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10/05/2012 | FRANCE | N°11-15406

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 mai 2012, 11-15406


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que si, en raison de l'indépendance des rapports entre la caisse et la victime ou ses ayants droit et de ceux entre la caisse et l'employeur, le fait que le caractère professionnel de la maladie ne soit pas établi entre la caisse et l'employeur ne prive pas la victime ou ses ayants droit du droit de faire reconnaître la faute inexcus

able de son employeur, il appartient toutefois à la juridiction saisie d'un...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que si, en raison de l'indépendance des rapports entre la caisse et la victime ou ses ayants droit et de ceux entre la caisse et l'employeur, le fait que le caractère professionnel de la maladie ne soit pas établi entre la caisse et l'employeur ne prive pas la victime ou ses ayants droit du droit de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, il appartient toutefois à la juridiction saisie d'une telle demande, de rechercher, après débat contradictoire, si la maladie a un caractère professionnel et si l'assuré a été exposé au risque dans des conditions constitutives d'une faute inexcusable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., ayant droit de son époux décédé le 18 mai 2001 des suites d'une affection pulmonaire, a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande tendant à établir que la société Saint-Gobain emballage (l'employeur), dont son époux était le salarié, avait commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie qui a été prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente (la caisse) au titre de la législation professionnelle ; que le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) est intervenu volontairement à l'instance en qualité de subrogé dans les droits de Mme X... ; que, dans une procédure distincte, un jugement irrévocable a déclaré la reconnaissance de la maladie professionnelle de Gérard X... inopposable à l'employeur du fait du non-respect du caractère contradictoire de la procédure d'instruction par la caisse ;

Attendu que, pour dire que l'employeur a commis une faute inexcusable ayant causé la maladie du salarié et son décès subséquent, l'arrêt retient que Gérard X... s'est vu reconnaître une maladie professionnelle du tableau 30 bis de même que le lien de causalité entre son décès et son affection pulmonaire ; que la reconnaissance de cette maladie est définitive ; qu'il résulte de l'ensemble des pièces fournies au dossier que des poussières d'amiante étaient présentes partout sur le lieu de travail de la victime ; qu'avant 1995, alors que l'employeur ne pouvait ignorer les risques encourus, aucune précaution n'a été prise pour protéger les salariés et notamment Gérard X... qui a été exposé aux poussières dans le local où il a travaillé de 1991 jusqu'en 1998 malgré le fait qu'il avait, dès 1979, fait l'objet d'une déclaration d'inaptitude à travailler en présence de poussières ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le caractère professionnel de la maladie était établi à l'égard de l'employeur qui contestait qu'il puisse exister un lien de causalité entre les fonctions qu'occupait la victime et sa maladie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable la demande de Mme X... et l'intervention du FIVA, l'arrêt rendu le 17 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne Mme X..., la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente et le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Saint-Gobain emballage

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la société SAINT GOBAIN EMBALLAGES a commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle de Monsieur Gérard X... et de son décès subséquent ;

AUX MOTIFS QUE «par une précédente décision du 12 juillet 2004 le tribunal des affaires de sécurité sociale a décidé que la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie et du décès de Monsieur X... était inopposable à la SA ; ces dispositions qui ont l'autorité de la chose jugée ne font pas obstacle à ce que soit recherchée la faute inexcusable de la SA ainsi que l'ont retenu les premiers juges.
Ainsi que le soutient Madame X... :
en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladie professionnelles contractées par ce salarié du fait, des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
À l'appui de son appel la SA fait valoir :
- que ne peut lui être imputée à son échelon' aucune faute,
- que compte tenu des fonctions effectives de Monsieur X... elle ne pouvait avoir conscience des dangers auquel ce dernier a pu être exposé, les attestations produites n'étant pas probantes, l'inspecteur du travail ayant retenu que Monsieur X... n'a jamais été occupé à des travaux de découpe de plaques d'amiante,
- qu'aucune des conditions de la faute inexcusable n'est établie, qu'en particulier elle ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposé Monsieur X...; toutefois ont déclaré :
Monsieur Marcel Y... :
«(…) J'atteste par la présente déclaration avoir travaillé à l'usine SGE COGNAC du 04/10/1962 au 31/03 1998 en qualité d'agent de bureau d'études puis d'agent de paie et enfin de chef de paie.
A ce titre, j'ai été amené à payer en espèce sur les postes de travail deux fois par mois ce qui m'a permis de constater l'utilisation de plaques, dé cordons, de garnitures, de pinces, de scaphandres, de gants, etc ... en amiante.
Par la suite, j'ai pu constater au Magasin Général lorsque j'allais chercher des fournitures de bureau, informatique et consommables ainsi que lors des accès aux archives paie situées en dessous du bureau des distributeurs magasin que Monsieur Gérard X... ainsi que ses collègues manipulaient et découpaient sans protections particulières des plaques et cordons d'amiante à la demande des différents services de fabrication.
A partir de 1995, des conteneurs de récupération d'amiante ont été placés à coté de nos' archives et j'ai pu constater que Monsieur X... et ses collègues y déposaient après les avoir découpés tous les résidus d'amiante qu'ils avaient collectés».
Monsieur Henri Z... :
«(…) X... Gérard quant à lui a occupé la fonction de distributeur de 1991 à 1997. Et parmi les taches qui lui étaient demandées, il y avait la distribution de produits amiantés tels. que toiles, cordons, gaines, plaquettes et plaques, cette distribution se faisait soit el l'unité ou découpé selon le produit et à la demande.
Les manipulations provoquaient une fine poussière qui était forcément inhalée. Les produits étaient distribués pratiquement tous les jours (…)».
Madame Marie-France A... :
«(…) Dans ma carrière d'employée de bureau aux établissements SGE, Usine de Cognac, j'ai été amené à approvisionner des fournitures de bureaux et du matériel d1exposition entreposé au Magasin Général.
Durant ces brèves visites, j'ai été amenée à voir le stockage des plaques d'amiante ainsi que leurs préparations (en vue d'utilisations ultérieures) par les ouvriers, dont Monsieur X... Gérard faisait partie, ces découpages de plaques avaient lieu sans précautions particulières: ni gants, ni masques, ni lunettes.
J'atteste avoir vu Monsieur Gérard X... manipuler ces plaques d'amiante dans la période qui concerne son activité au magasin général (…).
Monsieur B... :
«Je soussigné Jean-Baptiste B... (…) certifie que le produit amiante était utilisé de manière courante en verrerie pour sa qualité d'isolant.
De nombreux salariés étaient exposés à la manipulation, à l'absorption, par les voies respiratoires de la poussière d'amiante, ignorant· totalement les dangers de risque cancérigène de ce produit.
Ancien Chef d'équipe bout froid (138 personnes) technicien haute maîtrise, j'ai bien connu Monsieur Gérard X..., salarié à la verrerie SAINT GOBAIN EMBALLAGE COGNAC de 1965 à 1995.
Avant appris qu'il était décédé d'un cancer des poumons, que la présence de poussières d'amiante avait été trouvée au niveau de ses voies respiratoires ne m'a pas étonné compte tenu des postes de travail qu'il a effectué.
Ouvrier à la Cour : nettoyage des chantiers secteur bout chaud, balayage, ramassage à la pelle, mise en sac ou en brouette de matériaux à forte présence d'amiante.
Employé au magasin général: manipulation et distribution de produit à base d'amiante de façon fréquente (…)».
Monsieur Michel D... :

«(…) Monsieur Gérard X... occupait le poste de distributeur, sa fonction lui imposait la manutention de produits amiantés et dérivés.
Au cours de l'année 1995, il a été décidé la destruction des stocks d'amiante de l'usine, cette opération de récupération et de stockage a été effectuée avec la participation de Gérard X....
Afin de limiter le volume de stockage notre mission consistait à casser les plaques d'amiante en morceaux dans des containers d'un mètre cube.
Mon témoignage n'est pas un réquisitoire contre SGE, néanmoins, il précise que Monsieur Gérard X... dans le secteur d'activité ce dessus, à respirer de la poussière d'amiante (…)».
Monsieur Michel E... :
«De tout temps, l'amiante a été utilisé à volonté et sans précaution particulière car c'était une nécessité pour se protéger de la chaleur et du rayonnement tant aux fours qu'aux machines et au sortir des arches de recuissons. En fait partout ou il y avait des risques de brûlures.
