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22/05/2012 | FRANCE | N°11-14366

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 mai 2012, 11-14366


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 janvier 2011), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 16 décembre 2008, pourvoi n° E 07-16. 178), que, le 1er octobre 2004, la société Péronne industrie, appartenant au groupe de sociétés italien Unichips, a été mise en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements ayant été fixée provisoirement au 15 juillet 2004, MM. X... et Y... étant respectivement désignés administrateur et

représentant des créanciers ; que ces derniers ont demandé le report de l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 janvier 2011), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 16 décembre 2008, pourvoi n° E 07-16. 178), que, le 1er octobre 2004, la société Péronne industrie, appartenant au groupe de sociétés italien Unichips, a été mise en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements ayant été fixée provisoirement au 15 juillet 2004, MM. X... et Y... étant respectivement désignés administrateur et représentant des créanciers ; que ces derniers ont demandé le report de la date de cessation des paiements au 15 janvier 2003 ; que, le 11 février 2005, le juge-commissaire a désigné un expert afin de déterminer la date de cessation des paiements, tandis que, le 22 février 2005, le redressement judiciaire de la société Péronne industrie était convertie en liquidation judiciaire, M.
Y...
étant désigné liquidateur ; que, le 4 mars 2005, le tribunal a désigné M. Z..., remplacé par M. A..., en qualité de mandataire ad hoc avec mission de représenter la société Péronne industrie dans ses droits et actions non compris dans la mission du liquidateur ; que, le 17 juin 2005, le tribunal a reporté au 1er avril 2003 la date de cessation des paiements ; que, par arrêt du 22 mars 2007, la cour d'appel d'Amiens, infirmant le jugement, a fixé la date de cessation des paiements au 2 septembre 2003 ; que cet arrêt ayant été cassé par l'arrêt du 16 décembre 2008, la cour d'appel d'Amiens sur renvoi a reporté au 1er avril 2003 la date de cessation des paiements de la société Péronne industrie ;
Attendu que les sociétés Unichips France, Flodor, San Carlo France, Interal France, San Carlo Food Group Europe, Interal Europe et les sociétés Delgrossi SPA, Pai Industriale SPA, San Carlo Gruppo Alimentare SPA, Valsusa SPA, Pai SPA, San Carlo snacks SPA et San Carlo Mantova SPA, sociétés de droit italien, font grief à l'arrêt d'avoir reporté la date de cessation des paiements de la société Péronne Industrie au 1er avril 2003, alors, selon le moyen :
1°/ que la cessation des paiements ne peut être reportée dans les conditions fixées par l'article L. 621-7 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 que s'il est constaté qu'à la date retenue pour ce report, l'entreprise était dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'en l'espèce, pour reporter au 1er avril 2003 la date de cessation des paiements de la société Péronne industrie, la cour d'appel énonce que le passif exigible était supérieur à l'actif disponible au 31 décembre 2002 ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à établir qu'à la date du 1er avril 2003, la société Péronne industrie était dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des anciens articles L. 621-1 et L. 621-7 du code de commerce ;
2°/ qu'en ne répondant pas aux conclusions d'appel des sociétés Unichips France, Flodor, San Carlo France, Interal France, San Carlo Food Group Europe, Interal Europe, Delgrossi SPA, Pai Industriale SPA, San Carlo Gruppo Alimentare SPA, Valsusa SPA, Pai SPA, San Carlo Snacks SPA et San Carlo Mantova SPA qui soutenaient que ce n'est qu'au cours du mois de juillet 2004 que les premiers créanciers avaient fait valoir leurs créances à l'encontre de la société Péronne industrie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'il résulte du rapport d'expertise du 20 juin 2005 qu'au 31 décembre 2002, le passif exigible de la société Péronne industrie était de 33 274 000 euros de loin supérieur à son actif disponible de l'ordre de 22 700 000 euros, ce dernier se résumant à 1 588 euros de liquidités et le reste étant composé de créances factices sur les autres sociétés du groupe Unichips ; que l'arrêt relève encore qu'il