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30/05/2012 | FRANCE | N°11-16765;11-16766;11-16767;11-16768;11-16769;11-16770;11-16772;11-16773;11-16774;11-16775;11-16776;11-16777;11-16778;11-16779;11-16780;11-16781;11-16782;11-16783;11-16784;11-16785;11-16786;11-16787;11-16788;11-16789;11-16790;11-16791;11-16792;11-16793;11-16794;11-16795;11-16796;11-16797;11-16798;11-16799;11-16800;11-16801;11-16802;11-16804;11-16805;11-16806;11-16807;11-16809;11-16810;11-16811;11-16812;11-16813;11-16814;11-16815;11-16816;11-16817;11-16818;11-16819;11-16820;11-16821;11-16822;11-16823;11-16824;11-16825;11-16829;11-16830;11-16831;11-16832;11-16833;11-16834;11-16835;11-16836;11-16837;11-16838;11-16840;11-16841;11-16842;11-16844;11-16845;11-16846;11-16847;11-16848;11-16849;11-16850;11-16851;11-16852;11-16853;11-16854;11-16855;11-16856;11-16857;11-16858;11-16859;11-16860;11-16861;11-16862;11-16863;11-16864;11-16865;11-16866;11-16867;11-16868;11-16869;11-16870;11-16871;11-16872;11-16873;11-16874;11-16875;11-16876;11-16877;11-16878;11-16880;11-16881;11-16882;11-16883;11-16884;11-16885;11-16886;11-16887;11-16888;11-16894;11-16895;11-16896;11-16897;11-16898;11-16899;11-16900;11-16901;11-16902;11-16904;11-16905;11-16906;11-16907;11-16908;11-16911;11-16912;11-16913;11-16914;11-16915;11-16917;11-16919;11-16920;11-16921;11-16922;11-16923;11-16924;11-16925;11-16926;11-16927;11-16928;11-16929;11-16930;11-16931;11-16932;11-16933;11-16934;11-16935;11-16936;11-16937;11-16938;11-16939;11-16940

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 mai 2012, 11-16765 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n°s A 11-16.765 à F 11-16.770, G 11-16.772 à R 11-16.802, T 11-16.804 à W 11-16.807, Y 11-16.809 à R 11-16.825, V 11-16.829 à E 11-16.838, H 11-16.840 à J 11-16.842, M 11-16.844 à Y 11-16.878, A 11-16.880 à J 11-16.888, R 11-16.894 à Z 11-16.902, B 11-16.904 à F 11-16.908, J 11-16.911 à P 11-16.915, R 11-16.917 et T 11-16.919 à R 11-16.940
Attendu, selon les arrêts attaqués (Nancy, 23 février 2011), que M. X... et 157 autres salariés de la société Connex qui exp

loite un réseau de transport urbain de voyageurs sur l'agglomération de Nancy...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n°s A 11-16.765 à F 11-16.770, G 11-16.772 à R 11-16.802, T 11-16.804 à W 11-16.807, Y 11-16.809 à R 11-16.825, V 11-16.829 à E 11-16.838, H 11-16.840 à J 11-16.842, M 11-16.844 à Y 11-16.878, A 11-16.880 à J 11-16.888, R 11-16.894 à Z 11-16.902, B 11-16.904 à F 11-16.908, J 11-16.911 à P 11-16.915, R 11-16.917 et T 11-16.919 à R 11-16.940
Attendu, selon les arrêts attaqués (Nancy, 23 février 2011), que M. X... et 157 autres salariés de la société Connex qui exploite un réseau de transport urbain de voyageurs sur l'agglomération de Nancy, engagés en qualité de conducteurs receveurs ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de leur employeur à leur payer à titre principal une somme en contrepartie de leurs temps d'habillage et de déshabillage et à titre subsidiaire, des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice consécutif à un traitement inégalitaire ; que le syndicat CGT des trams est intervenu à l'instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les salariés et le syndicat font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes en paiement de sommes au titre de la contrepartie financière des temps d'habillage et de déshabillage et à titre de dommages intérêts au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession, alors selon le moyen :

1°/ que les dispositions de l'article L. 3121-3 du code du travail prévoient, en leur alinéa 1, que le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties, qu'en outre, ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; que, lorsque le port d'une tenue de travail est obligatoire, l'habillage et le déshabillage doivent se réaliser dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, que l'employeur ait ou non autorisé les salariés à effectuer ces opérations à leur domicile ; qu'un employeur ne peut être dispensé de son obligation de verser une contrepartie financière au motif qu'il a octroyé une telle autorisation à des salariés tenus de porter un habit de travail ; qu'en retenant, pour dispenser la société Connex du versement d'une contrepartie financière, que les salariés n'étaient pas tenus de s'habiller et de se déshabiller au sein de l'entreprise, alors qu'elle a par ailleurs constaté le caractère obligatoire de ces opérations, ce dont il résultait qu'elles s'effectuaient dans l'entreprise et que la contrepartie financière était due, quelles que soient les prévisions de l'accord applicable, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé, par refus d'application, l'article L. 3121-3 du code du travail ;
2°/ que l'article 9 du code civil, qui prévoit que chacun a droit au respect de sa vie privée, interdit à l'employeur toute atteinte à la vie privée des salariés ; que, lorsque le port d'une tenue de travail est obligatoire, l'habillage et le déshabillage doivent se réaliser dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, que l'employeur ait ou non permis aux salariés d'effectuer ces opérations à leur domicile ; qu'en retenant que l'option laissée aux salariés par l'accord d'entreprise de changer de vêtements chez eux ou dans l'entreprise excluait qu'il ait été porté atteinte à leur liberté d'aller et à venir, quand il résultait de cette option que les salariés pouvaient changer de vêtements à leur domicile et circuler avec leur habit professionnel entre leur domicile et leur lieu de travail, ce qui, en dispensant l'employeur de leur verser de contrepartie financière, portait atteinte à leur vie privée, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 9 du code civil ;
