LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 novembre 2010), que M. X... a été engagé le 21 août 2001 en qualité de livreur installateur de billards par la société Billard français américain ; qu'il a été licencié par lettre du 16 septembre 2008 ; qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de l'employeur le 7 novembre 2008 ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de fixer au passif de la société Billard français américain une créance à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que :
1°/ aux termes de l'article L. 1332-2 du code du travail, le licenciement pour un motif disciplinaire doit être notifié dans le mois suivant l'entretien préalable ; que cette règle ne s'applique pas à un licenciement pour insuffisance professionnelle ; que la lettre d'énonciation des motifs de licenciement fixe les limites du litige ; que si l'employeur peut préciser dans la lettre de convocation à l'entretien préalable les motifs conduisant à envisager le licenciement du salarié, il ne s'agit là que d'une faculté et l'employeur n'est pas lié par les motifs ainsi allégués ; qu'en l'espèce cependant, après avoir rappelé dans l'exposé des faits que « par lettre du 10 juillet 2008, l'employeur avait convoqué M. X... pour un entretien préalable fixé au 28 juillet 2008, en précisant : « à la suite de fautes commises par vous sur différents chantiers nous sommes contraints d'envisager une procédure de licenciement à votre encontre pour motifs personnels … » » et que « le 16 septembre, il lui avait adressé une lettre de licenciement aux termes de laquelle, lui reprochant différents faits tels que malfaçons lors du remontage d'un billard, vérification de réception d'un billard mal faite, non-respect des consignes données lors de la reprise d'un billard, d'une manière générale non-respect des recommandations et enfin départ en congés sans autorisation, il indiquait notamment : « ces motifs constituent des causes réelles et sérieuses qui justifient votre licenciement et qui nous ont fait perdre définitivement confiance dans votre conscience professionnelle après ces incidents » », la cour d'appel a retenu qu'« eu égard aux énonciations rappelées ci-dessus, tant de la lettre de convocation à l'entretien préalable que de la lettre de licenciement, le caractère disciplinaire de celui-ci apparaissait à l'évidence », et a estimé qu'à défaut pour la société BFA d'avoir respecté la règle de fond prévue par l'article L. 1332-2 du code du travail, en envoyant la lettre de licenciement au salarié plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable, le licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en se fondant ainsi sur les énonciations de la lettre de convocation à l'entretien préalable, alors qu'elle aurait dû se fonder sur les seuls termes de la lettre de licenciement pour déterminer la nature de celui-ci la cour d'appel a violé les articles L. 1232-2 et L. 1232-6 du code du travail ;
2°/ pour retenir le caractère disciplinaire du licenciement de M. X..., la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'« eu égard aux énonciations » « de la lettre de licenciement, le caractère disciplinaire de celui-ci apparaissait à l'évidence » et, par motifs adoptés, que les « motifs figurant dans la lettre de licenciement étaient des fautes reprochées à M. X... », sans aucunement procéder à l'analyse de ces motifs de licenciement ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1332-2, L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
3°/ l'insuffisance professionnelle comme la perte de confiance peuvent se traduire par des fautes professionnelles imputables au salarié, sans pour autant que le licenciement prononcé à son encontre revête un caractère disciplinaire ; qu'en l'espèce, l'employeur énonçait précisément dans la lettre de licenciement que les faits reprochés à M. X... « constituaient des causes réelles et sérieuses qui justifiaient le licenciement et qui lui avaient fait perdre définitivement confiance dans la conscience professionnelle du salarié après ces incidents » ; que dès lors, en déduisant néanmoins le caractère disciplinaire du licenciement du seul fait que, selon elle, « tous les motifs figurant dans la lettre de licenciement constituaient des fautes reprochées à M. X... », la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1332-2, L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la lettre de licenciement reprochait au salarié, outre un départ en congés payés sans autorisation, le non-respect des recommandations et des ordres donnés, la cour d'appel en a déduit à bon droit, abstraction faite du motif erroné mais surabondant tiré du contenu de la lettre de convocation à l'entretien préalable, que le licenciement présentait un caractère disciplinaire ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Billard français américain aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Billard français américain et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour la société Billard français américain et M. Y..., ès qualités.