La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2012 | FRANCE | N°11-17360

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 mai 2012, 11-17360


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X...a été recrutée par l'association Interaction services, qui a pour activité les services à domicile, comme responsable de secteur à compter du 5 novembre 2007 ; qu'elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 31 octobre 2008 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'indemnités pour licenciement abusif et en règlement d'heures supplémentaires ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt

de dire que son licenciement repose sur des fautes graves et de la débouter de ses ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X...a été recrutée par l'association Interaction services, qui a pour activité les services à domicile, comme responsable de secteur à compter du 5 novembre 2007 ; qu'elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 31 octobre 2008 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'indemnités pour licenciement abusif et en règlement d'heures supplémentaires ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur des fautes graves et de la débouter de ses demandes indemnitaires, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge prud'homal ne peut s'écarter des faits tels que visés dans la lettre de licenciement au point de confondre un fait décrit comme ayant donné lieu uniquement à un avertissement avec un fait justifiant à titre principal le licenciement pour faute grave ; qu'en effet, la lettre de licenciement du 31 octobre 2008 ne reprochait à Madame X...d'avoir fait travailler sa fille sans contrat de travail qu'à titre d'avertissement délivré en août 2008, de sorte que la cour d'appel, qui a retenu que la salariée avait eu un comportement irresponsable, et renouvelé à plusieurs reprises au cours de l'année 2008, notamment lors de l'embauche de sa fille au mois de mars 2008, a statué à partir de faits différents de ceux visés dans la lettre de licenciement et a, par suite, violé l'article L. 1232-6 du code du travail, ensemble l'article L. 1234-1 du même code et l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que la cour d'appel ne pouvait non plus se fonder sur les conditions d'embauche de Mme
Y...
, lesquelles étaient antérieures à l'avertissement en août 2008 ; que, par suite, l'arrêt attaqué qui a statué à partir de faits ne pouvant être pris en considération au soutien de la faute grave, a violé encore l'article L. 1234-1 du code du travail, sans avoir respecté la procédure préalable ayant trait à l'établissement et à la signature de contrats de travail ; qu'elle a saisi la le conseil de prud'hommes de Marseille de demandes en paiement d'indemnités pour licenciement abusif et en règlement d'heures supplémentaires ;

3°/ que s'agissant des deux femmes de ménage, Mmes Z...et A..., Mme X...avait fait ressortir que ces personnes avaient obtenu la délivrance de contrats de travail dans les 48 heures de leur embauche ; que dès lors, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée sur cette circonstance exonératoire de toute faute, bien qu'elle en fût saisie, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, d'une part, n'a évoqué l'embauche de la fille de la salariée que pour constater la réitération du même fait fautif après celui déjà sanctionné, d'autre part, a constaté que l'employeur n'avait eu connaissance du recrutement de Mme Y...qu'après l'avertissement donné en août 2008 ; qu'il s'ensuit que les deux premiers griefs du moyen manquent en fait ;

Et attendu, qu'ayant relevé que la salariée avait fait travailler plusieurs personnes avant que leurs contrats de travail n'eussent été conclus, et ainsi n'avait pas suivi la procédure administrative de recrutement du personnel en vigueur dans l'entreprise prévoyant que ce n'est qu'après la signature du contrat de travail par la direction que l'employée est planifiée par le responsable de secteur, la cour d'appel a, sans encourir le troisième grief du moyen, légalement justifié sa décision ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;

Attendu que pour rejeter la demande de la salariée en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt retient qu'à l'appui de sa réclamation au paiement de 491 heures supplémentaires, la salariée produit aux débats plusieurs attestations ainsi qu'un tableau qu'elle a elle-même établi et qui mentionne, qu'elle aurait exécuté deux heures supplémentaires par jour chaque mois entre novembre 2007 et octobre 2008, qu'elle aurait participé à cinq réunions le samedi, d'une durée chacune de trois heures, en novembre et décembre 2007, avril, mai et juin 2008 et enfin qu'elle aurait effectué des visites " pour garde d'enfants ", entre 18 heures et 20 heures les 24 et 26 septembre 2008, que l'employeur rappelle que la salariée n'a jamais réclamé le paiement de telles heures au cours de la relation contractuelle, ce qui est confirmé par la comptable et n'a pas réclamé de ce chef dans sa lettre de contestation du licenciement ni dans ses premières réclamations devant la juridiction prud'homale, que de fait, la réclamation de la salariée est insuffisamment étayée puisqu'elle ne produit aucun document, tel qu'agenda, récapitulant, jour par jour, les heures qu'elle prétend avoir effectuées et indiquant les dates précises des réunions auxquelles elle prétend avoir participé certains samedis ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l'absence de réclamation de l'intéressée et alors qu'il résultait de ses constatations que la demande était étayée par la production d'éléments suffisamment précis auxquels l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions relatives aux heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 20 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne l'association aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 condamne l'association à payer 2 500 euros à la SCP Laugier ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X...reposait sur des fautes graves et d'avoir débouté celle-ci de ses demandes indemnitaires relatives à un licenciement injustifié ;