résulte du même rapport qu'au 31 décembre 2003, la société Péronne industrie présentait un passif exigible de 17 000 000 euros, dont 6 870 000 euros dus à sa banque, de loin supérieur à son actif disponible d'environ 13 000 000 euros au demeurant totalement factice puisque exclusivement composé de prétendues créances sur le groupe ; qu'il relève enfin qu'il ressort de ce rapport que la poursuite de cette activité déficitaire en 2003 a conduit la société Péronne industrie à aggraver sa situation ; qu'en l'état de ces constatations faisant ressortir qu'entre le 31 décembre 2002 et le 31 décembre 2003 le rapport entre l'actif disponible et le passif exigible de la société Péronne industrie ne s'est jamais inversé de sorte qu'il était certain qu'elle était en cessation des paiements à la date du 1er avril 2003, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions visées par la seconde branche que ces constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Unichips France, Flodor, San Carlo France, Interal France, San Carlo Food Group Europe, Interal Europe, Delgrossi SPA, Pai Industriale SPA, San Carlo Gruppo Alimentare SPA, Valsusa SPA, Pai SPA, San Carlo Snacks SPA et San Carlo Mantova SPA aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Unichips France et les douze autres demanderesses
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir reporté la date de cessation des paiements de la société Péronne Industrie au 1er avril 2003 ;
AUX MOTIFS QU'il convient sur ce point de rappeler 1) que, lors de l'ouverture de la procédure collective, le tribunal fixe la date de cessation de paiement de l'entreprise, mais que cette date peut être reportée en arrière, par le tribunal (ou par la cour), sur requête de l'administrateur, du représentant des créanciers ou du liquidateur, dans une limite de dix-huit mois à compter de la date du jugement d'ouverture et 2) que la fixation précise de la date de cessation des paiements n'est pas « neutre » dès lors que les actes passées entre la date de cessation de paiement réelle et la date d'ouverture de la procédure peuvent être annulés et dès lors que l'omission de déclaration de l'état de cessation en temps voulu peut conduire à l'application de sanctions commerciales ; qu'il convient encore de rappeler qu'une entreprise est en état de cessation des paiements lorsqu'elle n'est plus en mesure de faire face à « son passif exigible » à l'aide de « son actif disponible », étant précisé que le passif exigible s'entend « des dettes échues » (ce qui exclut les dettes ayant fait l'objet d'un moratoire de la part du créancier) et que l'actif disponible s'entend des sommes dont l'entreprise peut immédiatement disposer, c'est-à-dire des liquidités dont celle-ci dispose en caisse ou en banque et des valeurs réalisables susceptibles d'une conversion immédiate en liquidités ; que, ceci rappelé, la cour relève au vu du rapport Mazars et Guérard et de ses annexes (cabinet d'expertise comptables missionné par le juge commissaire) et au vu des déclarations de créances faites entre les mains du représentant des créanciers : 1) qu'au 31 décembre 2002, le chiffre d'affaires de la SA Péronne Industrie était en chute libre (la société est passée de 60 % à 3 % de part de marché) et la société affichait a) une perte d'exploitation de (-) 2. 804. 000 euros, b) une perte cumulée de (-) 12. 400. 000 euros, c) un passif exigible de (-) 33. 274. 000 euros de loin supérieure à l'actif disponible de l'ordre de (+) 22. 700. 000 euros, étant observé que ce dernier se résumait à « 1. 588 euros » de liquidités dès lors que le reste était composé de créances sur les autres sociétés du groupe Unichips totalement factices parce que sans liens réels avec les échanges économiques et financiers (achats et reventes) avec ces sociétés ; 2) qu'à cette date du 31 décembre 2002, ainsi qu'en attestent de nombreuses relances et mises en demeure en 2002, puis assignations en justice en 2003 (dix-sept dans le courant du deuxième semestre 2003), la SA Péronne Industrie n'était plus en mesure de régler, à leurs échéances, ses factures d'achats de pommes de terre, d'huile, de palettes, de transports, comptabilisées dans la somme de 33 millions d'euros visée ci-dessus, et que cette situation a amené M. C..., cadre de la société, à indiquer à M. D..., dirigeant de droit et de fait de la société, que « compte tenu des impayés de 2002, les livraisons de l'entreprise risquent de se tendre avant la fin du mois de novembre » et « qu'il apparaît indispensable de régler toutes les factures dues sur 2002 et au moins les factures d'août, faute de quoi l'entreprise risque de se retrouver en rupture d'approvisionnement » ou encore que « si la situation n'est pas apurée dans la semaine celle de janvier 2004, le risque d'arrêt de l'usine est plus que probable » ; 3) que pour perdurer jusqu'en septembre 2004 (dans l'attente d'une indemnité de 8. 