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10/05/2012 | FRANCE | N°11-11256

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mai 2012, 11-11256


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 juin 2010), que M. X..., engagé le 11 juillet 2000 en qualité de cuisinier par la société Les Deux Frangins, été licencié pour faute grave par lettre du 30 janvier 2008 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement justifié pour une faute grave et de le débouter en conséquence de ses demandes à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail, la lettre d

e notification du licenciement doit comporter l'énoncé du ou des motifs de ruptu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 juin 2010), que M. X..., engagé le 11 juillet 2000 en qualité de cuisinier par la société Les Deux Frangins, été licencié pour faute grave par lettre du 30 janvier 2008 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement justifié pour une faute grave et de le débouter en conséquence de ses demandes à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail, la lettre de notification du licenciement doit comporter l'énoncé du ou des motifs de rupture retenu par l'employeur ; que le défaut d'énonciation d'un motif suffisamment précis équivaut à une absence de motif qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en concluant dès lors à l'existence d'une faute grave de M. X... justifiant la rupture immédiate des relations contractuelles, quand la lettre de notification de la rupture ne faisait état d'aucun fait précis et vérifiable et qu'elle se contentait d'invoquer "le refus réitéré du salarié d'exécuter convenablement sa prestation de travail", la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article susvisé ;
2°/ que subsidiairement l'avertissement épuise le pouvoir disciplinaire de l'employeur pour les faits qu'il vise expressément ainsi que pour les faits de même nature commis antérieurement à son prononcé ; que la cour d'appel qui, constatant que la société avait, par un avertissement en date du 19 décembre 2007, reproché au salarié son insubordination, a conclu à l'existence d'une faute grave justifiant le licenciement notifié le 30 janvier 2008, en retenant qu'il aurait, le 29 décembre suivant, refusé d'emballer un dessert en cuisine quand ce manquement, à le supposer avéré, était manifestement insuffisant à justifier à lui seul la rupture immédiate des relations contractuelles, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1332-4 et L. 1333-1, L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
3°/ qu'en retenant, pour conclure au bien fondé du licenciement pour faute grave de M. X..., qu'il aurait commis une faute en refusant une modification de ses conditions de travail, quand elle avait auparavant constaté qu'à la suite de l'abandon de l'activité de restauration de l'employeur et la fermeture du restaurant auquel était affecté le salarié en tant que cuisinier, il lui avait été demandé d'exercer désormais de simples fonctions de "pizzaiolo-saucier", ce dont il résultait que ce déclassement professionnel valait nécessairement modification de son contrat de travail qu'il était en droit de refuser, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé en conséquence les dispositions des articles L. 1221-1, L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
Mais attendu d'abord que la lettre de licenciement qui reprochait au salarié un refus réitéré d'exécuter convenablement sa prestation de travail, son refus persistant voire croissant de se conformer aux ordres et directives qui pouvaient lui être donnés et son refus de respecter ses horaires contractuellement convenus ce qui perturbait le bon fonctionnement de l'entreprise, tout en faisant référence aux précédents avertissements, notamment ceux du 17 mars 2007 et des 7 et 19 décembre 2007 restés sans effet, énonçait des griefs précis et matériellement vérifiables ;
Attendu, ensuite, qu'ayant relevé qu'un nouvel acte d'insubordination avait été commis par le salarié après celui précédemment sanctionné, la cour d'appel a pu décider que le comportement du salarié rendait impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave ;
