LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 105 du TFUE et l'article 4, c et k, du règlement d'exemption automobile n° 1400/2002 du 31 juillet 2002, ensemble l'article 1184 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 30 septembre 2003, la société Distribution automobile béthunoise (la société DAB), concessionnaire de la société Renault, a conclu avec la société Sergent un contrat dit "d'agent relais" dont l'objet était de confier à cette dernière la réparation et l'entretien des véhicules Renault, la commercialisation des pièces de rechange fournies et distribuées par la société Renault, achetées notamment auprès de son concessionnaire, ainsi que la réalisation de diverses prestations ; que la société Sergent ayant refusé au mois d'avril 2004 de signer un avenant fixant l'objectif pièces de rechange pour l'année 2004, puis ayant cessé progressivement tout approvisionnement auprès de la société DAB, cette dernière a constaté, par courrier, la résiliation de plein droit du contrat et invité son agent à procéder à la dépose de l'enseigne Renault dont il disposait ; que la société Sergent s'opposant à cette résiliation, la société DAB l'a fait assigner aux fins de faire constater le jeu de la clause résolutoire et faire prononcer la résiliation du contrat à ses torts ;
Attendu que pour dire le contrat de distribution licite au regard du règlement n° 1400/2002 du 31 juillet 2002 et prononcer la résiliation du contrat, l'arrêt après avoir relevé que le contrat litigieux, étant un contrat sélectif qualitatif, ne présente nul élément anticoncurrentiel dès lors que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif relatifs à la qualification professionnelle du revendeur, de son personnel et de ses installations, que ces conditions sont fixées de manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, retient qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que ces conditions n'aient pas été remplies en l'espèce ; que l'arrêt relève encore qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier qu'entre 2003 et 2005 la société Sergent a progressivement cessé toute commande, notamment, de pièces de rechange auprès de la société DAB, bien que l'article I-2 du contrat litigieux précise que l'agent Renault Relais doit assurer la commercialisation des pièces de rechange fournies et distribuées par Renault achetées notamment auprès de son concessionnaire ; qu'il déduit de l'ensemble de ces observations et constatations que la diminution, puis la cessation, de toute commande auprès de la société DAB doivent ainsi être regardées, au regard de la stipulation ci-dessus rappelée, comme une violation directe tant de celle-ci que de la bonne foi contractuelle relativement au principe même du contrat ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la combinaison et l'application de certaines clauses du «contrat d'agent Renault Relais», notamment celles incitant l'agent à se fournir auprès de son concessionnaire (art. 1.2), et prévoyant la fixation d'objectifs annuels de commercialisation de pièces de rechanges Renault (art. 5.2), ne constituaient pas une restriction de concurrence illicite dont la méconnaissance par l'agent ne pouvait, en conséquence, justifier la résolution du contrat, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Distribution automobile béthunoise aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Sergent la somme de 2 500 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boutet, avocat aux Conseils pour la société Sergent
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du Tribunal de Commerce de Lille du 15 avril 2009 ayant constaté que le contrat d'Agent RENAULT Relais du 30 septembre 2003 est parfaitement licite et bénéficie du régime d'exemption n° 1400/2002 du 31 juillet 2002 et débouté la SARL SERGENT de sa demande de dire que le contrat type Agent Relais tombe sous le coup de l'article 81-1 du Traité de Rome et de ses demandes subsidiaires de questions préjudicielles et prononcé la résiliation du contrat aux torts de la SARL SERGENT ;