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement ayant dit que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, fixé à son profit au passif de la société BFA une créance de 40. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'une créance de 1. 000 euros à titre d'indemnité de procédure, et dit que les dépens seraient supportés par le redressement judiciaire de la société BFA et pris au titre des frais privilégiés, et d'AVOIR en outre dit que le redressement judiciaire de la société BFA supporterait les dépens d'appel et fixé, au passif de cette dernière, au profit de Monsieur X..., une créance supplémentaire de 1. 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE dès lors qu'un licenciement a été prononcé pour des faits considérés par l'employeur comme fautifs, l'envoi de la lettre de licenciement au salarié plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable procède d'une violation par l'employeur de la règle de fond prévue par l'article L. 1332-2 du code du travail, qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; que l'entretien préalable ayant été fixé au 28 juillet 2008, la lettre de licenciement, datée du 16 septembre 2008, a été nécessairement adressée plus d'un mois plus tard, au mépris des dispositions du texte précité ; que ce texte ne prévoit pas d'exception dans l'hypothèse où, comme le soutiennent les appelants, l'entreprise ferme au mois d'août, circonstance qui, en tout état de cause, ne constituait d'ailleurs pas un obstacle à l'envoi de la lettre de licenciement plus d'un jour franc après l'entretien, sans que le délai d'un mois soit dépassé ; que dès lors, et sans qu'il y ait lieu d'examiner plus avant, de ce chef, les autres moyens des parties, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, eu égard aux énonciations rappelées ci-dessus, tant de la lettre de convocation à l'entretien préalable que de la lettre de licenciement, le caractère disciplinaire de celui-ci apparaît à l'évidence ; que l'employeur ne peut sérieusement contester cette situation en excipant du paiement des indemnités de préavis, de licenciement et de congés payés, qui étaient dus au salarié même en cas de licenciement pour faute ; que, sur le montant de l'indemnité correspondante, si la demande du salarié portant sur la somme de 79. 599, 96 euros, soit environ 71 mois de salaires, est manifestement excessive, le montant de 40. 000 euros retenu par les premiers juges apparaît justifié, au regard des difficultés pour retrouver un emploi dont Monsieur X... fait état, et dont la vraisemblance est évidente compte tenu des conséquences de l'accident dont il a été victime ; que le jugement sera donc également confirmé sur ce point ;
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE, sur le licenciement, Monsieur X... est licencié le 16 septembre 2008 pour les faits suivants :
- malfaçons lors du remontage du billard chez le client Z...,- vérification de la réception du billard mal faite chez le client CHATEAU DE TAULANNE,- non respect des consignes lors de la reprise d'un billard chez le client A...,- non respect des ordres donnés,- départ en congés payés sans autorisation de l'employeur ;
que tous ces motifs figurants dans la lettre de licenciement sont des fautes reprochées à Monsieur X... ; que l'employeur qui reproche une faute au salarié doit respecter les règles propres au licenciement disciplinaire ; que l'article L. 1332-4 du code du travail dispose qu'« aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales » ; qu'à la lecture de la lettre de Monsieur Z..., client de la SARL BILLARD FRANCAIS AMERICAIN, produite par l'employeur, il est clair que la société défenderesse était au courant du problème au mois de mars 2008 car le client l'a appelée par téléphone ; que la SARL BILLARD FRANCAIS AMERICAIN était au courant des faits quatre mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires à l'encontre de Monsieur X... ; que l'article L. 1332-4 du code du travail n'est pas respecté par l'employeur ; que les autres faits évoqués dans la lettre de licenciement ne sont pas datés ; que lors d'un licenciement pour fautes, la date des faits doit être précisément déterminée dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, afin que le juge puisse, en cas de problème, vérifier la bonne application de l'article L. 1332-4 du code du travail ; que l'employeur paie les congés payés à Monsieur X... sur les fiches de paie des mois de juin et juillet 2008 ; que si Monsieur X... était parti en congés payés sans autorisation de l'employeur, il n'aurait pas été rémunéré pendant cette période ; qu'en application des dispositions de l'article L. 1332-2 du code du travail, une sanction disciplinaire ne peut intervenir mois d'un jour franc, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable ; que l'entretien préalable de Monsieur X... a eu lieu le lundi 28 juillet 