Attendu, enfin, que sous couvert du grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend en sa troisième branche qu'à remettre en cause l'appréciation des juges du fond qui ont estimé que la distinction entre activité de cuisinier et activité de restauration n'était pas étayée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile, et 37 de la loi du 10 juillet 1991 rejette les demandes de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt, infirmatif sur ce point, attaqué d'avoir dit que le licenciement pour faute grave de M. X... était justifié et de l'avoir en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement du 30 janvier 2008 est ainsi rédigée : « (...) Comme j'ai pu vous l'indiquer lors de cet entretien, 24 janvier 2008, j'ai eu à déplorer de votre part des agissements d'une particulière gravité tenant non seulement à votre refus réitéré d'exécuter convenablement votre prestation de travail mais aussi et surtout à votre refus persistant, voir croissant, de vous conformer aux ordres et directives qui pouvaient vous être données dans l'exercice de votre contrat de travail. Vous faites, en effet, tantôt totalement fi de ces dernières, tantôt vous vous placez dans une optique de conflit systématique que l'on pourrait croire de principe compte tenu, à chaque fois, de l'absence de toute justification cohérente aux dits refus. Les exemples stigmatisant ce comportement sont malheureusement nombreux, et la multitude des échanges de courriers RAR qui ont ponctué nos relations jusqu'à ce jour sont tout autant révélateurs de la logique de conflit dans laquelle vous avez manifestement décidé de vous installer malgré toutes nos tentatives d'apaisement. Notamment, par lettre RAR en date du 23 novembre 2007, je vous informais de ce que je souhaitais vous faire bénéficier d'une formation à la préparation de sauce pizzas et pâte à pizzas à la méthode « LES DEUX FRANGINS » ; qu'en effet, compte tenu de la fermeture du restaurant, vos tâches de préparation des salades composées, grillades, pâtes en sauce, omelettes, etc. ne nous occupait difficilement que 3 heures par jour. Il m'est donc apparu dans l'intérêt de l'entreprise que vous soyez davantage polyvalent dans la réalisation de votre prestation de travail. Nous ne pouvons nous permettre de consacrer la quasi-totalité de notre activité à rédiger des lettres recommandées pour communiquer avec notre salarié, lui rappeler ses horaires de travail, rétablir la vérité ou tout simplement rappeler chaque jour les instructions données pour l'accomplissement de sa prestation de travail. Votre refus réitéré d'accomplir votre prestation de travail et de respecter vos horaires contractuellement convenus perturbent le bon fonctionnement de notre entreprise (...) Mes précédents avertissements, notamment ceux du 17 mars 2007, du 7 et 19 décembre 2007 sont malheureusement restés vains et loin de vous amender vous avez manifestement décidé de persister voire d'intensifier votre attitude de mépris à l'égard des ordres et directives (....) » ; que sur le licenciement, la motivation du Conseil de prud'hommes est la suivante « la lettre de licenciement fixe les limites du litige, les motifs invoqués dans celle-ci ne sont pas suffisants pour invoquer une faute grave, et ne sont pas complètement prouvés. Mais le conseil retiendra néanmoins la cause réelle et sérieuse du licenciement dû au manquement d'obligation du salarié » ; que l'appelant conteste l'existence d'une cause réelle et sérieuse, en faisant valoir que la mise à pied conservatoire du 11 janvier 2008, visant « de nombreux manquements à ses obligations professionnelles gui préjudicient chaque jour au bon fonctionnement de notre entreprise » ne reposerait que sur « des mensonges et fruit de l'imagination de M. Y... », gérant de la société intimée ; qu'il n'a pas retrouvé trace des avertissements qui lui auraient été adressés les 17 mars, 7 et 19 décembre 2007, celui du 17 mars n'étant « qu'une enveloppe vide » ; que le fait d'arriver au travail trop tôt, avant l'heure, ne saurait caractériser une faute grave ; que le témoignage de M. Jean Christophe Z..., sur son prétendu refus d'obéissance du 29 décembre 2007 (refus d'emballer un dessert, en cuisine, ce qui a contraint Bruno Y... à accomplir cette tâche) serait contredit par le témoignage de Mohamed A..., alors que Jean Christophe Z... a été élu contre lui, aux fonctions de délégué du personnel, « avec l'aide de la direction », ce qui discréditerait son témoignage ; que toutefois, la SARL LES DEUX FRANGINS objecte justement que le témoignage de A... Mohamed est inopérant puisque son attestation est écartée des débats, pour atteinte au principe du contradictoire ; que l'appelant ne verse aux débats aucune pièce permettant de suspecter l'impartialité du témoignage de Jean-Christophe Z... ; que ce témoignage caractérise bien un acte d'insubordination commis par l'appelant ; que cet acte s'inscrit dans le droit fil de l'attitude antérieure de ce salarié, rebelle aux ordres de l'employeur, qui a refusé une modification de ses conditions de travail, rendue nécessaire par l'arrêt complet de l'activité de restauration survenu en juillet 2006, non discuté, par le recentrage de l'activité de la société sur la livraison de plat cuisinés, desserts, et sur la fabrication