AUX MOTIFS QUE si la société SERGENT soutient que ledit contrat "tombe sous le coup de l'article 101 du T.F.U.E du 31 juillet 2002" et si elle indique à cet effet que "la clause restrictive de concurrence inhérente aux systèmes de distribution sélective devient illicite en matière automobile si l'accord en cause ne peut bénéficier du régime d'exemption communautaire", il convient de rappeler qu'un contrat de distribution n'est susceptible de rentrer dans le champ d'application des articles 101 susmentionnés et L. 420-1 du code de commerce qu'en cas d'affectation du commerce entre États membres par toutes pratiques ou accords qui auraient pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ; qu'en l'occurrence le contrat litigieux, étant un contrat sélectif qualitatif, constitue en lui-même, un élément de concurrence conforme audit article 101 ; qu'en effet, un tel système de distribution sélective ne présente nul élément anticoncurrentiel dès lors que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif relatif à la qualification professionnelle du revendeur, de son personnel et de ses installations, que ces conditions sont fixées de manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire ; qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que ces conditions n'aient pas été remplies en l'espèce ; que, par suite, l'appréciation de l'éventuelle conformité dudit contrat à un règlement d'exemption est sans influence sur sa licéité, laquelle n'est ainsi pas utilement contestée par l'appelante ; que les demandes subsidiaires présentées par celle-ci aux fins de questions préjudicielles sur les conditions d'application du règlement d'exemption n° 1400/2002 doivent être par suite considérées comme dépourvues d'objet au regard du débat contentieux ;
ALORS QUE le « contrat d'agent Renault relais » stipulait (art. 1.1) que « le constructeur a mis en place un réseau de distribution sélective qualitative et quantitative… », qu'il stipulait encore (art. 1.2) que l'agent assurait « la commercialisation des pièces de rechange fournies et distribuées par RENAULT achetées notamment auprès de son concessionnaire » et que (art. 5.2) « les objectifs annuels de commercialisation des pièces de rechange RENAULT sont arrêtés chaque année d'un commun accord entre les parties » ; qu'en ne recherchant dès lors pas s'il résultait de ces stipulations, et de leur application, ainsi que la société SERGENT le soutenait dans ses conclusions d'appel, si le contrat n'établissait pas de manière indirecte une exclusivité territoriale illicite tout en restreignant les ventes croisées par des objectifs d'achat imposés, de sorte que le contrat type tombait sous le coup de l'article 101 du TFUE et de l'article L. 420-1 du Code de commerce sans bénéficier du règlement 1400/2002 du 31 juillet 2002, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de ces dispositions.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du Tribunal de Commerce de Lille du 15 avril 2009 ayant constaté que le contrat d'Agent RENAULT Relais du 30 septembre 2003 est parfaitement licite et bénéficie du régime d'exemption n° 1400/2002 du 31 juillet 2002 et débouté la SARL SERGENT de sa demande de dire que le contrat type Agent Relais tombe sous le coup de l'article 81-1 du Traité de Rome et de ses demandes subsidiaires de questions préjudicielles et prononcé la résiliation du contrat aux torts de la SARL SERGENT ;
AUX MOTIFS QUE si la société SERGENT soutient que ledit contrat "tombe sous le coup de l'article 101 du T.F.U.E du 31 juillet 2002" et si elle indique à cet effet que "lea clause restrictive de concurrence inhérente aux systèmes de distribution sélective devient illicite en matière automobile si l'accord en cause ne peut bénéficier du régime d'exemption communautaire", il convient de rappeler qu'un contrat de distribution n'est susceptible de rentrer dans le champ d'application des articles 101 susmentionnés et L. 420-1 du code de commerce qu'en cas d'affectation du commerce entre États membres par toutes pratiques ou accords qui auraient pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ; qu'en l'occurrence le contrat litigieux, étant un contrat sélectif qualitatif, constitue en lui-même, un élément de concurrence conforme audit article 101 ; qu'en effet, un tel système de distribution sélective ne présente nul élément anticoncurrentiel dès lors que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif relatif à la qualification professionnelle du revendeur, de son personnel et de ses installations, que ces conditions sont fixées de manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire ; qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que ces conditions n'aient pas été remplies en l'espèce ; que, par