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23/05/2012 | FRANCE | N°11-11522

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 mai 2012, 11-11522


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 1er décembre 2010) que M.
X...
a été engagé par la société Papeteries de Clairefontaine le 15 avril 1996 en qualité de chef de quai puis, à compter du 3 avril 2000, d'agent de gestion de stock ; que le 30 octobre 2008, il a été mis à pied à titre disciplinaire pour une durée de trois jours ; qu'il a été licencié pour faute grave, le 19 mars 2009 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour demander l'annulation de la mise à pied et contester le bien-fond

é de son licenciement ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 1er décembre 2010) que M.
X...
a été engagé par la société Papeteries de Clairefontaine le 15 avril 1996 en qualité de chef de quai puis, à compter du 3 avril 2000, d'agent de gestion de stock ; que le 30 octobre 2008, il a été mis à pied à titre disciplinaire pour une durée de trois jours ; qu'il a été licencié pour faute grave, le 19 mars 2009 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour demander l'annulation de la mise à pied et contester le bien-fondé de son licenciement ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire alors, selon le moyen :

1°/ qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les attestations sur lesquelles l'employeur a fondé la sanction dataient du 23 juillet 2008 et que la convocation de M.
X...
à l'entretien préalable datait du 14 octobre 2008 ; qu'il en résulte que l'engagement des poursuites disciplinaires est intervenu plus de deux mois après que l'employeur a eu connaissance des faits ; qu'en jugeant ces faits non atteints par la prescription, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;

2°/ qu'en retenant que le directeur de finition attestait avoir diligenté une enquête sans rechercher si les attestations du 23 juillet 2008 n'avaient pas permis à l'employeur d'avoir une connaissance exacte des faits reprochés ni si cette enquête s'avérait en conséquence nécessaire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

3°/ qu'en jugeant que les congés du supérieur de M.
X...
auquel les attestations avaient été remises autorisaient l'employeur à prolonger le délai de deux mois prescrits par l'article L. 1332-4 du code du travail, la cour d'appel a encore violé ledit article L. 1332-4 du code du travail ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve, la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur n'avait eu connaissance de l'ampleur et de la réalité des faits reprochés au salarié qu'au mois de septembre 2008, à l'issue de l'enquête qui avait été diligentée, en a justement déduit que les faits n'étaient pas atteints par la prescription au moment de l'engagement des poursuites disciplinaires, le 14 octobre 2008 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une faute grave alors, selon le moyen :

1°/ qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que le délai de prescription de deux mois prévu au troisième de ces textes pour engager une procédure disciplinaire n'est ni suspendu ni interrompu pendant la période de suspension du contrat de travail ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le motif de licenciement était connu de l'employeur dans les jours suivant l'arrêt maladie du 13 novembre 2008, et que l'employeur a attendu le 2 mars 2009, soit près de quatre mois, pour convoquer le salarié à un entretien préalable à son licenciement ; qu'en affirmant que le délai de prescription était suspendu durant l'arrêt maladie du salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;

2°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige quant aux motifs qui y sont énoncés ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'employeur reprochait au salarié, dans la lettre lui notifiant son licenciement, d'avoir déplacé volontairement les outils de travail appartenant à l'entreprise dans sa session personnelle ; que M.
X...
contestait avoir jamais eu une session personnelle sur son ordinateur professionnel ; qu'en jugeant néanmoins son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel qui n'a pas recherché si le salarié avait effectivement déplacé volontairement les outils de travail appartenant à l'entreprise dans sa session personnelle, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail ;