Ce qui fut le plus grave dans cette ambiance, c'est que personne ne savait la nocivité de ce matériau qui était cassé et découpé…
En faisant cela d'innombrable quantité de fibres d'amiante étaient dispersées dans toute l'entreprise sans que personne n'y prenne garde car chaleur + air, toutes ces fibres se répandaient en nuages invisibles dans l'usine.
A la promulgation de la loi sur l'amiante, je fus chargé par mon ingénieur de récupérer dans tous les services, toutes les matières amiantées ou en amiante.
Nous avons récupéré des «BIGS BAG» entiers de plaques amiantes que nous avons rempli manuellement malgré nos réticences, car là nous savions que l'amiante pouvaient être mortelle à long terme.
De plus, au dessus du bureau de Monsieur X... Gérard (magasin généra!), nous avons installé des cabines palettes avec des sacs dedans pour recevoir tous les petits morceaux d'amiante (joints, lanières, morceaux de plaques (petits). En quelques jours les palettes ont été remplies.
C'est par camion que toute cet amiante a été transporté en destruction...
Il ne faut pas oublier également les « EVERlTES » qui étaient remplacés et découpés sur place…».
Monsieur Jean F... :
«J'atteste avoir vu mes collègues de travail utiliser des gants en amiante, des plaques en amiante pour se protéger de la chaleur en sortie d'arches et l'utilisation des plaquettes amiante montées sur les pinces…
Je n'ai rien contre SAINT GOBAIN mais je confirme avoir vu Gérard X... utiliser cette amiante (…)».
Monsieur Michel G... :
«Je me rappelle que les plaques de protection de la chaleur était en amiante jusqu'à la période de désamiantage et que j'ai utilisé des bouchons fait avec des rondins de bois enrobés d'amiante que nous mouillons au départ pour lui donner la forme ronde (ceci pour arrêter l'écoulement du verre).
J'ai connu Gérard X... dès sa venue à l'usine de Cognac depuis 1966; je l'ai côtoyé professionnellement et amicalement ;

Je me souviens de cette période de désamiantage où les déchets d'amiante étaient stockés au magasin général où travaillait Monsieur Gérard X.... Je me souviens également de cette manipulation dans de grands «BIG BAGS».
Par ailleurs l'Usine de COGNAC a été inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante : dans ces conditions et par d'adoption de ses motifs notamment relativement à la conscience du danger que devait avoir l' employeur, le jugement mérite confirmation en ce que la SA a été jugée coupable d'avoir commis une faute inexcusable au sens de la définition plus haut retenue» ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE «l'employeur est tenu envers son salarié à une obligation de sécurité de résultat. Il y a manquement à cette obligation lorsque l'employeur avait conscience du danger d'accident ou maladie auquel était exposé son salarié ou lorsqu'un employeur normalement diligent aurait dû avoir conscience de ce danger. L'insuffisance des mesures préventives constitue dans ces conditions une faute inexcusable. Il est indifférent que la faute inexcusable ait été la cause déterminante de la maladie professionnelle ou de l'accident du travail survenu au salarié. Il suffit qu'elle ait été une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que plusieurs fautes ont concouru au dommage. Il appartient à celui qui l'allège de démontrer l'existence d'une faute inexcusable. La Société SAINT GOBAIN EMBALLAGES considère n'avoir commis aucune faute, notamment parce qu'elle a respecté la législation applicable et affirmé également que Monsieur X... n'a jamais été en contact avec l'amiante dans les postes qu'il a occupés dans l'usine. Il sera rappelé en liminaire que Monsieur X... s'est vu reconnaître post-mortem une maladie professionnelle du tableau 30 bis en novembre 2001 de même que le lien de causalité entre son décès et ce cancer broncho-pulmonaire. La reconnaissance de cette maladie professionnelle est aujourd'hui définitive. Monsieur X... a travaillé de 1965 à 1998 au sein de l'usine de Société SAINT GOBAIN EMBALLAGES de COGNAC, fabricant des bouteilles en verre, qu'il y a occupé notamment les postes de visiteur puis de distributeur au magasin général et de 1991 jusqu'à son départ en 1998. L'employeur verse aux débats l'attestation de Monsieur H..., Directeur général, selon laquelle : «même si depuis plusieurs années déjà, les produits contenant de l'amiante n'étaient pas usinés sur le site de Société SAINT GOBAIN EMBALLAGES COGNAC, ils continuaient à être utilisés aux endroits, peu nombreux, où l'extrême chaleur rendait difficile la mise en place de produits de substitution. Dès 1995, anticipant la parution du décret