3°/ que selon l'article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'il résulte des motifs de l'arrêt que la société Connex s'était dispensée du versement de la contrepartie financière prévue par l'article L. 3121-3 du code du travail en concluant un accord collectif instituant la possibilité pour les salariés astreints au port d'un vêtement professionnel de se changer, soit à leur domicile, soit dans l'entreprise ; que la cour d'appel, qui n'a pas constaté que cette restriction à la liberté individuelle d'aller et venir avec le vêtement de leur choix dans le cadre de leur vie privée, était justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché, a violé, par refus d'application, l'article L. 1121-1 du code du travail ;
4°/ que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis d'un écrit ; qu'en relevant que l'accord d'entreprise du 3 octobre 2003 avait prévu la suppression du sigle de l'entreprise sur les tenues professionnelles de référence du personnel de conduite, quand cet accord prévoit seulement, en son article 5, qu'il n'est porté aucune indication de la fonction de conducteur-receveur sur la tenue de référence, la cour d'appel a violé, par dénaturation, l'article 5 de l'accord du 3 octobre 2003, ensemble l'article 1134 du code civil ;
5°/ que l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit, en son alinéa 1, que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, et, en son alinéa 2, qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que la règle découlant, selon les motifs de l'arrêt, de l'article L. 3121-3 du code du travail en vertu de laquelle, lorsque les salariés ne se voient pas imposer par l'employeur l'obligation de s'habiller et de se déshabiller au sein de l'entreprise, ils n'auraient droit à aucune contrepartie financière, est incompatible avec les dispositions précitées de l'article 8 de la CESDH, cette règle impliquant que l'employeur soit dispensé du paiement de la contrepartie financière en autorisant les salariés à changer de vêtement à leur domicile et à circuler avec leur tenue de travail entre leur domicile et leur lieu de travail, ce qui porte atteinte à leur vie privée ; qu'en décidant que l'article L. 3121-3 du code du travail ainsi interprété ne portait pas atteinte à la liberté d'aller et venir des salariés, et, par conséquent, à leur vie privée, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 8 de la CESDH ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 3121-3 du code du travail que le bénéfice des contreparties au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives prévues par ce texte, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et lorsque ces opérations doivent être réalisées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ;
Et attendu qu'ayant relevé d'une part que si l'accord du 3 octobre 2003 prévoit pour chaque catégorie de personnel le port d'une tenue de travail obligatoire, l'article 5 de cet accord donne aux conducteurs receveurs le choix de la revêtir et de la retirer à leur domicile ou sur le lieu de travail, le temps d'habillage et de déshabillage étant, dans ce dernier cas, inclus dans les temps forfaitaires de prise et de fin de service, et d'autre part qu'en application de ce même texte, la tenue de référence de confection courante que les conducteurs receveurs avaient accepté de revêtir et de retirer à leur domicile, ne portait aucune indication de leur fonction, ce qui leur permettait de se rendre sur leur lieu de travail sans être identifiés, la cour d'appel en a pu en déduire que les salariés n'étaient pas soumis à l'obligation d'effectuer sur le lieu de travail les opérations d'habillage et de déshabillage et que le choix qui leur était offert était exclusif de toute atteinte à leur liberté d'aller et venir ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que les salariés et le syndicat font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant au paiement de dommages-intérêts au titre de l'application de l'accord collectif d'entreprise du 3 octobre 2003 en ce que celui-ci institue une inégalité de traitement en matière de contrepartie financière au temps d'habillage et de déshabillage entre la catégorie du personnel de conduite et les autres catégories de personnel astreintes au port d'une tenue professionnelle et au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession, alors selon le moyen :
1°/ que la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; que repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d'un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ; que l'accord du 3 octobre 2003 prévoit, en son article 5, que le personnel de conduite peut, soit revêtir une tenue de référence de confection courante pour les salariés acceptant de se vêtir et de se dévêtir à leur domicile, auquel cas ils ne bénéficient ni de temps d'habillage et de déshabillage ni de contrepartie financière, soit porter une tenue simplifiée (pour les salariés qui ne disposent pas de la tenue de référence tels que les apprentis ou les intérimaires, ainsi que pour les salariés qui refusent de porter la tenue de référence entre le domicile et le lieu de travail), auquel cas cette tenue est entreposée dans les vestiaires de l'entreprise et les opérations d'habillage et de déshabillage s'effectuent dans l'entreprise à raison d'une minute prise sur le temps de travail, et en ses articles 2 à 4, que les autres catégories de personnel de l'entreprise astreint au port d'une tenue professionnelle (personnels d'exploitation, commercial, et de maintenance) bénéficient en revanche de temps d'habillage et de déshabillage pris au sein de l'entreprise pendant le temps de travail (selon les catégories : cinq ou dix minutes) ; qu'en se bornant à relever de façon inopérante qu'à la suite de l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 10 décembre 2002, l'accord du 3 octobre 2003 avait supprimé le sigle de l'entreprise sur les tenues de référence, pour en déduire que la disparité de traitement instituée par l'accord entre le personnel de conduite et les autres catégories