AUX MOTIFS QUE l'Association démontre effectivement que Madame X...a bien fait travailler plusieurs personnes avant même que leurs contrats de travail à durée déterminée ne soient signés par l'employeur : qu'il en est ainsi de Madame
Y...
, du 23 au 30 mai 2008, qui ne signera elle jamais aucun contrat et ne sera pas rémunérée pour sa prestation ; que son intervention n'est pas contestée par Madame X...qui reconnaît qu'elle « a suivi des heures de formation (…) avec une des salariées déjà sur le terrain », mais se justifie en affirmant qu'elle « ne s'est pas déplacée pour signer son contrat comme prévu et ne s'est pas présentée le lundi 2 juin 2008, date à laquelle elle était censée commencer seule chez les bénéficiaires » ; qu'il n'est pas contesté que l'employeur n'a appris l'existence de cette intervenante que le 20 octobre 2008 ; que Mesdames Z...(ont été employées) à compter du 11 septembre 2008 et A... à partir du 12 septembre 2008 ; que, encore, Madame X...ne conteste pas les faits, mais se justifie en affirmant que : « la comptable, Mademoiselle B..., a été avertie le jour même de leur embauche » et en indiquant que : « l'employeur a payé immédiatement les salaires correspondants, ayant eu connaissance des pointages qui s'effectuent en fin de mois » ; que, s'il est exact qu'il n'était pas dans les attributions de Madame X...« d'établir les contrats de travail ni de les faire signer », sa fiche de poste prévoit qu'elle était en charge du recrutement et du suivi des salariés ; qu'ainsi, elle ne pouvait ignorer la procédure administrative de recrutement du personnel qui prévoit que ce n'est qu'après la signature du contrat par la direction que l'employée est planifiée par le responsable de secteur ; qu'or, en l'espèce, Madame B...est venue rappeler qu'elle n'a été avisée que le lundi suivant de l'embauche des deux dernières salariées, qui avaient pourtant commencer à travailler la semaine précédente au profit de l'Association sur les instructions de Madame X...et elle n'a appris l'existence de Madame Y...que plusieurs mois après son intervention ; qu'un tel comportement irresponsable, renouvelé à plusieurs reprises au cours de l'année 2008, notamment au profit de la propre fille de Madame X..., qu'elle a fait travailler à partir du 1er mars et que son contrat n'a été signé que le 19 mars, aurait pu avoir des conséquences particulièrement lourdes pour l'association des points de vue fiscal, administratif et social ; qu'il caractérise une faute grave empêchant le maintien de l'intéressée dans son emploi y compris pendant la période de préavis ; que le jugement entrepris sera donc infirmé ;

1°) ALORS QUE le juge prud'homal ne peut s'écarter des faits tels que visés dans la lettre de licenciement au point de confondre un fait décrit comme ayant donné lieu uniquement à un avertissement avec un fait justifiant à titre principal le licenciement pour faute grave ; qu'en effet, la lettre de licenciement du 31 octobre 2008 ne reprochait à Madame X...d'avoir fait travailler sa fille sans contrat de travail qu'à titre d'avertissement délivré en août 2008, de sorte que la Cour d'appel, qui a retenu que la salariée avait eu un comportement irresponsable, et renouvelé à plusieurs reprises au cours de l'année 2008, notamment lors de l'embauche de sa fille au mois de mars 2008, a statué à partir de faits différents de ceux visés dans la lettre de licenciement et a, par suite, violé l'article L. 1232-6 du Code du travail, ensemble l'article L. 1234-1 du même Code et l'article 4 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la Cour d'appel ne pouvait non plus se fonder sur les conditions d'embauche de Madame
Y...
, lesquelles étaient antérieures à l'avertissement en août 2008 ; que, par suite, l'arrêt attaqué qui a statué à partir de faits ne pouvant être pris en considération au soutien de la faute grave, a violé encore l'article L. 1234-1 du Code du travail ;