2008 ; que la lettre de licenciement de Monsieur X... est datée du 16 septembre 2008 et n'a pu être notifiée avant cette date ; qu'il s'est donc écoulé un délai de plus d'un mois entre l'entretien préalable et la notification du licenciement ; que le non respect du délai d'un mois prévu à l'article L. 1332-2 du code du travail rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que licenciement de Monsieur X... est sans cause réelle et sérieuse ; que, sur les dommages intérêts pou licenciement sans cause réelle et sérieuse, le licenciement de Monsieur X... est sans cause réelle et sérieuse ; que la seule constatation de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement doit entraîner la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice causé au salarié ; que Monsieur X... est âgé de 50 ans, ce qui rend difficile une recherche d'emploi ; que la SARL BILLARD FRANCAIS AMERICAIN sera condamnée à payer à Monsieur X... la somme de 40. 000 euros au titre des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS QUE, aux termes de l'article L 1332-2 du code du travail, le licenciement pour un motif disciplinaire doit être notifié dans le mois suivant l'entretien préalable ; que cette règle ne s'applique pas à un licenciement pour insuffisance professionnelle ; que la lettre d'énonciation des motifs de licenciement fixe les limites du litige ; que si l'employeur peut préciser dans la lettre de convocation à l'entretien préalable les motifs conduisant à envisager le licenciement du salarié, il ne s'agit là que d'une faculté et l'employeur n'est pas lié par les motifs ainsi allégués ; qu'en l'espèce cependant, après avoir rappelé dans l'exposé des faits que « par lettre du 10 juillet 2008, l'employeur avait convoqué Monsieur X... pour un entretien préalable fixé au 28 juillet 2008, en précisant : « à la suite de fautes commises par vous sur différents chantiers nous sommes contraints d'envisager une procédure de licenciement à votre encontre pour motifs personnels … » » et que « le 16 septembre, il lui avait adressé une lettre de licenciement aux termes de laquelle, lui reprochant différents faits tels que malfaçons lors du remontage d'un billard, vérification de réception d'un billard mal faite, non respect des consignes données lors de la reprise d'un billard, d'une manière générale non respect des recommandations et enfin départ en congés sans autorisation, il indiquait notamment : « ces motifs constituent des causes réelles et sérieuses qui justifient votre licenciement et qui nous ont fait perdre définitivement confiance dans votre conscience professionnelle après ces incidents » », la Cour d'appel a retenu qu'« eu égard aux énonciations rappelées ci-dessus, tant de la lettre de convocation à l'entretien préalable que de la lettre de licenciement, le caractère disciplinaire de celui-ci apparaissait à l'évidence », et a estimé qu'à défaut pour la société BFA d'avoir respecté la règle de fond prévue par l'article L. 1332-2 du code du travail, en envoyant la lettre de licenciement au salarié plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable, le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en se fondant ainsi sur les énonciations de la lettre de convocation à l'entretien préalable, alors qu'elle aurait dû se fonder sur les seuls termes de la lettre de licenciement pour déterminer la nature de celui-ci la Cour d'appel a violé les articles L. 1232-2 et L. 1232-6 du code du travail ;
ALORS encore QUE pour retenir le caractère disciplinaire du licenciement de Monsieur X..., la Cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'« eu égard aux énonciations » « de la lettre de licenciement, le caractère disciplinaire de celui-ci apparaissait à l'évidence » et, par motifs adoptés, que les « motifs figurant dans la lettre de licenciement étaient des fautes reprochées à Monsieur X... », sans aucunement procéder à l'analyse de ces motifs de licenciement ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1332-2, L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
ALORS enfin QUE l'insuffisance professionnelle comme la perte de confiance peuvent se traduire par des fautes professionnelles imputables au salarié, sans pour autant que le licenciement prononcé à son encontre revête un caractère disciplinaire ; qu'en l'espèce, l'employeur énonçait précisément dans la lettre de licenciement que les faits reprochés à Monsieur X... « constituaient des causes réelles et sérieuses qui justifiaient le licenciement et qui lui avaient fait perdre définitivement confiance dans la conscience professionnelle du salarié après ces incidents » ; que dès lors, en déduisant néanmoins le caractère disciplinaire du licenciement du seul fait que, selon elle, « tous les motifs figurant dans la lettre de licenciement constituaient des fautes reprochées à Monsieur X... », la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1332-2, L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail.