LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt attaqué condamne M. X..., huissier de justice, à indemniser M. David Y... du préjudice qu'il lui aurait causé en délivrant un congé afin de reprise de terres affermées ne comportant pas de motifs ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions faisant valoir que le bénéficiaire de la reprise ne satisfaisait pas à la date d'effet du congé aux conditions de capacité et d'expérience professionnelle prévues par l'article L. 331-2 du code rural et que le préjudice invoqué ne pourrait s'analyser qu'en une perte de chance d'avoir pu exploiter les terres durant la période de reconduction du bail rural postérieure au congé annulé, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief,
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il alloue à M. David Y... la somme de 40 848 euros, l'arrêt rendu le 10 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. David Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille douze, et signé par M. Charruault, président et par Mme Laumône, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt ;
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils pour M. X...
Me X..., huissier de justice, reproche à la Cour d'appel d'AVOIR, confirmé le jugement entrepris du Tribunal de grande instance qui l'avait condamné à payer à M. David Y..., la somme de 46.550 € à titre de perte d'exploitation,
AUX MOTIFS QUE : « sur la responsabilité de l'huissier ; il appartenait à l'huissier instrumentaire, au titre de son obligation de diligence, d'information et de conseil, d'interroger ses clients sur les motifs du congé pour satisfaire aux exigences de l'article L. 411-47, voire, à défaut de réponse, de refuser de délivrer l'acte ; que s'il met en cause la capacité de David Y... à bénéficier de la reprise des terres concernées, il convient là encore de souligner qu'il lui appartenait le cas échéant de refuser la délivrance de l'acte ou à tout le moins d'attirer l'attention de ses mandants sur les difficultés auxquelles ils risquaient de se heurter, ce qu'il ne justifie ni même n'allègue avoir fait (…) qu'il ne peut en être de même de l'absence de mention relative à la cause du congé, dès lors que cette omission interdit au preneur de contester le cas échéant le bien fondé des motifs invoqués au soutien du refus de renouvellement, le droit rural limitant les hypothèses dans lesquelles le bailleur est effectivement autorisé à délivrer congé (…) que la faute de l'huissier est caractérisée et de nature à engager sa responsabilité (…) Sur le préjudice ; (…) que le bail renouvelé en octobre 2006 ne comprenant plus de clause de reprise sexennale, contrairement au bail initial, c'est bien pour une nouvelle période de 9 ans que le renouvellement est nécessairement intervenu contrairement à ce que soutient Me X... ; que pour évaluer le préjudice subi par David Y..., le Tribunal s'est notamment fondé sur une expertise amiable réalisée par Monsieur A..., dont les travaux et conclusions ont été librement débattus par les parties (…) que le jeune agriculteur aurait dû bénéficier de la reprise des 23 hectares de terres objet du congé et a dès lors subi une perte d'exploitation indiscutable ; que Monsieur A... propose pour l'estimation de cette perte de se référer aux résultats comptables de l'observatoire régional d'économie agricole de Champagne-Ardenne, méthode qui n'est pas valablement contestée par Me X..., qui, tout en contestant les montants alloués ne fournit de son côté aucune autre méthode de calcul ; qu'au vu des chiffres publiés concernant les résultats comptables des années 1996 à 2004, il s'avère que la moyenne du revenu comptable agricole à l'hectare est de 222 euros soit pour 23 ha et durant 8 ans la somme totale de 40.848 euros (…) »,
ALORS QUE 1°), dans ses dernières conclusions d'appel n° 2 (p. 5), Me X... faisait valoir qu'à la de d'effet du congé, le prétendu bénéficiaire du congé pour reprise était encore étudiant et ne satisfaisait donc pas aux conditions de capacité et d'expérience professionnelle prévues par l'article L. 331-2 du Code rural ; qu'il en résultait que l'omission d'indication du motif du congé pour reprise n'avait pu engager la responsabilité de l'huissier de justice ; qu'en omettant de s'expliquer sur ce moyen précité, qui était pertinent de nature à influer sur la solution du litige, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
ALORS QUE 2°), dans ses dernières conclusions d'appel n° 2 (p. 6), Me X... faisait valoir qu'en tout état de cause, le préjudice invoqué par le prétendu bénéficiaire du congé pour reprise ne pourrait s'analyser qu'en une perte de chance d'avoir pu exploiter les terres durant la période de reconduction du bail rural postérieure au congé annulé ; qu'en condamnant l'huissier de justice à la réparation intégrale d'un préjudice né d'une perte d'exploitation résultant des gains manqués durant cette période à dires d'expert, sans s'expliquer sur ce moyen précité, qui était pertinent et de nature à influer sur la solution du litige, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.