était justifiée, sans rechercher si était justifiée par des éléments objectifs et pertinents tenant aux spécificités de la situation des vingt-huit salariés relevant de la catégorie du personnel de conduite, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération, l'inégalité de traitement, parmi les salariés revêtant une tenue de référence, selon leur catégorie professionnelle, tenant à ce que, selon l'accord précité, certains effectuaient leurs opérations d'habillage et de déshabillage au sein de l'entreprise pendant leur temps de travail, autrement dit contre paiement d'un salaire, et d'autres (le seul personnel de conduite) revêtaient leur tenue de référence à leur domicile sans contrepartie financière, à moins d'accepter de ne porter qu'une tenue simple, auquel cas ils ne percevaient qu'une contrepartie financière d'une minute (contre cinq ou dix minutes de salaire pour les autres catégories), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement, ensemble les articles 2 à 5 de l'accord d'entreprise du 3 octobre 2003 ;
2°/ que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis d'un écrit ; qu'en relevant que l'accord d'entreprise du 3 octobre 2003 avait prévu la suppression du sigle de l'entreprise sur les tenues professionnelles de référence du personnel de conduite, quand cet accord prévoit seulement, en son article 5, qu'il n'est porté aucune indication de la fonction de conducteur-receveur sur la tenue de référence, la Cour d'appel a violé, par dénaturation, l'article 5 de l'accord du 3 octobre 2003, ensemble l'article 1134 du code civil ;
3°/ que les salariés avaient soutenu, dans leurs conclusions d'appel, et en sollicitant la confirmation du jugement entrepris, qu'en application de l'accord d'entreprise en son article 5, les conducteurs receveurs, s'ils voulaient se voir attribuer une tenue de travail complète, ce qui était le cas de la majeure partie d'entre eux, étaient contraints de la revêtir et de l'ôter à leur domicile et sans percevoir de compensation financière, et régulariser en outre un document en ce sens en retirant leur tenue, là où les autres catégories de personnel percevaient une tenue complète sans contrainte relative au lieu d'habillage et de déshabillage, avec l'attribution d'un temps de cinq minutes à la prise de poste et de cinq minutes en fin de poste, et que cette inégalité de traitement n'était justifiée par la société Connex par aucun élément objectif, celle-ci se bornant à alléguer de façon mensongère que le sigle de l'entreprise avait été retiré de la tenue de référence du personnel de conduite, ce qui caractérisait en réalité une distinction artificielle et non justifiée entre les catégories de personnel, et ce d'autant plus que les tenues de référence étaient identiques pour toutes les catégories ; qu'en outre, celles-ci exerçaient toutes une fonction de représentation de l'entreprise, et qu'en toute hypothèse, la suppression de l'indication de la fonction sur le vêtement du conducteur-receveur ne justifiait pas l'inégalité du traitement litigieuse ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d'un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ;
Et attendu qu'ayant relevé que si les tiers et usagers n'avaient pas besoin d'un sigle ou d'un signe distinctif pour identifier un conducteur lorsqu'il occupait son poste de conduite, il n'en allait pas de même des contrôleurs vérificateurs ou des agents de maîtrise d'exploitation qui montaient à l'improviste dans les transports en commun pour accomplir leur tâche, ou encore des agents de service commerciaux qui, pour renseigner la clientèle à tout moment, n'étaient pas systématiquement postés derrière un guichet, la cour d'appel a pu en déduire que le fait d'imposer aux seuls conducteurs receveurs une tenue non revêtue d'un signe d'appartenance à l'entreprise tout en leur laissant la possibilité d'opter pour une tenue simplifiée revêtue d'un tel signe qu'ils endossaient sur le lieu de travail moyennant, en raison de son caractère sommaire, une compensation moins importante que celle prévue pour les autres catégorie de personnel, reposait sur des éléments objectifs, tenant à la spécificité des fonctions de conducteur receveur ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les salariés et le syndicat CGT aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens identiques produits aux pourvois n°s A 11-16.765 à F 11-16.770, G 11-16.772 à R 11-16.802, T 11-16.804 à W 11-16.807, Y 11-16.809 à R 11-16.825, V 11-16.829 à E 11-16.838, H 11-16.840 à J 11-16.842, M 11-16.844 à Y 11-16.878, A 11-16.880 à J 11-16.888, R 11-16.894 à Z 11-16.902, B 11-16.904 à F 11-16.908, J 11-16.911 à P 11-16.915, R 11-16.917 et T 11-16.919 à R 11-16.940 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour le syndicat CGT des trams et cent cinquante-sept autres demandeurs.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur X... (salarié) de sa demande tendant à ce que la société CONNEX NANCY (employeur) soit condamnée à lui verser un rappel de contrepartie financière au titre de son temps d'habillage et de déshabillage d'une durée de dix minutes par jour de travail, au paiement des congés payés afférents, et à la remise de bulletins de salaire rectifiés, ainsi que de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier et résistance abusive, et D'AVOIR, par voie de conséquence, débouté également le syndicat CGT DES TRAMS de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession ;
