LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 avril 2011), que faisant l'objet de poursuites de saisie immobilière, M. et Mme X..., invoquant leur qualité de rapatriés, ont sollicité la suspension des poursuites ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande ;
Mais attendu que suivant décision n° 2011-213 QPC du 27 janvier 2012, applicable à toutes les instances non jugées définitivement à la date de sa publication, le Conseil Constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l'article 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998, dans sa rédaction postérieure à l'article 25 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998 ;
Que par ce motif de pur droit, relevé d'office après avis donné aux parties comparantes en application de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société BNP Paribas la somme de 2 500 euros et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. et Mme X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté des rapatriés d'Algérie (M. et Mme X..., les exposants) de leur demande tendant à la suspension des poursuites diligentées à leur encontre par un créancier (la BNP PARIBAS) ;
AUX MOTIFS propres et adoptés QUE, en rappelant l'ensemble des éléments contenus dans la procédure suivie par les époux X... depuis 2001, en constatant que le dossier de ces derniers, préalablement déclaré éligible, avait fait l'objet d'une décision administrative de rejet, les privant, en l'absence de suspension du recours, du bénéfice de la suspension des poursuites, en rappelant le caractère exorbitant, en droit commun, de l'effet suspensif automatique des poursuites d'une durée indéterminée qui méconnaissait les exigences tirées de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, en rappelant enfin l'arrêt de la présente cour en date du 18 décembre 2008 ayant jugé que la suspension des poursuites invoquée par les époux X... ne pouvait être prononcée, et en déboutant ces derniers de l'intégralité de leurs prétentions, le premier juge avait, par une exacte analyse des éléments de la cause, développé des motifs pertinents que la cour adoptait (arrêt attaqué, p. 9, al. 1) ; que M. X..., dont le dossier avait été préalablement déclaré éligible, avait fait l'objet le 27 5 février 2009 d'une décision administrative rejetant sa demande à bénéficier des mesures de désendettement prévues au titre de ce dispositif, en considération non seulement de son manque de volonté à négocier sérieusement un plan d'apurement avec ses créanciers, mais en outre de l'irrégularité de sa situation fiscale ; que le bien fondé et la régularité de cette décision de rejet avaient été confirmés par le juge administratif le 12 octobre 2010 ; que, s'agissant d'une décision sur le fond, et non sur l'éligibilité de l'intéressé acquise d'emblée et jamais contestée, l'existence d'un appel (recours non suspensif en matière administrative) sur une décision excluant son bénéficiaire du dispositif en raison de son comportement, n'entraînait juridiquement aucun maintien de la suspension des poursuites, mesure destinée à assurer la protection du patrimoine des débiteurs malheureux pendant le temps strictement nécessaire à l'instruction de leur dossier et à l'élaboration d'un moratoire ; qu'il n'y avait plus lieu non plus, s'agissant d'un débiteur désormais exclu du dispositif par une décision actuellement exécutoire, à faire application de l'article 8-1 du décret du 4 juin 1999 qui, se référant à l'article 100 de la loi de finances pour 1998, prévoyait que tout juge saisi d'un litige entre un débiteur dont la demande était déclarée éligible et un créancier, devait surseoir à statuer et saisir la commission ; que, à supposer le contraire, il y avait de toute façon lieu à rappeler la position de principe adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu en assemblée plénière le 7 avril 2006 qui considérait, au sujet de l'instrumentalisation de ce régime de protection par des plaideurs de mauvaise foi, que cette disposition qui organisait, sans l'intervention d'un juge, une suspension automatique des poursuites d'une durée indéterminée, portait atteinte, dans leur substance même, aux droits des créanciers privés de toute possibilité d'être remplis de leurs droits alors même que les débiteurs, par le jeu des différents recours qui leur étaient offerts, pouvaient obtenir le différé sine die de leurs obligations à leur égard ; que la juridiction suprême avait alors estimé que l'existence, exorbitante en droit commun, d'un effet suspensif automatique non assorti de délai et hors le contrôle d'un juge susceptible de veiller à ce que celui-ci ne portât pas une atteinte excessive aux droits des créanciers, méconnaissait manifestement les exigences tirées de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit de chacun à obtenir justice dans un délai raisonnable ; que tel était de surcroît l'avis de la cour de Montpellier, exprimé précisément à l'encontre de M. X... et de son épouse, dans un arrêt du 18 décembre 2008 (jugement confirmé, p. 3, dernier alinéa ; p. 4, al. 1 à 5) ;
ALORS QUE, d'une part, les personnes ayant déposé un dossier auprès d'une commission départementale d'aide aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée ou auprès de la commission nationale de désendettement des rapatriés bénéficient de plein droit d'une suspension provisoire des poursuites engagées à leur encontre jusqu'à la décision de l'autorité administrative ayant eu à connaître des recours gracieux contre celle-ci ou, en cas de recours contentieux, jusqu'à la décision définitive de l'instance juridictionnelle compétente ; qu'en affirmant que l'appel formé contre un jugement rendu sur le fond, non sur l'éligibilité, n'entraînait juridiquement aucun maintien de la suspension des poursuites dès lors que ce recours n'était pas suspensif, quand la suspension des poursuites bénéficiant aux rapatriés ayant déposé un dossier auprès de la commission se prolonge tant qu'une instance est en cours jusqu'à la décision définitive de la juridiction administrative, la cour d'appel a violé les articles 100 de la loi n°97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998, 76 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998, 25 de la loi de finances rectificative n° 98-1267 du 30 décembre 1998 et 77 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ;
ALORS QUE, d'autre part, en se bornant à déclarer que l'article 8-1 du décret n°99-469 du 4 juin 1999 organisant une suspension automatique des poursuites d'une durée indéterminée portait atteinte, dans leur substance même, aux droits des créanciers privés de toute possibilité d'être remplis de leurs droits, rappelant ainsi « la position de principe adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu en assemblée plénière le 7 avril 2006 » et se prononçant par un motif d'ordre général, la cour d'appel a violé l'article 6-1 de la convention de sauvegarde, ensemble l'article susvisé ;
ALORS QUE, enfin, le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières du procès non par voie de référence à des causes déjà jugées ; qu'en refusant à des rapatriés le bénéfice de la suspension des poursuites pour la raison que telle avait été la décision de la cour dans un arrêt précédent du 18 décembre 2008, sans relever aucune circonstance particulière aux faits de la cause propre à justifier l'application à l'espèce de cette jurisprudence, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.