du 7 février 1996, nous nous sommes préoccupés de collecter l'ensemble des produits pouvant contenir de l'amiante et ce en collaboration avec les membres des différents CHS-CT. A l'issue de la collecte d'origine, les produits incriminés stockés dans les «bigs bags» double enveloppe fermés ont été enlevés par une entreprise agréée pour être détruits à la torche plasma. Monsieur H... indique également qu'il a été procédé malgré la résistance des salariés à la minutieuse collecte de tous les objets pouvant contenir de l'amiante en allant les chercher dans les armoires du personnel en présence de leurs représentants (pinces, gants…) qui ont également été stockés dans les bigs bags. Il indique que ces objets détenus par les salariés ne pouvaient libérer de fibres car ils étaient neufs. Il précise encore que «concernant Monsieur X... lui-même, son emploi au magasin général ne justifiait pas de sa part qu'il soit présent à l'endroit où les bigs bags renfermant des produits contenant de l'amiante étaient stockés et encore moins qu'il «usine» de tels produits…». Monsieur I..., directeur des ressources humaines, témoigne pour sa part : «… afin d'éliminer tout produit à base d'amiante, quelle qu'en soit la nature, la teneur ou son utilisation, il a été décidé en 1995 d'effectuer une recherche et un retrait systématique et exhaustif de ces produits. Les produits collectés étaient principalement des plaques de bordage (type éverite), des plaques compactes de matériaux utilisés sur les machines de fabrication de bouteilles à verre et servant à la préhension automatique des bouteilles sortant des moules (take-out) ou en phase d'attente dans le cycle de formage de la bouteille (plaques de repos) ainsi que des points. Ces produits étaient composés d'amiante sous forme inerte. (…) Quelques cordons de pinces ont également été récupérés. Ces produits ont été stockés, en attente d'envoi groupé, sur le plancher à l'étage du magasin général dans une zone à l'écart des endroits de passage ou de travail du personnel du magasin général. Ce stockage a été effectué en sacs bigs bags dotés d'une double poche, et fermés hermétiquement par un lien.
D'autre part, un balisage de la zone par un cordon de sécurité auquel était accrochée une pancarte avec une inscription «amiante», délimitait la zone de stockage. Dans le cadre de ses fonctions, Monsieur X... n'a pas eu à intervenir au magasin général, sur des opérations de conditionnement, manutention, d'usinage de ces produits». Monsieur J..., ingénieur, explique comment a été organisée l'élimination des déchets pour laquelle il a donné des instructions et dont il a chargé Monsieur K... dans un premier temps : «Monsieur K..., ayant un très bon contact avec le personnel, connaissant les risques créés par l'amiante, s'est chargé de ce travail et a pu sensibiliser le personnel et ainsi collecter les produits contenant de l'amiante jusque dans les établis sans problème». Il cite une liste de produits collectés, non exhaustive, parmi lesquels figurent des «éverites de toiture cassées». Il rappelle le conditionnement et le stockage dans les bigs bags dans l'attente de leur enlèvement de la même façon que Messieurs H... et I.... Il précise que «de mémoire, la collecte et l'élimination des déchets se sont effectués sur moins d'un an». Il ajoute que Monsieur X... travaillant au magasin général au rez-de-chaussée n'a pas été en contact direct avec ces déchets. Il résulte de l'ensemble de ces attestations qu'aucune précaution n'a été prise avant 1995 concernant l'amiante sur le site de CHATEAUBERNARD-COGNAC. Si les attestations de Messieurs H... et I... font le silence sur les personnes chargées de la collecte, il résulte de la lecture de celle de Monsieur J... que ce sont les salariés eux-mêmes qui ont été chargés de la collecte dont il est parfaitement clair qu'il s'agit notamment de déchets susceptibles de libérer des particules d'amiante. Messieurs H... et I... n'affirment pas expressément que Monsieur X... n'a jamais été en contact avec l'amiante. Selon Monsieur H..., son emploi au magasin général ne justifiait pas qu'il soit présent à l'endroit où les bigs bags étaient stockés encore moins qu'il usine de tels produits. Selon Monsieur I..., il n'a pas eu à effectuer des opérations de conditionnement, de manutention d'usinage de ce produit. Selon Monsieur J..., il n'a pas été en contact direct avec les produits amiantés, sans qu'il précise en quoi pouvait consister un contact indirect. Si l'inspecteur du travail conclut quant à elle également que si Monsieur X... a pu découper quelques plaques et tresses, c'est de façon