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10/05/2012 | FRANCE | N°10-24878

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mai 2012, 10-24878


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 1er juin 2011) que le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société Conflans-distribution a, par une délibération du 10 septembre 2008, décidé de faire appel à un expert agréé ;
Attendu que le CHSCT fait grief à l'arrêt d'annuler sa résolution, alors, selon le moyen :
1°/ que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladi

e professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; qu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 1er juin 2011) que le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société Conflans-distribution a, par une délibération du 10 septembre 2008, décidé de faire appel à un expert agréé ;
Attendu que le CHSCT fait grief à l'arrêt d'annuler sa résolution, alors, selon le moyen :
1°/ que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; que le risque grave s'entend d'un évènement dommageable dont la survenance est incertaine ; qu'il n'est pas nécessaire que la probabilité de sa survenance soit importante, mais seulement qu'elle existe ; qu'en décidant qu'il n'y avait pas lieu à désignation d'un expert au motif que la probabilité de répétition d'un incident du même type est réduite, et après avoir constaté le caractère grave de l'incident, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 4614-12 du code du travail ;
2°/ que l'existence d'un risque grave suppose constatée la possibilité de survenance dommageable d'un événement ; qu'un incident, lorsqu'il se produit, doit, pour évaluer l'existence d'un risque que cet incident se reproduise, être analysé non seulement en lui-même, mais aussi en ce qu'il est révélateur des dysfonctionnements de l'entreprise ; que dans ses écritures, le CHSCT faisait valoir que l'employeur ne disposait pas, pour faire face à ce type d'incident, de la procédure adéquate ; qu'en ne répondant pas à ce chef pertinent des conclusions d'appel de l'exposant, qui était pourtant de nature à influer sur la solution du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que les juges sont tenus de répondre aux moyens des parties ; que dans ses conclusions, le CHSCT faisait valoir l'existence d'autres incidents entre salariés et clients, concluant que l'incident n'était pas un cas isolé et que la probabilité qu'il se reproduise existait ; qu'en décidant que cet incident ne révèle pas en l'état, et à lui seul, un risque de nature à justifier le recours à une expertise, la cour d'appel n'a pas répondu à ce chef pertinent des conclusions d'appel de l'exposant, qui était pourtant de nature à influer sur la solution du litige et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que selon les dispositions de l'article L. 4614-12-1° du code du travail, le CHSCT ne peut faire appel à un expert agréé que lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ;
Et attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que la décision de recours à l'expert, motivée selon le CHSCT par l'existence d'un climat de stress généralisé, était consécutive à un événement isolé ayant conduit à ce que les services de police procèdent dans les locaux de l'établissement à une fouille d'une caissière, événement qui à lui seul ne caractérisait pas un risque grave, la cour d'appel a fait une exacte application de ces dispositions et en a exactement déduit qu'il y avait lieu d'annuler la délibération du CHSCT ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la demande formulée par le CHSCT en paiement d'une somme de 3 000 euros :
Attendu que le CHSCT conclut à ce que les honoraires de son action devant la Cour de cassation soient mis à la charge de la société Conflans-distribution ;
Et attendu qu'aucun abus du CHSCT n'étant établi, il y a lieu de faire droit à sa demande sur le fondement de l'article L. 4614-13 du code du travail ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Conflans-distribution aux dépens ;
Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société Conflans-distribution à payer au CHSCT la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux conseils pour le comité CHSCT de la socité Conflans-distribution
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé la résolution du CHSCT relative à la désignation du cabinet d'expertise ALPHA Conseil.
AUX MOTIFS propres QUE Aux termes du 1° de l'article L 4614-12 du Code du travail, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement. La convocation de ses membres à la réunion du 10 septembre 2008 du CHSCT de la société CONF-DIST comporte dans son ordre du jour les points n° 4 et 5 ainsi rédigés :

