LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Christopher Z..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de REIMS, en date du 17 mars 2011, qui, dans l'information suivie sur sa plainte, contre Mlle Karine Y..., du chef de dénonciation calomnieuse, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 226-10 du code pénal, 575, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu concernant la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. Z... à l'encontre de Karine Y...du chef de dénonciation calomnieuse ;
" aux motifs que la décision de classement sans suite prise par le procureur de la République n'étant pas assimilable à une sentence d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, il y a lieu de rechercher si la dénonciation faite par Karine Y...procédait de sa volonté d'y voir donner suite, puis d'apprécier la pertinence du fait dénoncé ; que sur le premier point, quand, à l'âge de 13 ans, Karine Y...a révélé les actes dont elle se disait victime, c'est à l'infirmière de son école qu'elle s'est adressée ; que cette infirmière a déclaré aux gendarmes enquêteurs que cette élève se confiait régulièrement à elle, qu'elle la rencontrait régulièrement et qu'elles avaient tissé l'une et l'autre une relation de confiance ; que Karine Y..., répondant aux questions insistantes des gendarmes qui lui demandaient si elle entendait ou non déposer plainte, a d'abord répondu qu'elle ne savait « pas trop », puis qu'elle le voulait bien mais seulement si ses parents n'y voyaient « pas d'inconvénient » ; devant le juge d'instruction, elle a spontanément déclaré « au départ, je voulais en parler pour me libérer, je ne pensais pas que ça irait aussi loin que ça » ; qu'il ressort de ces éléments que ladite Karine Y..., par ses révélations faites à l'infirmière en qui elle avait placé sa confiance, avait cherché davantage à se confier qu'elle n'avait voulu poursuivre de sa vindicte l'auteur de son offense ; qu'ainsi, il n'apparaît pas que la dénonciatrice qui ne s'était pas adressée directement et personnellement au représentant de l'autorité compétente pour connaître de l'affaire, ait eu la volonté de la lui faire parvenir ; que l'élément moral de l'infraction est trop incertain pour qu'il y ait en la cause des charges suffisantes contre Karine Y...; que sur le second point, relatif à la pertinence du fait dénoncé, il échet de relever que, contrairement à la thèse de la partie civile appelante, les incertitudes de la demoiselle Y...sur la date des faits allégués ne sont pas nécessairement révélatrices d'un mensonge de sa part mais pourraient être le simple reflet de ses hésitations quant au moment précis d'un événement remontant à l'enfance et, comme tel, difficile à fixer dans le temps ; que de même, apparaît fort péremptoire l'imputation de mensonge, faite par la partie civile, s'agissant des abus qu'aux dires de l'intimée aurait subis une certaine Justine A...de la part de Z... ; qu'en effet, les contestations formulées à cet égard par ladite A...se heurtent à ses propres déclarations qui font état, s'agissant de M. Z..., de faits qui, selon elle, « n'étaient pas très graves » et qu'elle qualifie d'« histoires de gosses » avant de révéler pourtant que ledit Z... « voulait qu'on se montre » ; il y a donc bien là le récit, sinon d'actes, à tout le moins de propos à connotation sexuelle particulièrement éclairants du comportement du jeune Z... dans la suite de cette même scène relatée dans les lignes qui suivent ; l'affirmation du demandeur selon qui Karine Y...aurait menti aux enquêteurs est fortement contrariée par les révélations du père de cette même Justine A..., lequel en la sous-cote D. 9 insérée en cote D. 4 du dossier, a révélé que quand M. Z... avait environ 10 ans, il avait appris que son fils Alexandre, venu en courant narrer l'affaire, avait dit à sa mère, dans le langage propre à son jeune âge : « maman, maman, Christopher veut mettre son zizi dans la bouche de Karine » ; ce père poursuit sa déclaration en ces termes : « quand nous nous sommes aperçus qu'il y avait quelque chose de pas normal, nous avons demandé aux enfants de descendre » ; qu'il s'agit là d'un élément essentiel, d'autant moins suspect qu'il émane d'un tiers et qu'il se rapporterait, serait-ce approximativement, à l'époque des faits dénoncés ; que M. Z... a donc bel et bien prétendu obtenir une fellation de la part de Karine Y...; que vainement le demandeur tenterait-il de faire croire que Karine