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12/06/2012 | FRANCE | N°11-18578

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2012, 11-18578


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 mars 2011), statuant sur contredit, que M. X... a été engagé par la société Schering Plough, filiale française du groupe américain Schering Plough, par un contrat à durée indéterminée du 6 août 1998 en qualité de directeur de la "business unit" "Unité thérapeutique des affections respiratoires/Dermatologie" ; qu'après avoir été promu le 1er septembre 2002, au poste de directeur de région MNEA "Proche et Moyen-Orient et Afrique an

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 mars 2011), statuant sur contredit, que M. X... a été engagé par la société Schering Plough, filiale française du groupe américain Schering Plough, par un contrat à durée indéterminée du 6 août 1998 en qualité de directeur de la "business unit" "Unité thérapeutique des affections respiratoires/Dermatologie" ; qu'après avoir été promu le 1er septembre 2002, au poste de directeur de région MNEA "Proche et Moyen-Orient et Afrique anglophone", il a signé un nouveau contrat de travail de droit français avec la société Sentipharm AG, filiale suisse du groupe Schering Plough ; qu'il a signé le 19 mars 2005 une lettre de mission adressée par la société américaine Schering Plough International l'affectant à Dubaï pour une durée de trois ans ; que suite au transfert de l'activité de la société Sentipharm AG à la filiale suisse Essex Chemie AG, le salarié a signé un accord de collaboration le 4 avril 2005 avec celle-ci ; que les 30 avril et 20 mai 2005 la société Sentipharm AG a établi les documents relatifs à la rupture du contrat de travail ; qu'il a été licencié par la société Essex Chemie AG le 26 mars 2007 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire la juridiction française incompétente pour connaître de l'action qu'il a engagée alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié qui a toujours accompli sa prestation de travail dans le cadre d'un groupe de sociétés étroitement liées peut, en cas de litige avec ces sociétés, saisir valablement le conseil de prud'hommes du lieu de conclusion du contrat de travail initial ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X... avait été engagé le 6 août 1998 par la société Schering Plough filiale du groupe américain Schering Plough, qu'à compter du 1er septembre 2002 il avait, à la suite d'une promotion, signé un contrat de travail avec la société Sentipharm AG, filiale suisse du groupe Schering Plough, puis suite à la radiation du registre du commerce de cette dernière société, signé le 19 mars 2005 une lettre de mission adressée par la société américaine Schering Plough International et enfin, le 4 avril 2005, un accord de collaboration avec la société Essex Chemie AG, filiale suisse du groupe américain Schering Plough ; qu'il résultait de ces constatations que M. X... avait toujours été employé par des sociétés du groupe Schering Plough ; qu'ainsi en déniant au salarié la faculté de saisir le conseil de prud'hommes de Paris, lieu de conclusion du contrat initial, la cour d'appel a violé l'article R. 1412-1 du code du travail ;
2°/ que la cour d'appel ne pouvait écarter l'application de la convention de Lugano au motif que "l' Etat de Dubaï n 'a pas adhéré à la dite convention" dès lors que la société Essex Chemie AG, employeur de M. X..., était domiciliée en Suisse, pays signataire de ladite convention ; qu'elle a ainsi violé l'article 1134 du code civil et les articles 1, 2 et 5 de la convention de Lugano du 16 septembre 1988 ;
3°/ que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, à la fois écarter l'application de la convention de Lugano au motif que l'Etat de Dubaï n'y avait pas adhéré et retenir que M. X... "ne peut se prévaloir des articles 14 et 15 du code civil dont l'application est exclue par la convention de Lugano, article 3" ; qu'elle a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 2 de la convention n°88/592/CEE, signée à Lugano, du 16 septembre 1988, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant la juridiction de cet Etat ; qu'il résulte de l'article 5, point 1, de cette convention relatif aux compétences spéciales, qu'en matière de contrat individuel de travail, le défendeur peut être attrait devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail et si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, ce lieu est celui où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur ;
Attendu que la cour d'appel a relevé que, selon la lettre d'engagement signée des deux parties en date du 4 avril 2005, l'employeur du salarié était la société suisse Essex Chemie AG, dont le siège est à Lucerne, et que l'intéressé avait accompli habituellement son travail à Dubaï ;
Qu'il en résulte que le défendeur ne pouvait être attrait que devant la juridiction de l'Etat de son siège social ;
Que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Jacoupy, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit le Conseil de Prud'hommes de Nanterre incompétent pour statuer sur les demandes de Monsieur X... et d'avoir renvoyé les parties à se pourvoir devant la juridiction étrangère qu'il appartiendra,
AUX MOTIFS QUE
«Attendu que Monsieur Serge X... soutient que son contrat de travail aurait été transféré de la société Sentipharm AG, pour laquelle il a travaillé en France avec un contrat de droit français, à la société ESSEX CHEMIE AG;
Attendu que le contrat de travail entre monsieur X... et la société SENTIPHARM a été rompu dès lors que le salarié a reçu une attestation de travail, une attestation assedic et un solde de tout compte ;
Que son employeur, selon la lettre d'engagement signée des deux parties en date du 4 avril 2005, est la société suisse ESSEX CHEMIE AG, dont le siège est à Lucerne, et que son contrat de travail s'est exécuté à Dubaï au sein de l'établissement de son employeur situé dans cet Etat, jusqu'au 30 juin 2007 ;
Que la rupture du contrat de travail s'est produite alors que Monsieur Serge X... était employé à Dubaï ;
Attendu qu'il appartient au juge français, saisi par le salarié et devant la contestation opposée par le défendeur, société de droit suisse, de dire si la juridiction française peut valablement statuer ;
Attendu que les parties invoquent l'application de la convention de Lugano ;
Attendu que la convention de Lugano règle la question de savoir devant quelle juridiction d'un Etat contractant un défendeur domicilié sur le territoire d'un autre Etat contractant, à savoir la Suisse pour la société ESSEX CHEMIE AG, peut être attrait ;
Que toutefois l'Etat de Dubaï n'a pas adhéré à la dite convention ;
Qu'il n'appartient pas à la cour, contrairement à la demande des sociétés défenderesses, de se prononcer sur la compétence des juridictions de Dubaï, mais de dire si les dispositions du code du travail permettent à la juridiction française saisie de retenir sa compétence ;
Attendu l'article R1412-1 du code du travail prévoit la compétence de la juridiction du lieu d'exécution du contrat de travail ;
Qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, le contrat de travail de monsieur Serge X... s'est exécuté uniquement au sein de l'établissement de son employeur situé à Dubaï ;
Que dès lors il n'y a pas lieu de rechercher le lieu où l'engagement a été signé, ni de prendre en compte le lieu du siège social, situé hors de France ;
Attendu que Monsieur Serge X... ne peut se prévaloir des articles 14 et 15 du code civil dont l'application est exclue par la convention de Lugano, article 3 ;
Qu'il se déduit de ces constatations et du texte susvisé, qu'aucun élément ne permet de rattacher le contrat de travail en cause à la compétence d'une juridiction française du travail»,
ALORS, D'UNE PART, QUE
Le salarié qui a toujours accompli sa prestation de travail dans le cadre d'un groupe de sociétés étroitement liées peut, en cas de litige avec ces sociétés, saisir valablement le Conseil de Prud'hommes du lieu de conclusion du contrat initial ;,,qu'en l'espèce, la Cour d'Appel a constaté que Monsieur X... avait été engagé le 6 août 1998 par la société Schering Plough, filiale française du groupe américain Schering Plough, qu'à compter du 1er septembre 2002 il avait, à la suite d'une promotion, signé un contrat de travail avec la société Sentipharm AG, filiale suisse du groupe Schering Plough, puis, suite à la radiation du Registre du Commerce de cette dernière société, signé le 19 mars 2005 une lettre de mission adressée par la société américaine Schering Plough International et enfin, le 4 avril 2005, un accord de collaboration avec la société Essex Chemie AG, filiale suisse du groupe américain Schering Plough ; qu'il résultait de ces constatations que Monsieur X... avait toujours été employé par des sociétés du groupe Schering Plough ; qu'ainsi, en déniant au salarié la faculté de saisir le Conseil de Prud'hommes de Paris, lieu de conclusion du contrat initial, la Cour d'Appel a violé l'article R 1412-1 du Code du Travail,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE
La Cour d'Appel ne pouvait écarter l'application de la Convention de Lugano au motif que « l'état de Dubaï n 'a pas adhéré à ladite Convention», dès lors que la société Essex Chemie AG, employeur de Monsieur X..., était domiciliée en Suisse, pays signataire de ladite Convention ; qu'elle a ainsi violé l'article 1134 du Code Civil et les articles 1, 2 et 5 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988,
ALORS, ENFIN, QUE
La Cour d'Appel ne pouvait, sans se contredire, à la fois écarter l'application de la Convention de Lugano au motif que l'Etat de Dubaï n'y avait pas adhéré et retenir que Monsieur X... «ne peut se prévaloir des articles 14 et 15 du Code Civil dont l'application est exclue par la Convention de Lugano, article 3» ; qu'elle a ainsi violé l'article 455 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-18578
Date de la décision : 12/06/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Lugano du 16 septembre 1988 - Compétence internationale - Article 5 § 1 - Contrat individuel de travail - Lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail - Accomplissement habituel dans un Etat non contractant - Portée

