LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 4 avril 1979, M. X..., âgé de 18 ans, a été blessé lors d'un accident de la circulation impliquant le véhicule automobile de M. Y... ; qu'il a assigné l'assureur de ce véhicule, la société Mutuelle d'assurances des professions alimentaires (MAPA), en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble (la caisse) en réparation du préjudice subi à la suite de l'aggravation de son état ;
Attendu que le premier moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais, sur le second moyen :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que, pour fixer à la somme de 273 565,50 euros dont 262 165,50 euros au titre de la perte des gains professionnels futurs, le montant du préjudice subi par M. X... du fait de l'aggravation des conséquences de l'accident survenu le 4 avril 1979, et condamner la société MAPA à lui payer la somme de 160 292,80 euros et à la caisse celle de 113 372,70 euros, l'arrêt énonce qu'il convient de rappeler qu'initialement M. X... a, aux termes du rapport d'expertise décompensé une gonarthrose droite, responsable d'une gêne à la locomotion, ces douleurs et cette gêne ne lui permettant qu'environ une demi-heure de station debout ; que ces douleurs limitaient ses mouvements, l'ont alors empêché de terminer sa formation de CAP électromécanicien puis de se réorienter mais qu'il a néanmoins pu trouver un emploi de monteur câbleur qu'il a conservé pendant dix-neuf ans ; qu'il résulte des éléments précis relevés par l'expert judiciaire que l'aggravation de son préjudice n'est pas responsable de la perte de l'emploi qu'il avait pu trouver malgré son handicap mais lui a fait perdre toute chance d'en retrouver un autre, la classification en invalidité de 2e catégorie lui interdisant l'exercice d'une profession quelconque à compter du 21 octobre 2005 ;
Qu'en évaluant ainsi une indemnité réparant intégralement des pertes de gains professionnels futurs, alors qu'il résultait de ses constatations que, du chef de l'aggravation de son état de santé, M. X... avait seulement perdu une chance de retrouver un emploi après son licenciement économique pour autre cause, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour faire droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Ricard, avocat aux Conseils pour la Mutuelle d'assurance des professions alimentaires
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à la somme de 273 565,50 euros, dont 262 165,50 euros au titre de la perte de gains professionnels, le montant du préjudice total subi par Monsieur Jean-Marc X... du fait de l'aggravation des conséquences de l'accident survenu le 4 avril 1979, et d'avoir en conséquence condamné la MAPA à payer à Monsieur X... la somme de 160 292,80 euros et à la CPAM de GRENOBLE la somme de 113 372,70 euros ;
AUX MOTIFS QUE « sur les pertes de gains futurs, ce poste préjudice est destiné à indemniser la victime de la perte de revenus consécutive à l'aggravation de son préjudice ; que l'indemnité doit être égale à la perte annuelle de revenus, capitalisée ; que la MAPA demande l'infirmation de la décision en ce qu'elle a alloué 190 802 euros à monsieur Jean-Marc X... à ce titre et propose la somme de 50 000 euros, faisant observer que monsieur Jean-Marc X... n'avait pas d'activité professionnelle au moment de l'accident en sorte que son préjudice ne peut être analysé que comme une perte de chances ; Qu'elle rappelle qu'à la suite de l'accident, monsieur Jean-Marc X... a pu occuper un emploi de monteur câbleur pendant 19 ans, qu'il n'a perdu son emploi que pour un motif économique sans rapport avec son état de santé et n'a été placé en invalidité que 3 ans plus tard, en octobre 2005 ; que monsieur Jean-Marc X... invoque les conclusions du rapport d'expertise du 26 juin 2007 selon lesquelles le docteur A... indique que sa capacité professionnelle est réduite de 2/3 du fait de l'aggravation des conséquences de l'accident ; que s'agissant d'une demande formée au titre de l'aggravation du préjudice, il convient d'apprécier non le préjudice initial mais celui résultant de l'aggravation à la date de celle-ci ; qu'il convient de rappeler qu'initialement monsieur Jean-Marc