3°/ que M.
X...
faisait valoir dans ses écritures d'appel que son employeur ne l'avait à aucun moment contacté pour obtenir le mot de passe requis ; qu'en s'abstenant de rechercher si le salarié n'avait pas ainsi été tenu dans l'ignorance du blocage allégué par l'employeur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1232-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté, d'une part, que le salarié avait procédé volontairement, avant d'être placé en arrêt maladie, à la mise en place d'un mot de passe personnalisé ayant pour conséquence de mettre obstacle à la consultation de fichiers professionnels par son employeur et ce, en dépit de l'interdiction qui lui avait faite à cet égard et, d'autre part, qu'à aucun moment durant son arrêt de travail, il n'était intervenu pour communiquer le mot de passe grâce auquel il eût été possible d'accéder à ses données professionnelles de sorte que la situation de blocage dénoncée par l'employeur s'était prolongée durant toute cette période, la cour d'appel, qui a justement retenu que les faits n'étaient pas prescrits a, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche du moyen, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M.
X...
aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M.
X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Bernard
X...
de ses demandes tendant à voir annuler la mise à pied disciplinaire et à voir condamner la SAS PAPETERIES CLAIREFONTAINE au paiement d'un rappel de salaire sur la période de mise à pied, des congés payés y afférents et de dommages-intérêts pour préjudice moral.

AUX MOTIFS QUE la lettre de mise à pied disciplinaire qui fixe les limites du litige doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables sous peine de rendre la sanction dépourvue de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la lettre de mise à pied du 30 octobre 2008 était rédigée en ces termes : " Monsieur, nous vous avons convoqué le lundi 27 octobre 2008 en nos locaux pour un entretien préalable à une sanction disciplinaire, entretien au cours duquel vous étiez invité à fournir toute explication sur les faits qui vous sont reprochés : A l'aide d'attestations de témoignage, trois collègues de travail se plaignent de vos pratiques managériales sévères à leur égard. Lorsque nous vous avons demandé de vous expliquer sur ces dires, vous n'avez pas nié le fait que vous entreteniez des relations très difficiles avec plusieurs personnes de l'entreprise. Plus grave, une collègue vous accuse même dans son attestation de gestes ou de paroles déplacées, ce que vous avez contesté au cours de notre entretien. En revanche, vous nous avez confirmé transmettre à plusieurs personnes de l'entreprise (dont les trois personnes qui témoignent en votre défaveur) des photos et courriels grivois et à caractère sexuel. Cette conduite au travail met en cause la bonne marche du service, et les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 27 octobre 2008 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. Nous ne pouvons tolérer ce comportement qui nuit au bon fonctionnement de notre entreprise et entache notre crédibilité face à vos collègues de travail. Le manager d'une équipe doit faire preuve d'exemplarité à l'égard de ses collaborateurs, ce que vous n'avez pas été en mesure de démontrer ces dernières semaines. Pour ces motifs, nous vous infligeons une sanction de mise à pied disciplinaire de trois jour s avec retenue correspondante de salaire sur la paie du mois de novembre 2008 " ; que Monsieur
X...
invoque en premier lieu les dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail selon lequel " aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. " ;
qu'iI fait valoir, ce qui a été retenu par les premiers juges, que les attestations sur lesquelles se fonde l'employeur pour démontrer la réalité des faits reprochés sont toutes datées du 23 juillet 2008 de sorte que la lettre de convocation à l'entretien préalable à la mise à pied notifiée le 14 octobre 5 5 suivant serait postérieure à l'expiration du délai de prescription ; que cependant, Monsieur Y..., directeur de finition du magasin matières où Monsieur
X...
