La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2012 | FRANCE | N°11-10841

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 juin 2012, 11-10841


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité d'apprenti, le 1er juillet 1988, par la société Marbrerie clermontaise (l'employeur) et est devenu ultérieurement associé minoritaire de cette société familiale, dont il a été co-gérant du 21 juin 1996 au 27 juin 2003 ; qu'il a exercé les fonctions de directeur à partir du 18 septembre 1995 ; qu'il a été licencié, le 13 août 2008, pour inaptitude et impossibilité de reclassement dans l'entreprise ; que contestant son licenciement il a s

aisi la juridiction prud'homale qui, par jugement de départage, a débouté...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité d'apprenti, le 1er juillet 1988, par la société Marbrerie clermontaise (l'employeur) et est devenu ultérieurement associé minoritaire de cette société familiale, dont il a été co-gérant du 21 juin 1996 au 27 juin 2003 ; qu'il a exercé les fonctions de directeur à partir du 18 septembre 1995 ; qu'il a été licencié, le 13 août 2008, pour inaptitude et impossibilité de reclassement dans l'entreprise ; que contestant son licenciement il a saisi la juridiction prud'homale qui, par jugement de départage, a débouté l'employeur de son exception d'incompétence matérielle au profit du tribunal de grande instance ;
Sur le premier moyen du pourvoi qui est recevable :
Vu les articles 73, 77 et 95 du code de procédure civile ;
Attendu que, si c'est à tort, que la cour d'appel a retenu que le moyen de défense opposé par l'appelante en première instance ne constituait pas une exception d'incompétence alors que la compétence de la juridiction saisie était contestée, une cassation peut être prononcée sur ce chef de dispositif par voie de retranchement, dès lors par ailleurs qu'en confirmant le jugement, l'arrêt rejette le contredit dont la cour était saisie, à l'encontre d'une décision retenant la compétence de la juridiction prud'homale ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement l'ayant déboutée de son exception d'incompétence alors, selon le moyen :
1°/ que la production d'un écrit, de bulletins de salaires d'un contrat de travail ou d'une lettre de licenciement ne suffit pas à créer une apparence de contrat de travail d'un mandataire social et il appartient à l'intéressé de rapporter la preuve du lien de subordination ; qu'en énonçant que M. X... qui avait été mandataire social bénéficiait d'un contrat de travail apparent dès lors qu'il produisait un contrat de travail et des feuilles de paye et qu'il avait été licencié, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un contrat de travail apparent et n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1315 du code civil ;
2°/ que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de faits dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le fait pour un ancien mandataire social et associé d'une entreprise familiale d'exercer des fonctions techniques dans l'entreprise, ne suffit pas à caractériser un lien de subordination ; qu'en énonçant que le contrat de travail était caractérisé au motif que Mme Y..., MM. Z... et A... établissaient que M. Frédéric X..., participait aux enterrements, aux toilettes mortuaires et aux travaux de marbrerie, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3°/ que le simple fait pour des coassociés de " se considérer " comme les supérieurs hiérarchiques d'un autre associé ne suffit à caractériser l'exécution par ce dernier d'un travail sous l'autorité de ses associés ayant le pouvoir de donner des ordres des directives d'en contrôler l'exécution et de sanctionner le manquement de leur subordonné ; qu'en décidant que le lien de subordination était établi par le courrier de Mme Y... qui indiquait que Guillaume X... et Anne C... " se considéraient " réellement comme les supérieurs hiérarchiques de Frédéric X... et qu'ils lui intimaient régulièrement des directives, la cour d'appel qui n'a pas constaté que les coassociés avaient réellement un pouvoir de contrôle et de direction sur leur coassocié et qu'ils pouvaient le sanctionner, n'a pas caractérisé le lien de subordination de M. X... à leur égard ; qu'elle n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 1221. 1 du code du travail ;
4°/ que le licenciement pour inaptitude physique d'un salarié ne constitue pas un licenciement disciplinaire ; qu'en énonçant que les associés de M. X... avaient exercé le pouvoir disciplinaire en le licenciant pour inaptitude physique, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
5°/ que, lorsque l'associé d'une entreprise familiale exerce des fonctions de gestion et qu'il rentre dans ses prérogatives de prélever des dividendes sur les comptes de la société, d'utiliser à son gré et pour son propre compte le matériel et les locaux de l'entreprise et de donner des ordres et directives au personnel, cet associé n'est pas soumis à un lien de subordination à l'égard de la société ; que dans ses conclusions d'appel la société Marbrerie clermontaise a fait valoir que M. Frédéric X..., associé minoritaire à égalité avec ses frère et soeur prélevait de sa propre autorité des dividendes sur les comptes de la société, qu'il utilisait à des fins personnelles le matériel de l'entreprise, pénétrait dans les locaux et donnait des ordres au personnel, ce qui démontrait qu'il n'était pas sous un lien de subordination ; que la cour d'appel qui a considéré que M. X..., coassocié, co-emprunteur, co-assuré et propriétaire des locaux de l'entreprise était le salarié de la société sans s'expliquer sur ses prérogatives sur les comptes bancaires, sur l'utilisation du matériel et des locaux et sur le personnel de l'entreprise, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que M. X... était employé par la société Marbrerie clermontaise depuis 1988, qu'il n'avait exercé de mandat social que de 1996 à 2003 tout en occupant un emploi de directeur polyvalent, et qu'il avait exercé ces fonctions jusqu'à son licenciement dans un état de subordination à l'égard de la société, dont il recevait des directives et qui avait pris l'initiative d'un licenciement, la cour d'appel a par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, seulement en ce qu'il énonce que le moyen de défense opposé par la société Marbrerie Clermontaise ne constituait pas une exception d'incompétence, l'arrêt rendu le 24 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Marbrerie clermontaise et la condamne à payer 2 500 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me de Nervo, avocat aux Conseils, pour la société Marbrerie Clermontaise