AUX MOTIFS QUE la société Connex exploite le réseau de transport urbain de voyageurs de l' agglomération de Nancy dans le cadre d'une délégation de service public conclue avec la communauté urbaine du Grand Nancy ; qu'en 2002, sur la base du règlement intérieur qui impose à tous les salariés le port d'une tenue vestimentaire, et des dispositions de l'article L.3121-3 du code du travail, le syndicat C.G.T. des Trams a saisi le T.G.I. de Nancy d'une demande tendant d'une part à obtenir sous astreinte la mise en place de négociations sur la compensation du temps d'habillage déshabillage, d'autre part une semaine de repos rémunéré ; que par arrêt du 10 décembre 2002, la Cour d'appel de Nancy a fait droit à la première demande, mais rejeté la seconde, estimant qu'il n'appartenait pas au juge de se substituer aux partenaires sociaux pour décider d'une contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage ; que des négociations ont eu lieu qui ont abouti à la signature de l'accord collectif du 3 octobre 2003 ; qu'à la suite de cet accord, cent soixante-sept conducteurs-receveurs ont saisi le Conseil de prud'hommes pour obtenir la condamnation de leur employeur à leur payer des rappels de salaire en contrepartie de leur temps d'habillage et de déshabillage. Par arrêts du 5 octobre 2007, la Cour d'appel de Nancy a fait droit à la demande sur le fondement de l'article L.3121-3 du code du travail et de l'obligation où ils se trouvaient de porter une tenue de l'entreprise ; que ces arrêts ont été cassés sans renvoi en 2009 à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 26 mars 2008 qui revenait à une interprétation littérale du texte : pour qu'il y ait droit à contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage, deux conditions cumulatives doivent être remplies : obligation de porter une tenue vestimentaire et obligation de la revêtu" dans l'entreprise ;
QUE l'article L.3121-3 du code du travail prévoit que le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage donne lieu à compensation sous forme de repos ou sous forme financière lorsque deux conditions cumulatives sont remplies : premièrement, le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement Ultérieur ou le contrat de travail ; deuxièmement, les opérations d'habillage et de déshabillage doivent être réalisées dans l'entreprise ; que s'agissant de la première condition, le règlement intérieur de la société Connex stipule en son article 5 que "d'une façon générale, les agents sont tenus de : - en raison de leur rôle commercial vis-à-vis du public, avoir un comportement et une tenue parfaitement corrects à tous égards, - porter des tenues, uniformes, vêtements ou accessoires réglementaires, à tous moments et en tous lieux prescrits dans le cadre de l'accomplissement de leur service. " ; que l'accord d'entreprise du 3 octobre 2003 qui, relatif aux modalités de port des tenues de travail, se réfère expressément au règlement intérieur, prévoit pour chaque catégorie de personnel le port d'une tenue de travail obligatoire ; que la première condition dont dépend le droit à une compensation du temps d'habillage et de déshabillage est donc remplie, ainsi que l'ont constaté les premiers juges ; que s'agissant de la deuxième condition, l'accord d'entreprise du 3 octobre 2003 stipule en son article 5 que le personnel de conduite est soumis aux exigences suivantes : - soit le port d'une tenue de référence de confection courante où il n'est porté aucune indication de la fonction de conducteur-receveur pour ceux des salariés qui acceptent de se vêtir et de se dévêtir à leur domicile : veste, pantalon, jupe, chemise, chemisette/polo, cravate, pull, parka ; - soit le port d'une tenue simplifiée pour ceux des salariés qui ne disposent pas de la tenue de référence définie ci-avant, à savoir une tunique sans manches faisant apparaître ostensiblement la marque du réseau de transports urbains ; qu'eu égard à la faculté ainsi ouverte aux conducteurs-receveurs de choisir entre deux solutions, celle consistant à revêtir chez eux une tenue de référence ne portant aucun signe de reconnaissance, et celle consistant à revêtir dans l'entreprise une tenue portant le signe de leur appartenance à cette dernière, les premiers juges ont à juste titre considéré qu'ils n'étaient pas soumis à l'obligation d'effectuer sur le lieu du travail les opérations d'habillage et de déshabillage ; que Monsieur X... fait valoir qu'en lui imposant le port d'une tenue de travail en dehors des horaires de travail, sans aucune compensation et sous menace de sanction disciplinaire, son employeur porte atteinte à sa liberté, constitutionnellement reconnue, d'aller et venir dans la tenue de son choix ; que cependant, il résulte de ce qui précède que les conducteurs-receveurs disposent d'une option entre d'une part la solution qui consiste à revêtir chez eux une tenue de référence, non assortie de signes distinctifs, qui leur permet de se rendre à leur travail sans être identifiés, d'autre part la solution qui consiste à s'habiller de toute autre façon et à endosser par-dessus le vêtement de leur choix une tunique faisant apparaître leur appartenance à l'entreprise ; qu'ainsi, la possibilité qui leur est offerte de choisir la façon dont ils entendent s'habiller pour se rendre à leur travail est-elle exclusive de toute atteinte à leur liberté d'aller et venir ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur X... de sa demande tendant à l'indemnisation de son temps d'habillage et de déshabillage, au paiement des congés payés afférents et à la remise de bulletins de salaire rectifiés » ;