exerçait les fonctions de responsable de gestion des stocks, atteste que les faits litigieux ont donné lieu à la mise en oeuvre par ses soins d'une enquête, et que dans ce cadre, des salariés ont rédigé des attestations qui ne sont parvenues à sa connaissance qu'au retour de ses congés qu'il avait pris du 1er au 25 août 2008, et qu'il a transmises à la direction avec son rapport, au début du mois de septembre ; qu'ainsi, alors que Monsieur Y..., en sa qualité de directeur finition du magasin matières, n'était pas investi du pouvoir de décider d'une mesure disciplinaire, et s'est borné à recueillir les doléances de certains salariés avant de les transmettre, avec son rapport, à la direction de l'entreprise, il y a lieu de constater que celle-ci, en convoquant, le 14 octobre 2008, le salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fondée sur des faits dont elle n'avait eu connaissance qu'au début du mois de septembre précédent, a agi dans le délai de deux mois prévu par le texte sus-visé ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu le moyen tiré de la prescription des faits ; que s'agissant du bien fondé de ceux-ci, l'intimé fait valoir que la lettre de mise à pied ne fait état d'aucun fait précis, ni même daté, et qu'en tout état de cause, le doute doit lui profiter ; que cependant, alors qu'aucun texte n'exige que les faits reprochés soient datés, la lettre suscitée fait état de faits suffisamment précis pour être vérifiables puisqu'il s'agissait des pratiques managériales de Monsieur
X...
à l'égard de trois de ses collègues, de son comportement prétendument déplacé à l'égard de l'une de ses collègues, enfin de la transmission de photos et courriels grivois et à caractère sexuel ; qu'à cet égard, Monsieur Gérard Z..., papetier, indique que depuis son entrée dans le service matières, le 5 mai 2008, Monsieur X... le harcèle en l'appelant au téléphone pour lui rappeler des choses qu'il connaît, comme la distinction entre le format A4 et le format A3, et ainsi l'amener à douter de lui-même et à se tromper. Il ajoute qu'ayant l'autorisation de la direction de récupérer le bois des palettes cassées dans l'entreprise, Monsieur
X...
prend un malin plaisir à le jeter à la poubelle systématiquement ; que Madame B...Pierrat, papetière, atteste que depuis sa prise de poste au magasin matières, Monsieur X... la harcèle ; qu'elle expose que ce comportement a commencé par des gestes (main sur la cuisse etc...) ou des paroles déplacées, suivis de la transmission par la voie électronique de photos ou de messages à caractère pornographique ; qu'ensuite l'intéressé s'est mis à la questionner sur sa vie privée, à lui inventer des amants sur son lieu de travail de sorte qu'elle a pris le parti d'éviter tout contact avec lui, ce qui a eu pour conséquence des reproches incessants sur la qualité de son travail ; que Monsieur Alain C..., cariste, confirme quant à lui que Madame D...subissait depuis plusieurs années le harcèlement physique et moral de Monsieur
X...
au point qu'elle désirait changer de poste ; que Monsieur
X...
soutient que le grief tiré d'une prétendue " pratique managériale sévère " n'est pas fondé dans la mesure où, selon l'organigramme qu'il verse aux débats et qui contredit celui fourni par son employeur, il n'avait aucune autorité à l'égard des magasiniers qui étaient sous les ordres des contremaîtres ; qu'il ajoute être victime d'une 6 6 cabale des trois salariés qui ont témoigné en sa défaveur ; que toutefois, quel que soit l'organigramme retenu, celui fourni par l'employeur pour les années 2006 à 2008, ou celui fourni par le salarié et valable à compter du 5 mai 2008, il fait apparaître que Monsieur
X...
, en tant qu'agent de maîtrise responsable de gestion des stocks, avait des relations de travail avec les magasiniers, ce qui pouvait l'amener, non pas à donner directement des ordres à ceux-ci, mais à apprécier la qualité de leur travail ; que par ailleurs, l'intimé dénie à tort la véracité des déclarations faites par Madame D...dans la mesure où elles sont confirmées par Monsieur C..., et où il ne fournit lui-même aucune pièce propre à faire douter de leur authenticité ; qu'en l'état de ces éléments, il y a lieu de considérer que les griefs énoncés dans la lettre du 30 octobre 2008 sont établis, et d'infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande tendant à l'annulation de la mise à pied litigieuse et accueilli la demande de rappel de salaire qui y était associée.