- A travers l'affaire W., les conditions de respect et de décence envers le personnel.
- Expertise du CHSCT sur la sécurité des caissières en cas d'agression et en cas de dénonciation calomnieuse'.
La seule production relative à la désignation du cabinet ALPHA Conseil en qualité d'expert est un'projet de procès-verbal de la réunion du CHSCT du mercredi 10 septembre 2008 ". Ce document, non signé, après avoir retracé la discussion engagée entre les membres du comité sur l'analyse de l'incident du 26 juillet 2008, justifie dans les termes suivants le recours aux services d'un expert, sans lui impartir de mission :'Le CHSCT ne dispose pas d'éléments clairs sur les circonstances de cette agression, ni sur les causes profondes qui y ont conduit ; Par contre, il a identifié les difficultés que rencontrent les salariés du magasin pour réaliser leurs missions dans des conditions de sécurité satisfaisantes. Le CHSCT entend dès lors se saisir de l'ensemble de ces difficultés et ainsi préserver leur intégrité physique, mentale et leur dignité'. Contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, l'employeur ne saurait tenir pour légitime la mesure de fouille à corps décidée par les services de police dans les locaux du magasin pour s'assurer, en présence de la cliente véhémente, qui devant le tribunal correctionnel reconnaîtra ultérieurement avoir menti, que les accusations proférées à l'encontre de Mlle W... n'étaient pas fondées. Pour autant, même si le traumatisme infligé à la victime ne peut faire l'objet d'aucune contestation, cet incident ne révèle pas en l'état, et à lui seul, un risque de nature à justifier le recours à une expertise par application du texte susvisé. En effet, ainsi que l'a cette fois relevé à juste titre le premier juge, la probabilité de répétition d'un incident du même type par un client d'une aussi mauvaise foi apparaît en l'état réduit. Par ailleurs, le climat de stress généralisé dénoncé par la majorité des membres du CHSCT pour justifier la désignation d'un expert est sans rapport avec d'autres incidents du type de celui dont a été victime Mlle W... Par conséquent, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a annulé la résolution du CHSCT relative à la désignation du cabinet d'expertise ALPHA Conseil. Selon les deux premiers alinéas de l'article L 4614-13 du Code du travail, les frais d'expertise sont à la charge de l'employeur et ce dernier, lorsqu'il entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise, saisit le juge judiciaire. Il résulte de ces dispositions que, sauf abus du CHSCT, l'employeur doit supporter les frais de contestation de l'expertise, si bien qu'en cas de contestation sur le montant des honoraires de l'avocat du CHSCT, il incombe au juge saisi de se prononcer, le litige n'opposant pas l'avocat à son client, ce dont il résulte que ne sont pas applicables les dispositions des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991. En l'espèce, aucun abus n'est caractérisé à l'encontre du CHSCT et le premier juge a exactement fixé le montant des honoraires de l'avocat en première instance. En appel, compte tenu des diligences effectuées, le montant des honoraires sera fixé à 1. 000 euros, si bien que c'est cette somme qui sera allouée au CHSCT pour qu'il puisse s'acquitter de sa dette.
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QU'au soutien de sa décision de missionner un cabinet d'expertise, le CHSCT fait valoir, d'une part que l'incident a créé un climat d'insécurité généralisé chez les hôtesses de caisses, d'autre part que la responsabilité en incombe à l'employeur auquel il fait grief d'avoir culpabilisé la caissière alors qu'il aurait dû éconduire la cliente indélicate de manière certes civile mais ferme ; aux termes des dispositions de l'article L 4614-12 du code du travail, un CHSCT peut faire appel à un expert agréé – en dehors de l'hypothèse d'un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail qui n'est pas visée en l'espèce – « lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement » ; Bien que non exclusive, la référence à l'accident du travail et à la maladie professionnelle dans le texte de l'article L 4614-12 susvisé est indicative de la notion de risque grave dans l'esprit du législateur ; su la gravité d'un risque peut résulter, à défaut de son importance, de la répétition probable de l'évènement