lyon, 5 avril 2011, 09/07379
Cour d'appel de Lyon, 5 avril 2011, 10/00486

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 05 avril 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 jui. 2012, pourvoi n°11-19401;11-19402


Composition du Tribunal
Président : Mme Fossaert (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.19401
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