3°) ALORS QUE s'agissant des deux femmes de ménage, Mesdames Z...et A..., Madame X...avait fait ressortir que ces personnes avaient obtenu la délivrance de contrats de travail dans les 48 heures de leur embauche ; que dès lors, la Cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée sur cette circonstance exonératoire de toute faute, bien qu'elle en fût saisie, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1234-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR limité la condamnation de l'Association INTERACTION SERVICES au paiement au profit de Madame X...au titre des heures supplémentaires de la seule somme de 83, 10 € et au titre des congés payés afférents de celle de 8, 31 € ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 4 de son contrat de travail, Madame X...devait travailler 35 heures par semaine ; qu'à l'appui de sa réclamation au paiement de 491 heures supplémentaires, elle produit aux débats un tableau qu'elle a elle-même établi et qui mentionne qu'elle aurait exécuté deux heures supplémentaires chaque jour chaque mois entre novembre 2007 et octobre 2008, qu'elle aurait participé à 5 réunions le samedi d'une durée chacune de 3 heures en novembre et décembre 2007, avril, mai et juin 2008 et enfin qu'elle aurait effectué des visites « pour garde d'enfants » entre 18 h et 20 h les 24 et 26 septembre 2008, les attestations de Monsieur E...du 24 avril 2009 salarié de l'association, l'attestation de Madame F...du 8 décembre 2008 et celle de Monsieur G...ancien salarié du 11 janvier 2008 ; que l'employeur, qui conteste « fermement » lui devoir des heures supplémentaires, rappelle que Madame X...n'a jamais réclamé le paiement de telles heures au cours de la relation contractuelle, ce qui est confirmé par la comptable dans son attestation du 9 mars 2009, que la salariée n'a pas réclamé de ce chef dans sa lettre de contestation du licenciement du 2 novembre 2008, ni dans ses premières réclamations devant la juridiction prud'homales ; que, de fait, cette réclamation est insuffisamment étayée lorsque Madame X...prétend avoir réalisé deux heures de travail supplémentaires par jour puisqu'elle ne produit aucun document tel qu'un agenda, récapitulant jour par jour les heures qu'elle prétend avoir effectuées et indiquant les dates précises des réunions auxquelles elle prétend avoir participé certains samedis, les attestations de Messieurs E...et G...étant par ailleurs peu crédibles puisque mentionnant des dépassements d'horaires (« même le week-end et jour férié » selon le premier) non réclamés par l'intéressée ; qu'il reste toutefois que l'employeur ne contredit pas la salariée lorsqu'elle prétend avoir travaillé deux fois 3 heures supplémentaires les 24 et 26 septembre 2008 entre 18 h et 20 h, réclamation confortée par l'attestation de Madame F...; que l'Association sera donc condamnée à verser à la salariée la somme de 83, 10 € (13, 85 x 6) outre celle de 8, 31 € de congés payés afférents ;

1°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'aussi bien, en affirmant que le seul décompte des heures établi par la salariée sous la forme d'un tableau n'était pas suffisamment précis et de nature à étayer sa demande en paiement des heures supplémentaires quand il ressortait de ses propres énonciations que l'employeur, qui s'était borné à une contestation en bloc sans fournir ses éléments, l'arrêt attaqué a violé l'article 3171-4 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE la Cour d'appel, en rejetant la majeure partie de la demande de la salariée sans nullement faire référence à d'éventuels éléments de preuve de l'employeur justifiant des heures accomplies, selon lui par Madame X..., sans que l'employeur justifie des heures effectivement accomplies par Madame X..., a fait peser essentiellement sur la seule salariée la charge de la preuve des heures supplémentaires dont elle revendiquait le paiement et a par suite violé l'article 3171-4 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-17360
Date de la décision : 23/05/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 20 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 mai. 2012, pourvoi n°11-17360


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Laugier et Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.17360
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award