ALORS QU'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les attestations sur lesquelles l'employeur a fondé la sanction dataient du 23 juillet 2008 et que la convocation de Monsieur Bernard
X...
à l'entretien préalable datait du 14 octobre 2008 ; qu'il en résulte que l'engagement des poursuites disciplinaires est intervenu plus de deux mois après que l'employeur a eu connaissance des faits ; qu'en jugeant ces faits non atteints par la prescription, la Cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du Code du travail.

ET ALORS QU'en retenant que le directeur de finition attestait avoir diligenté une enquête sans rechercher si les attestations du 23 juillet 2008 n'avaient pas permis à l'employeur d'avoir une connaissance exacte des faits reprochés ni si cette enquête s'avérait en conséquence nécessaire, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1332-4 du Code du travail.

ALORS enfin QU'en jugeant que les congés du supérieur de Monsieur Bernard
X...
auquel les attestations avaient été remises autorisaient l'employeur à prolonger le délai de deux mois prescrits par l'article L. 1332-4 du Code du travail, la Cour d'appel a encore violé ledit article L. 1332-4 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Bernard
X...
de ses demandes tendant au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité au titre du droit individuel à la formation.

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables sous peine de rendre le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que par ailleurs, la faute grave privative du droit aux indemnités de 9 9 rupture, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, et qu'il appartient à l'employeur de démontrer, se définit comme celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 19 mars 2009 fait état du comportement de Monsieur
X...
à l'égard de ses responsables hiérarchiques, comportement pouvant remettre en cause leur autorité auprès de ses collègues de travail, de ses réflexions déplacées susceptibles de créer des problèmes de communication nuisibles au bon fonctionnement des équipes. Il est précisé que malgré de nombreux rappels à l'ordre, l'intéressé a persisté dans son refus de communiquer avec ses collègues de travail et de partager les informations utiles ; enfin que son attitude vis-à-vis de ses responsables hiérarchiques marque une volonté délibérée de provocation propre à amoindrir leur autorité, et qui ne peut plus être tolérée dans l'entreprise ; que pour établir ce grief, l'employeur produit un document qui, établi le 20 février 2009, par Monsieur Y..., dénonce l'impossibilité de travailler avec Monsieur X... dont le comportement, les paroles, le management ne répondent plus aux critères de l'entreprise, ni à son statut ; qu'il est précisé dans ce document que la situation est parvenue à un point de non retour, les consignes et les ordres donnés n'étant plus transmis, ou interprétés de façon à déstabiliser le personnel, plus particulièrement le personnel féminin ; que toutefois, alors que les reproches ainsi dirigés contre le salarié sont généraux et difficilement vérifiables, aucune pièce n'est produite qui permette de les illustrer et de montrer à quelles situations pratiques ils font référence ; que le jugement mérite donc d'être confirmé en ce qu'il a écarté ce premier grief ; que la lettre de licenciement énonce encore que Monsieur
X...
, mis à pied à titre disciplinaire du 18 au 20 novembre 2008, et mis en arrêt de travail à compter du 21 novembre, a été remplacé dans ses fonctions d'agent de gestion des stocks par Mademoiselle E..., et que celle-ci s'est trouvée dans l'impossibilité d'accéder aux outils de travail (fichiers de suivi et de gestion des stocks, modèles de fiches pour adhésifs, de fiches macules, de fiches inventaires) parce-que-ces-documents avaient été répertoriés dans la session personnelle-dé Monsieur
X...
, laquelle ne pouvait s'ouvrir qu'avec un code d'accès personnel. II est ainsi reproché à l'intéressé d'avoir déplacé volontairement les outils de travail appartenant à l'entreprise dans sa session personnelle, et d'avoir ainsi supprimé les fichiers qui se trouvaient dans le répertoire commun des magasiniers ; que Mademoiselle E...atteste qu'à son arrivée au poste de Monsieur
X...
, elle a été surprise de constater que l'ordinateur de celui-ci était dépourvu de messagerie ainsi que des documents nécessaires à son travail, et que l'accès à sa session était bloqué par un mot de passe, ce qui interdisait aux informaticiens d'en divulguer le contenu ; que cette situation a été à l'origine d'importantes difficultés et d'une perte de temps considérable dans la mesure où il a été nécessaire de reconstituer toutes les données auxquelles il n'était plus possible d'accéder ; que ce témoignage est confirmé par ceux de Madame F...et de Madame G..., cette dernière précisant avoir effectué vingt-deux heures supplémentaires pour recréer toutes les données informatiques qui étaient nécessaires pour pouvoir travailler à partir du poste de Monsieur
X...
; que celui-ci soutient que ce 1100 motif de licenciement, connu de l'employeur dans les jours suivant son arrêt maladie du 13 novembre 2008, était prescrit lors de sa convocation à l'entretien préalable, le 2 mars 2009 ; que cependant, alors que le délai de prescription était suspendu durant l'arrêt maladie du salarié, il résulte du certificat médical établi le 2 février 2009 par le docteur H...qu'à cette date celui-ci avait prescrit à Monsieur
X...
une incapacité de travail prolongée depuis le 13 novembre 2008 ; qu'ainsi, la convocation, le 2 mars 2009, à l'entretien préalable au licenciement ne peut être considérée comme tardive ; que sur ce point, il y a lieu de considérer qu'à aucun moment durant son arrêt de travail, l'intéressé n'est intervenu pour communiquer le mot de passe grâce auquel il eût été possible d'accéder à ses données professionnelles de sorte que la situation de blocage dénoncée par l'employeur s'est prolongée durant toute cette période ; que l'intimé qui ne fournit aucune pièce de nature à remettre en cause les attestations suscitées, pouvait d'autant moins ignorer les difficultés qu'allaient générer la mise en place d'un accès personnalisé à des données professionnelles que l'interdiction d'agir ainsi lui avait été rappelée par Monsieur Y...avant son départ en congés, dans un courrier électronique du 19 juillet 2005, et que selon ses propres affirmations, il n'avait jamais agi de la sorte depuis cette date ; qu'ainsi, le fait d'avoir procédé volontairement, avant d'être placé en arrêt maladie, à la mise en place d'un mot de passe personnalisé ayant pour conséquence de mettre obstacle à la consultation de fichiers professionnels par son employeur, et ce en dépit de l'interdiction qui lui avait faite à cet égard, était de nature, eu égard à la sanction précédemment prononcée, à rendre impossible le maintien des relations entre les parties au contrat de travail ; que le licenciement sera en conséquence considéré comme reposant sur une faute grave, et Monsieur
X...
sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes en paiement, d'une part d'un rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, d'autre part d'indemnités de rupture ; que le jugement sera infirmé en ce sens, ainsi qu'en ce qu'il a ordonné la remise au salarié d'un bulletin de salaire et de documents sociaux conformes, mais confirmé en ce qu'il a rejeté la demande du salarié tendant à l'obtention de dommages-intérêts pour préjudice moral ; (…) ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 6323-17 du Code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2009-1437, dite « orientation-formation », du 24 novembre 2009, et applicable à l'espèce, que le salarié licencié pour faute grave ou lourde ne peut demander à bénéficier de son droit individuel à la formation ; qu'en conséquence, eu égard à ce qui précède, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur
X...
de ce chef de demande.