de pizzas ; que cette modification des conditions de travail ne nécessitait plus l'accord du salarié depuis avril 2007, date à laquelle il a cessé d'être délégué du personnel ; qu'il résulte de l'attestation de Salim B..., non combattue par l'appelant, établie le 10 janvier 2008, qu'à plusieurs reprises l'employeur a rappelé ses horaires à Noureddine X..., que celui-ci « a refusé de s'y conformer et continue de se présenter en moyenne 1 heure avant sa prise de fonction, malgré le refus de M. Y... », un tel comportement ayant pour objet de se pré-constituer une preuve dans le cadre d'une demande d'heures supplémentaires, sans demande de l'employeur en ce sens, démontrant son manquement à l'obligation de loyauté, troublant le bon fonctionnement de l'entreprise ; que le salarié a, sans motif valable, refusé la modification de ses conditions de travail, imposée par l'abandon de l'activité de restauration, malgré les lettres de l'employeur en date des 27 novembre, 7 et 19 décembre 2007, alors que la nouvelle activité demandée, à savoir, préparation de diverses sauces, aide à la préparation de pizzas, correspond bien à la qualification du salarié, embauché comme cuisinier, sa distinction entre activité de cuisinier et activité de préparation, n'étant pas étayée ; que l'acte d'insubordination du 29 décembre 2007, accompli publiquement, en présence de Mr Z... délégué du personnel, ne vient donc que confirmer la défiance et l'insubordination du salarié, volontaire et sciemment réitérées ; que le salarié a attendu le 4 mai 2007 pour contester avoir reçu les avertissements, prétendre n'avoir reçu qu'une enveloppe vide, alors que son abondante correspondance, qu'il verse aux débats, ancienne fonction de délégué du personnel, démontre qu'il sait se défendre, ce qui combat cette prétention ; que par réformation du jugement, la cour dira fondé le licenciement pour faute grave, les faits établis contre le salarié rendant impossible la poursuite des relations contractuelles, déboutera l'appelant de toutes ses demandes fondées sur le licenciement ;
ALORS, D'UNE PART, QU'aux termes de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de notification du licenciement doit comporter l'énoncé du ou des motifs de rupture retenu par l'employeur ; que le défaut d'énonciation d'un motif suffisamment précis équivaut à une absence de motif qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'en concluant dès lors à l'existence d'une faute grave de M. X... justifiant la rupture immédiate des relations contractuelles, quand la lettre de notification de la rupture ne faisait état d'aucun fait précis et vérifiable et qu'elle se contentait d'invoquer « le refus réitéré du salarié d'exécuter convenablement sa prestation de travail », la Cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article susvisé ;
ALORS, D'AUTRE PART (et subsidiairement), QUE l'avertissement épuise le pouvoir disciplinaire de l'employeur pour les faits qu'il vise expressément ainsi que pour les faits de même nature commis antérieurement à son prononcé ; que la Cour d'appel qui, constatant que la Société avait, par un avertissement en date du 19 décembre 2007, reproché au salarié son insubordination, a conclu à l'existence d'une faute grave justifiant le licenciement notifié le 30 janvier 2008, en retenant qu'il aurait, le 29 décembre suivant, refusé d'emballer un dessert en cuisine quand ce manquement, à le supposer avéré, était manifestement insuffisant à justifier à lui seul la rupture immédiate des relations contractuelles, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L.1332-4 et L.1333-1, L.1232-1 et L.1234-1 du Code du travail ;
ET ALORS, ENFIN, QU'en retenant, pour conclure au bien fondé du licenciement pour faute grave de M. X..., qu'il aurait commis une faute en refusant une modification de ses conditions de travail, quand elle avait auparavant constaté qu'à la suite de l'abandon de l'activité de restauration de l'employeur et la fermeture du restaurant auquel était affecté le salarié en tant que cuisinier, il lui avait été demandé d'exercer désormais de simples fonctions de « pizzaiolo-saucier », ce dont il résultait que ce déclassement professionnel valait nécessairement modification de son contrat de travail qu'il était en droit de refuser, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé en conséquence les dispositions des articles L.1221-1, L.1232-1 et L.1234-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-11256
Date de la décision : 10/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 08 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mai. 2012, pourvoi n°11-11256


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11256
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