Y...aurait menti à l'expert sur sa sexualité, alors qu'il résulte du rapport de ce même expert qu'elle a expressément reconnu, malgré son âge de 13 ans, qu'elle avait eu des rapports intimes consentis, le dernier en date la veille de l'expertise ; que M. Y..., père de la mineure Karine Y...a relaté devant les militaires enquêteurs que sa fille avait fait allusion aux actes en cause, sans qu'il en sût pourtant la teneur exacte, qu'il arrivait souvent à celle-ci de pleurer le soir, qu'elle disait alors que c'était la faute de M. Z..., qu'à l'école elle s'isolait, que le directeur de cet établissement s'en était fait l'écho, que les résultats scolaires de sa fille avait soudain chuté, mais que par crainte de représailles de la famille Z... qui aurait pu croire en une vengeance en raison d'un différend antérieur entre les deux familles, il n'avait pas souhaité donner une suite judiciaire à cette affaire dont il ne connaissait pas la véritable importance ; que le fait dénoncé par Karine Y...n'a donc aucune apparence de fausseté ; qu'il est au contraire pertinent ; en conséquence, tant en raison de l'absence, chez cette dernière d'une intention perfide qui l'aurait conduite à vouer aux sanctions celui qu'elle aurait faussement dénoncé, que du fait du caractère plausible de l'acte dénoncé, il ne résulte pas de l'information de charges suffisantes contre Karine Y...d'avoir commis le délit de dénonciation calomnieuse ;
" aux motifs adoptés que l'article 226-10 du code pénal incriminant et réprimant les faits de dénonciation calomnieuse énonce en son alinéa 2 une présomption de fausseté des faits s'agissant d'une décision définitive d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu déclarant soit que la réalité des faits n'est pas établie, soit que ceux-ci sont pas imputable à la personne dénoncée ; que tel n'est pas le cas en l'espèce les faits dénoncés ont abouti à une décision de classement sans suite de la part du parquet de Châlons-en-Champagne, lequel a estimé l'infraction insuffisamment caractérisée ; qu'il découle dès lors de ces éléments que la pertinence des accusations portées doit être nécessairement appréciées au regard de la bonne ou de la mauvaise foi de l'auteur de la dénonciation et de son intention de nuire ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites que Karine Y...n'est pas à l'origine directe de la procédure en ce que son action initiale s'est limitée à faire certaine confidences à l'infirmière de l'établissement où elle était scolarisée, n'ayant pas nécessairement conscience de la portée desdites confidences, ne semblant par ailleurs pas faire de différence entre un viol et une agressions sexuelle ;
" 1) alors que la dénonciation calomnieuse est constituée lorsqu'elle revêt un caractère spontané ; qu'en l'espèce, dès lors que Mlle Y...avait dénoncé à l'infirmière de son école des faits qualifiables de viol puis réitéré ses accusations devant les policiers et le juge d'instruction qui l'avaient entendu en qualité de victime, en ajoutant d'autres faits concernant une autre victime potentielle, le caractère spontané de la dénonciation était caractérisé, nonobstant la circonstance qu'elle ne se soit pas initialement adressée directement et personnellement au représentant de l'autorité compétente pour connaître de l'affaire ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 2) alors que la mauvaise foi, caractéristique de la dénonciation calomnieuse, implique la connaissance par le prévenu de la fausseté du fait dénoncé ; qu'en écartant l'existence de l'élément intentionnel, au motif inopérant que Karine Y...ne se serait pas adressée directement et personnellement au représentant de l'autorité compétente, mais sans vérifier si elle avait connaissance de la fausseté de ses déclarations au moment où elle les avait faites, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 3) alors que la dénonciation est caractérisée dès lors qu'elle concerne un fait totalement ou partiellement inexact de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires ; qu'en écartant cet élément, au seul motif du fait du caractère plausible des actes dénoncés, sans rechercher si le récit effectué par Karine Y...n'avait pas été dénaturé afin d'attribuer un caractère délictueux aux faits dénoncés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application au profit de Mme Y...de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Guérin conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;