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement sauf à préciser que l'argumentation soulevée par la SARL MARBRERIE ne constituait pas une « exception d'incompétence »
AUX MOTIFS QU'il est utile de rappeler qu'en se prononçant sur sa compétence, le conseil de prud'hommes n'a pas débouté la SARL Marbrerie Clermontaise d'une exception d'incompétence mais a statué sur le fond du litige en décidant que le demandeur avait la qualité de salarié ;
ALORS QUE lorsqu'une partie prétend que le conseil de prud'hommes est incompétent au motif que le litige ne concerne pas des relations entre un employeur et un salarié et qu'il demande le renvoi de l'affaire devant le tribunal de grande instance, cette partie soulève une exception d'incompétence ; que décidant que l'argumentation de la société Marbrerie Clermontaise qui avait soulevé l'incompétence du conseil de prud'hommes au profit du Tribunal de grande instance de Montpellier au motif que Monsieur X... n'avait pas la qualité de salarié, ne constituait pas une exception d'incompétence, la cour d'appel a violé les articles 73 et 75 du code de procédure civile
ET ALORS QUE c'est seulement lorsque le juge a, en se prononçant sur la compétence, tranché dans le dispositif du jugement la question de fond dont dépend la compétence, qu'il se prononce définitivement au fond ; qu'en confirmant le jugement qui avait seulement débouté l'exposante de son exception d'incompétence « sauf à préciser que l'argumentation soulevée par la SARL Marbrerie ne constituait pas une exception d'incompétence », la cour d'appel n'a pas tranché dans son dispositif la question de fond ; qu'en énonçant que le jugement confirmé avait statué non sur une exception d'incompétence, mais au fond du litige sur la qualité de salarié du demandeur, la cour d'appel a violé les articles 77, 95 et 1351 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement qui avait débouté la SARL Marbrerie Clermontaise de son exception d'incompétence
AUX MOTIFS QUE la SARL Marbrerie Clermontaise fait valoir d'une part que lorsque celui qui prétend avoir été salarié exerçait un mandat social, la production de bulletins de paie et la notification d'une lettre de licenciement sont à elles seules insuffisantes à créer l'apparence d'un contrat de travail et, d'autre part que le poste occupé par Frédéric X... aurait été un poste de dirigeant qui n'aurait en rien été distinct de celui de cogérant minoritaire ; cependant au moment du licenciement, Frédéric X... n'exerçait plus aucun mandat social depuis le 27 juin 2003 soit plus de 5 ans ; Frédéric X... qui produit un contrat de travail, des bulletins de paie et a été licencié, bénéficier donc d'un contrat de travail apparent ; qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve ; que la SARL Marbrerie Clermontaise n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère fictif du contrat de travail ; qu'en effet, les qualités d'associé minoritaire d'une SARL de bailleur des locaux ou de co-emprunteur et de co-assuré ne sont pas exclusives de celle de salarié ; que de surcroit Frédéric X... qui avait été embauché en 1988 en tant qu'apprenti a successivement exercé les fonctions d'ouvrier marbrier puis de directeur sans que son contrat de travail soit rompu ; qu'il n'est pas contesté qu'à l'origine son contrat n'était pas fictif et qu'il a exécuté son activité sans aucune modification avant pendant et après sa gérance ; que les attestations de Mademoiselle Y... et de Messieurs Z... et A... établissent qu'il participait aux enterrements et aux toilettes mortuaires et effectuait des travaux de marbrerie ; que mademoiselle Y... ajoute que « Guillaume X... et Anne C... se considéraient réellement comme les supérieurs hiérarchiques de Frédéric X... en lui intimant régulièrement des directives allant même jusqu'à tenir eux-mêmes un relevé des heures effectuées ; qu'il résulte également des lettres de la SARL Marbrerie Clermontaise des 4 décembre 2007, 10 janvier et 18 janvier 2008 dans lesquelles la gérante « refuse » sa demande de congés déposée au bureau » et change ses conditions de travail en lui demandant de « remplacer Guillaume à la marbrerie jusqu'à son rétablissement » ; qu'il exécutait son travail sous l'autorité d'un employeur qui avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner ses manquements ; qu'il a d'ailleurs été licencié pour inaptitude physique contre sa volonté ; que c'est donc à juste titre que le conseil de prud'homme a décidé que Frédéric X... avait la qualité de salarié ;
