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10/05/2012 | FRANCE | N°10-24106

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mai 2012, 10-24106


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III et les articles L. 321-4-1 et L. 321-9 du code du travail dans leur rédaction résultant de la loi du 19 janvier 2000 applicable en la cause ;

Attendu que le salarié dont le licenciement a été autorisé par l'inspecteur du travail peut, sans remettre en cause le bien-fondé de la décision administrative et porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, contester devant le juge judiciaire le cara

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III et les articles L. 321-4-1 et L. 321-9 du code du travail dans leur rédaction résultant de la loi du 19 janvier 2000 applicable en la cause ;

Attendu que le salarié dont le licenciement a été autorisé par l'inspecteur du travail peut, sans remettre en cause le bien-fondé de la décision administrative et porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, contester devant le juge judiciaire le caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi et, lorsque la nullité n'est pas légalement encourue en raison de cette insuffisance, laquelle prive alors le licenciement de cause réelle et sérieuse, demander des dommages-intérêts réparant le préjudice en résultant ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Le Feutre a été placée en redressement judiciaire ; que MM. X..., Y... et Z..., représentants du personnel, ont été licenciés pour motif économique le 20 janvier 2005, après autorisation de l'inspecteur du travail du 13 janvier 2005 ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts en se prévalant de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi ;

Attendu que, pour débouter MM. X..., Y... et Z... de leur demande de réparation du préjudice résultant de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi établi par le mandataire judiciaire de la société Le Feutre, la cour d'appel a énoncé que l'autorisation de licenciement accordée par l'autorité administrative, devenue définitive, fait obstacle à ce que le juge judiciaire apprécie le respect des obligations légales dont le contrôle incombe à l'inspecteur du travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le plan de sauvegarde de l'emploi ne contenait aucune mesure de reclassement au sein du groupe auquel appartenait l'employeur et que les salariés demandaient des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse résultant de l'insuffisance de ce plan, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les salariés de leur demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 30 juin 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Reims; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Dargent Tirmant Raulet et M. A..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer aux salariés la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour MM. X..., Y... et Z....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté messieurs X..., Y... et Z... de leurs demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE le mandataire judiciaire a été autorisé par décision de l'inspecteur du travail en date du 13 janvier 2005 à procéder au licenciement de messieurs X..., Y... et Z... ; que ces trois salariés protégés ont été licenciés par lettre du 20 janvier 2005 ; que le respect par l'employeur de son obligation de reclassement à l'intérieur d'un groupe à l'égard d'un salarié protégé relève du contrôle de l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique ; que lorsqu'une autorisation administrative de licenciement a été accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs apprécier la régularité de la procédure antérieure à la saisine de l'inspecteur du travail dont le contrôle porte notamment sur le respect par l'employeur des obligations que des dispositions conventionnelles mettent à sa charge préalablement au licenciement pour favoriser le reclassement ; que messieurs X..., Y... et Z... n'ont pas formé de recours contre la décision de l'inspecteur du travail qui est définitive ; qu'ils demandent à la cour de surseoir à statuer afin qu'ils puissent saisir le Tribunal administratif sur la légalité de la décision d'autorisation ; qu'ainsi dans l'hypothèse où la décision serait entachée d'illégalité, le juge judiciaire pourrait le cas échéant condamner l'employeur à verser des dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse ; que ce moyen a été développé subsidiairement au détour des conclusions et non repris dans leur dispositif et n'a pas été évoqué ni développé oralement devant la Cour avant toute défense au fond, qu'il est permis d'en déduire qu'il a purement et simplement été abandonné ; qu'en tout état de cause, il est irrecevable ; que la demande de sursis à statuer étant irrecevable, il y a lieu, au vu de l'autorisation délivrée par l'inspecteur du travail, dont par ailleurs la légalité apparente n'est pas mise en cause, d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les licenciements des exposants sans cause réelle et sérieuse ;

ET AUX MOTIFS QUE, sur les licenciements des autres salariés, en vertu des dispositions de l'article L. 321-4-1 du code du Travail (nouveau L. 1235-10) l'employeur est tenu d'établir et de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter des licenciements ou en limiter le nombre et faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité ; que le plan social doit s'apprécier au regard des moyens dont dispose l'entreprise ; que le mandataire judiciaire devait rechercher avant tout licenciement les possibilités de reclassement des salariés à l'intérieur du groupe, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'organisation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, même si certaines de ces entreprises sont situées à l'étranger dès l'instant que la législation applicable localement n'empêche pas l'emploi de salarié étranger ; que les juges sont tenus de vérifier s'il est justifié d'une recherche préalable, effective et sérieuse en vue d'un tel reclassement, sans qu'il leur incombe au préalable de constater l'existence de possibilités de reclassement au sein du groupe ; qu'en l'espèce, le compte-rendu de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 27 octobre 2004 et le plan de sauvegarde annexé ne mentionne aucune recherche de reclassement interne au sein du groupe ; que la société Romfelt, filiale roumaine du groupe ne figure pas dans le PSE ; que le mandataire judiciaire, à qui la charge de la preuve incombe ne justifie pas des démarches entreprises pour recenser les postes disponibles au sein du groupe ; qu'il n'allègue pas davantage l'avoir fait, se bornant à affirmer que l'implantation en Roumanie rendait illusoire toute possibilité de permutation des ex-salariés de la société Le Feutre, en sorte que tout reclassement interne s'avérait manifestement impossible et en présumant de l'éventuelle décision des salariés à accepter leur affectation en Roumanie ; que les premiers juges ont pu valablement en déduire que toutes les possibilités de reclassement n'ont pas été explorées et que de ce seul chef les licenciements des salariés non protégés sont dépourvus de cause réelle et sérieuse ;

1°) ALORS QUE le juge judiciaire est seul compétent pour apprécier la régularité du plan de sauvegarde de l'emploi ; que dès lors le salarié protégé, dont le licenciement a été autorisé, peut contester la validité du plan de sauvegarde de l'emploi devant la juridiction judiciaire ; qu'en refusant de rechercher si, comme le soutenaient les salariés protégés dans leurs conclusions (conclusions p. 12 § 2), la procédure mise en oeuvre à l'occasion de leur licenciement pour motif économique n'était pas irrégulière en l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi conforme aux exigences légales, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III ;

2°) ALORS QUE le salarié protégé dont le licenciement a été autorisé par l'inspecteur du travail peut contester la validité du plan de sauvegarde de l'emploi devant la juridiction judiciaire et lui demander de tirer les conséquences indemnitaires qui s'évincent de l'article L. 1235-10 du code du travail ; que ne satisfait pas à l'obligation de reclassement, le plan de sauvegarde de l'emploi qui ne contient aucune mesure de reclassement au sein du groupe auquel appartient l'employeur ; qu'en déboutant les salariés protégés de leurs demandes quand elle constatait que le plan de sauvegarde de l'emploi mis en place au sein de la société Le Feutre était irrégulier faute de prévoir des mesures de reclassement au sein du groupe auquel appartient l'entreprise (arrêt p 10 § 3), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1235-10, L. 1235-11 et L. 1233-62 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-24106
Date de la décision : 10/05/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 30 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mai. 2012, pourvoi n°10-24106


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.24106
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