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Lugano du 26 septembre 2008 - Compétence internationale - Article 2 - Lieu du domicile du défendeur - Juridiction compétente - Détermination - Portée

Aux termes de l'article 2 de la Convention n° 88/592/CEE, signée à Lugano, du 16 septembre 1988, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant la juridiction de cet Etat. Il résulte de l'article 5 § 1, de cette Convention relatif aux compétences spéciales, qu'en matière de contrat individuel de travail, le défendeur peut être attrait devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail et si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, ce lieu est celui où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur. La cour d'appel ayant relevé que, selon la lettre d'engagement signée des deux parties en date du 4 avril 2005, l'employeur du salarié était une société suisse ayant son siège social en Suisse et que l'intéressé avait accompli habituellement son travail à Dubaï, il en résulte que l'employeur défendeur ne pouvait être attrait que devant la juridiction de l'Etat de son siège social


Références :

articles 2 et 5 § 1 de la Convention de Lugano, du 26 septembre 2008, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 29 mars 2011

Sur la détermination de la juridiction du lieu du domicile du défendeur comme juridiction compétente en cas d'accomplissement habituel du travail par le travailleur dans un Etat non contractant, à rapprocher : Soc., 21 janvier 2004, pourvoi n° 01-41232, Bull. 2004, V, n° 22 (cassation sans renvoi)

arrêt cité. Sur un cas d'application de l'article 5 § 1 de la Convention de Lugano en matière de contrat individuel de travail, à rapprocher :Soc., 25 janvier 2012, pourvoi n° 10-28155, Bull. 2012 , V, n° 24 (cassation partielle sans renvoi)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2012, pourvoi n°11-18578, Bull. civ. 2012, V, n° 178
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, V, n° 178

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Foerst
Rapporteur ?: Mme Guyon-Renard
Avocat(s) : Me Jacoupy, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.18578
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