400. 000 euros qui lui a été finalement versée en juillet 2004), la SA Péronne Industrie a eu recours à des expédients : 1) renvoi d'audiences en audiences des dix-sept procédures en paiement, 2) obtention d'un moratoire judiciaire pour le paiement d'une somme de 421. 737 euros due depuis 2002 (une « goutte d'eau » au regard de « l'océan » des 33. 274. 000 euros dus par la société au 31 décembre 2002), 3) recours à un découvert bancaire « abyssal » de l'ordre de 5. 400. 000 euros par mois générant des frais financiers représentant 2 % de son chiffre d'affaires (découvert dont le montant a été couvert de manière préférentielle après la perception de l'indemnité de 8. 400. 000 euros susvisée), 4) désignation d'un mandataire « ad hoc » destinée à faire patienter les créanciers (étant précisé, pour répondre à un argument des appelantes qu'une telle désignation par ordonnance sur requête, par le président du tribunal de commerce, n'implique nullement « une absence de cessation des paiements » et ne préjuge donc nullement de la possibilité pour le tribunal de commerce de procéder ultérieurement au report de la date de cessation de paiement) ; 4) que la poursuite de cette activité déficitaire en 2003 a conduit la SA Péronne Industrie à aggraver sa situation puisque, au 31 décembre 2003, elle affichait 1) une perte d'exploitation de (-) 4. 480. 000 euros ainsi qu'une perte cumulée de (-) 17. 274. 000 euros représentant quatre fois le montant de son capital social, 2) un passif exigible de-17. 000. 000 euros (dont 6. 870. 000 euros due à sa banque) de loin supérieur à son actif disponible de (+) 13. 000. 000 euros (au demeurant totalement factice puisque exclusivement composé de prétendues créances sur le groupe) et, puisque, à l'ouverture de la procédure collective le 1er octobre 2004, elle affichait un passif (hors sommes prétendument dues au groupe Unichips) de 14. 767. 878 euros dont 4. 338. 472 euros à titre privilégié et 10. 039. 523 euros à titre chirographaire, pour un actif des plus succincts (les locaux et le matériel étant obsolètes, la marque Flodor ayant été vendue et l'indemnité d'assurance de 8. 400. 000 euros ayant été, si l'on en croit le rapport d'expertise, appréhendée par le Crédit Lyonnais et Unichips Finanzaria SPA) ; que, dans ces conditions, faute de pouvoir reporter la date de cessation de paiement au 31 décembre 2003 (puisque cela conduirait à excéder la limite de 18 mois prévue par la loi), la cour reportera la date de cessation de paiement du 15 juillet 2004 au 1er avril 2003 ;
1° ALORS QUE la cessation des paiements ne peut être reportée dans les conditions fixées par l'article L. 621-7 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 que s'il est constaté qu'à la date retenue pour ce report, l'entreprise était dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'en l'espèce, pour reporter au 1er avril 2003 la date de cessation des paiements de la société Péronne Industrie, la Cour d'appel énonce que le passif exigible était supérieur à l'actif disponible au 31 décembre 2002 ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à établir qu'à la date du 1er avril 2003, la société Péronne Industrie était dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 621-1 et L. 621-7 anciens du Code de commerce ;
2° ALORS QU'en ne répondant pas aux conclusions d'appel des sociétés exposantes qui soutenaient que ce n'est qu'au cours du mois de juillet 2004 que les premiers créanciers avaient fait valoir leurs créances à l'encontre de la société Péronne Industrie, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-14366
Date de la décision : 22/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 27 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 mai. 2012, pourvoi n°11-14366


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.14366
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