X... a, aux termes du rapport d'expertise «décompensé une gonarthrose droite, responsable d'une gêne à la locomotion ...ces douleurs et cette gêne ne lui permettaient qu'environ une demi-heure de station debout » ; que ces douleurs limitaient ses mouvements, l'ont alors empêché de terminer sa formation de CAP électromécanicien puis de se réorienter mais qu'il a néanmoins pu trouver un emploi de monteur câbleur qu'il a conservé pendant 19 ans ; qu'il résulte des éléments précis relevés par l'expert judiciaire que l'aggravation de son préjudice n'est pas responsable de la perte de l'emploi qu'il avait pu trouver malgré son handicap mais lui a fait perdre toute chance d'en retrouver un autre, la classification en invalidité de 2e catégorie lui interdisant l'exercice d'une profession quelconque à compter du 21 octobre 2005 ; qu'il n'est pas contesté que le classement de monsieur Jean-Marc X... en invalidité est la conséquence de l'aggravation du préjudice initial ; que la perte de revenus liée à cette aggravation doit donner lieu à la perception d'une indemnité égale au salaire mensuel perdu soit 1 341 euros, annualisé et capitalisé ; quelle se compose : des arrérages échus, qui courent de la reconnaissance de l'invalidité à la présente décision, des arrérages à échoir, qui courent à compter de la présente décision ; que s'agissant des arrérages échus, ils s'élèvent à 1 341 euros pendant 50 mois soit 67 050 euros ; que s'agissant des arrérages à échoir, ils s'élèvent à la somme de 16 092 (perte de gains annuelle) x 12.125 ( euros de rente à 65 ans à l'âge de la victime en 2010 soit 49 ans) = 195 115,50 euros ; que la perte de gains totale doit être fixée à 262 165,50 euros ; que cette somme ne sera pas considérée comme excédant la demande, laquelle ne prenait pas en considération les conséquences de la loi du 21 décembre 2006, qui prévoit que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste ; qu'en l'espèce sur la perte de gains totale de 262 165,50 euros, la somme de 113 212,70 euros doit revenir à la CPAM en remboursement des indemnités versées et du capital constitutif ; que monsieur Jean-Marc X... percevra directement la somme de 148 892,80 euros » (arrêt p.4 et 5) ;
ALORS QUE les juges d'appel ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son seul appel ; que la MAPA, assureur du tiers responsable, était seule appelante du jugement en ce qu'il avait fixé à la somme de 190 802 euros le montant de la perte de gains professionnels subi par la victime, Monsieur X..., du fait de l'aggravation de son état en lien avec l'accident, qu'en réformant le jugement sur ce point et en fixant à la somme de 262 165,50 le montant de la perte de gains professionnels de Monsieur X..., la cour d'appel, qui a aggravé le sort de la MAPA sur son appel, a violé les articles 562 et 550 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, en toute hypothèse, le juge ne saurait méconnaître les termes du litige dont il est saisi ; qu'en se fondant sur la prétendue absence de prise en considération des conséquences du recours des tiers payeurs pour en déduire que la somme de 262 165,50 euros accordé au titre du préjudice professionnel ne sera pas considérée comme excédant le montant de la demande, quand Monsieur X... sollicitait dans ses conclusions la fixation de son préjudice professionnel à la somme de 190 802 euros au titre de l'aggravation constatée de son état de santé, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à la somme de 273 565,50 euros, dont 262 165,50 euros au titre de la perte de gains professionnels, le montant du préjudice total subi par Monsieur Jean-Marc X... du fait de l'aggravation des conséquences de l'accident survenu le 4 avril 1979, et d'avoir en conséquence condamné la MAPA à payer à Monsieur X... la somme de 160 292,80 euros et à la CPAM de GRENOBLE la somme de 113 372,70 euros ;