ET AUX MOTIFS QUE Monsieur X... et les autres conducteurs receveurs qui estiment se voir imposer en matière de temps d'habillage et de déshabillage un régime différent de celui des autres catégories de personnel sont fondés à invoquer le principe plus général de l'égalité de traitement ; en effet, la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ; qu'en ce qui concerne la preuve de la méconnaissance de ce principe, il appartient d'une part au salarié de soumettre au juge des éléments susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, d'autre part à l'employeur de justifier des éléments objectifs qui justifient cette différence ; que Monsieur X... fait valoir qu'en vertu de l'accord d'entreprise du 3 octobre 2003, la catégorie des conducteurs-receveurs est soumise à un traitement particulier en matière de temps d'habillage et de déshabillage ; en effet, alors que tous les autres salariés revêtent leur tenue obligatoire dans l'entreprise, et perçoivent en conséquence une compensation de cinq minutes à la prise de poste et de cinq ou dix minutes en fin de poste, les conducteurs-receveurs sont tenus de revêtir leur tenue de référence à leur domicile sans aucune compensation, à moins qu'ils ne décident d'opter pour la tenue simplifiée, auquel cas est prévue une compensation d'une minute à la prise de poste, et d'une minute en fin de poste ; que la société Connex répond que cet accord n'a été conclu que pour répondre au souci de ne pas apporter à la liberté des salariés d'aller et venir des restrictions qui ne seraient ni justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché ; que dans cette perspective, il a été fait une distinction entre d'une part les personnels dont la tenue devait être clairement identifiable par les usagers du réseau, les services de l'Etat et les autres salariés de l'entreprise, d'autre part le personnel de conduite dont la tenue était exigée aux seules fins de représentation de l'entreprise et du service de transports urbains ; qu'à cet égard, pour confirmer le jugement ayant ordonné la mise en oeuvre des négociations qui devaient aboutir à l'accord du 3 octobre 2003, la Cour d'appel de Nancy, dans son arrêt du 10 décembre 2002, a relevé que la tenue de travail imposée aux conducteurs-receveurs était facilement identifiable, le sigle de l'entreprise étant apposé sur le revers de la veste dans la dimension de trois centimètres sur un centimètre ; que la société Connex ne pouvait les contraindre au port d'un tel vêtement au cours de leurs déplacements entre leur domicile et le lieu de leur prise de poste sans les exposer au risque d'être identifiés par les usagers à l'égard desquels ils avaient pu être amenés à exercer les pouvoirs qui leur étaient légalement confiés ; qu'ainsi, c'est pour répondre à cette exigence que, dans l'accord du 3 octobre 2003, il a été fait la distinction précédemment rappelée, le port d'une tenue revêtue d'un sigle d'appartenance à l'entreprise étant supprimé lorsqu'il n'était pas indispensable, la nécessité de revêtir une telle tenue, et la possibilité de le faire dans l'entreprise grâce à la mise à disposition de vestiaires, étant au contraire prévues pour les catégories de personnel soumises à un impératif d'identification, et assorties d'une compensation. Sur ce point, l'article 5 de l'accord collectif prévoit que le personnel d'exploitation et le personnel commercial doivent porter une tenue faisant apparaître la fonction, alors que la tenue des conducteurs receveurs n'est rendue obligatoire qu'aux seules fins de représentation de l'entreprise et du service de transports urbains ; que contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, si les tiers n'ont pas besoin d'un sigle ou signe distinctif pour reconnaître un conducteur-receveur lorsqu'il occupe son poste de conduite, il n'en va pas de même des contrôleurs vérificateurs ou des agents de maîtrise d'exploitation qui montent à l'improviste dans les transports en commun pour accomplir leur tâche, ou encore des agents des services commerciaux qui, supposés pouvoir renseigner la clientèle à tout moment, ne sont pas systématiquement postés derrière un guichet ; qu'en ce qui concerne cette dernière catégorie de personnel, par accord du 18 septembre 2006, les termes d'agent commercial de guichet ont été supprimés dans l'ensemble de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs par ceux d'agent d'information et de vente, fonction ainsi définie : agent assurant la vente des titres de transport et l'information du public dans les locaux du réseau ou à l'extérieur de ceux-ci et appelé en raison de sa polyvalence à participer à des opérations ou manifestations de caractère promotionnel ou commercial ; qu'il résulte de ce qui précède que le fait d'imposer aux seuls conducteurs-receveurs une tenue de référence non revêtue d'un signe révélant leur appartenance à l'entreprise, ou leur fonction, tout en leur laissant la possibilité d'opter pour une tenue simplifiée revêtue d'un tel signe qu'ils peuvent endosser dans l'entreprise moyennant une compensation moins importante que pour les autres salariés, en raison de son caractère sommaire, repose sur des éléments objectifs propres à justifier la différence de traitement litigieuse, et n'est constitutif d'aucun manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a considéré que Monsieur X... était victime d'une discrimination s'analysant en une exécution déloyale du contrat de travail, et lui a alloué des dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les dispositions de l'article L3121-3 du Code du travail prévoient, en leur alinéa 1, que le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties, qu'en outre, ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ; que, lorsque le port d'une tenue de travail est obligatoire, l'habillage et le déshabillage doivent se réaliser dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, que l'employeur ait ou non autorisé les salariés à effectuer ces opérations à leur domicile ; qu'un employeur ne peut être dispensé de son obligation de verser une contrepartie financière au motif qu'il a octroyé une telle autorisation à des salariés tenus de porter un habit de travail ; qu'en retenant, pour dispenser la société CONNEX du versement d'une contrepartie financière, que les salariés n'étaient pas tenus de s'habiller et de se déshabiller au sein de l'entreprise, alors qu'elle a par ailleurs constaté le caractère obligatoire de ces opérations, ce dont il résultait qu'elles s'effectuaient dans l'entreprise et que la contrepartie financière était due, quelles que soient les prévisions de l'accord applicable, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé, par