exceptionnelle, elle précise que ses conclusions résultent des seules informations provenant de l'employeur. Si le médecin du travail indique «à ma connaissance, et d'après les souvenirs des salariés et de l'encadrement, il n'y avait pas de manipulation d'amiante à ce poste, (celui de Monsieur X...) hormis quelques plaques neuves distribuées au magasin général de 91 à 96 sans opération de découpe» elle ajoute qu'elle n'occupe ce poste que depuis 1998 soit postérieurement au départ de Monsieur X.... Il s'agit donc d'un témoignage indirect qui ne peut être retenu. L'enquêtrice de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie conclut à l'absence d'exposition au risque également en fonction des seules informations fournies par l'employeur : «en conséquence, et d'après les éléments fournis par l'employeur, je conclus à la négative quant à une éventuelle exposition à l'amiante de Monsieur X... dans un cadre professionnel». La Société SAINT GOBAIN EMBALLAGES persiste dans ses écritures à nier tout contact de Monsieur X... avec l'amiante. Cette assertion est d'abord combattue, est-il encore besoin de le rappeler, par la reconnaissance de la maladie professionnelle de Monsieur X.... Elle l'est également par les nombreuses attestations émanant d'anciens salariés de l'usine, n'étant donc plus sous un lien de subordination avec l'employeur. Si certaines sont effectivement libellées de façon trop générale pour servir la charge de la preuve concernant la situation particulière de Monsieur X..., Monsieur K..., ancien responsable de l'environnement, auquel fait référence l'ingénieur Monsieur J..., indique de façon détaillée et précise « de tout temps, l'amiante a été utilisée à volonté et sans précautions particulières car c'était une nécessité pour se protéger de la chaleur et du rayonnement. Le gros de ce matériau était utilisé aux fours pour la chaleur par plaques entières (…). «En faisant cela, d'innombrables quantités de fibres d'amiante étaient dispersées dans toute l'entreprise sans que personne n'y prenne garde, car chaleur plus air, toutes ces fibres se répandaient en nuages invisibles dans l'usine». Auparavant, il explique que pour lutter contre la chaleur des fours, de chaque côté de l'usine, de grandes ouvertures permettent l'apport d'air aux ventilateurs des machines. Il précise que le verre circulait dans des galeries soumises à de forts courants d'air qui parvenaient de l'extérieur. Comme Monsieur J..., il indique que la récupération des matières amiantées ou en amiante n'a été organisée qu'à l'occasion de la législation qui en a fait obligation. Il précise : «au-dessus du bureau de Monsieur
X...
(magasin général) nous avons installé des caisses palette avec des sacs dedans pour recevoir tous les petits morceaux d'amiante (joints, lanières, morceaux de plaques). Il ne faut pas oublier également les « éverites qui étaient remplacés et découpés sur place». «Nous avons rempli manuellement malgré nos réticences (les bigs bags) car là nous savions que l'amiante était mortelle à long terme». Monsieur Y..., ayant travaillé dans la société de 1962 à 1998 indique : «Monsieur X... et ses collègues manipulaient et découpaient sans précautions particulières des plaques et cordons d'amiante à la demande des différents services de fabrication». Monsieur Z..., employé dans l'entreprise de 1964 à 1997 et notamment au magasin général de 1977 à 1994, en qualité d'agent distributeur, confirme que Monsieur X... distribuait les cordons, et plaques, soit à l'unité soit à la demande après découpage, lorsqu'elles faisaient 10 cm d'épaisseur, qui la plupart du temps étaient découpées et distribuées. Ces manipulations provoquaient une fine poussière qui était forcément inhalée». Madame A..., présente dans l'entreprise de 1964 à 1997, confirme cette description des tâches de Monsieur X... et le découpage des plaques dans le local où il travaillait habituellement ; elle précise que ces découpages «avaient lieu sans précautions particulières ; ni gants, ni masque, ni lunettes». Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que des poussières d'amiante notamment émanant des plaques protectrices utilisées après pré-découpage et laissant apparaître les fibres, lesquelles se répandaient dans les courants d'air ventilé au maximum pour diminuer la forte chaleur des fours, étaient présentes partout au sein de l'établissement de COGNAC, qu'avant 1995 aucune précaution n'a été prise pour protéger les salariés et notamment Monsieur X... qui a été exposé aux poussières tant en général qu'en particulier dans le local où il a travaillé de 1991 à 1998, date de son départ. En particulier, aucun équipement n'a été fourni aux salariés dont Monsieur X.... Alors que dès 1979, le médecin du travail déclarait ce dernier inapte à tout travail en présence de poussières, et alors qu'il lui incombe la charge de la preuve d'avoir respecté ces prescriptions, l'employeur n'en justifie pas. L'employeur ne peut prétendre avoir ignoré les risques d'inhalation des poussières d'amiante alors qu'une loi protectrice est intervenue en 1977, devant nécessairement appeler l'attention des professionnels sur les dangers de cette matière. La Société SAINT GOBAIN EMBALLAGES SAINT GOBAIN ne saurait se retrancher derrière le fait qu'elle n'était pas comme d'autres sociétés de son groupe productrice d'amiante mais seulement utilisatrice, et que par conséquent la loi de 1977 n'avait de caractère contraignant pour elle. En effet, d'une part les prescriptions du Code du travail prévoyaient à cette époque une obligation générale de mettre en oeuvre tous les moyens de prévention des risques d'accident du travail et de maladie professionnelle des salariés. D'autre part, l'existence des maladies professionnelles liées à l'amiante depuis 1951, l'évolution de la législation, notamment en 1977, le scandale public et médiatisé de l'utilisation de l'amiante dans le bâtiment et en particulier dans les bâtiments publics, sans que jamais la Société SAINT GOBAIN EMBALLAGES ne prenne aucune mesure de protection de la santé de leurs salariés, soit par inconscience coupable, soit par volonté délibérée, constitue un manquement à cette obligation de sécurité de résultat que doit avoir tout employeur normalement diligent. Il sera donc jugé que l'employeur a commis une faute inexcusable» ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la décision de la CPAM de prendre en charge la maladie du salarié à titre professionnel ne saurait établir le caractère professionnel de la maladie dans le cadre d'un litige en faute inexcusable opposant le salarié à l'employeur, lorsque la procédure d'instruction préalable à la décision de prise en charge n'a pas été menée de manière contradictoire à l'égard de l'employeur ; qu'il incombe dans cette hypothèse à la juridiction saisie de rechercher, après débat contradictoire, si la maladie a un caractère professionnel au regard des dispositions de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale ; que le juge doit alors vérifier soit que les conditions de prise en charge prévue au Tableau litigieux sont remplies, soit, dans la négative, que la maladie est «directement causée par le travail habituel de la victime» ; que le caractère professionnel d'un cancer broncho-pulmonaire ne peut être établi sur le fondement du Tableau n°30 bis qu'à condition que le salarié ait accompli pendant plus de 10 ans des travaux susceptibles de l'exposer à l'amiante figurant dans une liste limitative et ne peut donc être établi au vu de la seule exposition du salarié à l'inhalation de poussières d'amiante ; qu'au cas présent, la reconnaissance par la CPAM de la CHARENTE du caractère professionnel du cancer broncho-pulmonaire de Monsieur X... a été définitivement déclarée inopposable à la société SAINT GOBAIN EMBALLAGE, de sorte qu'il incombait à la Cour d'appel de statuer sur l'origine professionnelle de l'affection du salarié au regard de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale ; qu'en affirmant l'origine professionnelle de la maladie de Monsieur X... sans établir que les conditions de prise en charge prévues Tableau n°30 bis étaient remplies, ni caractériser un lien direct entre l'affection déclarée par Monsieur X... et son travail habituel pour le compte de la SAINT GOBAIN EMBALLAGE, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 461-1 et L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1147 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges du fond doivent, à peine de nullité, justifier leurs décisions ; qu'en affirmant que l'établissement de COGNAC aurait été inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, sans faire état du moindre élément de preuve produit aux débats, et sans répondre aux conclusions de l'exposante (p. 30) la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-15406
Date de la décision : 10/05/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 17 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 mai. 2012, pourvoi n°11-15406


Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne (premier président)
Avocat(s) : Me Blondel, Me Le Prado, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.15406
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