AUX MOTIFS QUE « sur les pertes de gains futurs, ce poste préjudice est destiné à indemniser la victime de la perte de revenus consécutive à l'aggravation de son préjudice ; que l'indemnité doit être égale à la perte annuelle de revenus, capitalisée ; que la MAPA demande l'infirmation de la décision en ce qu'elle a alloué 190 802 euros à monsieur Jean-Marc X... à ce titre et propose la somme de 50 000 euros, faisant observer que monsieur Jean-Marc X... n'avait pas d'activité professionnelle au moment de l'accident en sorte que son préjudice ne peut être analysé que comme une perte de chances ; Qu'elle rappelle qu'à la suite de l'accident, monsieur Jean-Marc X... a pu occuper un emploi de monteur câbleur pendant 19 ans, qu'il n'a perdu son emploi que pour un motif économique sans rapport avec son état de santé et n'a été placé en invalidité que 3 ans plus tard, en octobre 2005 ; que monsieur Jean-Marc X... invoque les conclusions du rapport d'expertise du 26 juin 2007 selon lesquelles le docteur A... indique que sa capacité professionnelle est réduite de 2/3 du fait de l'aggravation des conséquences de l'accident ; que s'agissant d'une demande formée au titre de l'aggravation du préjudice, il convient d'apprécier non le préjudice initial mais celui résultant de l'aggravation à la date de celle-ci ; qu'il convient de rappeler qu'initialement monsieur Jean-Marc X... a, aux termes du rapport d'expertise « décompensé une gonarthrose droite, responsable d'une gêne à la locomotion ...ces douleurs et cette gêne ne lui permettaient qu'environ une demi-heure de station debout » ; que ces douleurs limitaient ses mouvements, l'ont alors empêché de terminer sa formation de CAP électromécanicien puis de se réorienter mais qu'il a néanmoins pu trouver un emploi de monteur câbleur qu'il a conservé pendant 19 ans ; qu'il résulte des éléments précis relevés par l'expert judiciaire que l'aggravation de son préjudice n'est pas responsable de la perte de l'emploi qu'il avait pu trouver malgré son handicap mais lui a fait perdre toute chance d'en retrouver un autre, la classification en invalidité de 2e catégorie lui interdisant l'exercice d'une profession quelconque à compter du 21 octobre 2005 ; qu'il n'est pas contesté que le classement de monsieur Jean-Marc X... en invalidité est la conséquence de l'aggravation du préjudice initial ; que la perte de revenus liée à cette aggravation doit donner lieu à la perception d'une indemnité égale au salaire mensuel perdu soit 1 341 euros, annualisé et capitalisé ; quelle se compose : des arrérages échus, qui courent de la reconnaissance de l'invalidité à la présente décision, des arrérages à échoir, qui courent à compter de la présente décision ; que s'agissant des arrérages échus, ils s'élèvent à 1 341 euros pendant 50 mois soit 67 050 euros ; que s'agissant des arrérages à échoir, ils s'élèvent à la somme de 16 092 (perte de gains annuelle) x 12.125 ( euros de rente à 65 ans à l'âge de la victime en 2010 soit 49 ans) = 195 115,50 euros ; que la perte de gains totale doit être fixée à 262 165,50 euros ; que cette somme ne sera pas considérée comme excédant la demande, laquelle ne prenait pas en considération les conséquences de la loi du 21 décembre 2006, qui prévoit que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste ; qu'en l'espèce sur la perte de gains totale de 262 165,50 euros, la somme de 113 212,70 euros doit revenir à la CPAM en remboursement des indemnités versées et du capital constitutif ; que monsieur Jean-Marc X... percevra directement la somme de 148 892,80 euros » (arrêt p.4 et 5) ;
ALORS QUE le préjudice consistant en la disparition de la probabilité d'un événement favorable s'analyse en une perte de chance dont la réparation correspond à une fraction du bénéfice que la victime aurait retiré de la survenance de l'événement dont la réalisation a été empêchée ; que la cour d'appel relève que l'aggravation de l'état de la victime, Monsieur X..., en lien avec l'accident n'était pas à l'origine de la perte de son emploi mais que cette aggravation l'avait privée de la possibilité d'en retrouver un, qu'il en résultait que le préjudice subi du fait de l'aggravation s'analysait en une perte de chance de retrouver un emploi, qu'en accordant néanmoins à Monsieur X... une indemnité égale au salaire mensuel dont il disposait avant son licenciement économique, sans évaluer la chance qu'il aurait eu de retrouver un emploi équivalent si son état ne s'était pas aggravé, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.