refus d'application, l'article L3121-3 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'article 9 du Code civil, qui prévoit que chacun a droit au respect de sa vie privée, interdit à l'employeur toute atteinte à la vie privée des salariés ; que, lorsque le port d'une tenue de travail est obligatoire, l'habillage et le déshabillage doivent se réaliser dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, que l'employeur ait ou non permis aux salariés d'effectuer ces opérations à leur domicile ; qu'en retenant que l'option laissée aux salariés par l'accord d'entreprise de changer de vêtements chez eux ou dans l'entreprise excluait qu'il ait été porté atteinte à leur liberté d'aller et à venir, quand il résultait de cette option que les salariés pouvaient changer de vêtements à leur domicile et circuler avec leur habit professionnel entre leur domicile et leur lieu de travail, ce qui, en dispensant l'employeur de leur verser de contrepartie financière, portait atteinte à leur vie privée, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 9 du Code civil ;
ALORS ENCORE QUE, selon l'article L1121-1 du Code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu'il résulte des motifs de l'arrêt que la société CONNEX s'était dispensée du versement de la contrepartie financière prévue par l'article L3121-3 du Code du travail en concluant un accord collectif instituant la possibilité pour les salariés astreints au port d'un vêtement professionnel de se changer, soit à leur domicile, soit dans l'entreprise ; que la Cour d'appel, qui n'a pas constaté que cette restriction à la liberté individuelle d'aller et venir avec le vêtement de leur choix dans le cadre de leur vie privée, était justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché, a violé, par refus d'application, l'article L1121-1 du Code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis d'un écrit ; qu'en relevant que l'accord d'entreprise du 3 octobre 2003 avait prévu la suppression du sigle de l'entreprise sur les tenues professionnelles de référence du personnel de conduite, quand cet accord prévoit seulement, en son article 5, qu'il n'est porté aucune indication de la fonction de conducteur-receveur sur la tenue de référence, la Cour d'appel a violé, par dénaturation, l'article 5 de l'accord du 3 octobre 2003, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
ET ALORS, ENFIN, SUBSIDIAIREMENT QUE l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit, en son alinéa 1, que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, et, en son alinéa 2, qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que la règle découlant, selon les motifs de l'arrêt, de l'article L3121-3 du Code du travail en vertu de laquelle, lorsque les salariés ne se voient pas imposer par l'employeur l'obligation de s'habiller et de se déshabiller au sein de l'entreprise, ils n'auraient droit à aucune contrepartie financière, est incompatible avec les dispositions précitées de l'article 8 de la CESDH, cette règle impliquant que l'employeur soit dispensé du paiement de la contrepartie financière en autorisant les salariés à changer de vêtement à leur domicile et à circuler avec leur tenue de travail entre leur domicile et leur lieu de travail, ce qui porte atteinte à leur vie privée ; qu'en décidant que l'article L 3121-3 du Code du travail ainsi interprété ne portait pas atteinte à la liberté d'aller et venir des salariés, et, par conséquent, à leur vie privée, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 8 de la CESDH.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur X... (salarié) de sa demande tendant à ce que la société CONNEX NANCY (employeur) soit condamnée à lui verser des dommages-intérêts d'un montant de 4.500 euros, au titre de l'application de l'accord collectif d'entreprise du 3 octobre 2003 en ce que celui-ci institue une inégalité de traitement en matière de contrepartie financière au temps d'habillage et de déshabillage entre la catégorie du personnel de conduite et les autres catégories de personnel astreintes au port d'une tenue professionnelle, et D'AVOIR, par voie de conséquence, débouté Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice financier et résistance abusive, ainsi que le syndicat CGT DES TRAMS de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... et les autres conducteurs receveurs qui estiment se voir imposer en matière de temps d'habillage et de déshabillage un régime différent de celui des autres catégories de personnel sont fondés à invoquer le principe plus général de l'égalité de traitement ; en effet, la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ; qu'en ce qui concerne la preuve de la méconnaissance de ce principe, il appartient d'une part au salarié de soumettre au juge des éléments susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, d'autre part à l'employeur de justifier des éléments objectifs qui justifient cette différence ; que Monsieur X... fait valoir qu'en vertu de l'accord d'entreprise du 3 octobre 2003, la catégorie des conducteurs-receveurs est soumise à un traitement particulier en matière de temps d'habillage et de déshabillage ; en effet, alors que tous les autres salariés revêtent leur tenue obligatoire dans l'entreprise, et perçoivent en conséquence une compensation de cinq minutes à la prise de poste et de cinq ou dix minutes en fin de poste, les conducteurs-receveurs sont tenus de revêtir leur tenue de référence à leur domicile sans aucune compensation, à moins qu'ils ne décident d'opter pour la tenue simplifiée, auquel cas est prévue une compensation d'une minute à la prise de poste, et d'une minute en fin de poste ; que la société Connex répond que cet accord n'a été conclu que pour répondre au souci de ne pas apporter à la liberté des salariés d'aller et venir des restrictions qui ne seraient ni justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché ; que dans cette perspective, il a été fait une distinction entre d'une part les personnels dont la tenue devait être clairement identifiable par les usagers du réseau, les services de l'Etat et les autres salariés de l'entreprise, d'autre part le personnel de conduite dont la tenue était exigée aux seules fins de représentation de l'entreprise et du service de transports urbains ; qu'à cet égard, pour confirmer le jugement ayant ordonné la mise en oeuvre des négociations qui devaient aboutir à l'accord du 3 octobre 2003, la Cour d'appel de Nancy, dans son arrêt du 10 décembre 2002, a relevé que la tenue de travail imposée aux conducteurs-receveurs était facilement identifiable, le sigle de l'entreprise étant apposé sur le revers de la veste dans la dimension de trois centimètres sur un centimètre ; que la société Connex ne pouvait les contraindre au port d'un tel vêtement au cours de leurs déplacements entre leur domicile et le lieu de leur prise de poste sans les exposer au risque d'être identifiés par les usagers à l'égard desquels ils avaient pu être amenés à exercer les pouvoirs qui leur étaient légalement confiés ; qu'ainsi, c'est pour répondre à cette exigence que, dans l'accord du 3 octobre 2003, il a été fait la distinction précédemment rappelée, le port d'une tenue revêtue d'un sigle d'appartenance à l'entreprise étant supprimé lorsqu'il n'était pas indispensable, la nécessité de revêtir une telle tenue, et la possibilité de le faire dans l'entreprise grâce à la mise à disposition de vestiaires, étant au contraire prévues pour les catégories de personnel soumises à un impératif d'identification, et assorties d'une compensation. Sur ce point, l'article 5 de l'accord collectif prévoit que le personnel d'exploitation et le personnel commercial doivent porter une tenue faisant apparaître la fonction, alors que la tenue des conducteursreceveurs n'est rendue obligatoire qu'aux seules fins de représentation de l'entreprise et du service de transports urbains ; que contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, si les tiers n'ont pas besoin d'un sigle ou signe distinctif pour reconnaître un conducteur-receveur lorsqu'il occupe son poste de conduite, il n'en va pas de même des contrôleurs vérificateurs ou des agents de maîtrise d'exploitation qui montent à l'improviste dans les transports en commun pour accomplir leur tâche, ou encore des agents des services commerciaux qui, supposés pouvoir renseigner la clientèle à tout moment, ne sont pas systématiquement postés derrière un guichet ; qu'en ce qui concerne cette dernière catégorie de personnel, par accord du 18 septembre 2006, les termes d'agent commercial de guichet ont été supprimés dans l'ensemble de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs par ceux d'agent d'information et de vente, fonction ainsi définie : agent assurant la vente des titres de transport et l'information du public dans les locaux du réseau ou à l'extérieur de ceux-ci et appelé en raison de sa polyvalence à participer à des opérations ou manifestations de caractère promotionnel ou commercial ; qu'il résulte de ce qui précède que le fait d'imposer aux seuls conducteurs-receveurs une tenue de référence non revêtue d'un signe révélant leur appartenance à l'entreprise, ou leur fonction, tout en leur laissant la possibilité d'opter pour une tenue simplifiée revêtue d'un tel signe qu'ils peuvent endosser dans l'entreprise moyennant une compensation moins importante que pour les autres salariés, en raison de son caractère sommaire, repose sur des éléments objectifs propres à justifier la différence de traitement litigieuse, et n'est constitutif d'aucun manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a considéré que Monsieur X... était victime d'une discrimination s'analysant en une exécution déloyale du contrat de travail, et lui a alloué des dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;
ALORS QUE la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; que repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d'un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ; que l'accord du 3 octobre 2003 prévoit, en son article 5, que le personnel de conduite peut, soit revêtir une tenue de référence de confection courante pour les salariés acceptant de se vêtir et de se dévêtir à leur domicile, auquel cas ils ne bénéficient ni de temps d'habillage et de déshabillage ni de contrepartie financière, soit porter une tenue simplifiée (pour les salariés qui ne disposent pas de la tenue de référence tels que les apprentis ou les intérimaires, ainsi que pour les salariés qui refusent de porter la tenue de référence entre le domicile et le lieu de travail), auquel cas cette tenue est entreposée dans les vestiaires de l'entreprise et les opérations d'habillage et de déshabillage s'effectuent dans l'entreprise à raison d'une minute prise sur le temps de travail, et en ses articles 2 à 4, que les autres catégories de personnel de l'entreprise astreint au port d'une tenue professionnelle (personnels d'exploitation, commercial, et de maintenance) bénéficient en revanche de temps d'habillage et de déshabillage pris au sein de l'entreprise pendant le temps de travail (selon les catégories : cinq ou dix minutes) ; qu'en se bornant à relever de façon inopérante qu'à la suite de l'arrêt de la Cour d'appel de NANCY du 10 décembre 2002, l'accord du 3 octobre 2003 avait supprimé le sigle de l'entreprise sur les tenues de référence, pour en déduire que la disparité de traitement instituée par l'accord entre le personnel de conduite et les autres catégories était justifiée, sans rechercher si était justifiée par des éléments objectifs et pertinents tenant aux spécificités de la situation des salariés relevant de la catégorie du personnel de conduite, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération, l'inégalité de traitement, parmi les salariés revêtant une tenue de référence, selon leur catégorie professionnelle, tenant à ce que, selon l'accord précité, certains effectuaient leurs opérations d'habillage et de déshabillage au sein de l'entreprise pendant leur temps de travail, autrement dit contre paiement d'un salaire, et d'autres (le seul personnel de conduite) revêtaient leur tenue de référence à leur domicile sans contrepartie financière, à moins d'accepter de ne porter qu'une tenue simple, auquel cas ils ne percevaient qu'une contrepartie financière d'une minute (contre cinq ou dix minutes de salaire pour les autres catégories), la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement, ensemble les articles 2 à 5 de l'accord d'entreprise du 3 octobre 2003 ;
ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis d'un écrit ; qu'en relevant que l'accord d'entreprise du 3 octobre 2003 avait prévu la suppression du sigle de l'entreprise sur les tenues professionnelles de référence du personnel de conduite, quand cet accord prévoit seulement, en son article 5, qu'il n'est porté aucune indication de la fonction de conducteur-receveur sur la tenue de référence, la Cour d'appel a violé, par dénaturation, l'article 5 de l'accord du 3 octobre 2003, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
ET ALORS, ENFIN, AU DEMEURANT, QUE l'exposant avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, et en sollicitant la confirmation du jugement entrepris, qu'en application de l'accord d'entreprise en son article 5, les conducteurs receveurs, s'ils voulaient se voir attribuer une tenue de travail complète, ce qui était le cas de la majeure partie d'entre eux, étaient contraints de la revêtir et de l'ôter à leur domicile et sans percevoir de compensation financière, et régulariser en outre un document en ce sens en retirant leur tenue, là où les autres catégories de personnel percevaient une tenue complète sans contrainte relative au lieu d'habillage et de déshabillage, avec l'attribution d'un temps de cinq minutes à la prise de poste et de cinq minutes en fin de poste, et que cette inégalité de traitement n'était justifiée par la société CONNEX par aucun élément objectif, celle-ci se bornant à alléguer de façon mensongère que le sigle de l'entreprise avait été retiré de la tenue de référence du personnel de conduite, ce qui caractérisait en réalité une distinction artificielle et non justifiée entre les catégories de personnel, et ce d'autant plus que les tenues de référence étaient identiques pour toutes les catégories ; qu'en outre, celles-ci exerçaient toutes une fonction de représentation de l'entreprise, et qu'en toute hypothèse, la suppression de l'indication de la fonction sur le vêtement du conducteur-receveur ne justifiait pas l'inégalité du traitement litigieuse ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-16765;11-16766;11-16767;11-16768;11-16769;11-16770;11-16772;11-16773;11-16774;11-16775;11-16776;11-16777;11-16778;11-16779;11-16780;11-16781;11-16782;11-16783;11-16784;11-16785;11-16786;11-16787;11-16788;11-16789;11-16790;11-16791;11-16792;11-16793;11-16794;11-16795;11-16796;11-16797;11-16798;11-16799;11-16800;11-16801;11-16802;11-16804;11-16805;11-16806;11-16807;11-16809;11-16810;11-16811;11-16812;11-16813;11-16814;11-16815;11-16816;11-16817;11-16818;11-16819;11-16820;11-16821;11-16822;11-16823;11-16824;11-16825;11-16829;11-16830;11-16831;11-16832;11-16833;11-16834;11-16835;11-16836;11-16837;11-16838;11-16840;11-16841;11-16842;11-16844;11-16845;11-16846;11-16847;11-16848;11-16849;11-16850;11-16851;11-16852;11-16853;11-16854;11-16855;11-16856;11-16857;11-16858;11-16859;11-16860;11-16861;11-16862;11-16863;11-16864;11-16865;11-16866;11-16867;11-16868;11-16869;11-16870;11-16871;11-16872;11-16873;11-16874;11-16875;11-16876;11-16877;11-16878;11-16880;11-16881;11-16882;11-16883;11-16884;11-16885;11-16886;11-16887;11-16888;11-16894;11-16895;11-16896;11-16897;11-16898;11-16899;11-16900;11-16901;11-16902;11-16904;11-16905;11-16906;11-16907;11-16908;11-16911;11-16912;11-16913;11-16914;11-16915;11-16917;11-16919;11-16920;11-16921;11-16922;11-16923;11-16924;11-16925;11-16926;11-16927;11-16928;11-16929;11-16930;11-16931;11-16932;11-16933;11-16934;11-16935;11-16936;11-16937;11-16938;11-16939;11-16940
Date de la décision : 30/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 09 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 mai. 2012, pourvoi n°11-16765;11-16766;11-16767;11-16768;11-16769;11-16770;11-16772;11-16773;11-16774;11-16775;11-16776;11-16777;11-16778;11-16779;11-16780;11-16781;11-16782;11-16783;11-16784;11-16785;11-16786;11-16787;11-16788;11-16789;11-16790;11-16791;11-16792;11-16793;11-16794;11-16795;11-16796;11-16797;11-16798;11-16799;11-16800;11-16801;11-16802;11-16804;11-16805;11-16806;11-16807;11-16809;11-16810;11-16811;11-16812;11-16813;11-16814;11-16815;11-16816;11-16817;11-16818;11-16819;11-16820;11-16821;11-16822;11-16823;11-16824;11-16825;11-16829;11-16830;11-16831;11-16832;11-16833;11-16834;11-16835;11-16836;11-16837;11-16838;11-16840;11-16841;11-16842;11-16844;11-16845;11-16846;11-16847;11-16848;11-16849;11-16850;11-16851;11-16852;11-16853;11-16854;11-16855;11-16856;11-16857;11-16858;11-16859;11-16860;11-16861;11-16862;11-16863;11-16864;11-16865;11-16866;11-16867;11-16868;11-16869;11-16870;11-16871;11-16872;11-16873;11-16874;11-16875;11-16876;11-16877;11-16878;11-16880;11-16881;11-16882;11-16883;11-16884;11-16885;11-16886;11-16887;11-16888;11-16894;11-16895;11-16896;11-16897;11-16898;11-16899;11-16900;11-16901;11-16902;11-16904;11-16905;11-16906;11-16907;11-16908;11-16911;11-16912;11-16913;11-16914;11-16915;11-16917;11-16919;11-16920;11-16921;11-16922;11-16923;11-16924;11-16925;11-16926;11-16927;11-16928;11-16929;11-16930;11-16931;11-16932;11-16933;11-16934;11-16935;11-16936;11-16937;11-16938;11-16939;11-16940


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.16765
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