suite, l'appréciation de l'éventuelle conformité dudit contrat à un règlement d'exemption est sans influence sur sa licéité, laquelle n'est ainsi pas utilement contestée par l'appelante ; que les demandes subsidiaires présentées par celle-ci aux fins de questions préjudicielles sur les conditions d'application du règlement d'exemption n° 1400/2002 doivent être par suite considérées comme dépourvues d'objet au regard du débat contentieux ; qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier qu'entre 2003 et 2005 la société SERGENT a progressivement, ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé, cessé toute commande notamment de pièces de rechange auprès de la société DAB ; que si l'appelante fait valoir à ce propos que le contrat d'agent relais ne lui imposait aucune obligation d'approvisionnement exclusif auprès de cette dernière et si elle se prévaut d'achats effectués auprès d'autres concessionnaires du réseau de distribution sélective mis en place par la société RENAULT, il sera rappelé que l'article 1134 du Code civil énonce que les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en l'occurrence l'article I-2 du contrat litigieux précise que l'agent RENAULT RELAIS doit assurer "la commercialisation des pièces de rechange fournies et distribuées par RENAULT achetées notamment auprès de son concessionnaire" et l'article 1-4 ajoute que ledit agent "s'engage, pour toute la durée de validité du présent accord à consacrer ses meilleurs efforts à l'exécution du présent contrat" ; que la diminution puis la cessation de toute commande auprès de la société DAB doivent ainsi être regardées, au regard des stipulations ci-dessus rappelées, comme une violation directe tant de celles-ci que de la bonne foi contractuelle relativement au principe même du contrat ; que la société SERGENT ne saurait nullement s'exonérer de sa faute conventionnelle excipant d'un désaccord sur les objectifs assignés pour l'année 2004 et inscrits dans l'avenant qui lui avait été proposé à cet effet et qu'elle s'était refusée de signer dès lors que le contrat prévoyait expressément sur ce point qu' "en l'absence d'accord entre les parties et jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne, il se poursuit provisoirement sur la base des objectifs annuels proposés par le concessionnaire pour l'année précédente" ; qu'il y a lieu, en conséquence, et compte tenu du manquement caractérisé de la part de l'appelante à l'obligation conventionnelle essentielle d'approvisionnement non exclusif auprès de son concessionnaire, de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de l'agent et ordonné la dépose de l'enseigne RENAULT et de toute signalétique de cette marque ; que la société SERGENT sera déboutée de l'intégralité de ses prétentions indemnitaires dirigées contre les sociétés intimées auxquelles aucune faite ne saurait être imputée ;
ALORS D'UNE PART QUE la violation d'une obligation entachée de nullité ne peut constituer une inexécution de nature à justifier la résolution du contrat ; que, sont nulles comme étant anticoncurrentielles les restrictions de livraison croisées entre les distributeurs ou les réparateurs à l'intérieur d'un système de distribution sélective, notamment entre les distributeurs ou les réparateurs agissant à des niveaux différents sur le marché ; qu'en ne recherchant dès lors pas si les articles du « contrat d'agent Renault Relais » stipulant une obligation pour l'agent de se fournir auprès de son concessionnaire (art. 1.2), assortie d'objectifs annuels de commercialisation de pièces de rechanges RENAULT (art. 5.2), ne constituaient pas une restriction de concurrence illicite entachée de nullité dont la méconnaissance par l'Agent ne pouvait en conséquence justifier la résolution du contrat, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134, 1184 et 1234 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE dans ses conclusions d'appel (p. 36, § 5.4.2), la société SERGENT faisait valoir que les clauses fondant la demande de résolution étaient contraires à l'article 101 du TFUE et tombaient sous le coup de la nullité de droit de l'article 101-2 du traité sans pouvoir être exemptées au titre du règlement 1400/2002 du 31 juillet 2002 ou d'un autre règlement d'exemption et qu'ainsi les clauses prétendument violées étant dépourvues d'effet ne pouvaient fonder une résiliation ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.