ALORS QU'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que le délai de prescription de deux mois prévu au troisième de ces textes pour engager une procédure 1111 disciplinaire n'est ni suspendu ni interrompu pendant la période de suspension du contrat de travail ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le motif de licenciement était connu de l'employeur dans les jours suivant l'arrêt maladie du 13 novembre 2008, et que l'employeur a attendu le 2 mars 2009, soit près de quatre mois, pour convoquer le salarié à un entretien préalable à son licenciement ; qu'en affirmant que le délai de prescription était suspendu durant l'arrêt maladie du salarié, la Cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du Code du travail.

ALORS subsidiairement QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige quant aux motifs qui y sont énoncés ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'employeur reprochait au salarié, dans la lettre lui notifiant son licenciement, d'avoir déplacé volontairement les outils de travail appartenant à l'entreprise dans sa session personnelle ; que Monsieur Bernard
X...
contestait avoir jamais eu une session personnelle sur son ordinateur professionnel ; qu'en jugeant néanmoins son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel qui n'a pas recherché si le salarié avait effectivement déplacé volontairement les outils de travail appartenant à l'entreprise dans sa session personnelle, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1232-6 du Code du travail.

ET ALORS QUE Monsieur Bernard
X...
faisait valoir dans ses écritures d'appel que son employeur ne l'avait à aucun moment contacté pour obtenir le mot de passe requis ; qu'en s'abstenant de rechercher si le salarié n'avait pas ainsi été tenu dans l'ignorance du blocage allégué par l'employeur, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1232-1 du Code du travail et 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-11522
Date de la décision : 23/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 01 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 mai. 2012, pourvoi n°11-11522


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11522
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