redouté, il apparait que le risque qui s'est réalisé dans l'établissement de la Société CONF-DIST le 26 juillet 2008 ne présentait aucun caractère de gravité justifiant la désignation d'un cabinet d'expertise ; provoqué, en effet, par une personne particulièrement véhémente et d'une exceptionnelle mauvaise foi sanctionné par la juridiction répressive, l'incident du 26 juillet 2008 est peu susceptible de se renouveler ; le CHSCT de la Société CONF-DIST ne fait état, à cet égard, d'aucun précédent alors que l'établissement est ouvert depuis de nombreuses années ; si, par ailleurs, il n'est pas exclu, à priori, qu'une caissière soit accusée par un client d'avoir dissimulé des espèces qu'elle n'aurait pas rendues, cette seule accusation ne saurait valoir preuve de la dissimulation alléguée et il peut, au pire, être établi qu'elle n'a pas eu lieu ; c'est ce qui a été fait, en l'espèce, par la fouille à laquelle Mademoiselle W... a consenti ; le CHSCT ne saurait, à cet égard, faire grief à la Société CONF-DIST de ne pas avoir, sans vérification, péremptoire éconduit Mademoiselle X... qui aurait pu alors lui faire grief d'avoir cru son employée sur sa seule parole sans égard pour la sienne ; de la même manière, en effet, qu'un client accusé par un employé d'un magasin d'avoir dissimulé un article dans ses vêtements n'est pas cru sur ses seules dénégations, une caissière accusée par un client d'avoir dissimulé des espèces appartenant à celui-ci ne saurait l'être davantage sur sa seule parole ; la fouille à laquelle il a été procédé en l'espèce était la seule solution permettant de départager les intéressées sans donner à l'une le sentiment que la parole de l'autre valait davantage que la sienne ; si, enfin, les circonstances dans lesquelles cette fouille a eu lieu peuvent éventuellement faire l'objet de réserves, elles ne suffisent pas à donner au risque auquel les caissières sont exposées en cas de mauvaise foi caractérisée d'un client le caractère de gravité qui lui fait intrinsèquement défaut ; c'est à tort, en conséquence, que le CHSCT de la Société CONF-DIST a cru pouvoir missionner le cabinet ALPHA CONSEIL de sorte qu'il incombe de faire droit à la demande de la Société CONF-DIST.
ALORS QUE le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; que le risque grave s'entend d'un évènement dommageable dont la survenance est incertaine ; qu'il n'est pas nécessaire que la probabilité de sa survenance soit importante, mais seulement qu'elle existe ; qu'en décidant qu'il n'y avait pas lieu à désignation d'un expert au motif que la probabilité de répétition d'un incident du même type est réduite, et après avoir constaté le caractère grave de l'incident, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L 4614-12 du Code du travail.
ALORS encore QUE l'existence d'un risque grave suppose constatée la possibilité de survenance dommageable d'un évènement ; qu'un incident, lorsqu'il se produit, doit, pour évaluer l'existence d'un risque que cet incident se reproduise, être analysé non seulement en lui-même, mais aussi en ce qu'il est révélateur des dysfonctionnements de l'entreprise ; que dans ses écritures, le CHSCT faisait valoir que l'employeur ne disposait pas, pour faire face à ce type d'incident, de la procédure adéquate ; qu'en ne répondant pas à ce chef pertinent des conclusions d'appel de l'exposant, qui était pourtant de nature à influer sur la solution du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
ALORS enfin QUE Les juges sont tenus de répondre aux moyens des parties ; que dans ses conclusions, le CHSCT faisait valoir l'existence d'autres incidents entre salariés et clients, concluant que l'incident n'était pas un cas isolé et que la probabilité qu'il se reproduise existait ; qu'en décidant que cet incident ne révèle pas en l'état, et à lui seul, un risque de nature à justifier le recours à une expertise, la cour d'appel n'a pas répondu à ce chef pertinent des conclusions d'appel de l'exposant, qui était pourtant de nature à influer sur la solution du litige et a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-24878
Date de la décision : 10/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 01 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mai. 2012, pourvoi n°10-24878


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.24878
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