1° ALORS QUE la production d'un écrit, de bulletins de salaires d'un contrat de travail ou d'une lettre de licenciement ne suffit pas à créer une apparence de contrat de travail d'un mandataire social et il appartient à l'intéressé de rapporter la preuve du lien de subordination ; qu'en énonçant que Monsieur X... qui avait été mandataire social bénéficiait d'un contrat de travail apparent dès lors qu'il produisait un contrat de travail et des feuilles de paye et qu'il avait été licencié, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un contrat de travail apparent et n'a pas justifié sa décision au regard des articles L1221-1 du code du travail et 1315 du code civil
2° ALORS QUE l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de faits dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le fait pour un ancien mandataire social et associé d'une entreprise familiale d'exercer des fonctions techniques dans l'entreprise, ne suffit pas à caractériser un lien de subordination ; qu'en énonçant que le contrat de travail était caractérisé au motif que mademoiselle Y..., Monsieur Z... et Monsieur A... établissaient que Monsieur Frédéric X..., participait aux enterrements, aux toilettes mortuaires et aux travaux de marbrerie, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L 1221-1 du code du travail
3° ALORS QUE Le simple fait pour des coassociés de « se considérer » comme les supérieurs hiérarchiques d'un autre associé ne suffit à caractériser l'exécution par ce dernier d'un travail sous l'autorité de ses associés ayant le pouvoir de donner des ordres des directives d'en contrôler l'exécution et de sanctionner le manquement de leur subordonné ; qu'en décidant que le lien de subordination était établi par le courrier de mademoiselle Y... qui indiquait que Guillaume X... et Anne C... « se considéraient » réellement comme les supérieurs hiérarchiques de Frédéric X... et qu'ils lui intimaient régulièrement des directives, la cour d'appel qui n'a pas constaté que les coassociés avaient réellement un pouvoir de contrôle et de direction sur leur coassocié et qu'ils pouvaient le sanctionner, n'a pas caractérisé le lien de subordination de Monsieur X... à leur égard ; qu'elle n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L 1221. 1 du code du travail
4° ALORS QUE le licenciement pour inaptitude physique d'un salarié ne constitue pas un licenciement disciplinaire ; qu'en énonçant que les associés de Monsieur X... avaient exercé le pouvoir disciplinaire en le licenciant pour inaptitude physique, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L 1221-1 du code du travail
5° ALORS QUE lorsque l'associé d'une entreprise familiale exerce des fonctions de gestion et qu'il rentre dans ses prérogatives de prélever des dividendes sur les comptes de la société, d'utiliser à son gré et pour son propre compte le matériel et les locaux de l'entreprise et de donner des ordres et directives au personnel, cet associé n'est pas soumis à un lien de subordination à l'égard de la société ; que dans ses conclusions d'appel (p. 6) la société Marbrerie Clermontaise a fait valoir que monsieur Frédéric X..., associé minoritaire à égalité avec ses frère et soeur prélevait de sa propre autorité des dividendes sur les comptes de la société, qu'il utilisait à des fins personnelles le matériel de l'entreprise, pénétrait dans les locaux et donnait des ordres au personnel, ce qui démontrait qu'il n'était pas sous un lien de subordination ; que la cour d'appel qui a considéré que Monsieur X..., coassocié, co-emprunteur, co-assuré et propriétaire des locaux de l'entreprise était le salarié de la société sans s'expliquer sur ses prérogatives sur les comptes bancaires, sur l'utilisation du matériel et des locaux et sur le personnel de l'entreprise, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L 1221-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-10841
Date de la décision : 05/06/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 24 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 jui. 2012, pourvoi n°11-10841


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me de Nervo, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10841
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award